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MARVIN GAYE - LET'S GET IT ON (1973)


Sex & soul ...

« Let’s get it on » est le … pff, j’en sais rien, le énième disque de Marvin Gaye, les arcanes de ses publications lorsqu’il ne s’était pas encore émancipé de la Motown, sont assez confuses. Autant s’en tenir à sa « carrière solo » (toujours chez Motown, c’est pas simple son affaire), là c’est le troisième. Après l’énorme « What’s going on », et une B.O. (« Trouble man ») oubliée et oubliable d’un film oublié du même nom.
« Let’s get it on » va marquer un nouveau virage dans la discographie de Gaye. Hormis une vague similitude des titres d’album, rien à voir avec « What’s going on », qui était un disque sinon franchement militant et revendicatif, du moins en phase avec son temps. Avec « Let’s get it on », Gaye se « désengage », redevient ce qu’il n’avait en fait jamais cessé d’être, un chanteur de charme. Tout en évoluant dans ce registre. Après le beau gosse des débuts, l’amoureux romantique (ses duos avec Tammi Terrell), le play-boy désabusé trentenaire, place avec « Let’s get it on » au séducteur forcené, au serial niqueur.
« Let’s get it on » est un disque fait pour la baise, un disque qui ne parle que de baise. D’une homogénéité qui pourrait sembler rébarbative au premier abord. Tous les titres ne sont que balancement langoureux, funk très lent, soul lascive. Des cuivres doucement jazzy, des voix, des râles, des chœurs féminins extatiques. D’un morceau à l’autre, les variations sont infimes, et la voix tout en caresses soyeuses est leur dénominateur commun le plus frappant. Marvin Gaye veut plaire, veut leur plaire …
« Let’s get it on » le morceau sortira en single avec un joli succès, suivront plus bas dans les charts « Come get to this » et « You sure love to ball ». Mais dans ce disque de titres siamois, beaucoup plus concept-album que collection de chansons, c’est l’homogénéité de son et de ton qui prévaut. « Let’s get it on » est un tout, à mon sens insécable …
« Let’s get it on », s’il n’est pas à proprement parler révolutionnaire dans la carrière de Marvin Gaye, va se révéler crucial dans sa vie. Chez Gaye peut-être plus que chez n’importe quel autre chanteur, la vie privée se retrouve mise en avant dans les disques. Il faut donc signaler que c’est lors des sessions de « Let’s get it on » qu’il va rencontrer Janis Hunter (16 ans, lui en a 33), en tomber fou amoureux (il existe une version « DeLuxe » du disque, les prises avant et après la rencontre des tourtereaux, les différences, notamment la voix de Gaye sont paraît-il édifiantes), lui faire deux gosses dans la foulée. Petite précision : Marvin Gaye est alors marié à Anna Gordy, son aînée de dix-sept ans mais aussi sœur de Berry Gordy, fondateur, patron, et donc employeur de Gaye. Les disques suivants « I want you » (pour Janis Hunter) et « Here, my dear » (le terrifiant disque noir « du divorce ») seront les prochains épisodes de la saga amoureuse de Marvin Gaye. Dont la vie, les amours, la mort (tué par son père), pourraient donner un film (innombrables tentatives, jamais abouties) laissant loin derrière tous les biopics planplan déjà faits sur des « héros » somme toute bien ordinaires du rock et genres assimilés …

Du même sur ce blog : 
How Sweet It Is To Be Loved By You
What's Going On


MARVIN GAYE - WHAT'S GOING ON (1970)


Le disque de l'émancipation ...

« What’s going on » inaugure le déclin et entérine le changement du style Motown. Déclin n’est peut-être pas le terme qui convient, parce que ce premier disque solo de Marvin Gaye ou plus encore ceux de Stevie Wonder afficheront des chiffres de vente plus que conséquents. Mais c’est toute une tradition, toute une culture de la maison de disques de Detroit qui se trouve remise en cause.
Motown, c’était l’usine à hits des sixties, axée sur le 45T. Une entreprise dirigée de main de fer par son créateur Berry Gordy. Avec une organisation quasi militaire. En haut, Berry Gordy, le Boss. A l’étage inférieur, les auteurs (Holland/Dozier/Holland, Smokey Robinson, …) et les musiciens (les Funk Brothers, fantastique groupe de studio qui joue sur tous les titres des 60’s). Viennent ensuite les stars, les figures de proue médiatiques du label (avec à leur tête Diana Ross, Gladys Knight, Little Stevie Wonder, …). Enfin, au bas de l’échelle, toute cette fourmilière d’employés attendant que le bon vouloir du maître leur confie une session de studio ou un titre à chanter. Marvin Gaye a commencé tout en bas, préparer le café, aller chercher des pizzas, ce genre de choses… De temps en temps, quand les Funk Bros étaient en tournée, il faisait des sessions à la batterie. Puis quelques chœurs sur les disques des autres. Puis on lui a refilé des morceaux que personne voulait chanter et dont il a fait des hits. Jusqu’à devenir au fil des années une des figures qui comptent dans le label. Et surtout un des rares à faire de la soul stricto senso, et à souvent chanter en duo avec Tammi Terrell. Un amour platonique unissait les deux, et elle s’effondrera dans ses bras sur scène, victime d’une tumeur foudroyante au cerveau, dont elle ne tardera pas à mourir. Marvin Gaye ne s’en remettra pas, abandonnant plus ou moins sa carrière.
Quand il veut revenir, il frappe un grand coup, entamant un bras de fer avec Berry Gordy pour pouvoir gérer seul sa carrière. Pas simple, la femme de Marvin, Anna, de dix-sept ans son aînée, est la sœur de Berry Gordy. Bonjour l’ambiance dans les repas de famille …
Marvin Gaye obtiendra gain de cause, il enregistrera ce qu’il veut, et ses disques continueront de paraître sur Motown. Lui qui jusqu’à présent était le chanteur soul, celui des bleus à l’âme et des peines de cœur, va effectuer par ses textes un virage radical. La Motown dans les sixties, c’était un peu le pays des Bisounours, les chansons « gentilles », alors que la communauté black américaine commençait à s’embraser (les émeutes de Watts, Angela Davis, Luther King, Malcolm X, James « say it loud, I’m black and I’m proud » Brown, …). Et là, coup sur coup, parce que la concurrence artistique et « politique » des autres labels la poussait au cul, Edwin Starr avec « War » et les Temptations avec « Ball of confusion » allaient remettre la Motown sur les rails de la revendication sociale … C’est dans ce contexte que paraît « What’s going on », qui sera le disque le plus résolument politique de Marvin Gaye.
Rien qu’à voir la pochette, on est frappé par ce regard hautain qui se fout de l’objectif du photographe, ce sourire un peu narquois, cette photo prise sous la pluie. A l’opposé des visuels traditionnels du genre. Sur chaque face du 33T original, tous les titres sont enchaînés, et construits autour de phrases musicales très proches. Une impression de n’avoir à faire qu’à des variations d’un même thème, impression renforcée par la voix de Marvin Gaye, qui se cantonne à un registre soyeux, léger, quasi murmuré … on est presque dans le concept album. Et puis, Marvin Gaye ne fait pas dans l’elliptique. De l’interrogation sur « l’état du monde » (« What’s going on »), de son rapport avec le mystique et la religion, (« Wholy holy », « God is love », Gaye est le fils d’un pasteur très strict qui l’assassinera le jour de ses 45 ans), de l’évocation de la guerre (« What’s happening brother », Marvin a son frère au Vietnam), de celle des ghettos noirs (« Inner City blues »), du monde que l’on laissera à nos enfants (« Save the children »), et même d’écologie, un mot très rarement utilisé à l’époque (« Mercy mercy me »). Sans oublier les poudres blanches qui sur la durée seront ses plus fidèles compagnes (« Flyin’ high »).
La musique, cette soul langoureuse et mid-tempo, soulignée par des cordes, des cuivres (mais toujours légèrement, on n’est pas chez Earth, Wind & Fire), s’orientant parfois vers des sonorités jazzy ou bluesy, va marquer son époque, orienter le son et générer les succès de toute une frange de la soul (Curtis Mayfield, Isaac Hayes, le Philly sound, …). Ce disque est un choc, tant pour l’esprit que pour l’oreille. Les hits seront là et bien là, trois titres classés en haut des charts (l’insurpassable « What’s going on », « Inner city blues », « Mercy mercy me »), l’album sera également un carton commercial, une influence durable (la réponse sarcastique de l’autre génie black du moment Sly Stone avec « There’s a riot goin’ on »), et régulièrement cité dans le Top Ten des meilleurs disques jamais publiès tous genres confondus …

Du même dans ce blog :
How Sweet It Is To Be Loved By You
Let's Get It On


SIMPLY RED - SIMPLY RED (1985)


Peloton, en joue ...

Ah que voilà une victime idéale … Mick Hucknall, le rouquemoute préféré des ménagères anglaises ménopausées. Mick Hucknall, le type aux roucoulades lacrymales à faire passer Lionel Richie pour un death metalleux. Mick Hucknall, le plus sérieux concurrent de Robbie Williams pour le nombre de groupies baisées, ça se chiffre paraît-il en milliers …
Tiens d’ailleurs, marrant le parallèle. Williams a commencé à faire partie d’un boys band assez horrible, avant de faire des disques solo parfois, j’ai bien dit parfois, écoutables et sympathiques. Mick Hucknall, c’est l’inverse. Aujourd’hui au stade ultime de la ballade pourrie, il avait pourtant assez bien commencé.
Très années 80, les Simplement Rouge
Simply Red était à ses débuts au milieu des tristes années 80 un groupe de blue-eyed soul très convenable. Enfin blue-eyed n’est pas exactement le terme qui convient, il y avait deux blacks dans le groupe. Et même si c’est Hucknall qui est sur le recto de la pochette, les autres ont droit aussi à leur portrait façon poulbot au verso. Et tous participent à l’écriture des titres originaux de l’album.
Simply Red, comme son nom ne l’indique plus aujourd’hui, a commencé dans la mouvance du Red Wedge et de tous les plus ou moins marxistes plus ou moins chantant (Billy Bragg, Paul Weller, Jimmy Sommerville, … les anti-Thatcher ratissaient tous les genres musicaux). Même si côté textes c’est pas des œuvres de Marx mises en musique, on décèle dans ce disque quelques allusions « sociales », quelques messages « engagés ».
Bon, au niveau sonore, ce disque a pris un coup de vieux. Si l’on ne trouve pas les funestes synthés analogiques 80’s sempiternellement mis en avant dans les productions d’époque, n’en restent pas moins quelques tics de la période, comme la basse slappée très en avant de « No direction » ou la rigidité de certains rythmes qui se veulent dansants (« Red box »). Disque de soul blanchie, disque hommage aussi, l’influence de quelques figures du genre étant plus que perceptible sur des titres comme  « Jericho » (Stevie Wonder), « Holding back the years » (Marvin Gaye), « Look at you now » (Earth Wind & Fire, pas une bonne idée, celle-là). Et puis, faut le reconnaître, Hucknall chante bien, proprement, fait très correctement son boulot derrière le micro.
Avec le recul, on perçoit bien la faiblesse de quelques morceaux, qui passaient mieux dans le contexte de l’époque, et on remarque que deux des titres les plus connus (« Heaven » et « Money’s … ») sont des reprises, respectivement des Talking Heads et des méconnus Valentine Bros, traduisant bien quelques lacunes au sein de cet équipage plutôt pléthorique (ils sont six dans le groupe) à assumer seul la composition. D’ailleurs, au fil des albums suivants (à succès voire gros succès), le rouquin sera de plus en plus mis en avant, devenant finalement Simply Red à lui tout seul.
« Money’s too tight » (tournerie post disco qui fait bien son âge maintenant) et « Holding back the years » (slow pour clubs chicos) cartonneront all around the world, mais le jazzy « Sad old red » ou le « Picture book » et sa lente rythmique dub sont les meilleurs titres restés dans l’ombre de ce disque. Qui reste loin de ses inspirateurs soul des années 60 et 70, mais est encore écoutable de nos jours.
Finalement, l’exécution du sieur Hucknall n’aura pas lieu pour ce disque …

OTIS REDDING - OTIS BLUE (1965)


Respect ...

Avec ce disque, les choses sont simples. Au chant, Otis Redding, le plus grand chanteur des années 60. Derrière lui, le meilleur backing band du siècle dernier (et suivants), Booker T & the MG’s. Et accessoirement, « Otis blue » est le meilleur disque d’Otis Redding.
Vous me croyez pas ? Faut que j’explique ? Bon, vite fait alors, z’avez qu’à écouter le disque … Comment, vous l’avez pas ? Shame on you !
Otis Redding, d’abord. Qui fait même pas partie du Club des 27, puisqu’il est mort à 26 ans. Et qui n’a enregistré des disques que les quatre dernières années de sa courte vie. Aussi peu de temps en activité, et une telle réputation, cherchez pas, y’a que Buddy Holly et Hendrix dans ce club-là. Otis Redding a révolutionné la façon d’aborder la soul music. En ne cherchant pas la version vocale parfaite, mais la plus viscérale. Otis, c’est pas le chant le plus pur, c’est le chant le plus expressif, usant et abusant de brusques sautes de tonalités et d’un tremolo instantanément reconnaissable. Un chanteur explosif, encore meilleur sur scène qu’en studio, où il dynamite ses classiques, ou ceux des autres.
Les MG’s. Déjà à la base un truc hors normes. Deux noirs et deux blancs à une époque où les groupes interraciaux étaient aussi rares que des lueurs d’humanité dans le regard de Bachar el-Assad. Booker T Jones à l’orgue, Al Jackson à la batterie, et les deux visages pâles Donald « Duck » Dunn à la basse et Steve Cropper à la guitare. Le groupe de studio attitré des artistes Stax-Atlantic, des forçats de la session, mais pas seulement. Entre 63 et 72, des centaines de titres sur lesquels ils jouent, une dizaine d’albums instrumentaux sous leur nom, plus les tournées derrière les fameuses revues Stax. Sur « Otis blue », ils bénéficient de l’apport  d’un inconnu qui ne le restera pas et qui commence à faire ses gammes aux claviers (Isaac Hayes) et d’une section de cuivres.
Donald Dunn, Booker T Jones, Steve Cropper, Al Jackson. : Booker T. & the MG's 
« Otis blue ». Trois énormes classiques de Redding et des sixties en général, « Respect », « Shake », « I’ve been loving you too long ». « Respect », ce sera un encore plus gros hit par Aretha Franklin trois ans plus tard. La diva chouchroutée en donnera une version plus radiophonique. Ici, c’est la version originale, écrite par Otis lui-même, plus brute de décoffrage, plus vivante aussi. « Shake », une reprise de Sam Cooke (l’idole de Redding) c’est un rhythm’n’blues syncopé et furieux. « I’ve been loving you too long », c’est la plus belle ballade soul du monde. Frissons garantis. Et les sept autres titres, c’est pas du remplissage, ils auraient fait la joie de beaucoup à l’époque, et ne comparons même pas avec les pénibles brailleries d’aujourd’hui. Une majorité de reprises (Otis ne signe ou co-signe que trois titres). Deux autres de Sam Cooke, son posthume et plus gros hit « A change is gonna come », débarrassé ici des encombrants violons qui parasitaient la version originale, et également « Wonderful world » avec un gros travail sur la batterie et les cuivres. Une reprise du « My girl » des Temptations, relativement différente de l’originale, les deux sont monumentales. Plus sujette à discussion est la version d’Otis de « Satisfaction » de … qui vous savez, ou alors putain, qu’est-ce qu’on vous a appris à l’école ? Ce titre est l’hymne définitif avec son riff très chargé en fuzz qui a ouvert la voie à tout le rock garage des 60’s. Joué « proprement » par Cropper, et avec l’adjonction d’une section de cuivres comme ici (pour l'anecdote les cuivres étaient prévus sur la version des Stones qui finalement n'en ont pas voulu), c’est radicalement différent, très orienté rhythm’n’blues. Techniquement la version d’Otis est évidemment parfaite, qu’il me soit permis de quand même préférer d’assez loin l’originale. A côté de pareille avalanche de merveilles, les titres restants ont eu du mal à se frayer un chemin vers la gloire. Ils n’en démontrent pas moins le génie vocal de Redding et la mise en place fabuleuse des MG’s. Que ce soit sur du strict blues (« Rock me baby » signée B.B. King) que feraient bien d’écouter ceux qui ne jurent que par Mayall ou Fleetwood Mac, ils verraient la différence entre les bons élèves appliqués et les maîtres (avec un solo de Steve Cropper efficace, et non pas démonstratif par exemple). Que ce soit sur le rhythm’n’blues (« Down in the valley »), ou la ballade soul (« You don’t miss your water », siamoise de « I’ve been loving you too long », c’est dire le niveau). S’il fallait à tout prix déceler dans cette demi-heure magique un maillon faible, mon choix se porterait sur l’introductif « Ole man trouble », pourtant un indéboulonnable dans la kyrielle de compilations consacrées à Otis Redding.
Putain d’avion …

DR. JOHN - IN THE RIGHT PLACE (1973)


Le sorcier ...

A l’instar de Robert Johnson, Malcolm John Rebennack, alias Dr. John, aurait-il pactisé avec quelque force maléfique ? Parce que ça a l’air tellement facile pour lui … même dans ses disques mineurs (« In the right place » n’est pas celui qui revient le plus souvent quand on cite ses meilleurs), il y a de quoi rester béat devant quelques-unes de ses trouvailles.
Dr John c’est un peu le savant fou, le type qui dans son laboratoire assemble une formule connue de lui seul, touillant sans relâche sa recette pour arriver à cette macédoine sonore unique, dont on reconnaît tous les ingrédients. On se dit que c’est bête comme chou, et on s’étonne que personne ne l’ait fait avant lui, de picorer dans un siècle de musiques populaires américaines pour y trouver les épices dont il va assaisonner ses titres.
John, John, et John en 1973. Un seul est Dr. (un indice, c'est celui qui a l'air malade)
En plus, pour ce disque, Dr John a réuni en studio rien moins que ceux qui sont souvent considérés comme ses concurrents es groove from New Orleans, les fantastiques Meters, alors au sommet de leur gloire. Et le liant de tous ces titres montre qu’entre ces musiciens ayant bien des choses en commun, il n’y a pas de compétition, mais bien une saine émulation pour tirer les morceaux vers le haut.
Même si l’ensemble fait un peu trop scolaire à mon sens, restant dans des sentiers relativement balisés, alors que Dr John ou les Meters, séparément, ont fait plus fort, plus fou, plus … enfin mieux quoi. Il serait quand même assez vain de chipoter, de chercher l’erreur de cette fine équipe, renforcée par l’omniprésence d’Allen Toussaint, multi-instrumentiste en studio et co-producteur du disque. C’est joué parfaitement, et c’est peut-être bien ça le problème …
N’empêche « Right place wrong time » qui ouvre de façon funky le disque est un classique du bon Dr., que l’on retrouve sur toutes ses compilations dignes de ce nom. Tout comme le suivant, « Same old same old », qui ravive le son de l’indépassable « Gris-gris », premier et meilleur disque de Dr. John. Deux titres de moins de trois minutes. Alors que l’on sait que tous ces types peuvent dérouler du groove beaucoup plus longtemps. Il y a un parti pris dans « In the right place » de faire dans la concision (onze titres en à peine plus de demi-heure), dans l’exercice de style. Quasiment tous les genres de musique noire en vogue dans les années 60-70 sont abordés, le rhythm’n’blues et la soul sont omniprésents, faisant la part belle à des cuivres additionnels (« Travelling mood »), à des chœurs féminins (« Peace brother peace », avec sur cette dernière des accords qui ressemblent étrangement à ceux de « Hard to handle » d’Otis Redding). Dr. John fait des efforts au niveau vocal, rendant presque compréhensible le grognement d’ours qui lui tient lieu de voix, même si quand la mélodie est difficile, il montre ses lacunes (« Just the same »).
C’est bien fait, normal y’a quand même de sacrés clients, mais ça ronronne quand même un petit peu, le « boulot » donne parfois l’impression d’être un peu bâclé (la pochade jazzy et chaloupée de « Such a night »), tout ce beau monde s’amuse bien (le très blaxploitation « Shoo fly marches on » fait très Curtis Mayfield période « Superfly »), poussant même la joke jusqu’à imiter les Stones de « Exile … » (Dr. John et les Meters ont ouvert des concerts pour eux), le titre s’appelle « Cold cold cold » et c’est assez bluffant …
Il y a tellement de talent chez ces gens, que là où beaucoup se seraient vautrés, eux réussissent à faire un disque très correct, et peut-être une des portes d’entrée les plus faciles pour l’œuvre tentaculaire de Dr. John …

Du même sur ce blog :
Gris-Gris
The Very Best Of Dr John 
Locked Down

CHESS PIECES - THE VERY BEST OF CHESS (2005)


Echec et mat ...

Quand on remonte aux origines de ce qu’on appellera plus tard d’une façon générique le rock, on cite quelques poignées d’artistes, blancs ou noirs, qui ont tout déclenché au milieu des années 50 par leurs premiers disques. Si on affine encore plus, il ne reste que trois noms à l’origine de tout : ceux de Sam Philips et des frères Chess, Leonard et Phil. Pas des chanteurs, pas des musiciens, pas des compositeurs. Juste les propriétaires de minuscules studios d’enregistrement qui créeront des labels pour sortir leurs disques.
John Lee Hooker
Pour le premier, ce sera Sun Records à Memphis (Presley, Cash, Perkins, Orbison, Lewis, …), pour les frères Chess ce sera Chess Records à Chicago. Et là la liste de leurs signatures est encore plus imposante.
Cette compilation en deux Cds et 48 titres propose un aperçu de leurs artistes à travers quelques-unes de leurs œuvres marquantes. Partie émergée de l’iceberg, tant le gens signés chez Chess se sont révélés prolixes. Les deux frangins émigrés de Pologne à la fin des années 20 vont par leurs premières signatures à partir de 1947 représenter un nom magique pour tous les bluesmen. Lesquels sont généralement issus du Mississippi (le Delta blues) et vont dès lors se lancer dans une transhumance vers l’Illinois. Un mouvement déjà entamé depuis le début du siècle, Chicago et ses établissements tenus par la mafia étant à peu près le seul endroit des States où ils pouvaient se produire. Avec les frères Chess, il y avait en plus le mirage de l’enregistrement, du fameux contrat, et de la fortune supposée qui va avec.
Howlin' Wolf
Si j’ai parlé de mirage, c’est que les frères Chess étaient tout sauf des philanthropes, mais beaucoup plus les prototypes des requins de la finance qui plus tard ont jeté leur dévolu sur le milieu musical. D’ailleurs la plupart de leurs artistes majeurs n’ont eu d’autre choix que de leur coller des avocats aux fesses pour pouvoir se défaire de contrats léonins et espérer toucher de l’argent et vivre de leur art sous d’autres cieux … Phil et Leonard Chess étaient gosso modo des escrocs, mais qui ont eu un flair assez impressionnant pour dénicher au milieu des cohortes de va-nu-pieds qui les sollicitaient les futures légendes de la musique noire. Car à l’opposé de Philips et de l’écurie Sun, les frères Chess n’ont pratiquement signé que des artistes noirs.
Chuck Berry
Les bluesmen dans un premier temps. Howlin’ Wolf d’abord à travers une licence de distribution, son premier disque étant estampillé … Sun Records (le monde musical était alors tout petit), mais Sam Philips, avec ses artistes et son public quasi exclusivement blancs, ne savait trop que faire de ce nègre à la grosse voix sépulcrale. Très vite, le catalogue s’enrichira de noms aussi importants que John Lee Hooker, Little Walter, Elmore James, Lowell Fulsom, Sonny Boy Williamson, Jimmy Whiterspoon, et, cerise sur le gateau de Muddy Waters et de son alter ego de l’ombre, l’immense Willie Dixon (peut-être le moins connu du lot, mais de fait l’homme essentiel de cette scène blues de Chicago, auteur de l’essentiel du répertoire de Waters, d’une bonne partie du répertoire de quelques autres, producteur, et chef d’orchestre des musiciens du studio Chess). Soit la plus belle brochette de métèques dont se réclameront tous ceux qui depuis 50 ans font des choses avec du rythme et du blues.
Bo Diddley
Mais c’est pas tout. Chez Chess à la fin des années 50, y’a un autre nom qui clignote, et pas qu’un peu. Celui de Chuck Berry. Le pervers pépère du rock’n’roll, celui qui a défini l’usage et le rôle de la guitare électrique dans cette drôle de musique syncopée, et auteur à lui tout seul, allez je vous le fais à la louche, de la moitié des hymnes les plus connus de ce nouveau genre. Et pas très loin du Chuck, on trouve sur l’échiquier artistique du label d’autres adeptes des rythmes chaloupés, comme Bo Diddley et dans une moindre mesure Dale Hawkins (celui de « Susie Q », titre tant de fois repris). Et certains historiens vont même jusqu’à trouver dans le catalogue Chess le premier morceau de rock’n’roll jamais gravé, le « Rocket 88 » de Jackie Breston, dans le groupe duquel on trouvait à la guitare un certain Ike Turner …

Tous ces gens ont écrit suffisamment de classiques pour remplir plusieurs Cds. Ils ont présents sur le premier disque de cette compile avec un ou deux morceaux parmi leurs plus connus. Et si les frères Chess exploitaient sans vergogne leurs artistes, ils prenaient soin de leur (plus très) petite entreprise, et sentant bien que cet engouement pour les formes de musique qu’ils produisaient ne durerait pas, se sont « diversifiés ». Tout en restant cohérents sur la « ligne » du label, ils se sont tournés vers du rhythm’n’blues canaille et festif (Clarence « Frogman » Henry), le doo-wop avec l’approche originale qu’en faisaient Harvey & The Moonglows ou les Jaynetts (« Sally go ‘round the roses », dont l’oubliée Carmel se souviendra pour son gros hit « Sally » du début des 80’s), voire le son tex-mex à base d’orgue (Dave « Baby » Cortez).

Laura Lee
La roue de l’Histoire tournant vite à cette époque-là, Chess s’en remettra dès le début des années 60 au rhythm’n’blues, toutes les figures blues du label étant soit parties sous d’autres cieux présumés plus hospitaliers, soit en net déclin artistique. Ce sont essentiellement ces nouveaux noms que l’on trouve  sur le second Cd, et il faut bien reconnaître, que sans être totalement anecdotique, il y a une sacrée baisse de régime. Les machos diront que c’est logique, le tracklisting étant majoritairement féminin … sauf que ce sont elles qui s’en sortent le mieux. Il y a de sacrées clientes chez Chess dans les 60’s : Etta James, Mitty Collier, Sugar Pie DeSanto, Fontella Bass, Koko Taylor, Laura Lee. Le label s’oriente vers ce que font toutes les maisons de disques de l’époque en matière de black music, exit le blues et place au rhythm’n’blues, à la soul (d’abord orchestrée puis plus dépouillée), et finalement vers des sonorités plus pop et vers la fin de la décennie plus funky.
Petite parenthèse. Il y deux titres sur cette compilation qui font partie de ceux cités comme étant à l’origine du rap. Le « Say man » de Bo Diddley, dont une de ses amies, Sylvia Robinson, qui avec son duo rhythm’n’blues, Mickey & Sylvia (Mickey, c'est Mickey Baker, guitariste de légende tout récemment disparu) reprendra un de ses titres, avant de devenir au tout début des années 80 la patronne de Sugarhill Gang, premier label rap del’Histoire. L’autre titre est encore plus étonnant, c’est carrémént du rap old school. Il s’appelle « Here comes the judge » et est l’œuvre en 1968  d’un comique de télévision, Dewey « Pigmeat » Markham signé par les frangins Chess.
Mais l’âge d’or de Chess est terminé, ce n’est plus le label qui régnait sans partage, et il a dans les années 60, malgré d’indéniables réussites, fort à faire avec des concurrents comme Tamla-Motown, Stax, Atlantic. Lesquels, en plus d’avoir un catalogue d’artistes beaucoup plus étoffé, ont les hits et l’argent qui va avec pour entretenir la machine. Et plutôt qu’artistique, la chute de Chess sera financière, le label sera vendu une première fois en 1972, et à la suite de rachats successifs, fait aujourd’hui partie de la major Universal. Seul le fonds de catalogue est exploité, Chess n’a plus sorti un disque sous son étiquette depuis quarante ans … 

JACKIE WILSON - Mr EXCITEMENT ! (1992)


Jackie Wilson said ...

J’ai des disques dont je ne sais pas ou je ne sais plus pourquoi je les ai achetés. Celui-là, j’ai la traçabilité totale …
Ça a commencé en 82 avec une chanson sur « Too-Rye-Ay » des Dexys Midnight Runners qui s’appelait « Jackie Wilson said », festive et entraînante, que j’écoutais souvent. Et comme y’avait pas Google, je me demandais si ce Jackie Wilson était quelqu’un de réel. J’ai tout juste réussi à atterrir sur Van Morrison qui avait écrit ce titre, et à claquer des billets de cent balles pour acheter ses disques, parce que Van the Man quand on prend ça en pleine poire sans être averti, c’est quand même quelque chose … Puis j’ai appris que Jackie Wilson, c’était un truc phénoménal, mais pas moyen de foutre la main sur un de ses disques dans ma cambrousse …
Et puis, le Jackie Wilson, il a claqué, un de ses titres avec un clip tout en pâte à modeler passait partout, et il sortait des compiles vite faites et mal foutues, tout juste assez bonnes pour se faire une idée du bonhomme. Et je me suis promis, tant les listes de disques à acquérir en priorité devenaient exponentielles, qu’une fois fortune faite, j’achèterais des trucs qui tiennent la route de lui …
Et donc, une fois fortune faite (rire grinçant), j’ai un jour craqué sur un coffret de trois Cds du Jackie Wilson. Et euh, comment dire … j’aurais peut-être dû y réfléchir à deux fois avant de faire chauffer la carte bleue … Pour des raisons communes à tous, d’abord. Un coffret qui se veut rétrospectif et exhaustif, ça laisse forcément passer des choses plus ou moins anodines. Et pour une raison particulière à Jackie Wilson, c’est que plus qu’un autre, il a fait n’importe quoi plus souvent qu’à son tour.
Pas forcément sa faute. Dans la grande tradition des artistes noirs truandés par des managers et un show-biz véreux, il peut viser le podium. A tel point que quand il sera fusillé sur scène par un AVC ou un truc de ce genre en 1975, qui le laissera pendant dix ans dans un état végétatif, sa famille n’aura pas les moyens de payer les soins, alors que sans être quelqu’un qui avait monopolisé les sommets des charts, il avait eu des hits significatifs aux States. Ses soins, c’est Elvis (et ensuite Priscilla, parce que Elvis va mourir avant Wilson) qui les payera. Et pourquoi le King, qui n’est pas vraiment considéré comme un des philanthropes du rock a raqué ? Ben, parce que le King, que certains considèrent un peu trop facilement comme le plus grand chanteur de rock de tous les temps, il avait un jour vu Jackie Wilson sur scène, et comment dire, ne s’en était jamais remis …
Jackie Wilson et un fan de Graceland, Memphis, Tennessee
Parce que techniquement parlant, Jackie Wilson, ce doit être la voix la plus impressionnante à s’être aventurée dans le monde, au sens large, du rock. A tel point qu’il a envisagé à plusieurs reprises durant sa carrière de se réorienter vers le chant lyrique ou l’opéra (figurent sur cette compile quelques titres, airs de classique revisités soul, sur lesquels la démonstration en est faite, mais ce sont loin d’être les plus intéressants). Et quand on sait qu’au début des années 60, James Brown a été poussé sur scène dans ses derniers retranchements et a vu sa suprématie menacée par un Jackie Wilson explosif, grand adepte aussi d’agenouillements, génuflexions et déchiquetant devant des fans transis sa veste trempée de sueur, il faut reconnaître, qu’en plus de la meilleure voix, Jackie Wilson, c’est aussi le meilleur gâchis de carrière jamais vu …
Une carrière entamée adolescent comme lead singer du band jazzy et doo-wop des Dominos de Billy Ward, puis une carrière solo débutée sur les chapeaux de roue avec « Reet petite » (1957), petit hit franchement orienté vers le rock’n’roll, sur lequel il rivalise, juste avec sa technique pure avec l’hystérie d’un Little Richard. Wilson gravite alors dans le sillage de Berry Gordy, co-auteur du titre, un Gordy dont Wilson s’éloignera alors que celui-ci commence à monter Motown, inaugurant par là une série de mauvais choix qui s’avèreront chroniques tout du long de sa carrière.
Wilson cherchera le hit, il en obtiendra bien un sans suite (« Lonely teardrop »), avant de se laisser trimballer, au gré de managers roublards et incompétents, vers du doo-wop lourdement orchestré, des ballades lacrymales pré-soul, du rhythm’n’blues aux orchestrations pharaoniques, tentant de se raccrocher à toutes les tendances, tous les sons à la mode, faisant des duos avec d’éphémères chartbusters ou des gloires sur le retour (Linda Hopkins, LaVern Baker, …), incendiant le temps de quelques titres avec un  orchestre de Count Basie sur la pente descendante des classiques soul (« Chain gang » mais la version de Wilson ne vaut pas l’originale de Sam Cooke), se contentant de prestations vocales irréprochables servies par un cadre musical ultra-prévisible et sans originalité.
Alors que dans le même temps (les années 60) un James Brown radicalisait à chaque disque un peu plus son propos musical, Jackie Wilson se laissait imposer un cadre sonore centriste.
Donc forcément, sur les 72 titres de cette compilation, y’a à boire et à manger, et aussi beaucoup de choses à pousser sur le côté de l’assiette. Ne surnage que la voix de Wilson, comme on n’en trouve qu’une petite poignée par siècle, capable de chanter n’importe quoi. Ce qu’il ne s’est malheureusement pas privé de faire …

RAY CHARLES - THE GENIUS OF RAY CHARLES (1959)


La leçon du Maître ...

Bon, on va pas chipoter sur la réputation de Brother Ray. Si vers l’époque où est paru ce disque, il était déjà le « Genius », et que plein de gens, et pas des moindres (James Brown, Miles Davis pour ne citer que les plus évidents et les moins modestes), acceptaient cette reconnaissance et ne la lui contestaient pas, peut-être bien était-ce parce que Charles la méritait.
L’aveugle avait une longueur d’avance sur tous les autres, pour dans le domaine de la musique noire, anticiper tous les genres qui allaient régner sur les ondes. Il avait déjà passé le jazz et le blues dans sa moulinette, codifié de façon définitive rhythm’n’blues et soul music. Et là, avec ce « Genius of Ray Charles », il s’attaque sans trop de modestie aux sons des big bands et aux crooners des années cinquante.
Douze titres se succèdent aujourd’hui sur le Cd, il y en avait six sur chaque face du vinyle original. Et chaque face avait sa couleur sonore bien précise. Même si des similitudes sont criantes. La moindre n’étant pas un  parti pris de foisonnement instrumental, genre exposition ostentatoire de signes extérieurs de richesse. Il y a derrière Charles et son piano une armée de musiciens, des bataillons de cordes, de cuivres et de choristes. De la musique version Cecil B. DeMille.
C’est là que le bât blesse quelque peu. Sur les rhythm’n’blues enlevés du début, ça peut aller, c’est le genre lui-même qui par essence est friand de cette luxuriance instrumentale. Par contre, pour les ballades lentes de la fin, oscillant entre soul et exercices de crooner, un peu moins de grandiloquence aurait me semble t-il été bienvenue. A vouloir trop bien faire, Ray Charles en fait parfois juste trop. Dans un genre somme toute pas très éloigné, Sinatra et son arrangeur Nelson Riddle savaient aller à l’essentiel, et doser beaucoup plus finement les arrangements.
Il convient quand même de rester mesuré, peu de gens (personne ?) à cette époque-là n’était capable d’entrevoir avec autant de lucidité et de talent ce qu’allait devenir la musique noire dans les années suivantes.
La première partie du disque est exceptionnelle, fait souvent penser aux big bands de Count Basie ou Duke Ellington qui se seraient aventurés « ailleurs » (d’ailleurs nombre de musiciens de ces deux orchestres interviennent sur ce disque), le seconde quand elle réussit à se départir de son côté péplum musical présente aussi de grandes et belles choses (« Tell me you’ll wait for me », et surtout « Am I blue » qui montre tout ce qu’un autre génie aveugle, Stevie Wonder, doit à Ray Charles).

Du même sur ce blog :
Ultimate Hits Collection


AL GREEN - LIVIN' FOR YOU (1973)


La fin d'une époque ...

Parce que quand paraît ce « Livin’ for you » fin 73, ça commence à sentir le sapin pour la soul music, qui après la lente transmutation à partir du blues, du rhythm’n’blues et de la pop et une apogée dans la seconde moitié des sixties, commence à passer de mode. Les figures légendaires sont mortes (Sam Cooke, Otis Redding), ne sont plus que l’ombre d’elles-mêmes (qui peut citer un 33T d’Aretha Franklin des 70’s ?), ont fait évoluer le genre, allant vers des sonorités moins rauques, moins exubérantes, plus soyeuses (Gaye, Wonder, Mayfield, Hayes, …). Les grands labels historiques du genre (Stax, Atlantic, voire Tamla Motown) ne publient plus de singles, d’albums et d’artistes soul majeurs, du côté de Philadelphie, on enrôle des armadas de violonistes pour ce qui deviendra le sous-genre soul baptisé Philly Sound, et un peu partout les grosses séquences rythmiques pré-disco pointent leur tchac-poum métronomique.
En fait, c’est dans la terre des rednecks, là où est né le rock’n’roll que la soul résiste. Plus particulièrement à Memphis, où est basé le label Hi Records de Willie Mitchell, un patron qui met la main à la pâte, puisque auteur, compositeur, arrangeur et producteur des artistes du label. La grosse affaire de Hi Records, c’est Al Green. Une voix de velours et une image de séducteur à la Marvin Gaye, et quelqu’un qui sait écrire des chansons d’amour langoureuses. Le duo Mitchell – Green, lentement mais sûrement, mettra en place une formule sonore reconnaissable. Une triplette de disques à gros succès (« Let’s stay together », « I’m still in love with you », « Call me ») apportera succès critiques et commerciaux à Al Green.
« Livin’ for you » est le disque qui paraît alors que Green est au sommet de sa popularité, qui contient deux de ses plus gros succès (le morceau-titre et « Let’s get married »), et qui constitue l’apogée artistique de Hi Records.
Tout ici n’est que luxe, calme et volupté, et ce disque acclamé au moment de sa sortie a tout compte fait plus mal vieilli que ses prédécesseurs. On n’est pas dans la guimauve, mais on s’en rapproche, on a perdu tout sens de la bestialité, de l’animalité, qui sont indispensables à toute bonne soul music. Toutes les aspérités, vocales ou instrumentales, sont gommées par des arrangements chiadés, de cuivres notamment (Mitchell est un ancien trompettiste, ceci explique sans doute cela). Le dernier titre du disque traduit bien cette évolution, il est le plus long produit par Green, et tire furieusement vers une sorte de jazz-funk qui laisse assez dubitatif. La reprise du « Unchained Melody », le classique des Righteous Brothers, est pareillement révélatrice de cette évolution, et même si Al Green en donne une bonne relecture, elle n’a rien à voir avec l’exubérance de la version originale produite par Spector …
Ce disque n’est pas mauvais, loin de là, ça reste un des meilleurs d’Al Green, mais il va marquer un tournant dans sa carrière, lui faisant quitter le registre d’une soul music seventies somme toute classique, et semblant s’orienter vers une soul beaucoup plus easy-listening. Al Green n’aura pas le temps de se poser trop de questions sur son évolution artistique, la rubrique faits divers se chargera de modifier en profondeur sa personnalité.
Quelques semaines après la parution de « Livin’ for you », sa femme tentera de l’assassiner avant de se suicider, et Al Green, choqué à jamais par cette tragédie, se tournera vers le mysticisme, la religion, deviendra pasteur. Evidemment, l’impact sur sa carrière, qu’il continuera et continue encore de nos jours, n’aura plus rien à voir avec la soul veloutée et hédoniste de ses débuts …

BOBBY WOMACK - THE BRAVEST MAN IN THE UNIVERSE (2012)


Un come-back étonnant ...

Il ne devait pas y avoir grand-monde pour espérer un disque, et surtout un bon, de Bobby Womack en 2012. Même pas lui d’ailleurs …
Bobby Womack, 68 ans au compteur. Repéré par Sam Cooke (Bobby repèrera lui Barbara, la femme de Sam Cooke qu’il épousera, scandale médiatique à l’appui, trois mois seulement après l’assassinat du grand Sam), Womack deviendra la figure de proue et principal auteur du groupe doo-wop pré-soul Les Valentinos. Dont la reprise d’un de ses titres « It’s all over now » deviendra en 1965 un des premiers gros hits des Rolling Stones, ce qui offre une promotion artistique conséquente et une notoriété certaine. Bobby Womack végètera cependant des lustres avant d’obtenir son plus gros succès, l’album « The Poet » au début des années 80, avant de sombrer à nouveau dans l’indifférence du grand public.
Les cinéphiles l’avaient peut-être entendu en 2009 dans le fabuleux « Fish tank » (c’est sa reprise, quelconque il faut bien dire, de « California dreamin’ » qui est en fond sonore à plusieurs reprises dans le film). C’est Damon Albarn, l’année suivante qui le remettra encore sous les feux de l’actualité en l’embauchant pour son groupe virtuel Gorillaz, pour le Cd « Plastic Beach » et la tournée qui s’ensuivit. C’est le même Albarn que l’on retrouve partout, à la co-écriture, aux arrangements et à la production de ce « Bravest man … ». Un disque pour lequel il faut au préalable évacuer quelques méchants préjugés, à commencer par une pochette hideuse, mais c’est pas tout. Bobby Womack, à cause de l’âge et surtout d’excès opiacés en tout genre, n’a plus la voix du chanteur des Valentinos. Sa voix aujourd’hui est étrangement aiguë, éraillée et métallique, et on la devine fortement triturée par les machines d’Albarn en studio, pour un résultat qui peut parfois rebuter (comme sur « Stupid », titre sur lequel elle me paraît vraiment trop bidouillée et pénible), mais s’accorde généralement assez bien, voire très bien, avec la musique concoctée par Albarn.
Damon Albarn & Bobby Womack
« The Bravest man … » est clairement un disque de soul music. Mais là aussi, ceux qui attendent quelque chose qui sonne comme du temps de l’âge d’or sixties du genre, une resucée du son Stax ou Atlantic, risquent fort de se gratter l’occiput. « The Bravest man … » est clairement aussi un disque de son temps, les dernières bécanes et plug-in électroniques constituent l’essentiel de la trame sonore. Et la vieille légende et le (plus tout) jeune touche-à-tout n’y vont pas avec le dos de la proverbiale cuillère, le premier titre éponyme est le plus avant-gardiste du lot, mix improbable, surprenant et pourtant réussi entre trip-hop et soul, et pourrait figurer tel quel sur un Best of de Massive Attack.
Tout n’est cependant pas férocement expérimental et étrange. Il y a des titres soul bien dans la ligne du parti (en gros mélodie de baise et voix de braise), juste maquillés par un léger fond de teint électronique (« Please forgive my heart », un titre tout au feeling), un morceau avec juste la voix et une guitare acoustique (la reprise de l’antique classique « Deep river » qui du coup sonne comme un « Redemption song » ... de Marley , et surtout pas  comme la scélérate version de Jahnnick Noah). Il y a de très excellentes choses, avec un « Sweet baby mine » qui ressort du lot, les machines envoient une pulsation cardiaque sur une chanson soul vintage et ça le fait grave, il y a des tempos qui s’accélèrent vers la fin (« If there wasn’t something there » on jurerait une chute de Gorillaz), des choses qui renvoient au balancement dansant des autres Womack (en l’occurrence Womack & Womack, soit Cecil, le frère de Bobby et Linda, sa belle-fille et belle-sœur, puisque fille de Sam Cooke et femme de Cecil, vous suivez ?), ça s’appelle « Love is gonna lift you up » …
Il y a un hommage à Gil Scott-Heron (mort l’année dernière), l’un de ceux présentés comme les antiques parrains du rap, pote de Bobby et l’on entend sa voix dans l’intro de « Stupid », titre par ailleurs peu convaincant. Il y a un duo (très bon) avec l’actrice et chanteuse malienne Fatoumata Diawara (« Nothin’ can save ya »), une sorte de court rythm’n’blues tribal qui conclut le disque (« Jubilee ») et qui si on en juge par les rires de fin de bande est plus une récréation de studio qu’un titre vraiment finalisé.
Et puis il y a ce qui sera la grosse affaire de ce disque. Le genre de truc qui peut vous mener en heavy rotation sur MTV ou vous ringardiser à jamais, un duo avec Lana Del Rey. Etant d’humeur charitable, je ne dirais pas de mal du dernier cataplasme branchouille botoxé qui ravit tous les sourds aux goûts de chiotte de la planète. Je m’en tiendrais strictement à la qualité du titre (« Dayglo reflection ») qui mélange les voix du vieux faune et de l’aphone, et je dirais que l’alchimiste Lana Del Machin tourne là à plein régime, et confirme que tout ce qu’elle chante (enfin, chanter est un bien grand mot, elle essaye d’imiter la voix tuberculeuse de la Marianne Faithfull des années 80 et suivantes) se transmute instantanément en grosse daube.
Sinon, le reste du disque est très bon, c’est un disque de soul fait en 2012 par une des dernières vaches sacrées encore en vie, et ça pourrait même plaire aux geeks puceaux (pléonasme) qui attendent impatiemment la sortie du prochain iPhone …

STEVIE WONDER - HOTTER THAN JULY (1980)


Un coup de froid ...

Les années 70 ont été la décennie prodigieuse de Stevie Wonder, culminant en 1976 avec le double 33T « Songs in the key of life », qui devrait être dans le Top 10 de quiconque ayant des oreilles et un cœur en état de marche … On ne sort pas indemne de la production de tels monuments, et Wonder attendit trois ans avant de lui donner une suite, plus ou moins un album de commande pour une bonne cause ou prétendue telle (une fondation écolo), le pas terrible (également double vinyle) « Journey throught the secret life of plants ». On l’excusa pour ce faux pas et on attendit la suite. Qui s’appelle « Hotter than July ».
Et rien qu’à voir le livret, liste interminable de musiciens de séances, on se dit que pas mal de choses ont changé. Révolu le temps de l’ermite génial révolutionnant la soul musique tout seul dans son studio avec ses machines, place au notable de la variété qui vient livrer son nouveau blockbuster. Car c’est bien de courbes de ventes qu’il s’agit avec « Hotter than July », qui sera le disque de Wonder qui se vendra le mieux (on parle de millions d’exemplaires, là, pas de succès d’estime).
Pour moi, « Hotter than July » marque le début de la fin, de cette inexplicable dérive qui verra un des artistes les plus doués et les plus originaux de sa génération, sombrer dans la mélasse artistique. Bon, il n’y a encore rien d’aussi honteux que « I just call to say I love you », mais enfin on s’en approche à grand pas. Le plus frappant est l’évolution de la voix de Stevie Wonder. Auparavant gorgée d’émotion et de feeling, ce qui l’entraînait parfois à la limite de la justesse, elle est sur ce disque très en place, trop en place, techniquement irréprochable, mais beaucoup moins chaude que par le passé récent. En cause aussi, ce revirement artistique, qui le voit passer de la création solitaire de disques à une liste de participants interminables sur tous les titres. Des musiciens compétents de studio, certes, mais sûrement pas des pointures qui auraient tiré les morceaux vers le haut. Oui, je sais, il y a Michael Jackson sur un titre (« All I do »), mais il n’était pas encore le « King of Pop », il n’est que dans les chœurs, et on ne  le distingue même pas …
Certains de ses biographes ont souligné, peut-être à juste titre, l’instabilité de sa vie privée à cette époque-là, une relation pas au beau fixe avec sa compagne Yolanda Simmons, conjuguée à la présence de son ancienne femme Syreeta Wright dans les chœurs du disque. Mais bon, Stevie Wonder a toujours eu un cœur d’artichaut, c’est pas ça qui l’avait empêché de faire de bons disques auparavant. Peut-être simplement est-il comme à peu près tous les autres, après avoir atteint les sommets, il ne pouvait qu’en redescendre.
La cassure est pour moi nette, sans que pour autant ce « Hotter than July » soit infâme. Il est bien moins bon que les précédents, c’est tout. Même s’il subsiste de belles choses comme « I ain’t gonna stand for it » disco-funk dans l’air du temps mais tout entier imprégné de la « patte » Wonder, la ballade lacrymale « Lately », encore digne, mais qui annonce toutes celles pleurnichardes à venir. Egalement au crédit de ce disque, les trois hommages, avec des résultats différents.
La meilleure vente en 45T de Stevie Wonder
Un à Tammi Terrell, la chanteuse de la Motown morte sur scène dans les bras de Marvin Gaye, et pour laquelle l’alors tout jeune Little Stevie avait écrit un titre resté par la force des choses dans les tiroirs, ce « All I do » réarrangé pour l’occasion ici, et morceau sinon crucial, du moins intéressant.
Second hommage à Bob Marley qui par son charisme avait fortement impressionné Wonder. En pleine reggaemania et Marleymania, Wonder écrit ce qui deviendra le plus gros hit du disque « Master Blaster (Jammin’) » en partie inspiré par le « Jammin’ » de Marley. La mort de Marley six mois après la sortie de « Hotter than July » affectera profondément et durablement Stevie Wonder.
Dernier hommage (et dernier titre du disque) « Happy birthday » à la mémoire de Martin Luther King et pour que soit instauré un jour férié correspondant à l’anniversaire de sa mort, ou plutôt de son assassinat. Intention hautement louable, sauf que ce morceau est une horrible scie interminable …
La poignée de titres restant sont soit mauvais (« Rocket love », « As if you read my mind », l’atroce « Catch in your face ») soit insignifiants (« Did I hear … », « Do like you »).
« Hotter than July » est le disque charnière de Stevie Wonder. Avant tout est bon, par la suite tout sera à peu près à jeter …

Du même sur ce blog : 
Talking Book
Innervisions

Dr. JOHN - LOCKED DOWN (2012)


Plutôt ouvert, le Dr.

A près de soixante dix balais, il aurait pu se contenter de sa petite réputation auprès du « grand public » et de sa grosse cote auprès des autres musicos. Le musician’s musician par excellence. Il aurait pu continuer à sortir des disques tous les deux-trois ans, qui certes ne valaient pas ceux de ses débuts à la fin des 60’s, mais qui bon an mal an, ravissaient son public clairsemé.
Ce « Locked down », rien qu’à voir la pochette, on sent qu’il s’est passé un truc. Pas au niveau de la coiffure, Dr John s’est toujours coiffé avec un poulpe. Non, non, l’indication cruciale, elle est en bas à droite, c’est le logo du label, Nonesuch. Le label des aujourd’hui très bankables Black Keys. Dont le guitariste Dan Auerbach a produit et co-écrit tous les titres de ce « Locked down ». Que les fans du duo à la mode ne se jettent pas sur ce disque, le bon docteur ne s’est pas fait phagocyter par le Black Keys sound. Dr John, c’est pas le genre à se laisser impressionner par le premier type à la coule venu. Pensez, on la fait pas à un gars qui ouvrait pour les Stones au début des seventies. Dr John fait du Dr John, avec du piano (son instrument de prédilection sous toutes ses formes) omniprésent, tout juste peut-on noter de temps en temps quelque guitare d’Auerbach qui dépasse du fouillis sonore habituel … Parce que McRebennack (son vrai nom), c’est le spécialiste de l’épais potage sonore, bien épais et consistant, d’où surnagent des bouts de blues, de jazz, de soul, de rhythm’n’blues, des fanfares cajun, du groove à la tonne, une incompréhensible voix nonchalante, … et tout ça mélangé, malaxé, trituré dans absolument tous les morceaux. Le New Orleans groove dans toute sa splendeur par un des ses meilleurs démiurges … On est ici en terrain connu.
Sauf que la confrontation-collaboration avec Auerbach a peut-être obligé Dr John à sortir de sa routine, à écouter et partager avec un autre, alors qu’il avait depuis longtemps l’habitude de n’en faire qu’à sa tête. Rarement sa voix aura été aussi claire et précise, lui qui d’habitude se contentait de marmonner et grommeler sur sa musique. Sans que pour autant on puisse le confondre avec Florent Pagny.
En fait, le seul moment de flottement à l’écoute de ce disque, c’est pendant l’intro de « Locked down », le titre. Une similitude rythmique très troublante avec … le Magma de73. Le reste est, comme d’habitude, indescriptible, humide, sale, moite, un joyeux foutoir groovy et festif. On jurerait entendre le ronronnement des antiques amplis à lampes tant on est loin du son actuel ripoliné et ultra-compressé.
De temps en temps, on perçoit une tentative de prise de pouvoir par Auerbach, quand la rythmique se rigidifie un peu (« Revolution »), ou « You lie » avec sa guitare aux riffs très Black Keys, avant que les cuivres ne viennent faire tanguer et swinguer ce boucan … Et puis, on sent que les deux ont du s’amuser, en écrivant pour recréer des choses que l’on n’avait plus l’habitude d’entendre. Une paire de titres très blackxploitation (« Gateway », « Eleggua »), qui voient passer les ombres de Richard Roundtree, Ron O’Neal, Shaft, Superfly, Curtis Mayfield et Isaac Hayes. On a droit aussi en filigrane sur quelques morceaux à des chœurs féminins traités façon hippie enjoué, des choses qui rappellent « Jesus-Christ superstar », « Hair », ce genre de comédies musicales désuètes fleurant patchouli et baba-coolisme. Marrant, parce qu’effet madeleine proustienne garanti.
Il faut attendre les deux derniers titres pour avoir les choses les plus classiques, celles dont on peut désosser le  plus facilement la mécanique. C’est très fin années 60, l’un dominé par un Rhodes, l’autre par un B3, et ça évoque furieusement ce que faisait Dylan à cette époque-là, c’est dire si c’est du très bon …
Résultat, on se retrouve, un peu con parce qu’on l’avait pas vu (re)venir, avec un bon disque de Dr John sur les bras. Qui ne vaut pas « Gris-gris » ou « Gumbo », mais n’en est pas si loin que çà …

Du même sur ce blog :
Gris-Gris
In The Right Place
The Very Best Of Dr John 

RAY CHARLES - ULTIMATE HITS COLLECTION (1999)


Génial, oui ... mais pas toujours ...

Ray Charles, c’est le Genius. Et si plein d’autres contemporains, dotés d’un talent certain et d’un ego démesuré (James Brown, Sinatra, Elvis, Miles Davis, Coltrane, …), ne lui ont pas contesté ce titre, c’est peut-être bien que Charles le méritait.
En une décennie magique (en gros de 1955 à 1965), il allait faire la synthèse de tous les genres de musique populaire existants et jeter les bases de nouveaux. Venu du gospel et du jazz, il va s’approprier le rock’n’roll naissant, le blues, la country et graver la définition du  rythm’n’blues et de la soul, laissant à chaque fois au passage quelques classiques imputrescibles.
Dresser la liste de ceux qui l’ont repris ou qu’il a directement influencés est totalement impossible tant cette liste est démesurée. Tous ceux qui se sont inspirés ou servis de la musique noire pour créer la leur lui doivent quelque chose. Et des morceaux géniaux de Ray Charles (je ne suis pas un grand connaisseur du bonhomme), il doit y en avoir de quoi remplir des coffrets de plusieurs Cds.
Le problème de ce « Ultimate Hits Collection » en deux Cds et trois douzaines de titres, c’est qu’il s’agit d’une « compile de supermarché » (c’est là que je l’ai achetée d’ailleurs il y a bien longtemps quand je voulais les versions originales  de tous ces morceaux que je connaissais repris par d’autres. Et même si c’est édité par Rhino, gage de qualité sonore, de travail sérieux et de notes de livret intéressantes). Une jolie ( ? ) photo consensuelle, un intitulé ronflant, et au final les 2/3 du second Cd qui, comment dire, … ne sont pas géniaux. Des titres des années 70 et 80 avec de grandes orchestrations, des cascades de violons, des roucoulades d’armées de choristes, des morceaux avec Willie Nelson, Chaka Khan, Quincy Jones, … eux aussi pas dans leurs meilleures périodes.
La faute aux clopes et au bourbon qui ont amoché la voix de Charles. A l’héroïne qu’il a consommé en quantités industrielles et qui, comme chez tous les autres, a fini par lui bouffer la créativité et l’inspiration. Ray Charles, comme tous les autres artistes noirs de sa génération, a été copieusement détroussé au début de sa carrière par l’ « industrie musicale ». Et parce qu’il faut payer les croquettes du chien et l’eau de la piscine, comme tous les autres, il a fini par faire de l’ « alimentaire » … même si sa soupe à lui est quand même meilleure que celle de beaucoup d’autres …
Un premier Cd fabuleux, l’autre dispensable …

Du même sur ce blog:
The Genius Of Ray Charles