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TOM WAITS - ASYLUM YEARS (1986)


Tom Waits première époque

Tiens, que voilà une compilation maline, comme on aimerait en trouver plus souvent.
Maline par le timing. Parue en 1986, quand Tom Waits était à son sommet artistique, elle est publiée par son premier label, Asylum (ce qui donne l’occasion d’une bonne joke pour le titre), qui l’a hébergé pendant presque dix ans sans vraiment que s’envolent les courbes de vente, et qui là, espère bien récolter quelques chalands fraîchement séduits par le nouveau pote de Keith Richards.
Maline par le contenu. Cette compilation correspond également à une période artistique bien définie et terminée de Tom Waits, celle qui lui a apporté ses premiers fans, et qui a, à grands renforts de rumeurs, anecdotes et histoires croustillantes, contribué à mettre en place la « légende » de Tom Waits, sorte de Bukowski musical, déblatérant de sa voix rauque d’ivrogne ses histoires tordues, bizarres, abracadabrantes …
Tom Waits, Bette Middler, et un Anglais de passage ...
Et ce, même s’il faut reconnaître que tout dans cette période initiale n’a pas été prodigieux. Sans même parler du très ennuyeux live « Nightwhaks at the Diner », le grand Tom n’a pas toujours su faire preuve de cette originalité baroque et déglinguée qui a fait son succès et ses meilleurs disques.
Il y a sur cet « Asylum years » des choses pénibles de piano-bar jazzy (« Diamonds on my windshield », « The ghosts of Saturday night »), des ballades piano-voix connues d’avance (« Kentucky Avenue »), des dérives assez risibles vers la musique classique avec les violons, les cordes et tout le tremblement (« Ruby’s arms »), une reprise navrante du « Somewhere » de Leonard Bernstein qui fait regretter les brushings de George Chakiris, l’ interminable mini-opéra baroque « Potter’s fields ». Les premiers disques de Tom Waits, même si je les connais pas tous, sont tout de même assez conventionnels, avec des influences jazz et musique baroque assez (trop ?) marquées. Et lorsque la musique reste dans ces chemins bien balisés, tout sonne comme si on l’avait déjà entendue mille fois …
Heureusement, le reste du disque est beaucoup plus comestible, un gros paquet de titres pas forcément transcendants mais bien vus, commençant à mettre en avant l’influence qui deviendra obsessionnelle du Captain Beefheart, mêlant habilement justesse sonore et sobriété instrumentale, et montrant par là même, une fois qu’ils auront subi concision drastique et arrangements baroques, ce que seront les chef-d’œuvre à venir des années 80. Et dans ce cadre-là, ressortent particulièrement « Looking for the heart of the Saturday night », ballade urbaine dévastée et lyrique, la toute piano « Burma Shave » qui donnera son nom à un groupe de chevelus ( !?) metal-funk, l’incantation beefheartienne « Small change », la sympathiquement bluesy et jazzy « Blue Valentines »,  l’improbable mais concerné duo « I never talk to strangers » (avec Bette Midler et qui vaudra à Waits son premier hit), et l’épique « Tom Traubert’s blues », pour moi la meilleure du disque …
Finalement, comme aucun des disques des débuts de Tom Waits ne semble se détacher du lot (moi je citerais bien « Blue Valentine », mais il ne fait pas l’unanimité des fans), cette compilation peut s’avérer le bon choix pour avoir un aperçu d’une période certes pas cruciale de son auteur, mais qui contient en germe toutes les bonnes choses à venir …

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Closing Time
Nighthawks At The Diner

CAROLE KING - TAPESTRY (1971)


Soul serenade

Carole King a commencé à sortir des disques sous son nom (ce « Tapestry » de 1971 est son second) au début des années 70. Ce n’était pas une inconnue pour autant. Avec son ancien mari Gerry Goffin, elle a écrit quelques titres marquants pour la soul des 60’s (« The Loco-motion » pour sa baby-sitter Little Eva, « Up on the roof » pour les Drifters, « You make me feel like a natural woman » pour Aretha Franklin, …).
Ce « Tapestry » est un disque de rupture … pas sentimentale (elle est remariée avec Charles Barkey, bassiste sur ce disque), mais plutôt musicale. Finies les orchestrations luxuriantes des studio Atlantic pour lesquels elle écrivait, et bienvenue à une atmosphère intimiste, rustique et campagnarde pourrait-on dire, économe en instruments mais riche en feeling et en émotion.
On navigue ainsi de la soul gentiment funky de l’introductif « I feel the Eath move », à la tristesse pop de « So far away », jusqu’au sommet du disque, ce « Way over yonder », le plus étoffé musicalement avec section de cuivres et backing vocals de Merry Clayton (la voix féminine du « Gimme shelter » des Stones). Un disque jamais répétitif ou monotone (on a droit à une excursion vers le country-rock, « Smackwater Jack ») avec comme dénominateur commun à tous les titres le piano de Carole King.  « Tapestry » atteint un niveau d’excellence que l’on ne retrouve que dans les disques similaires de gens comme Neil Young, Nick Drake, Joni Mitchell, … Avec ce disque, on a l’impression d’observer la chanteuse dans son intimité, elle nous montre un peu de son âme (et aussi sa chatte sur la photo de la pochette).
Elle donne aussi sa version de deux titres qu’elle avait écrits pour d’autres. Tout d’abord le « Will you love me tomorrow » popularisé par les Shirelles, dont elle ralentit le tempo pour en faire une belle ballade plaintive. Mais aussi le « You make me feel (like a natural woman ») d’Aretha Franklin, où elle évite parfaitement l’écueil de la comparaison avec la voix torride de la diva soul, en la jouant tout en retenue, seule au piano.
« Tapestry » a obtenu un succès colossal, s’est vendu à des millions d’exemplaires (toutes les filles des années 70 l’avaient dans leur discothèque), et revers de la médaille, a éclipsé le restant de la discographie pourtant conséquente (une vingtaine d’albums à ce jour) de Carole King.
Ah … dernière chose. Si quelqu’un me dit que c’est un disque pour midinettes, je lui balance mon sac à main en pleine poire et le griffe jusqu’au sang …


ELVIS COSTELLO & THE ATTRACTIONS - IMPERIAL BEDROOM (1982)


Impérial

« Imperial bedroom » est le meilleur disque de Costello. C’est mon avis et je le partage, quitte à choquer les spécialistes maniaques du bonhomme (il y en a).
Une pub Afflelou ? Non, Costello & The Attractions
Artistiquement, ce disque vient clore la période la plus créative de l’ancien petit employé en informatique. Un Costello qui lâche à des cadences infernales des disques qui montrent son envie d’aborder plusieurs genres musicaux. Costello est un boulimique, tant pour la consommation de musique que pour l’écriture de chansons, et quand il a un peu de temps libre (mais où le trouve t-il ?), il produit les disques des autres (le premier Specials).
Et là, avec « Imperial bedroom », jamais auparavant le revêche binoclard n’avait aligné dans une même œuvre autant de bonnes chansons. Car il s’agit ici de chansons comme seuls les Beach Boys ou les Beatles savaient en écrire dans les sixties. Et n’ayons pas peur des comparaisons, c’est à « Pet Sounds » ou « Abbey Road », que ce Cd peut être comparé.
D’ailleurs ce n’est pas un hasard si le producteur d’ « Imperial bedroom » est Geoff Emerick, ingénieur du son des studios Abbey Road et second de George Martin lors de l’enregistrement … d’ « Abbey Road » (entre autres disques des Beatles).
Les arrangements (sous influence de gens comme Burt Bacharach et d’une façon générale tous ces auteurs du Brill Building des sixties), dans lequel l’organiste Steve Nieve tient un grand rôle, traduisent une frénésie créatrice, que Costello avait parfois approchée précédemment, mais qu’il ne retrouvera plus jamais par la suite. Toutes les chansons (il n’est ici jamais question de punk, de reggae, de rock’n’roll,…) sont somptueuses, tour à tour jazzy, pop, crooner, soul, easy-listening, …, les textes toujours aussi caustiques.
Un seul (minuscule) reproche : Costello n’est pas Frank Sinatra et sa voix a parfois du mal à être à la hauteur des orchestrations grandioses présentes ici.
Et comme si l’état de grâce de cet autre Elvis avait vraiment pris fin avec cet « Imperial bedroom », les deux disques suivants (« Punch the clock » et surtout « Goodbye cruel world ») seront mauvais. La suite, cette sorte de fuite en avant dans l’écriture et les collaborations (les Pogues, McCartney, T-Bone Burnett, mais aussi Sofie Von Otter, sa centriste de femme de chanteuse jazz Diana Krall, …), verra toujours encore des disques sortir à une cadence effrénée …  Le problème, c’est que l’on n’en trouvera plus que très épisodiquement quelques uns de corrects …

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This Year's Model
Punch The Clock






ELVIS COSTELLO & THE ATTRACTIONS - PUNCH THE CLOCK (1982)


Surchargé ...

Après le phénoménal « Imperial bedroom », Costello poursuit dans la voie de la chanson (de qualité). Les compositions sont extrêmement fouillées, les mélodies très travaillées, la production (les producteurs attitrés de Madness aux commandes) luxuriante, mais à vouloir trop bien faire, on se retrouve face à des pièces montées le plus souvent lourdes et indigestes. Impression aggravée par une diction maniérée de l’Elvis, et moult renfort de cuivres, choristes … Beaucoup de choses renvoient à la variété haut de gamme de gens comme Lee Hazlewood ou Burt Baccarach que Costello vénère.
Costello et Nieve, Binoclards Pop Band ...
A contrario, quand le propos est épuré, voire minimaliste dans un tel contexte, le résultat est bien meilleur (« Shipbuilding » avec la trompette de Chet Baker, repris plus tard par Robert Wyatt, ou bien l’austère « Pills and soap »).
Le single « Everyday I write the book » bénéficiera de quelques passages radio en France, chose rare pour Costello, confirmation s’il en était besoin que « Punch the clock » n’est en fait qu’un disque de variété, un des plus « formatés » de sa carrière. C’est aussi une rupture dans la carrière de Costello, adulé par la critique jusque-là, et qui malgré des efforts pour adoucir son image de type revêche et cassant, ne bénéficiera plus bientôt que d’une indifférence polie de la part de celle-ci. Il faut dire aussi qu’après une série quasi-ininterrompue de bons ou de très bons disques, sa production sera beaucoup plus hétérogène et ne retrouvera plus la qualité de ses premières années…
Même s'il ne faut pas trop charger la mule Costello. Il sait, ô combien, écrire des chansons bien foutues, et derrière les Attractions avec le fantastique Steve Nieve, c'est pas rien comme backing-band ... Mais il est comme les autres, l'état de grâce artistique ne dure pas éternellement, et ce « Punch the clock » est en retrait par rapport à ses parutions précédentes, et ça ne s'arrangera pas avec le suivant, « Goodbye cruel world », décrit par Costello lui-même comme son pire ...

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My Aim Is True
This Year's Model
Imperial Bedroom 




HARRY NILSSON - NILSSON SCHMILSSON (1971)


L'héritier ?

En ces temps préhistoriques des années 60 ou 70, les Américains, peuplade binaire jalouse et se croyant supérieure au reste de la planète, se cherchaient leurs Beatles. Ont été cités à plus ou moins juste titre Byrds, Simon & Garfunkel, Left Banke, Crosby, Stills, Nash & Young … les jolies mélodies, les harmonies vocales, tout ça …
Et si au lieu de retenir la forme, on cherchait aussi l’esprit des quatre de Liverpool ? Et là, y’a un nom qui clignote, celui de Harry Nilsson. Et il n’a pas fallu attendre qu’il devienne le copain de biture de Lennon lors du fameux Lost Weekend pour s’en rendre compte. Nilsson, en plus d’être capable de chanter comme Lennon, savait composer des ritournelles comme McCartney.
Les deux premiers titres de ce « Nilsson Schmilsson » sont à bien des égard troublants. « Gotta get up » semble échappé des sessions du Double Blanc, et « Driving along » chanté avec une voix qui oscille entre celle de John et de Paul, avec derrière une guitare à la Harrison, c’est bien plus qu’un pastiche. Parce que Nilsson, c’est un auteur et un très grand chanteur, un type qui assume ses influences et ses goûts. Il est fan des Beatles (comme tout le monde à cette époque-là et comme n’importe qui avec des oreilles en état de marche depuis), mais en plus sait écrire des chansons qui n’ont rien à envier à celles du répertoire des Anglais. Là, logiquement, le lecteur attentif doit se dire qu’il y a quand même un petit problème, car comment se fait-ce que de ce prétendu génie-là, on n’ait point trop entendu causer, même à l’époque, et ne parlons pas de maintenant ?
Nilsson avec deux amis anglais ...
Simplement parce que Nilsson, comme tous ceux que l’on baptise un peu trop vite de génies, comme si la pop ou le rock en produisaient chaque semaine, avait son côté obscur. Nilsson regardait la vie à travers le cul des bouteilles, ce qui n’est pas la meilleure façon d’y voir clair. Tout ceci pour réfréner une timidité maladive, qui lui faisait faire des marches arrière au sprint quand on lui demandait d’avancer dans la lumière. Nilsson est un timide dépressif, répugnant à se mettre en valeur et à s’exhiber …
N’importe qui aurait surfé sur le succès d’un « Without you », ballade héroïque, et il faut l’avouer un peu pompière, mais numéro un aux States, ce qui peut sacrément ouvrir des perspectives de carrière. « Without you », un des rares titres de l’album n’étant pas de lui, mais qui lui va comme un gant, puisqu’il est emprunté à Badfinger, qui comme chacun sait ( ? ), est le groupe anglais signé par les Beatles sur leur label Apple, on reste dans la « famille ».
Toujours au rayon Beatles, et plus précisément Lennon (le préféré de Nilsson)  sur ce « Nilsson Schmilsson », on trouve « Down », cuivré mais très Plastic Ono Band, et le rock’n’roll furieux, achevé par des solos de batterie et de guitare rageuses de « Jump into the fire », qui rappellera bien quelque chose à ceux qui connaissent « I found out » du POB.
Mais Nilsson n’est pas qu’un copiste doué, on ne compte plus ceux qui, quelquefois avec succès, ont pastiché les quatre des Beatles. Il est aussi capable de pondre des choses comme « Early in the morning », titre sautillant et dépouillé soutenu par un orgue de foire, un « The Moonbean song » sur lequel de prime abord on ne miserait pas un kopeck avant d’être séduit par son lent crescendo vers une pop baroque grand cru.
Bon, il y a aussi une paire de trucs qui m’accrochent pas trop, la feignasse reprise de « Let the good times roll », et l’espèce de calypso « Coconut » qui oscille entre pénible et ridicule, ces deux titres faisant on ne sait trop pourquoi, partie de ceux qui ont eu également en leur temps une petite audience radio …
Ce disque à la pochette très « DSK sort de la douche dans sa chambre du Sofitel », sera à peu près sans équivalent en termes de succès et public et critique dans la carrière de Nilsson, qui disparaîtra à peu près de la circulation quand Lennon se fera dessouder, et qui finira par payer à moins de cinquante ans ses penchants pour la dive bouteille…
Les rééditions de ce disque sont livrées avec quelques bonus sans le moindre intérêt.


TIM BUCKLEY - TIM BUCKLEY (1966)


Coup d'essai et coup de maître ...

Tim Buckley, la fine fleur du psychédélisme
En 1966, le premier disque de Tim Buckley paraît sur le label Elektra, celui de Love et des Doors. L’influence de la pop psychédélique du Love d’Arthur Lee se retrouve un peu partout. Et si parfois ce « Tim Buckley » sonne comme les Doors (qui n’ont encore rien enregistré), c’est dû aux producteurs maisons d’Elektra, Paul Rotchild et Jac Holzman que l’on retrouvera dès l’année suivante aux manettes derrière Morrison et sa bande. Parmi les musiciens qui accompagnent Buckley, on trouve Van Dyke Parks, le génial arrangeur des Beach Boys. 

« Tim Buckley » est un disque raffiné, folk et psychédélique, bien dans l’air du temps. Mais Buckley ajoute sa touche personnelle : des musiques qui empruntent au classique, au baroque, au jazz. Et par-dessus tout cela, une des voix les plus belles et les plus pures du rock de l’époque. Parfois imitée (son fils Jeff), jamais égalée, c’est elle qui est au centre de cette œuvre majeure.

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JOHN MARTYN - SOLID AIR (1973)


Son plus connu ...

John Martyn faisait du folk. Mais pas comme tout le monde. Ou pas seulement comme tous les autres. Lui mettait en plus une partie de son âme dans chaque morceau. Et s’investissait totalement dans sa musique, dans la Musique. Aucune barrière, aucun assemblage a priori disparate ne le rebutaient.

Son folk se teintait de jazz (« Solid Air » le morceau-titre, « Don’t want to know » que n’aurait pas renié son ami Nick Drake), de relectures toutes personnelles de standards du blues (« I’d rather be the Devil »). Les sonorités celtiques « zeppeliniennes » sont aussi là (« Over the hill »).

Ajoutez à cela un jeu de guitare inventif et une voix malléable capable de passer en quelques secondes du murmure au hurlement, et vous obtenez un des meilleurs artistes anglais du début des 70’s.

Malgré la qualité de ses disques (tous des échecs commerciaux), John Martyn est un des « oubliés » de l’Histoire du rock.

Mort début 2009 dans l’indifférence quasi-générale, y compris de la plupart des médias dits « spécialisés ».







NICK DRAKE - BRYTER LAYTER (1970)


Rayon de soleil

Dans la discographie rachitique de Nick Drake (trois disques, tous indispensables, celui-ci est le second), « Bryter Layter » est le plus enjoué. Enfin, enjoué selon les critères à Nick Drake, on est quand même assez loin de la Compagnie Créole.

Par rapport à « Five leaves left », le tempo s’accélère, les instruments sont plus nombreux (la rythmique de Fairport Convention, John Cale aux claviers, le disciple number one Richard Thompson à la gratte électrique, des cuivres, des cordes, …), même si la confection sonore reste la même (Joe Boyd à la production, Robert Kirby aux miraculeux arrangements de cordes).

On ne sait trop pourquoi ce changement notable par rapport à l’épure minimale du premier disque a eu lieu (en tout cas moi j’en sais rien ; si quelqu’un a des infos, je suis preneur …), mais dès le premier titre (un court instrumental guilleret et cuivré originalement baptisé « Introduction »), le ton est donné. « Bryter Layter » sera un disque plus léger, moins oppressant que son prédécesseur. Et cette atmosphère vaporeuse, aérienne, portée par des mélodies qui du coup paraissent encore plus parfaites et la voix brumeuse de Drake va perdurer tout du long du disque, même si quelques titres (les plus sobres) rappellent évidemment « Five leaves left »…

« Bryter Layter » est pour moi le disque le plus beau et le plus immédiatement accessible de Drake, avec mentions particulières pour des titres comme « One of these things first » (mélodie fragile à la limite de la rupture soulignée par les claviers de Cale) et le magnifique « Poor boy », avec ses chœurs féminins (P.P. Arnold est dans le coup) et son sax free-jazz …

Cd "Akuma No Uta" de Boris
Cette éclaircie dans la tête et la musique de l’amoureux transi de Françoise Hardy (elle aime à raconter qu’il passait des heures assis sans bouger et sans un mot à la regarder et l’écouter dans le studio londonien où elle enregistrait) ne durera pas et son ultime « Pink moon » sera beaucoup plus sombre …

A noter que la pochette de « Bryter Layter » (Nick Drake à côté de ses pompes) a été reprise (pastichée ?) par les nippons bruyants de Boris.



RICKIE LEE JONES - PIRATES (1981)


En quête d'identité ?

Rickie Lee Jones est souvent affublée du surnom de « Tom Waits au féminin ». Et même si elle a partagé beaucoup de choses avec lui, et pas seulement son univers musical, cette comparaison est essentiellement due à son 1er album, celui de « Chuck E’s in Love ».
Et malgré elle, Rickie Lee Jones est souvent réduite à ce premier superbe disque. Et à tous les clichés qui lui sont rattachés : Los Angeles, le Tropicana Motel, l’alcool, les drogues, Tom Waits et ses amis …
« Pirates » affirme une certaine forme de rupture avec tout cela. Ambiances et morceaux plus sophistiqués, voire quelques fois ambitieux (« Traces of the Western Slopes »). Avec derrière la crème des requins de studio (Lukather de Toto, Fagen de Steely Dan, …). Moins bluesy et plus jazzy que le précédent, ce « Pirates » évoque parfois Steely Dan ou Joni Mitchell. Mélancolie et tristesse sont au cœur de ces huit titres.
Malheureusement pour Rickie Lee Jones les dés étaient déjà jetés (et pipés). Elle était la clocharde céleste de son premier disque, et avec ce changement de cap de « Pirates », ne trouvera plus qu’un succès critique et public confidentiel. Mais il a généré malgré tout quelques poignées de fans inconditionnels. Et c’est très bien ainsi.










NICK DRAKE - FIVE LEAVES LEFT (1969)


En chute libre ...

Nick Drake n’est jamais cité parmi les morts « flamboyants » de la fin des 60’s début des 70’s (Hendrix, Morrison, Joplin, B Jones,  …). Il n’a laissé que trois disques officiels, dont ce « Five laves left » de 1969 est le premier, qui ont été totalement méconnus et ignorés par ses contemporains.
Nick Drake, c’est le sens du dénuement appliqué au folk, avec des textes d’un pessimisme absolu. Une voix techniquement quelconque et limitée, des mélodies austères et glaciales, qui ne sont que l’aspect visible du désordre intérieur de son auteur. Qui après quelques séjours en hôpital psychiatrique, finira par trouver la mort à la suite de l’absorption (accidentelle ? suicide ?) d’une surdose médicamenteuse.
Ce disque est fait de petits riens. Produit par Joe Boyd (aux manettes sur le 1er Pink Floyd), mais surtout enluminé par des arrangements somptueux de cordes de John Kirby, venues en droite ligne de la musique baroque. « Way to blue », la bien nommée « Cello song », « Thoughts of  Mary Jane », « Fruit tree » offrent un écrin magique, évanescent et vaporeux sur lesquels Drake expose les tourments de son âme… Comme l’impression de voir quelqu’un en équilibre au bord d’un précipice dans lequel il finit toujours par basculer…
Ce disque, ignoré par tous lors de sa sortie, deviendra au fil du temps une œuvre culte, et Nick Drake sera cité comme une référence majeure par des gens aussi divers que ses amis Richard et Linda Thompson, John Martyn, puis plus tard par Kate Bush, REM, Paul Weller, … Et bien sûr par tous les groupes cultivant une certaine idée de la tristesse et du spleen dans l’Angleterre de la fin des 90’s (Belle & Sebastien, Tindersticks, …)
« Five leaves left » est un Cd magique à ranger pas très loin de ceux de Syd Barrett.





RUFUS WAINWRIGHT - WANT TWO (2004)


Piano Man

En voilà un qui porte un nom lui interdisant la médiocrité. Parce qu’on n’aurait pas fini de se gausser. Pensez, le fils à Loudon Wainwright III et Kate McGarrigle, neveu d’Anna McGarrigle, frère aîné de Martha Wainwright … Que des musiciens dans la famille, et des parents très cotés dans leur Canada natal.
Ce « Want two » est un disque ambitieux, résultant des séances qui avaient également produit « Want one » quelques mois plus tôt. Il faut être assez sûr de soi et de son talent pour commencer un disque par un titre incantatoire en latin (« Agnus Dei »), prière sublime qui jette un pont entre le « Hallelujah » version Jeff Buckley et le qawwali de Nusrat Fateh Ali Khan. Un titre qui d’entrée file des frissons. « The one you love » qui suit est la chanson pop parfaite, forcément sous forte influence anglaise de la chose, avec chœurs féminins séraphiques.
Après pareille entame, on se dit que l’on tient là un très grand disque. Et puis, insidieusement, on déchante. Tout le cœur du Cd repose sur des tempos traînants, avec piano omniprésent, et clins d’œil plus qu’appuyés à la musique classique ou baroque. Et un parti pris souvent agaçant de chanter dans un registre proche de celui de Jeff Buckley, la qualité d’écriture en moins. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si « Memphis Skyline » est un hommage au noyé du Mississippi … Et à la longue, cette préciosité de l’instrumentation, ces parties de piano chiadées, cette voix affectée et maniérée, finissent par lasser.
Bon, des disques plus pénibles que celui-là, on en connaît. Des tas, même. Et il faut reconnaître que Wainwright sait composer, mais pendant une demi-heure on a l’impression d’entendre toujours le même titre. Et par un curieux effet de symétrie, il faut arriver aux dernières plages pour retrouver la qualité aperçue au début. « Crumb by crumb », pop planante et psychédélique, comme une chute de « Meddle » du Floyd, le duo avec Antony (des Johnsons), sur lequel l’empilement de vibrato de l’irréelle voix de l’Anglais fait merveille, sur une structure rythmique qui n’est pas sans rappeler celles des Talking Heads période « Remain in light ». Beaucoup plus anecdotique est la courte reprise d’un titre d’Arletty chantée, une fois n’est pas coutume quand il s’agit d’anglo-saxons, dans un français très compréhensible (Rufus Wainwright est à peu près bilingue).
Il faut aussi évoquer l’homosexualité revendiquée de Wainwright, car le thème revient dans certains titres, notamment un « Gay Messiah », qui vaut plus par le caractère iconoclaste du texte que par l’accompagnement musical.
En définitive, un disque quelque peu frustrant, car on a l’impression, malgré une bonne poignée d’excellents morceaux, que Rufus Wainwright est passé à côté de la réalisation d’une œuvre majeure.