Glamour centriste
J’en connais pour qui les rapports avec Roxy Music se limitent à la seule contemplation des pochettes … Aaah, Amanda Lear et sa panthère en laisse sur « For your pleasure », les deux campeuses allemandes sur « Country Life » … Donc, si on envisage ce « Siren » par l’image, on y voit une Jerry Hall (petite amie de Ferry à l’époque, il va se la faire piquer par Jagger qui va même l’épouser), allongée et alanguie sur un littoral dans une lumière très bleutée.
Certains, dont je fais partie, ont même écouté les
disques à l’intérieur des pochettes. Et même si Roxy ne fait pas partie de mes
groupes préférés, il y avait quelques trucs pas dégueus à se glisser dans les
oreilles. « For your pleasure », notamment. Qui en plus d’Amanda Lear,
présentait un Roxy dans sa formation de légende (Ferry, Manzanera, McKay, et un
Brian Eno, certes sur le départ mais qui avait participé à l’enregistrement).
Et même si Eno m’a plus souvent gonflé que passionné, il faut reconnaître que
Roxy, c’était quand même mieux quand il y était, le grand échalas dégarni et
ses bricolages sonores étant pour beaucoup dans la qualité des morceaux.
On a qualifié Roxy Music, d’après cette manie de
tout classer et tout étiqueter de groupe glam (euh, vous avez déjà vu des
photos des paysans à platform shoes de Slade ?), de groupe prog
(sérieux ? vous vous êtes enquillé du Yes de la « grande
époque » ?), de groupe aristocratique (Ferry, figure de proue de
Roxy, vient du lumpenprolétariat anglais), de groupe arty (tout ça parce que
les journalistes ne comprenaient rien à ce que racontait Eno en interview). En
fait, même si Roxy n’a pas été totalement hermétique à l’environnement sonore
de l’époque, il reste avant tout un groupe à peu près unique et original.
Qu’on n’est pas obligé d’aimer, sa quête perpétuelle
du joli ou du beau en musique, cette sophistication parfois assez froide (comme
dans un autre genre Steely Dan), ont fini par hérisser le simple amateur de
binaire. Et lentement mais sûrement, Roxy s’est perdu, préférant la forme au
fond, l’enrobage à la matière première, les heures passées en studio à lisser
et à peaufiner un son très radiophonique, favorisant (on peut comprendre, mais
pas excuser) une rente de situation à la recherche de l’originalité. Il faut dire
que les rapports à l’intérieur du groupe ont changé, Roxy est passée d’une
entité collective, à un backing-band au service de Bryan Ferry, qui
parallèlement a entamé une carrière solo. La dissolution du groupe s’approche
en filigrane, à l'époque de ce « Siren ».
Lequel Bryan Ferry est sur ce disque au
sommet de son art, il n’a jamais aussi bien chanté, c’est sa voix de velours de
crooner élégant qui est au centre des titres, même s’il a parfois tendance à
exagérer dans les aigus. Quand les compositions et les arrangements sont bons,
on a encore de grands morceaux de Roxy (l’inaugural « Love is the
drug », un des classiques du groupe, le très pop et léger « Could it
happen to me ? », le mid-tempo rock de « Both ends
burning »). A l’opposé, des choses plus convenues (la ballade « End of
the line », « Whirlwind », resucée de « Do the
strand », la conclusion épique avec ses arrangements tarabiscotés limite
pompiers « Just another high ») marquent moins les esprits.
« Siren » est pour moi un disque moyen, en parfait équilibre entre
grands titres et morceaux assez insignifiants.
Un disque pour tester les chaînes hi-fi de l’époque,
avec tout le côté sophistiqué que sous-entendait la formulation, mais aussi un
certain aspect péjoratif …
Des mêmes sur ce blog :
For Your Pleasure
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