THE MAGNETIC FIELDS - 69 LOVE SONGS (1999)

1999, année érotique ?
Magnetic Fields, c’est la chose d’un type, Stephin Merritt. Qui aidé de quelques comparses sort des albums qui, pour ceux que je connais, sont hautement recommandables. Même s’il semble acquis que « 69 love songs » restera sa référence.
Parce que c’est pas une pub mensongère. Il y a dans ces trois Cds 69 chansons pour quasi trois heures de musique, peut-être bien un record. Logiquement, pareille idée a de quoi faire frémir, pendant que clignotent des warnings auriculaires et que défilent dans l’iPod interne les souvenirs des pensums idoines de Santana, Clash, Yes, Springsteen, Jojo Harrison et quelques heureusement rares autres, on s’attend au pire.
Stephin Merritt période 69 Love Songs. Pas très glamour ...
Ben non, « 69 love songs » c’est bien. Evidemment, y’a du déchet, mais pas tant que ça … et pas au niveau des compositions, qui tiennent étrangement bien la route, le type Merritt gambadant avec aisance dans une foultitude de genres. C’est plutôt au niveau du son que ça finit par devenir répétitif, le parti-pris (délibéré, certes, mais avait-il vraiment le choix et les moyens d’être plus « ambitieux » ?) lo-fi à tous les étages montre ses limites. Et puis, Merritt, avec sa voix grave de baryton à la Johnny Cash sur quasiment que des tempos mediums, c’est pas le chanteur du siècle. Heureusement, des potes se relaient parfois au micro et une douzaine de titres sont chantées par des femmes. Dont la voix de cristal de Shirley Simms, ayant un temps gravité dans la galaxie Violent Femmes.
Parce qu’il y a chez les Magnetic Fields l’influence (non, pas de Jean-Michou Jarre, quoi que, Merritt est fan éperdu de ABBA), mais de tous ces types et groupes américains cultivant un côté roots, austère et feignasse. Toute la frange country-rock à la JJ Cale, la nonchalance enfumée du Tom Waits période piano-bar, les déclamations poétiques rêches de Leonard Cohen, la proximité de l’os chère au Velvet (et donc par extension des Violent Femmes suscités), la modernité rustique de Wilco, les mélodies campagnardes des paysans du Band … et par moments, et en tout cas bien plus souvent que la plupart des copistes « americana roots », Merritt se hisse au niveau de ses maîtres.
Magnetic Fields maintenant. Merritt, c'est le gros barbu à casquette...
Et puis, comme il doit quand même être un peu barge, il se lance dans des choses … heu, curieuses, voire inattendues et en tout cas qui détonnent dans l’atmosphère générale et ravivent du coup l’attention. On sent que le type connaît par cœur la disco de Kraftwerk, doit avoir une palanquée conséquente de disques de Lee Perry, car les Magnetic Fields ne dédaignent pas de s’aventurer dans quelques plages (réussies d’ailleurs) de pop électronique très 70’s-80’s ou quelques dubs mélodiques à rendre jaloux tous les imitateurs du genre (qui a dit UB40 ?). De toute façon, suffit de voir la litanie imposante de tous les instruments joués par Merritt pour savoir que « 69 love songs » n’est pas une œuvre monolithique. Ce qui laisse parfois la place à quelques incongruités (fatigue, private jokes ?) sonores pastichant du punk-rock, un truc afro-cubain-salsa-bidule, des imitations (hommages ?) à Tom Petty, aux Stranglers de « Feline », au Clash de « Sandinista ! », … pour conclure le troisième Cd par une valse triste à l’accordéon. Sans oublier la ballade plaintive piano-voix (la superbe « Busby Berkeley dreams ») … et plein d’autres choses encore, le tout restant quand même cohérent.
Parce qu’il y a un fil rouge dans « 69 love songs ». Chansons d’amour, certes, mais chansons d’amour tristes, désabusées, voire cyniques. En tout cas jamais de « Oh baby, I’m so in love with you » ou autres roucoulades blettes. L’impression que Merritt qui signe seul 68 titres ( ! ) et cosigne l’autre, si un jour il va voir un psy, il va se ruiner en séances.

Ben ouais, pour autant réussi que soit ce pavé, il en a quand même pas vendu des camions …