GODSPEED YOU ! BLACK EMPEROR - YANQUI U.X.O. (2002)


Du post-rock trotskiste ?

Hum … Y’a des clients pour un concept-album de trois titres et d’une heure et quart ? ‘tain, ça fout les jetons sur le papier. D’autant plus que rien n’est clair dans cette histoire.
Godspeed … est un groupe canadien à géométrie très variable. Ils sont une bonne demi-douzaine sur ce disque, certains avec des noms qui sonnent « réel », d’autres sous des sortes de pseudos énigmatiques. On sait pas très bien qui joue de quoi, ni d’ailleurs s’ils jouent tous de quelque chose. Quelques-uns font partie d’un projet parallèle, A Silver Mt. Zion, qui œuvre à quelque chose près dans le même registre… le genre de conglomérat abstrait qui te prend bien le chou avant d’avoir écouté la moindre note …
Les Godspeed You ! Black Emperor vont-ils sortir de l'ombre ?
Surtout que faut faire des efforts. « Yanqui U.X.O » est présenté comme un concept-album. Qui parle de quoi ? Ben faut deviner, c’est totalement instrumental et … il reste quelqu’un là ? Bon, faut se contenter du titre du disque (parce que ceux des morceaux, « 09-15-00 », « Rockets fall on rocket falls » et « Motherfucker = Redeemer », ils sont comme qui dirait pas très parlants de prime abord). « Yanqui », c’est de l’espagnol pour Yankee, OK, et « U.X.O. » pour unexploded ordnance, mines antipersonnel ou munitions n’ayant pas explosé. D’où ce largage de bombes sur le visuel … Au recto, une sorte d’organigramme indiquant les liens entre les plus grands groupes multinationaux et les firmes d’armement, et en farfouillant bien sur le Net, on trouve que le 15 septembre 2000 du premier titre correspond au début de la seconde Intifada palestinienne … donc pour faire simple, les zozos de Godspeed se situent politiquement entre José Bové et les Brigades Rouges, et côté musical « impliqué », ce serait Amon Düül (I ou II, arrivé à ce stade, on va pas chipoter …) ou Neu !. Le genre de prise de tête que même après un brainstorming de trois ans, les Radiohead ils y arrivent pas … 
Et la musique, alors ? En gros, du post-rock, c’est-à-dire des types qui veulent faire du prog mais qui n’y arrivent pas (pas assez de fuckin’ technique, pas assez de sens de la « progression » remplacée par « l’évolution »). On commence doucement, gentiment, parce qu’on a le temps, en gros vingt minutes ou plus (même si le premier le dernier titre sont divisées en deux « parties »), on accélère, on rajoute des instruments, on monte dans les tours, puis on replonge dans les murmures sonores … c’est pas pénible, y’a de bons passages, même si à la longue ça finit par ressembler à un film d’Ozu au ralenti question ambiance.
Sinon, rien de révolutionnaire là-dedans, de quelque point de vue qu’on appréhende la chose … des influences guère mystérieuses, remontent au fil de l’écoute des titres Tangerine Dream, Tortoise, Mogwai, Spiritualized, le Pink Floyd de « Echoes », Hawkwind, les Cure de « 17 seconds », la trilogie berlinoise de Bowie, le « Machine Gun » d’Hendrix (en plus sage, moins fou) pour « Rockets fall … » , le « Red » de King Crimson pour certains passages de « Motherfucker … ». Le tout entrecoupé de longues « préparations » plus minimalistes, bourdonnements de basse, notes économes des guitares.
Globalement intéressant, même si finalement assez peu original, le genre de machins qui semblent ravir les forcenés qui veulent à tout prix écouter « autre chose ».
Une remarque quand même, valable également pour Neil Young et quelques autres. Je comprends pas bien que ces Canadiens s’évertuent à pointer systématiquement du doigt les USA. Ils auraient aussi pas mal à faire (et à dire) chez eux, le Canada étant depuis des décennies rigoureusement aligné dans tous les domaines (économique, militaire, douanier, …) sur la politique des Etats-Unis …