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LED ZEPPELIN - LED ZEPPELIN (1969)

Led Zep, Chapter one ...
Peut-on dire du mal du Zep ? Evidemment. Mais je laisse ça à d’autres …
Parce que, faut pas déconner, Led Zep, c’est quand même quelque chose (au moins jusqu’en 75, après ça se discute, … mais pas aujourd’hui, voir ci-dessus …). On peut ergoter jusqu’à plus soif sur le pourquoi du comment de la chose qui fit que ce groupe devint le plus grand des seventies et un des plus mythiques, voire le plus mythique de l’épopée du binaire. Matez les tréfonds du Net musical, ce qui noircit le plus les posts depuis des lustres, c’est pas le come back du Floyd, la prochaine tournée mondiale des Stones ou le retour des Smashing Pumpkins (cherchez l’erreur), c’est l’hypothétique renaissance du Zep. Qui selon toute vraisemblance n’aura jamais lieu et qui explique les scènes d’hystérie à la moindre déclaration de Plant et plus encore de Page. Qui lui voudrait bien, mais c’est le vieux blond qu’est pas chaud du tout pour réactiver tout le foutu barnum … et de toutes façons, que voulez-vous qu’ils fassent ? Un truc en studio encore plus mauvais que le « No quarter unledded » d’il y a vingt ans ? Une tournée mondiale sold out où tu casquerais trois mille euros pour voir des types de 70 balais massacrer les titres qui ont fait leur légende et un peu aussi celle du rock ? Déjà qu’à leur apogée ils étaient plutôt chiants sur scène, alors maintenant …

Parce que dès qu’il a été question du Zep, les superlatifs ont toujours été de sortie. Surenchère à tous les étages, ceux de la musique, et ceux annexes. Le Zep a toujours su faire parler de lui. Peut-être grâce à Peter Grant, manager dès le premier jour et qui a su mieux que n’importe qui grouillotant dans la périphérie d’un band pousser tous les curseurs de l’extramusical dans le rouge … Peut-être aussi surtout à cause du sieur Jimmy Page qui a construit de toutes pièces son monstre de métal fondu …
Avant le Zep, Jimmy Page n’était rien. Juste un nom pour spécialistes, un forcené des sessions d’enregistrement. T’avais besoin d’une partie de guitare acoustique, électrique, d’un simple gimmick mélodique, tu l’appelais, il se pointait en studio un quart d’heure, faisait le truc, repartait avec son chèque. Le requin de studio le plus connu du Swingin’ London, faisait n’importe quoi pour n’importe qui, des légendes en devenir (Kinks, Who, …) aux plus obscurs neuneus de la variète … Ah si, il jouait aussi dans les Yardbirds. Mais là, son nom clignotait nettement moins que celui de ses prédécesseurs, Clapton et Beck. D’ailleurs quand le caractériel au fort tarin s’est barré, les Yardbirds ont pris l’eau de toutes parts … Page aurait bien voulu être le leader, mais personne voulait le suivre. Et comme y’avait des contrats de tournée signés, fallait bien assurer … L’histoire est connue. D’abord la vieille connaissance croisée de multiples fois en studio John Paul Jones, ensuite un minot gueulant derrière son micro, qui emmène avec lui un pote batteur totalement allumé, l’intermède New Yardbirds, le nabab d’Atlantic Ahmet Ertegun qui lâche une fortune pour ce groupe qui n’a même pas de nom, une vanne de Keith Moon qui le baptise Lead Zeppelin, Page et Grant qui font sauter une voyelle, deux jours en studio pour accoucher du premier 33 T …
« Led Zeppelin », premier du nom, est par force un disque foutraque et bâclé. Coincé chronologiquement entre les deux premiers (et les seuls) du Jeff Beck Group, il souffre de la comparaison. Mais là où le moyennement ami et vrai rival Beck livre (et ceux qui l’accompagnent aussi, dont sur « Truth » un certain John Paul Jones, … world is very small), une performance de folie furieuse technique tous potards sur onze, Page va recentrer son propos. Parce que d’entrée, c’est lui et lui seul qui va tenir la barre du dirigeable. Choisir la, ou plutôt les directions musicales, et surtout la façon de retranscrire ça sur le plastoc noir. Pour moi, plus qu’un guitar hero, Page est un sorcier des studios (et les milliards de rééditions remastérisées des skeuds n’y changent rien, d’entrée Page a trouvé le son, et celui des disques du Zep est totalement hors du temps et des modes).

D’entrée, en 2’43, les bases de ce qu’on appellera par la suite le hard-rock sont posées avec « Good times, bad times », titre traversé par un solo de la mort qui tue de Page. Y’a des façons de commencer une carrière que l’on a connues plus laborieuses. Frère quasi jumeau en version ultra sauvage sur l’autre face de la rondelle, « Communication breakdown », poignarde aussi sûrement les sixties qu’un cran d’arrêt des Hells à Altamont. Led Zeppelin se pose d’emblée comme le maître incontestable de la furia électrique des années septante.
Et le reste, me direz-vous ? Des extrapolations à partir de thèmes bluesy. Cependant il convient de zapper le putain de truc hindouisant (« Black mountain side ») à la Ravi Shankar, et le très neuneu « Your time is gonna come » qui ne peut ravir que ceux qui prennent Queen au premier degré ou apprécient les grandes orgues pompières de Deep Purple ou Procol Harum. Les machins bluesy, donc. Plus de la moitié du disque. Piqués, pompés, plagiés (rayer la mention inutile, on peut toutes les garder) pour l’essentiel sur Willie Dixon ou Muddy Waters, ce qui revient un peu au même. Le classic blues de Chicago, quoi. Mais beaucoup plus que Clapton et les Bluesbreakers ou Fleetwood Mac qui commence à faire parler de lui, Led Zeppelin va bousculer le vieil idiome. Page se sert tantôt de l’approche hendrixienne de la chose (flagrant sur la wahwah de « You shook me », titre matrice de tous les Gary Moore et Stevie Ray Vaughan à venir), bouscule les douze mesures par des changements de tempos insensés (« Dazed & confused », bien mieux en studio que les interminables versions live qu’il suscitera avec sa guitare jouée à l’archet et toutes les trouvailles égotiques de Page), jamme sur des thèmes archi-rebattus (« How many more times »), s’auto-cite parce que le temps manque (« I can’t quit you » reprend des pans entiers de « You shook me »), cherche à marquer son territoire de guitariste (sur « Baby, I’m gonna leave you » il se multiplie, tantôt électrique, tantôt acoustique).

Reste qu’un groupe réduit à son seul guitariste, c’est plutôt (très) chiant (qui peut supporter une heure du Vaughan déjà cité quelque part plus haut ?). Si Page est le leader maximo du Zep, on ne peut pas réduire les trois autres au rang de faire valoir. Un peu effacés sur ce premier disque pensé conçu et produit par le seul Page, ils s’affirmeront davantage sur les suivants sans toutefois jamais contester le leadership du ténébreux gratteux. Plant pose les jalons de tous les braillards du hard (syndrome des roubignolles coincées dans la fermeture-éclair sur « Baby, I’m gonna leave you »), Jones montre par sa dextérité sur les touches d’ivoire ( le Wurlitzer ( ? ) de « You shook me ») que le groupe pourra aller visiter des territoires sonores multiples et variés innaccessibles au commun de groupes bruyants et bas du front qui pullulent depuis des décennies, Bonham démontre qu’il peut enclumer sévère mais aussi se révéler comme un des batteurs les plus subtils et singuliers qui soient.
Ce « Led Zeppelin », pour moi, c’est une déclaration d’intention, une carte de visite. Des crans en dessous de quelques-uns qui suivront, mais suffisamment intéressant pour enterrer quelques concurrents potentiels des deux côtés de l’Atlantique.

Récemment réédité avec campagnes de pub insensées dignes d’une saloperie de chez Apple, et packagings aux prix délirants (cent vingt euros pour deux vinyles et deux Cds, comme si tous les fans du Zep étaient des qataris, faut pas déconner, venez pas chialer après parce que les gens téléchargent gratos, bande de nazes …). En bonus de cette réédition, un concert entier donné en 69 à l’Olympia. Performance bête comme chou et nulle à pleurer, même pas sauvée par des extraits du « Led Zeppelin II » en gestation, titres d’au moins dix minutes, auto-complaisance à tous les étages, et un Page qui s’écoute jouer sur des solos imbéciles dont même Bonamassa ne voudrait pas …

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KING GIZZARD & THE LIZARD WIZARD - I'M IN YOUR MIND FUZZ (2014)

A fond ...
Des cramés, des vrais … Dotés du nom de groupe le plus improbable depuis … Zodiac Mindwarp &The Love Reaction au moins. Les King Gizzard sont une famille nombreuse de déjantés (sept, dont deux batteurs, just like l’Airplane, l’Allman Bros, et dans leur cas, surtout les Warlocks, deux ou trois guitaristes et un harmoniciste à plein temps).
Les King Gizzard ne font pas dans l’avant-garde. Comme une palanquée de groupe actuels, ils donnent dans le heavy psyché 60’s. Mais autant on devine chez les autres une application à faire comme si, laissant le plus souvent l’impression de fonctionnaires copistes du rock, avec les King Gizzard il se passe quelque chose. On sent qu’ils font pas semblant, sont dans le truc à fond. Il y a dans ce groupe un jusqu’auboutisme impressionnant, une force de frappe peu commune. Peut-être parce qu’ils sont Australiens, pays-continent fournisseur de rudes soudards électriques depuis des décennies.

Quand les King Gizzard accélèrent, ils enterrent tous les fils de Blue Cheer de la création et rivalisent en sauvagerie et puissance avec Mötorhead, rien que ça … Suffit d’écouter les quatre titres enchaînés du début qui donnent une suite d’une lourdeur chronique, infimes variations d’un même martèlement oppressif de guitares et de batteries de plus de dix minutes. Ou comment pousser jusqu’à la démesure un gimmick de plomb en fusion …
King Gizzard se pose clairement lors de cette intro tous potards sur onze comme l’héritier de tous ces groupes pour motards from hell, dans la droite filiation de Steppenwolf, Hawkwind ou des déjà cités Blue Cheer et Mötorhead. Défoncés jusqu’à l’os, mâchoires crispées, cuirs noirs crasseux et volume sonore maximum. Petites filles s’abstenir.
Ouais mais voilà, ils sont tellement rétamés que tout à coup ils passent à autre chose, une folkerie glam très T.Rex, un peu déviante quand même, comme si on avait passé une camisole de force à Marc Bolan (« Empty »). Et quand le Roi Gésier et ses Sauriens Magiques donnent dans la « chanson » (parce que la chansonnette de ces types sonne quand même plutôt bizarre, si vous voyez ce que je veux dire …) psyché, c’est du côté des plus cintrés qu’ils vont piocher. Comme le bouffeur de space cakes Barrett, et leur « Hot water » a des faux airs du « Pow R Toc H » sur le premier Floyd. On peut dès lors s’attendre à tout, et même au pire, parce que c’est bien connu, l’acide, ça fait aussi des trous dans le cerveau. La seconde partie du disque est plus irrégulière, plus en roue libre, avec dans une paire des titres intitulés comme « jams ». On n’est pas exactement chez Cream, les Allman ou Gov’t n Mule, on se situe plutôt du côté de l’enfonçage de clous que de celui de la longue démonstration instrumentale.
Un hommage au 3ème Velvet ? Ou la grosse fatigue ?
Le titre le plus « facile » (tout est relatif avec ces zozos), c’est le dernier « Her & I (Slow Jam II) », qui fait assez penser aux rivages abordés live par le Captain Trip Garcia du Dead. En tout cas rien à voir avec la « Slow Jam I » sorte de reggae (si, si) seulement envisageable après combustion journalière de quelques dizaines de joints, et de ce fait le titre le plus cool (au sens Peter « Legalize it »Tosh du terme) du disque.
Restent pour avoir fait un tour d’horizon complet deux titres, dont l’un leur vaudra à n’en pas douter une comparaison facile mais justifiée avec les 13th Floor Elevators du dément Roky Erickson, la sunshine pop-rock from hell de « Satan speeds up ». Quant à l’autre, pour moi le meilleur et le plus original de cette galette, « Am I in heaven » (décidément, ils voyagent beaucoup dans les limbes), il taquine la country comme le Beck des débuts. Sauf qu’ici, on dirait « Loser » repris par Sepultura (un peu de plouc music et beaucoup de boucan).
A mon avis, faut en profiter de ces King Gizzard. Et vite. Je vois pas comment, arrivés à ce stade de décomposition physique et cérébrale, ils pourraient continuer longtemps. D’autant qu’ils semblent totalement dépendre (toutes les compos, et une foultitude d’instruments) d’un certain Stu MacKenzie. Au vu de la musique qu’il compose, le gars doit être à la limite de l’auto-combustion, genre batteur de Spinal Tap.

Disque du grand n’importe quoi essentiel de l’hiver…



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Paper Mache Dream Balloon



PARQUET COURTS - SUNBATHING ANIMAL (2014)

Un peu Courts ?
Parquet Courts ? Des génies … Et pour une fois tout le monde est d’accord, des vieux « classiques » (Rock & Machin) aux branchouilles toujours à l’affût du dernier cataplasme tendance (les soi-disant Inrockuptibles, le mag-site web qui s’auto-buzze Pitchfork). Tout le monde ? Non. Du fond de son village gaulois, Lester Gangbangs, qui en a vu et surtout entendu d’autres, compte bien mettre ses milliers de lecteurs en garde. Méfiance, braves gens, rien de neuf et encore moins d’original dans cette rondelle.
Vous avais-je dit qu'ils étaient de Brooklyn?
Parquet Courts, c’est une bande de jeunots autoproclamés punk ou post-punk, ou garage-punk, enfin tout ce que vous voulez du moment qu’il y a punk dans la dénomination. Les Parquet Courts viennent de Brooklyn, l’endroit in, arty, branché de la planète rock, qui malheureusement pour des Yeah Yeah Yeahs ou Liars passables, a livré depuis une dizaine d’années beaucoup de machins plus ou moins dispensables (TV On The Radio, Animal Collective, LCD Soundsystem, Yeasayer, MGMT, Rapture et !!!, ces deux derniers bien que venant d’ailleurs s’y étant installés).
Les Parquet Courts sont pas vraiment des finauds, bon, quand on se réclame punk-quelque-chose, c’est bien le moins, mais quand même. Faut les entendre se pointer avec leurs Doc Martens à semelles en plomb, leurs références tellement évidentes qu’elles en deviennent gênantes (manqueraient-ils d’imagination, parce qu’une fois sorti de limites plagiats, reste plus grand-chose). On les trouve originaux par rapport aux autres suscités. Certes, alors que la plupart de cette scène de Brooklyn citait comme un mantra les rythmes saccadés de Gang of Four (Anglais, post-punks, ayant vendu des nèfles), les Parquet Courts concentrent leur tir sur des choses empruntées à des groupes uniquement new-yorkais, le Velvet, Television et Sonic Youth … sans en avoir le talent… Apparemment, plein de gens ( ? ) se contentent de ce son pavlovien, mettant de côté le manque de consistance évident de ce « Sunbathing animal ».
C’est finalement quand ils semblent se lâcher, ne pas vouloir (ré)citer à tout prix que les Parquet Courts sont à mon sens les meilleurs. Même si ça vole pas à un niveau stratosphérique (« Duckin’ & dodgin », simpliste, crétin, répétitif, mais efficace ; l’intéressante, une fois n’est pas coutume, et assez longue tournerie post-punk « She’s rollin’ », voire « What color is blood », pour une fois pastiche réussi de la famille Velvet).
Les Parquet Courts, ou l'art d'avoir la bière triste ...
Par contre rayon débit, l’addition pourrait être salée. Par charité, on ne retiendra que la voix pénible du chanteur (oui, oui, au moins autant que celle du type de TV On The Radio), parce que n’est pas le muezzin psychotique Lydon qui veut, pour situer le registre … et notez que c’est pas mieux quand il se prend pour Byrne des Talking Heads (« Black & white »). Les compos, c’est aux deux-tiers sans trop d’intérêt. Paraît que sur scène c’est bien, mais enfin, comment dire, je demande pas à voir et à entendre.
En fait sur ce « Sunbathing animal », y’a qu’un truc qui m’intrigue. Les trois premiers titres s’énoncent « Bodies », « Black & white » et « Dear Ramona ». Hasard ? « Bodies », c’est aussi un titre des Pistols, « Black & white », un disque des Stranglers (ou un titre de Michou Jackson), et « Dear Ramona », ça rappelle quand même les Ramones, qui n’étaient pas de Brooklyn, mais pas loin (le Queens), à moins que ce soit pour le « I heard Ramona sing » de Frank Black …

Voilà à quoi on est réduit, avec ce second disque des Parquet Courts (le premier, je l’ai aussi avec sa pochette country – cow-boy - « Happy trails », mais je me rappelle même pas à quoi il ressemble, tellement ça m’avait marqué), on s’invente des Trivial Pursuit version rock … Mais qui joue encore au Trivial Pursuit ? Et qui écoutera encore les Parquet Machin dans trois ans ?

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BLACK LIPS - UNDERNEATH THE RAINBOW (2014)

De toutes les couleurs ...
« Underneath the rainbow » dure trente quatre minutes. Et quand le skeud est terminé, tout être normalement constitué doit se poser une question, un peu saugrenue mais inévitable : les Black Lips sont-ils là, aujourd’hui, en ce printemps ripou de 2014, le meilleur groupe du monde ?
J’en vois déjà qui manquent de s’étouffer, ‘tain le Lester depuis le temps qu’on l’avait pas vu, qu’on se demandait s’il avait péri en mer, avait été pris en otage par des muslims vendeurs de pavot, ou pire, nommé ministre par Manu militari Valls, voilà t-il pas qu’il nous assène des énormités à propos d’un groupe qui a même pas fait la une des Inrocks. D’autant que si on s’en va googleliser « Black Lips », on va trouver des montagnes de pages où plein de gens qui s’affichent musicalement incontestables vont vous raconter que ce « Underneath … » c’est quasi de la daube … Les écoutez pas ces pantins, c’est moi qui ai raison, comme d’habitude, quand bien même ma légendaire modestie dusse-t-elle en souffrir …
Les Black Lips 2014, comme une pochette des Byrds, on dirait ...
Parce que les Black Lips y’a des années que skeud après skeud, ils se sont forgé une crédibilité en plutonium enrichi dans le milieu du punk-garage-sixties-bidule (eux se qualifient de flower-punk, ce qui ne veut rien dire, mais fallait y penser…), le genre de réputation après laquelle courent des milliards de groupes. Objectif avoué de l’opération : ravir les quatre pantins rances serviteurs rigoristes de la chapelle et surtout à ce moment-là ne plus bouger d’un iota. Et arrivés à ce stade, qu’est-ce qu’ils ont fait les Black Lips ? Sont allés chercher Mark Ronson, producteur-DJ branchouille et variéteux (Lily Allen, Robbie Williams, Aguilera, …) et dans un grand éclat de rire sonore, ont consciencieusement « saboté » leur carrière (leur précédent et déjà excellent selon moi « Arabia Mountain »). Là, avec « Underneath the rainbow », ils font le contraire, vont chercher un type « crédible » (Carney des Black Keys) pour produire quelques morceaux, mais en contrepartie se lâchent encore plus tout au long des douze titres.
Qu’il n’y ait pas de malentendus. C’est sérieux, les Black Lips, on n’est pas chez les Ludwig Von 88 ou Sha Na Na. Mais les quatre d’Atlanta ne s’interdisent rien. Même pas de se payer Mick Rock himself pour la photo de pochette (qui au passage a de faux airs de celle de l’antique 33T éponyme du Band avec sa dominante sépia). Même pas de citer des choses très éloignées du garage sixties (« Justice after all » ou « Drive-by Buddy », c’est du classic rock comme Petty ou Springsteen ne savent plus en faire depuis des décennies), de faire des références appuyées aux crétineries punk californiennes des 90’s comme Green Day ou Offspring (« Smiling »), de rendre hommage aux Ramones (enfin, c’est ce qu’il me semble) avec « I don’t wanna go home », de rendre obsolète le disque de « reformation » des Pixies (parenthèse : mais qu’est-ce qui lui prend à ce gros patapouf de Frank Black, arriérés d’impôts ? notes en retard chez le traiteur ? et tout çà en virant Kim Deal, faut pas déconner, gros lard …) avec un morceau comme « Funny », savants entrelacs de mélodies pur sucre et de grosses guitares fuzz …

Et puis, manière de faire un doigt aux garagistes 60’s intégristes, ils jettent en milieu de disque une sorte de truc yé-yé bubblegum très pop (« Make you mine »), un peu plus loin revisitent à leur façon le riff du « Lucifer Sam » du Floyd de Barrett, ça s’appelle « Do the vibrate », et ils le font suivre d’une bouillasse psyché (« Dandelion dust »), peut-être une référence au énième degré aux Stones (« Dandelion » est la face B de « We love you » sortie au milieu de l’an de grâce 1967, quand les Cailloux s’essayaient – de façon assez risible – au psychédélisme).
« Underneath the rainbow » est une rondelle qu’on ne sait à quel degré il faut l’appréhender. Jetée en pâture sur ce qu’il reste du « marché du disque » et démerdez-vous avec. Les Black Lips semblent comme tous les idiots savants n’en faire qu’à leur tête. Sortent un disque a priori joli, consensuel mais qu’on peut aussi percevoir comme une vaste joke j’menfoutiste. Bande de zigotos totalement ingérables qui balancent une rondelle « grand public » sur le label indépendant (mais balèze, on y trouve aussi Bloc Party, les Streets, Justice et … Charlotte Gainsbarre) Vice Records, les Blacks Lips peuvent compter sur leur leader azimuté Cole Alexander (adepte entre autres « facéties » de terminer ses morceaux live futal sur les chevilles, signe d’extrême satisfaction chez lui) pour fracasser consciencieusement et méticuleusement tout plan de « carrière » …

Des mecs bien qui font de bons disques … Le meilleur groupe du monde de la Terre d’aujourd’hui ...

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JIMMY PAGE & ROBERT PLANT - NO QUARTER JIMMY PAGE & ROBERT PLANT UNLEDDED (1994)

Dead Zeppelin ?
Rarement disque aura été glissé aussi fébrilement dans le lecteur Cd. Putain, Jimmy Page et Robert Plant … Qui plus est ensemble … Les deux frontmen de Led Zep, paraît-il pas vraiment les meilleurs amis du monde. Mais Led Zep, enfin, Led Zep, merde quoi …
Led Zep, la plus sacrée des Vaches Sacrées, LE groupe des années 70. Celui qui les symbolise le mieux. Celui qui a poussé au paroxysme le rock’n’roll circus et tous les excès musicaux et extra-musicaux qui vont avec. Led Zep … le dernier groupe mythique de rock, tout simplement (et si quelqu’un me sort Mumuse ou Radiomachin, putain je lui arrache les yeux avec les doigts de pied …). Led Zep, disparu des écrans de contrôle à la fin des seventies, en pleine gloire et avant d’avoir été ridicule …

Alors pensez-donc tout ce qui peut passer dans la tête d’un mec dont le tout premier disque acheté est justement le 1er de Led Zep (non, pas quand il était sorti, mais trois-quatre ans plus tard, je ne suis pas aussi grabataire que çà, faut pas déconner quand même …) au moment où va commencer la lecture de la rondelle argentée …
Imaginez aussi sa tronche au bout d’une heure vingt … Putain mais c’est quoi ce bidule ? Ils se foutent de la gueule du monde les deux vieux chevelus avec leurs orchestres à cordes égyptiens, marocains, et le London Philarmonic Machin ou un truc de ce genre. Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre, de ces métèques gardiens de troupeaux de chèvres dans le désert et de leurs ouds, bendirs et je sais plus quoi ? ou des concertistes de violoncelle pour noblesse anglaise consanguine ?
Bon, il aurait convenu de raison garder, se méfier, parce que Plant se prenait depuis quelque temps pour le sosie de Peter Gabriel  et de sa world music, et que Page, empâté et embouffi tel un Elvis à Gibson ne faisait plus rêver avec ses derniers skeuds les apprentis branleurs de manche … Mais de là à revisiter le patrimoine sacré en mode bouzouki, y’avait des limites. Ce « No quarter … », c’est un peu un « Songs remains the same » bis, un truc que t’attends comme le Messi, et puis tu te retrouves avec Gignac … « No quarter … », il a été enregistré live … enfin, j’en sais rien, on dirait, en tout cas on entend des gens applaudir et …
Bon, faut quand même préciser avant que les torgnoles tombent de tous les côtés, qu’il est pas si mauvais que ce que ma prose agile pourrait faire croire. Assez digne même, et dans l’ensemble moins risible que ceux des contemporains de Page et Plant (Paulo, Mick, Keith, Roger et Pete, pourquoi vous toussez ?). Mais de là à me joindre à la secte des adorateurs béats qui ont tressé des couronnes à cette rondelle, faut pas pousser …
Plant, il a perdu au moins cinquante octaves, incapable de monter dans les aigus. Même Mylène Farmer ou Daho n’en voudraient pas comme choriste. Et Page, il est où, le guitar hero ultime des années 70 ? Quand il est le meilleur, c’est quand il joue de la mandoline sur « The battle of evermore », comme par hasard aussi le meilleur titre du Cd. Et même s’ils ont remplacé Sandy Denny (bon, ils ont quelques excuses, vu qu’elle était morte depuis bien vingt cinq ans) par une certaine Najma Akhtar qui s’en sort pas si mal que çà, dans cette ambiance nord-africaine qui se superpose et remplace à la fois l’atmosphère celtique originale.
Page & Plant 1994 : ils ne vont même pas saccager cette chambre d'hôtel ...
Evidemment, Page et Plant, c’est que la moitié la plus voyante du Zeppelin. Ils ont oublié d’inviter John Paul Jones, qui aurait quand même pu les aider pour les arrangements (quand on lit que « No quarter … » est produit par Page et Plant, dans une formule qui sent la diplomatie juridique, tant le dernier nommé s’était toujours par le passé prudemment éloigné des consoles). Et puis, fallait pas compter sur Bonzo Bonham, toujours aussi mort, et remplacé ( ??? ) par le dénommé Michael Lee, sessionman certes connu, mais d’un académisme mortifère. Signe ultime du malaise musical, Page est secondé (comme si quand on s’appelle Jimmy Page on a besoin d’un clampin à la guitare rythmique) par le sieur Porl Thompson, dont la seule ligne de gloire sur le CV était d’avoir été un temps dans l’ombre gothique du Cure de Robert Smith … Tout ça pour dire que la moitié de Led Zep, ça peut pas faire Led Zep … alors pourquoi diable sur quatorze titres, en reprendre dix du Dirigeable ? La relecture world ? Ouais, si on veut, même s’il y a des blasphèmes qu’il ne faut pas proférer …
Quand cette pléthorique bande de zicos s’attaque à « Kashmir » (LE titre majeur du Zep, avec un Bonham stratosphérique en VO), ils ont beau l’étirer sur plus de douze minutes, multiplier les arrangements tarabiscotés, rien n’y fait, il manque le drive infernal de Bonzo, et là l’hymne himalayen accouche d’un volcan érodé auvergnat …
Les quatre inédits sont des titres à la gomme (forcément arabique) perclus de sonorités nord-africaines, comme quoi quand tu choisis un fil rouge un peu lourdingue, il te plombe tout un skeud. Parfois ça marche, notamment sur « City don’t cry », où Plant n’essaie pas d’atteindre des aigus de toutes façon maintenant inaccessibles, et où le chœur de voix arabes donne une impression de gospel musulman. Quant aux reprises de quelques classiques (ou pas) zeppeliniens, deux pistes semblent suivies. Soit on se colle au plus près de l’original avec les moyens du bord (exemple type « Since I’ve been loving you », avec un Page quelconque pour un titre totalement dénué de feeling, un comble pour l’épitomé du blues frotti-frotta 70’s), soit un déconstruit « world » (« Nobody’s fault … » avec un Plant à la ramasse vocalement).

Alors, Page et Plant, c’est pas honteux, c’est juste deux (déjà) veilles gloires qui venaient faire le buzz au milieu des mortelles années 90, avec une rondelle certes pas indigne, mais tellement loin de leurs fulgurances passées … Etre et avoir été …


DOUG TUTTLE - DOUG TUTTLE (2014)

Encore un ?
Encore un quoi ? Ben voyons, encore un type qui fait de la musique en regardant dans le rétroviseur. Direction années 60 psychédéliques. Pas le premier, oh certes non, sûrement pas le dernier non plus, tant on redécouvre régulièrement monts et merveilles de cette période, une des plus foisonnantes en matière de production, et aussi de qualité musicale.
Et alors, qu’est-ce qu’il a de plus ce Doug Tuttle que les autres ? Et qui c’est, d’abord ce zigoto, il sort d’où ? Euh, j’en sais foutre rien, il est américain, chevelu ( ? ),  son dernier groupe s’appelait Mmoss ( ?? ), il y jouait avec sa gonzesse qui s’est barrée, il s’en est trouvé fort marri (ce qui a donné l’inspiration et les textes de ce disque), et est parti vivre son aventure tout seul comme un grand. Echoué sur le label de Chicago Trouble In Mind, où sévit le jeune prodige Jacco Gardner, le Batave planant responsable l’an dernier d’un somptueux « Cabinet of curiosities », tout parfumé au … pop-rock psychédélique 60’s. Voilà voilà, la boucle est bouclée …

Ce « Doug Tuttle », donc, il empeste le cœur du centre du milieu du monde psychédélique américain, la Californie des années 65-66-67. Le Tuttle, il a du écouter les Byrds de 65-67, et aussi tous les groupes de San Francisco de l’époque. Ça sonne donc rigoureusement vintage, avec notamment un batteur nerveux qui pulse, loin des coups de pompe sur des doubles grosses caisses mixées en avant à la mode depuis plus de trente ans. Le Tuttle, lui, il a tout composé, chante et joue de la guitare. Les compos, c’est de l’exercice de style, classique, bien fait, mais ça a un peu tendance à tourner en rond dans des climats brumeux et cotonneux, notamment dans la seconde partie du disque, avant une bienvenue éclaircie finale. Le chanteur Tuttle, c’est pas une des grandes voix du rock c’est sûr, mais c’est fait simplement, proprement, en ajoutant plein d’effets et de filtres pour un rendu gris, opaque, souvent bien secondé par des harmonies vocales de comparses bien en place (le côté Byrds évident). Là où il est le plus impressionnant, c’est à la guitare. A l’opposé du m’a-tu-vu bling bling oyez oyez comme je joue vite et que je suis technique de mise chez tous ceux qui se prennent pour Clapton, Beck, Page, Hendrix ou qui on voudra au Panthéon, Doug Tuttle est d’une sobriété, d’un bon goût et d’une efficacité jamais démenties. C’est pourtant un sacré client, écoutez dans l’exercice de style archi-rebattu du long solo ce qu’il fait sur la ballade lysergique « Turn this love », il n’a rien à envier à ces maîtres de la six-cordes discrets du rock psyché que furent Jorma Kaukonen ou John Cippolina. Ce « Turn this love » est le titre de loin le plus long (6 minutes) du disque. Les dix autres sont expédiés aux alentours des deux-trois minutes réglementaires.

Ça commence par un hybride entre les Byrds et le Floyd de Barrett (« With us soon »), ça donne sans équivoque la ligne de ce qui va suivre, et ma foi, c’est assez accrocheur d’entrée. On s’aperçoit que Tuttle met souvent au début ou à la fin, voire au début et à la fin de ses titres des effets de bande accélérées ou ralenties et ça devient un gimmick assez agaçant tant c’est finalement prévisible. Les mélodies sont pour la plupart simples et bien trouvées (mention particulière à « Forget the day » et sa tentative plutôt réussie de boucle cosmique à la « A day in the life »), avec toujours cet effet madeleine proustienne qui renvoie à sa période chérie. Ça pique un peu du nez sur les tempos médiums et embrumés, et on en vient parfois à penser au shoegazing de My Bloody Valentine (flagrant sur « Where you plant … » avec là aussi une jolie partie de guitare). Une (légère) poussée d’adrénaline, un rythme plus enlevé (« Lasting away »), on se retrouve en présence de pop bubblegum (ou yéyé), c’est amusant mais quelque peu anecdotique. Après deux-trois titres qui font redite, le tempo se fait plus enjoué vers la fin du disque (« I will leave », c’est exactement comme les Byrds pop, les titres que composait Gene Clark sur « Mr Tambourine Man »). Le final (« Better days »), comme son nom l’indique, signe la fin de l’ambiance mélancolique et ouvre une fenêtre vers un futur qui pourrait plus gai …

Faudra pour ça en dépoter quelques-uns de ce « Doug Tuttle ». C’est pas gagné, même s’il surnage assez facilement du lot des productions rétro de ces jours-ci …


JIMI HENDRIX - ARE YOU EXPERIENCED (1967)

E.T.
James Marshall (ça s’invente pas, un second prénom comme ça …) Hendrix, lorsqu’il est apparu sur la scène musicale anglaise, lui le Ricain expatrié, n’a influencé personne. Il a traumatisé tout le monde. Et pas des troisièmes couteaux ou des gugusses à l’affût du prochain cataplasme branché. Non, Hendrix a foutu le moral dans les chaussettes à tous ceux dont le nom scintillait tout en haut de l’affiche, tous ces dieux de la guitare qui ont vu débarquer un phénomène hors norme.
Hendrix, pour l’éternité, restera comme le plus grand guitariste du rock. Ce qui est déjà pas mal, mais terriblement réducteur. Sans Hendrix, le rock aurait été aussi amusant qu’un blues-rock de Peter Green ou de Clapton de l’époque, un truc à te tirer une balle tellement c’est triste, fade, grisâtre … Hendrix a introduit dans le rock l’urgence, la flamboyance, la frime, l’épate … comme Janis Joplin, et leurs destins seront les mêmes jusqu’au bout …
Hendrix et sa veste à brandebourgs achetée aux Puces à Paris
Hendrix, souvent présenté comme la rock star ultime, comme celui qui a porté à des niveaux jamais vus avant et jamais égalés depuis la sainte trinité sex, drugs & rock’n’roll et le statut de guitar hero ultime, n’avait rien d’une grande gueule, d’un type prêt à tout pour faire parler de lui. Timide et pas sûr de lui, perturbé par un acné qui ne le lâchait pas, se sous-estimant sans cesse alors qu’il avait le monde du rock à ses pieds, éternel insatisfait de sa musique, les témoignages sont nombreux d’un Hendrix dans le doute. Mais il se dégageait de ce type une aura insensée dès qu’il montait sur scène Stratocaster en bandoulière. Hendrix est un showman, mais pas un artiste de cirque. Il ne mettait pas tous les soirs le feu à sa guitare, pas plus qu’il ne jouait tous les soirs avec les dents ou avec sa gratte dans le dos. Même si ce sont ces aspects là que la petite histoire a retenu. Et Hendrix n’a pas donné que des concerts tonitruants, la qualité de certains se voyant plus que perturbée par quelques substances prises en grande quantité.
Aujourd’hui, la discographie de Hendrix est plus que pléthorique. Des centaines de disques officiels live ou en studio paraissent depuis plus de quarante ans, encore plus de compilations. Sans compter les bootlegs, pirates, enregistrements non officiels qui pullulent. Faut faire là-dedans un sacré tri, tout n’est pas du même niveau, et pas seulement question qualité sonore. Un catalogue totalement labyrinthique dans lequel même le fan le plus motivé se perdra. Autant s’en tenir aux enregistrements officiels parus de son vivant. Là, le compte est plus vite fait. Trois disques studio et un live. « Are you experienced » est le premier.
Quand il paraît au printemps 67, le phénomène Hendrix n’est encore qu’une rumeur du Londres branché. Un Londres où il a atterri par défaut. Les States ne voulaient pas de lui. Ou plutôt ceux qui l’employaient aux States ne le gardaient pas longtemps. Hendrix n’était qu’un de ces obscurs accompagnateurs de noms confirmés de la soul ou du rhythm’n’blues (Wilson Pickett, Jackie Wilson, Isley Brothers, …). Généralement aussi vite viré qu’embauché. Little Richard ne supportera pas ce Black flamboyant et séducteur qui lui fait de l’ombre, Sam & Dave le vireront de scène au bout de trois titres ( ! ), et Hendrix ne fera guère de vieux os dans le backing band d’Ike et Tina Turner (le Ike, pourtant pas manchot avec une guitare, avouera n’avoir rien compris à ce type payé pour jouer rythmique et qui partait en solos étranges dès les premières mesures …). L’histoire de Hendrix, tout le monde la connaît (ou devrait). Chas Chandler, ex bassiste des Animals qui le repère dans un club new-yorkais, en fait l’attraction musicale de l’automne 66 du Swingin’ London, l’emmène en France pour une improbable tournée en première partie de Johnny Hallyday, les trois premiers 45T à succès (« Hey Joe », « Purple haze », « The wind cries Mary »), les deux minots (Mitch Mitchell et Noel Redding) recrutés pour bâtir un power trio fortement inspiré par celui qui avait le vent en poupe, Clapton et son Cream …

« Are you experienced » donc. Le premier de ce qui deviendra le Jimi Hendrix Experience (sur la pochette originale, seul figure le nom de Hendrix). Gros succès en Angleterre (seulement devancé par « Sgt Pepper’s … » dans les charts) et aux States, pas rancuniers envers leur exilé pour le coup. Un disque forcément un peu étrange, nous sommes en 67, année psychédélique s’il en fut. Un de ces debut-albums mythiques dont l’Histoire (et les marchands de disques) se délectent. Et bizarrement, alors que l’on n’a retenu que les extravagances en tous genres d’Hendrix, ce premier disque est bien « sage », bien « classique ». Faut dire aussi que l’époque était prolixe en individus et disques bariolés (Doors, Airplane, Floyd, Love, …). En fait, « Are you experienced » est à la croisée des chemins. Entre les croisés du blues (Clapton, Mayall, Fleetwood Mac, …) et les disjonctés déjà cités, auxquels il convient de rajouter les Beatles du Sergent Poivre et les Beach Boys de « Pet sounds ».
Avec « Are you experienced », Hendrix garde les pieds sur Terre, n’est pas encore le musicien barré de « Axis … », le génie cosmique de « Electric Ladyland ». Il sacrifie peu à l’air du temps (alors qu’il est furieusement « à la mode »), propose des titres de structure assez classique et n’assène pas des solos avec trois milliards de notes / seconde toutes les deux mesures.
Il a juste un background que n’ont pas les autres. Ses années de sessionman miteux aux States lui ont confiné un truc que n’auront jamais les pauvres Clapton ou Beck, Hendrix funke et groove. Et çà, il a su le transmettre à Mitchell et Redding qui font plus volontiers dans le chaloupé sautillant  (sur l’énorme « Fire », on dirait James Brown sous LSD, « Remember » est un bon vieux rhythm’n’blues des familles) que dans l’artillerie lourde. Même si quant il faut, tout le monde est capable de plomber le tempo (« Foxy Lady », blues-rock et son riff aplatissant en intro). Le plus souvent, Hendrix mélange un peu tout, en dépit du bon sens et des canons sonores de l’époque. Les titres peuvent être fantasques, commencer de façon classique et puis partir « ailleurs » (« Manic depression », « I don’t live today »). Fort logiquement, certains s’adressent aux amateurs de buvards parfumés et tiennent plus de la jam que de l’écriture rigoureuse (« Love or confusion », le quasi instrumental « 3rd stone from the Sun », le manifeste psyché « Are you experienced » avec ses guitares carillonnantes, ses effets de scratch, et cette téléportation sonore cosmique).

Beaucoup plus rarement, Hendrix fait simple, sobre. « May this be love » est mélodique, pop, doux et suave. « Red house » est la leçon de blues donnée aux Anglais. Dans un registre rustique propre au delta-blues, seul morceau du 33T enregistré en mono, Hendrix se réapproprie et réinvente le genre, le titre deviendra un de ses chevaux de bataille de scénique (la tellurique version de vingt minutes à l’Île de Wight est indépassable en matière de blues live).
« Are you experienced » est bien le disque d’un trio, Hendrix laisse s’exprimer et se déchaîner Mitchell et Redding. Qui ont le bon goût de ne pas en faire trop, de tomber dans le risible solo de basse ou de batterie. Et, mais au fait, la guitare d’Hendrix ? Oh certes, il y a bien quelques effets de manche inaccessibles au commun des mortels, mais le disque n’est pas un catalogue démonstratif. Hendrix reste relativement « sérieux », efficace avant tout. Avant de devenir le voyageur de commerce de tous les bidules joués au pied dont il aura parfois tendance à abuser, il se cantonne dans ce premier disque à l’essentiel. De la saturation (pédale fuzz un peu partout, mais à dose raisonnable) et c’est à peu près tout. Pour l’anecdote, la pédale Vox Crybaby ( pédale wah-wah pour le vulgum pecus) qui sera son indélébile marque de fabrique par la suite, n’a pas été utilisée, c’est Clapton le premier qui l’a testée sur disque avec Cream (« Tales of brave Ulyses » sur « Disraeli gears ») …

« Are you experienced » est produit par Chas Chandler, bien aidé par celui qui deviendra le superviseur de tous les disques d’Hendrix (surtout les posthumes officiels), l’ingénieur du son américain Eddie Kramer. Pour celui, honte à lui, qui ne possèderait pas cette pierre angulaire du rock des sixties et du rock en général, choisir les rééditions qui ajoutent aux onze titres originaux les trois indispensables singles et leurs faces B sorties auparavant …


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THE CARS - THE CARS (1978)

En voiture (et en roue libre) ...
Sur la highway musicale des 70’s, les Cars sont au bord de la route. En mini-jupes, talons aiguilles, décolleté profond et maquillage pétard. Les Cars sont des putes. Pas des escorts aux tarifs prohibitifs réservées à l’élite, non, des putes de base d’aires de repos, maquées par des proxos russes, qui se donnent à tout le monde …
Il y a cinq putes dans les Cars. Avec une pute en chef, Ric Ocasek. Plus moche du lot, mais c’est lui qui fait tout le taf, tapine, attire le chaland. En écrivant l’essentiel de titres tellement aguicheurs que fatalement, tu te laisses embringuer. Sans débander, cette pute d’Ocasek et ses potes alignent des sucettes à l’anis sonores. Bien aidés pour le coup par Roy Thomas Baker, l’homme attitré aux manettes derrière la folle Freddie Mercury et son gang de michetonneurs.

Faut dire que ces salopes de Cars préfèrent les Anglais aux Américains. Mais pas n’importe quels Anglais. Une nette prédisposition pour Roxy Music, groupe de dandys décadents et fin de race. Comme eux, les Cars, mettent des pin-ups aguicheuses sur leurs pochettes de disques. Et vont même jusqu’à pomper, y’a pas d’autres mots, la bande à Ferry sur des choses comme « I’m in touch with your world » (la même rythmique que celle de « Bogus man ») ou « Moving in stereo » qui recrache tous les plans de Roxy.
Le problème ( ? ) des putes, c’est que ça baise avec n’importe qui. Alors ces catins de Cars font même des clins d’œil aux pompiers et aux progueux (le doigté de Baker ?) avec quelques ponts tarabiscotés et des synthés baveux. Ce sont ces synthés qui datent irrémédiablement les Cars, sonnant parfois pénibles ou risibles. Mais on est prêt à tout leur pardonner …
Parce que d’entrée, ces biatches t’allument salement. Qui ne dresse pas l’oreille et le reste à l’écoute des trois premiers titres doit être un putain de pervers. S’ils avaient entendu « Good times roll », « My best friend’s girl » et « Just what I need » , les Sept Nains auraient fini par gangbanger Blanche-Neige. Ouais, même Simplet … on touche avec ces trois morceaux au plus profond de la matrice de la power-pop, du rock FM, ces genres musicaux un peu … putes qui vont faire jouir tous les hit-parades de la fin des 70’s … Forcément, après de tels préliminaires, le reste ça fait un peu coitus interruptus. Tu croyais que t’allais te taper Clara Morgane et tu t’aperçois que la meuf qui est là, elle est juste bien maquillée et toute chirurgée esthétiquement, « Don’t cha stop », c’est faiblard, ça bande mou …

T’as l’impression que finalement c’est toi qui t’es fait baiser. Mais tu t’en fous un peu. T’en redemandes de ces ribaudes, parce que finalement elles t’ont fait monter au plafond. De vraies salopes, mais t’aimes ça … Et t’as bien raison …

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ELVIS COSTELLO - THIS YEAR'S MODEL (1978)

Elvis, King op Pop ?
« This year’s model » est le second disque d’Elvis Costello. Son tout premier, « My aim is true » était déjà excellent, et pourtant il paraît à côté bien anecdotique. Pour moi, c’est simple, après 35 ans de carrière et deux grosses douzaines de publications, « This year’s model » est un des deux meilleurs Costello (pour les curieux, l’autre est « Imperial bedroom »).

Par manque de moyens, « My aim is true » sonnait un peu rachitique. Le son de « This year’s model », sans qu’on risque de le confondre avec une production spectorienne, est beaucoup plus « étoffé ». Pourtant le budget alloué n’a pas dû être colossal, et c’est toujours Nick Lowe qui produit. Avec son alter-ego Dave Edmunds, Lowe est une sorte de Monsieur Loyal de tous les faux punks, entendez par là tous ces zozos apparus à la seconde moitié des seventies, par paresse rattachés à un mouvement punk mais qui partagent peu de références avec les tribus à crête. Ce qui fait vraiment la différence avec ce disque, c’est l’apparition aux côtés de Costello de ceux qui deviendront et restent à ce jour le meilleur backing band qu’il ait eu, Bruce et Pete Thomas à la rythmique et Steve Nieve aux claviers.
Costello, il faut sans cesse le répéter tant ses glorieuses années (en gros jusqu’au milieu des 80’s) sont ignorées par ici, Costello donc est un immense compositeur, capable de torcher des titres à rendre McCartney jaloux avec des textes à faire pleurer Ray Davies. Avec « This year’s model », on est encore dans l’urgence, dans ce rythme qui apparaîtrait dément aujourd’hui, sortir au moins un disque par an. Il y a douze titres (ou treize, selon les éditions) sur « This year’s model », avec un bon paquet d’autres en réserve (la réédition qui pour moi fait date, celle du label Edsel en 2002, en rajoute d’autres sur un Cd bonus ainsi que les sempiternelles maquettes et prestations live).
Elvis Costello & The Attractions
Traits communs à tous les titres, la concision (tout est dit en trois minutes), l’aspect syncopé et énervé. Costello connaît par cœur ses classiques, mais insuffle dans tous les titres une urgence, une rage qui n’appartiennent qu’à lui (il a pas besoin de forcer, dans la vraie vie c’était à cette époque un teigneux à l’humour méchant et caustique). S’il faut faire le tri, perso je vois que deux titres en peu en retrait, « Hand in hand » et « Night rally ». Le reste, c’est du haut de gamme, et un paquet d’incontournables de  cet autre Elvis.
Du brutal « No action », qui va droit à l’essentiel en moins de deux minutes et ouvre le disque, en passant par la merveilleuse « You belong to me » (comme du Dylan 60’s, mais un Dylan qui aurait bouffé un troupeau de lions au petit déjeuner), l’addictive « Pump it up » (chanson sur la coke au pays des branchés), l’extraordinaire « (I don’t want to go to) Chelsea » (toujours ce mépris du bourgeois et de ses quartiers chicos), construite sur une base reggae speedée. La power pop en plein essor donne la trame de choses comme « Lip service » ou « Radio radio » … Et puis, comme tout semble tellement facile pour lui, Costello s’amuse à imiter à la fois Lennon et McCartney dans leurs carrières solo (« Little triggers »), ou pastiche carrément un des autres très doués de l’époque, la grande asperge Joe Jackson (« Living in paradise »).
Les Attractions assurent ô combien, et laissent entrevoir les merveilles dont ils seront capables dans l’accompagnement, avec notamment un Steve Nieve qui se signale déjà à l’attention de ses contemporains (sur « Pump it up » par exemple).

Avec « This year’s model », aucun doute n’est permis, Elvis Costello signe son entrée dans la cour des très grands …

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THE WHO - TOMMY (1969)

Game over ...
« Tommy » est le premier très gros succès populaire (en termes de ventes de disques, à l’époque c’est ça qui comptait) des Who, jusque-là plutôt catalogués comme groupe à singles. Cette réputation « légère » tracassait le groupe et son entourage (le manager et producteur Kit Lambert, la maison de disques, …). Au centre des préoccupations et attentions générales, Pete Townshend. Compositeur quasi exclusif du groupe, et compositeur exclusif tout court de ses meilleurs titres.

Townshend est un type bizarre, ou pas formaté, selon le côté dont on prend les choses. En tout cas un bosseur ambitieux. Et c’est ça, le travail et l’ambition qui sont au cœur de l’affaire « Tommy ». Ah ouais, les Who ne sont qu’un groupe mineur, des artistes pas très crédibles ? Eh bien, je te me vais concocter une œuvre musicale majeure, un projet comme personne n’a jamais osé en mettre en chantier… Le concept de « Tommy » sera inédit. C’est écrit après le tracklisting : « Opera by Pete Townshend ». Bon c’est pas le genre d’œuvre qui sera à l’affiche du Royal Opera House, mais ça inaugure la mortelle série des « opéra-rock », qui comme leur nom ne l’indique pas, n’ont rien à voir ni avec l’opéra ni avec le rock d’ailleurs. En fait pour rétablir la vérité historique, ce sont les Pretty Things avec « SF Sorrow » qui ont été les premiers à se commettre dans ce genre de péripéties, mais des aléas de contrat et de maisons de disques ont fait que « Tommy » est paru avant le disque de la bande à Phil May.
A l’époque de l’écriture de « Tommy », Townshend est comme il le sera souvent en état de délabrement nerveux (quand on se pose beaucoup de questions et qu’on compte trouver la réponse avec des cures d’amphets et d’alcool forts, ça arrive souvent), et en chantier mental (c’est l’époque où il fréquente et suit les préceptes du gourou illuminé - pléonasme - Meher Baba). La trame narrative de « Tommy », le cœur de l’affaire, c’est l’histoire de Tommy, né aveugle, sourd et muet, pédophilisé par la suite, qui ne réagit que de façon intuitive et sensorielle, devient un champion de flipper puis un gourou … Pitch totalement crétin, et détail des paroles à l’avenant.
Musicalement, « Tommy » c’est tout et n’importe quoi. Avec le n’importe quoi qui l’emporte largement. Le thème musical récurent a déjà été ébauché dans un des « mouvements » de la funeste suite qui clôturait « A quick one », le disque précédent. Les prétentions « musicales » de « Tommy » nous valent à plusieurs reprises un Entwistle (bassiste sous-mixé alors qu’il peut déclencher des tremblements de terre avec ses quatre cordes) jouant un thème neuneu au cor anglais. Pire elles nous gratifient d’une « Overture » aussi terrible que les pires machins du prog à venir et d’une « Underture », monstrueux pensum instrumental de dix minutes. Mais surtout, les Who tournent la plupart du temps le dos au rock au sens large, sont méconnaissables. Keith Moon a dû s’emmerder ferme en studio, on ne sent aucune conviction dans ses roulements de toms, Daltrey d’évidence ne sait comment transformer et placer sa voix en fonction des « personnages » qu’il interprète.
Les Who de "Tommy" : fatigués ou fatigants ?
En dehors d’intermèdes de quelques secondes listés, « Tommy » se compose d’une vingtaine de titres (double vinyle et aussi double Cd, alors que ça contiendrait sur un seule rondelle argentée, business is business). Les trois quarts sont mauvais ou sans intérêt, reprise méconnaissable d’un blues de Sonny Boy Williamson (« Eyesight to the blind »), orgues de Barbarie de fête foraine « Tommy’s holiday camp », country-hillbilly à la sauce Townshend (« Sally Simpson », pas le plus moche du lot), … Faut quasiment attendre la fin du premier Cd pour dresser l’oreille avec « Acid queen », et encore, parce qu’on a fatalement la vision d’une exubérante Tina Turner dans le film qui a été tiré du skeud.  En comparaison avec ces quarante indigentes premières minutes, le second Cd est bon. C’est en tout cas celui des trois meilleurs titres.
Avec par ordre d’apparition « Pinball wizard », ses arpèges acoustiques à droite et le gargantuesque riff de Gibson SG qui vient déchirer le haut-parleur gauche. Un grand titre, un grand classique des Who. « Go to the mirror » est peut-être le seul morceau de « Tommy » où l’on sent les quatre concernés, se donnant sans retenue. Il n’aurait pas démérité s’il s’était retrouvé sur « Who’s next ». « I’m free », c’est de la pop de très haut niveau, pour rappeler que les Who, c’est pas seulement du cabossage de batterie et des moulinets sur la guitare, il y a aussi des mélodies tuantes (« The kids are alright », « Pictures of Lily », …).

Vous l’avez compris, mes très chers, pour moi « Tommy » c’est limite poubelle direct, le pire disque de leur première décennie. Bizarrement ? Logiquement ? il a fait un triomphe dès sa sortie, et est de très loin le disque des Who qui s’est le mieux vendu … Le monde doit être plein de Tommy …


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DAVID BOWIE - ALADDIN SANE (1973)

Le petit frère de Ziggy Stardust
1972. Bowie accède au succès après lequel il courait depuis des années grâce à son disque-personnage-concept Ziggy Stardust enfonçant le clou du glam-rock en Angleterre. La superstar du genre est le T.Rex de Marc Bolan. Echaudé par une tournée américaine calamiteuse du temps de Tyrannosaurus Rex, Bolan va prudemment se cantonner aux Îles Britanniques, tout juste consent-il à visiter un peu l’Europe. Bowie, ambitieux et bosseur acharné, va s’attaquer au jackpot du marché américain, et y tourne sans relâche. Entre deux concerts, il griffonne les chansons qui vont être la base de son prochain disque.
« Aladdin Sane » paraît au printemps 73 et doit résoudre une équation compliquée : aller plus loin dans la surenchère glam, se renouveler tout en restant dans le même créneau. Du strict point de vue comptable, mission accomplie, Bowie devient une des institutions du music-business. Bon, « Aladdin Sane » ne vaut pas « Ziggy Stardust », d’ailleurs rien dans l’interminable discographie de Bowie n’égalera « Ziggy Stardust ». Mais ce n’est pas un disque anecdotique pour autant.

En 1972-73, Bowie-Ziggy est devenu quelqu’un qui compte. On le retrouve sur tous les fronts. Tournées, production pour Lou Reed, Iggy Pop & les Stooges, Mott The Hoople. Peut-être s’est-il trop dispersé, peut-être aussi commence t-il à fréquenter de trop près des dealers. La filiation de « Aladdin sane » avec son chef-d’œuvre « Ziggy Stardust » est évidente, ne serait-ce qu’au niveau du son, Bowie est toujours accompagné par les Spiders from Mars et Ken Scott à la production. Mais l’équipe s’est étoffée. Trois choristes. Un sax, plutôt une bonne nouvelle, Bowie en jouant plutôt façon corne de brume. Et puis, surtout, parce que David Jones a souvent eu des intuitions géniales, il est allé recruter un pianiste jusque-là cantonné au jazz expérimental et d’avant-garde, un certain Mike Garson. Autant il y aurait fort à dire sur le come-back de Garson il y a quelques années au sein du Bowie band, et ses accointances avouées avec la scientologie, autant en 1973, ce pianiste est un alien dans le monde du pop-rock.
Sans Garson, « Aladdin sane » serait un disque quelconque. Les parties de piano hallucinées de l’Américain tirent beaucoup de compositions vers le haut. Un peu l’inaugural « Watch that man », beaucoup sur « Time », autant marqué par Kurt Weill que par le final de « Hey Jude ». Mais c’est sur « Aladdin sane » le titre, que Garson amène cette chanson déjà bien barrée au départ dans une autre dimension grâce à un solo inouï. Par contre, Garson ne peut rien pour sauver une version pataude de « Let’s spend the night together » de-qui-vous-savez, ou alors je vous plains …
Garson, un moustachu, Bowie, Visconti et un fan du New Jersey 
Allez, ouvrons la parenthèse ragots-potins-anecdotes-légendes. Deux choses sur ce disque. Son titre, jeu de mots de seconde division, permettant la lecture « a lad insane » (« un mauvais garçon cinglé » pour ceux qui avaient pris ukrainien en première langue). Le titre de la chanson, lui, se voit ajouter trois dates (1913-1938-197?), les deux premières correspondant à l’année précédant une guerre mondiale, la troisième la prévoyant avant la fin les années 70. Nostradamus-Bowie s’est trompé … Autre lecture de « Aladdin sane », la référence à son demi-frère Terry, interné pour problèmes mentaux. Bowie est toujours resté discret publiquement sur le sujet, seuls les dissecteurs de son œuvre ont décelé dans plusieurs de ses chansons des allusions à ce demi-frère, avec qui la star a entretenu des relations en dents de scie (des années sans le voir, puis des périodes de visites hebdomadaires). Et puis il y a l’affaire « Let’s spend the night together ». On a su des années plus tard quand elle a écrit un bouquin sur lui que l’ex-femme de Bowie avait un matin trouvé celui qui était alors son mari au lit avec Mick Jagger. Dès lors, le choix de reprendre cette chanson et pas une autre dans le répertoire des Stones s’apparente à une private joke. La réponse de Jagger viendra quelques mois plus tard, lors de la parution de « Goats head soup », avec un titre peu flatteur à l’adresse d’une petite pute juste intéressée par le pognon. Dans la chanson, cette fille s’appelle Angie … comme la femme de Bowie, ce qui fait plus que de simples coïncidences … Fin de la parenthèse.
Revenons au skeud. Si Garson tire la couverture à soi, il y en a forcément qui sont en retrait. La grosse victime de « Aladdin sane » s’appelle Mick Ronson. Le flamboyant guitariste des Spiders n’est vraiment à son avantage que sur deux titres, l’assez quelconque « Panic in Detroit » (référence à ces Etats-Unis que Bowie rêve de conquérir) et « Cracked actor » un rock basique, futur cheval de bataille immuable de nombreuses tournées de Bowie avec mise en scène de personnage shakespearien (le crâne et la cape de la tournée « Let’s dance » de 1983 sur ce titre). Autre incontournable et gros hit, « Jean Genie », référence à Jean Genêt et tout comme « La fille du Père Noël » de Dutronc, plagiat d’un riff de Bo Diddley (celui de « I’m a man », lui même pompé sur le « Hoochie Coochie Man » de Muddy Waters, lui-même … éternelle histoire du rock et de ses pillards …).

Par contre, ça sent le disque vite fait, avec quelques titres anecdotiques. « Drive-in Saturday », soul blanchie et follow-up de la « Soul love » de « Ziggy Stardust », la ritournelle glam linéaire de « Prettiest star », imitation sans saveur du T-Rex style qu’un long coulis de notes traînantes et distordues de Ronson ne parvient pas à sauver, « Lady grining soul », ballade tremblotante et (un peu trop) lyrique, n’ont jamais été perçus comme des titres majeurs de Bowie.
Les dernières versions en date de « Aladdin sane », en version DeLuxe et remastérisées n’apportent pas grand-chose. « Time » et « Jean Genie » en version single, « John I’m only dancing », un 45T qui a pas mal marché mais que j’aime pas (ce qui ne l’empêche pas d’être sur à peu près toutes les compiles de Bowie), la version de Bowie de « All the young dudes », inférieure à celle de Mott The Hoople. Plus quelques titre live d’une tournée américaine de 72-73, un massacre de « Changes », un superbe « Jean Genie » (qu’on retrouve sur le « Live at Santa Monica », meilleur live de Bowie longtemps resté un pirate), une curiosité (« Drive-in Saturday » juste avec une guitare acoustique, c’est courageux, mais Bowie n’a rien d’un grand folkeux …)

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