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BAD BRAINS - BAD BRAINS (THE ROIR SESSIONS) (1982)

Aux armes et caetera ...
Les Bad Brains sont un des groupes les plus singuliers qui soient. Déjà ceux qui ont des lettres savent qu’ils tirent leur nom d’un morceau des Ramones (album « Road to ruin »). Donc les Bad Brains sont des punks. Soit. Mais ça se complique très vite. Parce que les Bad Brains sont tous les quatre Blacks. Ce qui limite la concurrence. Mais c’est pas tout. Les Bad Brains jouent encore plus vite (si, si) que des punks. Et en plus ils jouent bien parce qu’ils ont tous débuté dans le jazz-fusion. Il reste plus grand-monde, surtout au début des années 80 dans ce registre-là.

Tant qu’à faire ils sont très politisés (des effluves Black Panthers), vouent un culte au reggae, au dub, au rastafarisme. Et donc logiquement fumeurs compulsifs d’herbe qui fait rire. Et comme on ne rigole pas (surtout quand t’as pas la bonne couleur de peau) avec ces choses-là au pays de Reagan, y’a même leur chanteur qui se retrouvera au pénitencier pour quelques joints.
Tout ça fait quand même un peu compliqué dans le milieu du rock où il est de bon ton de choisir sa case, d’y rester bien sagement et d’essayer de faire carrière. On a donc affublé les Bad Brains du titre ronflant de précurseurs du hardcore. Ce qui n’est pas totalement stupide, mais quand même un tantinet réducteur. Seul le positionnement géographique (Washington DC) les rapproche des « vrais » premiers groupes hardcore (la galaxie Minor Threat – Ian McKaye) bien blancs et bien propres sur eux (le fumeux Straight Edge, mode de vie curieux, mélange de radicalisme politique et de new age cérébral).
Bon, revenons à nos moutons (noirs). Avec pareilles bases de départ, les attachés de presse des majors se sont pas bousculés pour les signer. Ils ne trouveront asile que chez les azimutés de ROIR (à tel point que ce premier disque éponyme est souvent appelé « The ROIR Sessions »). La particularité du label ROIR (rappelons que nous sommes au début des années 80) étant de ne sortir de l’audio que sous forme de K7 (de K quoi ? s’exclame le fan de Kenji Girac. Demande à ton grand père, connard …), et avec un catalogue de gens euh … bizarres (Suicide et Lydia Lunch font partie de leurs premières signatures).
Bad Brains : renversant, isn't it ?
« Bad Brains » le disque est un truc qui défile à mille à l’heure. Les cinq premiers titres, dont le plus long culmine à 1’55 constituent un tir de barrage sonique inédit à l’époque. Et ma foi, avec ses tempos frénétiques ses guitares-mitraillettes, ses vocaux-slogans hurlés à toute berzingue, on peut sans déclencher les froncements de sourcils parler de hardcore. La suite des quinze titres (l’ensemble du disque est expédié dans ta face en à peine plus de trente minutes) est globalement moins brutale, moins épileptique, même si des choses peuvent apparaître comme les lointains ancêtres du grindcore (« Supertouch / Shitlift »), ou comme du speed à la Motörhead (« I »). En fait, ce qui atténue l’impression de rouleau compresseur très heavy, ce sont trois morceaux plus ou moins reggae, grosso modo les trois plus longs du disque. Même si de véritable reggae au sens Marley du terme, il n’y a point, « Jah calling » et « Leaving Babylon » étant résolument orientés dub avec leurs basses grondantes en avant et leur structures décharnées, et le dernier, le très long (dans le contexte général, puisqu’il dure plus de six minutes) « I luv Jah », havre de quiétude final, cousin des lovers-rock de Gregary Isaacs, mais quelque peu redondant sur la durée.
Les textes sont paraît-il engagés, voire enragés sur les brûlots rapides, mais là, franchement, ça tchatche trop vite pour moi. De toute façon, rien qu’à voir la pochette (un éclair foudroyant la Maison-Blanche), on se doute bien que les quatre olibrius n’ont pas leur carte au Parti Républicain. Ni chez les Démocrates d’ailleurs.
Même si les Bad Brains s’en foutent un peu beaucoup, on leur a attribué toute une descendance hétéroclite au vu de déclarations énamourées à leur musique émanant des Beastie Boys ou de Living Colour, ce qui ratisse tout de même assez large comme spectre sonore d’héritiers.
Bon an mal an, les Bad Brains continuent encore de sortir des disques au succès très confidentiel, avec quelques changements de personnel. C’est néanmoins la formation des années 80, avec le chanteur « dangereux » H.R. et le guitariste virtuose (si, si, même dans des morceaux d’une minute on s’en rend compte, y’a de la technique) Dr. Know qui est considérée comme la meilleure et « historique ».

Evidemment, avec des disques et des blazes pareils c’était pas gagné d’avance …Z’auraient dû s’appeler Michael Jackson comme tout le monde …


THE MAGNETIC FIELDS - 69 LOVE SONGS (1999)

1999, année érotique ?
Magnetic Fields, c’est la chose d’un type, Stephin Merritt. Qui aidé de quelques comparses sort des albums qui, pour ceux que je connais, sont hautement recommandables. Même s’il semble acquis que « 69 love songs » restera sa référence.
Parce que c’est pas une pub mensongère. Il y a dans ces trois Cds 69 chansons pour quasi trois heures de musique, peut-être bien un record. Logiquement, pareille idée a de quoi faire frémir, pendant que clignotent des warnings auriculaires et que défilent dans l’iPod interne les souvenirs des pensums idoines de Santana, Clash, Yes, Springsteen, Jojo Harrison et quelques heureusement rares autres, on s’attend au pire.
Stephin Merritt période 69 Love Songs. Pas très glamour ...
Ben non, « 69 love songs » c’est bien. Evidemment, y’a du déchet, mais pas tant que ça … et pas au niveau des compositions, qui tiennent étrangement bien la route, le type Merritt gambadant avec aisance dans une foultitude de genres. C’est plutôt au niveau du son que ça finit par devenir répétitif, le parti-pris (délibéré, certes, mais avait-il vraiment le choix et les moyens d’être plus « ambitieux » ?) lo-fi à tous les étages montre ses limites. Et puis, Merritt, avec sa voix grave de baryton à la Johnny Cash sur quasiment que des tempos mediums, c’est pas le chanteur du siècle. Heureusement, des potes se relaient parfois au micro et une douzaine de titres sont chantées par des femmes. Dont la voix de cristal de Shirley Simms, ayant un temps gravité dans la galaxie Violent Femmes.
Parce qu’il y a chez les Magnetic Fields l’influence (non, pas de Jean-Michou Jarre, quoi que, Merritt est fan éperdu de ABBA), mais de tous ces types et groupes américains cultivant un côté roots, austère et feignasse. Toute la frange country-rock à la JJ Cale, la nonchalance enfumée du Tom Waits période piano-bar, les déclamations poétiques rêches de Leonard Cohen, la proximité de l’os chère au Velvet (et donc par extension des Violent Femmes suscités), la modernité rustique de Wilco, les mélodies campagnardes des paysans du Band … et par moments, et en tout cas bien plus souvent que la plupart des copistes « americana roots », Merritt se hisse au niveau de ses maîtres.
Magnetic Fields maintenant. Merritt, c'est le gros barbu à casquette...
Et puis, comme il doit quand même être un peu barge, il se lance dans des choses … heu, curieuses, voire inattendues et en tout cas qui détonnent dans l’atmosphère générale et ravivent du coup l’attention. On sent que le type connaît par cœur la disco de Kraftwerk, doit avoir une palanquée conséquente de disques de Lee Perry, car les Magnetic Fields ne dédaignent pas de s’aventurer dans quelques plages (réussies d’ailleurs) de pop électronique très 70’s-80’s ou quelques dubs mélodiques à rendre jaloux tous les imitateurs du genre (qui a dit UB40 ?). De toute façon, suffit de voir la litanie imposante de tous les instruments joués par Merritt pour savoir que « 69 love songs » n’est pas une œuvre monolithique. Ce qui laisse parfois la place à quelques incongruités (fatigue, private jokes ?) sonores pastichant du punk-rock, un truc afro-cubain-salsa-bidule, des imitations (hommages ?) à Tom Petty, aux Stranglers de « Feline », au Clash de « Sandinista ! », … pour conclure le troisième Cd par une valse triste à l’accordéon. Sans oublier la ballade plaintive piano-voix (la superbe « Busby Berkeley dreams ») … et plein d’autres choses encore, le tout restant quand même cohérent.
Parce qu’il y a un fil rouge dans « 69 love songs ». Chansons d’amour, certes, mais chansons d’amour tristes, désabusées, voire cyniques. En tout cas jamais de « Oh baby, I’m so in love with you » ou autres roucoulades blettes. L’impression que Merritt qui signe seul 68 titres ( ! ) et cosigne l’autre, si un jour il va voir un psy, il va se ruiner en séances.

Ben ouais, pour autant réussi que soit ce pavé, il en a quand même pas vendu des camions …


JACCO GARDNER - HYPNOPHOBIA (2015)

The constant Gardner
Son premier skeud, « Cabinet of curiosities » en 2013, avait rehaussé le niveau affligeant des années 2010. Le type totalement dans son truc, reprenant les choses là où les ténors de la pop psyché des 60’s les avaient laissées, et une collection de putains de chansons comme il n’y en a pas deux poignées de contemporains qui savent les torcher.

Le petit prodige néerlandais avait laissé entendre que faire des disques c’était pas trop son truc, qu’il préférait bidouiller en studio, et pourquoi pas pour les autres. Heureusement, y’a que les corniauds qui changent pas d’avis. Le Jacco a passé deux ans sur la route et sur les planches et nous sort maintenant ce « Hypnophobia » (la phobie du sommeil, dans la langue de Florent Pagny). « Cabinet of curiosities », c’était estampillé 66-68. Logiquement, deux ans plus tards, Gardner se retrouve en 1970. Et de ses périples all around the world, il a du entasser une collection de synthés vintage, car ce sont eux qui dominent « Hypnophobia », et particulièrement le Mellotron. C’est pas vraiment une surprise, on avait compris que le garçon était fan ultime des Zombies, dont le chef-d’œuvre maudit « Odessey & oracle » peut être vu comme une brochure commerciale au dit Mellotron.
Mais autant « Cabinet … » était une collection de chansons de structure « classique », autant « Hypnophobia » va plus loin. Gardner semble vouloir dépasser le format chansonnette (deux titres sont des instrumentaux, et les lyrics de quelques autres doivent tenir sur un timbre-poste) pour s’attaquer au concept de climat, d’ambiance. Tout en évitant le piège du funeste prog qui pointe ses gros sabots dans ces cas-là. Exercice de style casse-gueule. Et réussi.
On retrouve les fondamentaux du bonhomme. La pop cafardeuse, le folk-rock mélodique. Autant ils étaient l’essence du premier disque, autant ils ne servent que de trame – dont il s’extrait facilement – pour celui-là. Les Zombies sont toujours là, le Brian Wilson d’après « Pet sounds » aussi. Le bouffeur de space cakes Barrett itou, mais cette fois-ci, le Floyd sans lui affleure dans nombre de plages. Le Pink Floyd captivant de la fin des 60’s, en perpétuelle hésitation entre chansons et longues suites atmosphériques, celui en gros des disques « Meddle » et le soundtrack de « More », mais aussi par extrapolation, des relents du Gainsbourg de « Melody Nelson » (les cordes évanescentes, chez Gardner les machines ont remplacé les hommes) et de leurs imitateurs-disciples (le Air de « Moon safari » ou de « Virgin suicides, qui cumulent les influences Gainsbourg-Floyd).

« Hypnophobia », c’est un bloc, un pavé dans la mare, et en l’occurrence celle du Kevin Parker de Tame Impala, auquel on a souvent comparé Gardner. Bon, le gentil Australien envapé, reste sur le coup loin derrière à mon sens. Tout au plus pourra t-il se vanter d’avoir inspiré à Gardner sa coupe de cheveux.
Deux titres de « Hypnophobia » renvoient à un folk millésimé, le bon « Face to face » et le dispensable « Make me see » (moins de deux minutes, ça va, ça passe vite). Le folk sert de point de départ à « Brightly », mélodie de rêve comme savait en torcher Cat Stevens (avant que Mahomet lui bouffe les neurones), et puis le titre s’envole, porté par une fabuleuse progression instrumentale que n’aurait pas renié Brian Wilson (avant que le LSD lui bouffe les neurones). Un des sommets du disque.
Les autres ? « Find yourself », énorme single qu’on risque de pas beaucoup entendre sur NRJ, on dirait un inédit de la B.O de « More ». « Before the dawn » (huit minutes), c’est la pièce de bravoure du disque. Porté par une batterie très krautrock et une trouvaille mélodique entêtante au synthé, ce titre est d’une fausse simplicité, en perpétuel mouvement, décollage hypnotique assuré. « Hypnophobia » le morceau multiplie les trouvailles atmosphériques, et les temps étant ce qu’ils sont, pourrait passer pour le « Echoes » de son époque.
Avec ce disque, Gardner signe un superbe doublé et s’extirpe haut la main du piège souvent délicat du deuxième album. Comme en plus il sort de l’indie pur et dur (il est signé ce coup-ci sur PIAS, qui sans être une major est une structure « sérieuse ») et que s’exhiber sur scène ne le rebute pas, il se pourrait bien qu’il devienne quelqu’un qui « compte », dont on entend parler.

Pour une fois, ce sera mérité …

Du même sur ce blog :


COURTNEY BARNETT - SOMETIMES I SIT AND THINK, AND SOMETIMES I JUST SIT (2015)

Courtney ? Love !!!
On pourrait se poser plein de questions, du genre pourquoi tout ce barouf dans tous les médias spécialisés (ou pas) au sujet cette miniature australienne (comme si ça suffisait pas avec KyKylie Minogue, les chanteuses d’un mètre cinquante, talonnettes compensés comprises), en plus même pas canon avec son visage poupin et donc ses faux airs de McCartney with boobs. Surtout qu’elle est aussi charismatique, causante et souriante que le mime Marceau un soir de déprime … Moi je vois qu’une explication, c’est qu’elle a fait un putain de bon disque. Qui plus est dans un des genres les plus ringards et moqués aujourd’hui, le folk-rock.

Bon, remarquez je dis folk-rock pour dire quelque chose, parce que si quelqu’un voit la moindre similitude entre ce « Sometimes … » et les skeuds des Flying Burrito Brothers, je passe le reste de mes vieux jours à écouter en boucle l’intégrale de David Crosby. Courtney Barnett, c’est folk parce que ça raconte des histoires, souvent tristes (et personnelles, on sait plus à quel niveau on doit prendre le clown qui fait pas rire du clip de « Pedestrian at best »), c’est rock parce qu’il y a plein de guitares aux sons bizarres, trafiqués, plus proches de Sonic Youth que d’Yves Duteil (et celui qui pense Television a bien raison). La damoiselle cite dans ces interviews des gens éminemment respectables (Lou Reed et le Velvet, Billy Bragg, Neko Case, les Lemonheads, Wilco …). De plus elle a quelque peu gravité dans la galaxie des Dandy Warhols, a repris sur scène un album entier d’INXS (?!), et chante souvent (en fait scande plutôt) comme la Sheryl Crow des débuts, avant que l’Américaine tombe amoureuse de cyclistes dopés (pléonasme) et se la joue à plus de quarante balais bimbo flower-power, mini-jupes et tétons en avant … Autrement dit, Courtney Barnett, c’est pas monolithique, pas un gimmick qui tourne en boucle sur la durée du skeud. Ça part un peu dans tous les sens, tout en restant cohérent d’un bout à l’autre … pas exactement le genre de démarche facile à entreprendre, et encore moins à réussir …
On a quelquefois des machins qui rappellent le Beck (non, pas Jeff, l’autre, le scientologue) des débuts, quand il concassait et malaxait le folk avec des rythmiques proches du hip-hop (« Elevator operator », « An illustration … »), on trouve même à la fin un blues dénudé (la Courney et seulement sa gratte), ça s’appelle « Boxing day blues », et ça sonne surtout pas comme la Tracy Chapman soporifique de l’autre siècle.

La petite australienne s’aventure même dans des titres de sept minutes. Le premier (« Small poppies ») est une ballade qui commence sobrement avant qu’un crescendo de guitares (Barnett ? parce qu’il y a un autre type à la gratte dans son band) y mette un peu d’électricité tordue. Le second titre étiré (« Kim’s Caravan ») m’a tout l’air d’un jeu de pistes musical, où l’on passe de murmures d’instruments dans une ambiance glaciale et dépouillée, voix à la Nico, avant qu’arrivent des guitares lancinantes à la Lou Reed ou Sonic Youth (« Kim » pour Kim Gordon ?) et un final en lourd et lent déluge électrique façon doom metal (« Caravan » pour « Planet Caravan » de Black Sabbath ?).
Mais on trouve aussi plein d’autres choses dans ce skeud au titre en forme d’hymne à la fainéantise. Et du rock, tendance ‘n’roll qui dépote. « Aqua profunda ! », on dirait même du pub-rock tel que le servaient chaud Feelgood ou les Inmates. « Dead fox », on jurerait un tribute aux guitares toute particulières dont FatBob Smith tartinait les disques de Cure, « Debbie Downer », avec son gimmick fabuleux d’orgue vintage (Vox ?), ça fait ressurgir les oubliés amerlos du Paisley Underground, plus précisément les Bangles des débuts (« Going down to Liverpool », ce genre). Avec « Nobody really cares … », on se demande si la petite Barnett ne connaît pas Antoine (c’est les accords des « Elucubrations » avec un refrain façon la version de « Gloria » de Patti Smith), alors qu’avec le hit (ou qui mériterait de le devenir) de rock’n’roll lo-fi « Pedestrian at best », on a droit à une variante du riff de « All day and all of the night » des Kinks. Cultivée, la dame …

Putain que ça fait du bien des disques comme ça …


TWIN PEAKS - WILD ONION (2015)

David Wilson ? Brian Lynch ?
Un groupe de djeuns qui regardent dans le rétro ? Ben ouais … Forcément, y’a plus que ça comme solution, se référer à des temps plus ou moins lointains qui rockaient et roulaient, parce que inventer quelque chose, il semblerait bien qu’on ait fait le tour de la question depuis bien longtemps.
Twin Peaks 2014
Ceux-là, les Twin Peaks, Américains de Chicago, ils sont pas forcément meilleurs que d’autres. Ils ont juste l’air moins engoncés dans un trip de moine copiste, à savoir qu’ils font pas une fixette sur un son, un genre ou une époque bien précise. En d’autres termes, ils se croient pas en 67 ou 73 … Ils sont peut-être plus fûtés que d’autres pour se faire remarquer. Avec leur nom qui renvoie à une célèbre série d’un des types qui comptaient vraiment dans le cinéma des années 80-90, et une pochette visiblement extrapolée d’un des disques (« Wild Honey » 1967) de la période triste-dépressive des Beach Boys de Brian Wilson. Pourquoi pas aussi une allusion à « Wild honey pie » et « Glass onion », deux morceaux à messages énigmatiques de Lennon sur le Double Blanc… Juste des clins d’œil, parce qu’il n’y a rien dans ce « Wild onion » qui fasse songer à Badalamenti, Julee Cruise, de la sunshine pop cafardeuse, ou aux Fab Four …
Non, juste seize titres, pour pile 40 minutes, autant dire que les Twin Peaks ne donnent pas dans le prog tarabiscoté, mais pas non plus dans le punk speedé et crétin. Y’a de la recherche, des envies de construire des chansons plutôt pas mal foutues (ça fonctionne assez bien dans la plupart des cas), de mettre en place des « climats », des « ambiances » (là, c’est un peu plus problématique). Il me semble qu’ils sont plusieurs à chanter (ou alors y’a un super caméléon au micro), et tout ça est emmené par un batteur pousse-au-cul qui me fait beaucoup penser au Keith Moon des early Who …
Twin Peaks 2015 : la famille de nerds s'agrandit
Ces minots (tout juste la vingtaine sonnée) se prennent pas trop le chou, et font visiblement les morceaux qu’ils auraient aimé entendre chez les gens qu’ils aiment bien. Alors forcément, y’a de la référence qui pointe le bout de son nez, on peut au détour d’un titre, d’un son, d’un gimmick, d’un arrangement, voir apparaître l’ombre des Who (« I found a new way »), des Byrds (« Mirror of time »), des Beach Boys (« Sloop Jay D » !!!), d’Oasis (à plusieurs reprises), de Tom Petty (l’étonnant et frappant « Sweet thing »), de Roxy Music (le sax de « Strange world »), d’un T.Rex doo-wop (« Mind frame »), … C’est assez marrant, souvent bien vu, d’une qualité largement supérieure à la moyenne …
Pour moi, y’a quand même quelques petits problèmes … On saisit pas très bien où ils veulent en venir, ça part un peu trop dans tous les sens, et dans un monde musical où tout est de plus en plus hyper-formaté, vont avoir des soucis, les Twin Peaks, pour trouver une chapelle qui veuille de tels messies … Ensuite, ça se délite quand même à mesure que les titres passent, les premiers titres surclassent  ceux du milieu et de la fin, on a l’impression que malgré sa durée modeste « Wild onion » souffre du syndrome du remplissage forcené … Ces jeunots risquent de devenir les Hives de leur génération, brillants mais tournant vite en rond. Et contrairement aux Suédois, ils n’ont pas pour le moment ni l’image cartoon ni une major derrière …

Comme qui dirait un avenir compliqué …



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POND - MAN IT FEELS LIKE SPACE AGAIN (2015)

Very cheap thrills ...
C’est le principe de la mode, quand y’a un truc dans l’air du temps, tout le monde se prend pour une girouette. A moins de vivre dans le califat de Daech, il n’aura échappé à personne que les bricoles sonores qui ont le zéphyr en poupe s’articulent autour du psychédélisme 60’s et de toutes ses variations. Donc sur la table de dissection aujourd’hui arrivent les susnommés Pond, Australiens de leur état, et potes du gourou sonore Kevin Parker (Tame Impala et autres bricoles).

Ceux-là commencent bien mal. Avant même d’avoir ouï la moindre note de leur skeud, t’as envie de le foutre par la fenêtre. A moins qu’il s’agisse d’humour seulement compréhensible par un QI de 160, leur pochette façon « Cheap thrills » (pour ceux qui étaient dans le califat depuis cinquante ans, rappelons qu’il s’agit du disque de Big Brother & the Holding Machin featuring la Reine des Hippies Janis Joplin) ne risque pas de faire de l’ombre à celle de Crumb. Comme quoi, le bon goût et le talent, ça se télécharge pas.
Tout le reste, on peut le trouver sur Pirate Bay. En trois clics, t’as sur ton ordi les derniers logiciels et plug-ins musicaux crackés, tu te retrouve dans ton deux-pièces-cuisine avec les moyens de Pink Floyd ou Guetta. Et tu peux passer tes jours et tes nuits à mettre du bruit sur ton disque dur. C’est là que ça se complique, et on en revient au bon goût et au talent. N’est pas Phil Spector ou Dr Dre qui veut. Les Pond en sont l’exemple parfait. Ils donnent dans le psychédélisme lourdement orchestré, ce qui après tout est leur droit. Multipliant les empilages sonores (et surtout les vieux synthés 80’s, « marque » de fabrique du Parker déjà cité et qui produit le skeud) et les pistes vocales (genre chorales sous hélium very pénibles), plutôt qu’inspirés par le San Francisco sound des late sixties, ils sonnent finalement très années 2000, genre MGMT, Of Montreal, Flaming Lips ou Arcade Fire des mauvais jours.
C’est con, parce qu’ils savent écrire des chansons, cette tribu où tout le monde contribue peu ou prou au résultat final a un sens de l’architecture mélodique que bien peu vite célébrés aujourd’hui possèdent. Témoins ces « Holding out for you », ballade intemporelle, « Medicine hat » folky à l’ancienne, « Sitting up on our crane » qui rappelle les Zombies, « Outside is the right side », funk-rock à la Red Hot Machin – Funkadelic … tous bien pourris par des arrangements que perso je trouve ineptes. Adeptes de la surenchère sonore forcenée, et ne reculant devant aucun challenge insensé, les Pond livrent ont mis à la fin de ce « Man it feels … » l’éponyme tournerie pop qui veut jouer dans la même cour que le « Good vibrations » des Beach Boys tout au long de ces huit minutes et quelque. Las, cet enchevêtrement d’idées dans un seul titre, sympathique un moment, rappelle sur la durée que n’est pas Brian Wilson qui veut.

Faudrait voir d’épurer un peu beaucoup les gars, parce que là, vous êtes pas très impressionnants, mais plutôt chiants …


FOO FIGHTERS - SONIC HIGHWAYS (2014)

Le classic-rock des années 2010 ?
Dave Grohl est un type bien. Alors qu’il doit avoir mis sa famille à l’abri du besoin pour des générations grâce aux royalties de Nirvana et des Foo Fighters, il se la joue pas jetsetter arrogant, qui continue dans le music business juste pour la caillasse. On le voit pas tirer une tronche de dix mètre sur scène ou sur les photos, et il est toujours prêt à cabosser une batterie si on lui demande (QOTSA, Probot, voire derrière Sir Macca pour une reprise d’un classique de Nirvana). Ce type, pour moi le meilleur batteur de rock vivant, prend son pied guitare en main quand c’est lui qui mène la danse avec les Foo Fighters.

Et mine de rien, ce chien fou des années 90 est devenu un dinosaure du rock. Parce qu’il est toujours là (des nouvelles de Soundgarden, Pearl Jam, Smashing Machins , QOTSA ou Radiohead ?), et peut-être parce qu’il s’est jamais embourbé dans la cérébralité, la conceptualisation, ou l’auto-glorification de son auguste personne (j’ai les noms …). Les Foo Fighters, ça casse peut-être pas trois pattes à un canard, mais au moins tu peux poser n’importe lequel de ses disques sur la platine, tu vas pas te faire chier au bout de deux titres … Du bon rock sans prétention …
Jusqu’à ce « Sonic Highways » … comme faute de combattants, il est quelqu’un qui « compte » maintenant, il se retrouve avec ses Foo Fighters à la tête d’un projet balèze. Le concept (aïe), c’est à travers huit titres de capter à chaque fois « l’essence » d’une ville qui a compté dans la carte du rock US. En se faisant « aider » par une figure locale, généralement de la six cordes, et le plus souvent plus un perdreau de l’année (on est tout à coup ravi que Clapton ou Santana soient pas nés aux States), ce qui peut conduire à des morceaux avec 4 (quatre !) gratteux (enfoncés, les Ramolly Hatchet). Et cerise confite sur le cake aux raisins, chaque escapade citadine donnera lieu à un doc d’environ une heure payé et diffusé par la chaîne HBO. En gros ce que dans les années 80 on appelait un projet multimédia. Rajoutez à la production une des figures de proue des 90’s aux consoles (Butch Vig, pousseur de boutons pour Nirvana ou Garbage), et on s’attend à voir débarquer la grosse machine de guerre qui va récolter le brouzouf, avec une partie musicale plus ou moins à la ramasse …
Bon, « Sonic Highways », ce sera pas le disque du siècle. Mais c’est loin d’être de la daube. D’abord, y’a un son qui risque de faire date, qui déchire bien sa race comme disaient les jeunes à l’époque, une puissance de feu décibélique assez impressionnante. Les compos, on peut bien leur reprocher d’être assez mainstream, de vouloir plaire aux « kids » (le serpent du mer du wockanwoll, tout le monde en cause, s’adresse à eux, mais personne en a jamais vu un) et à leurs parents, voire leurs grands parents, s’ils étaient pas fans des concerts du Grateful Dead. Du consensuel, oui, mais dans des genres assez pointus, le titre « The feast and the famine » pouvant passer pour du hardcore centriste. Généralement, les morceaux sont très typés 90’s, nostalgie quand tu nous tiens. A noter quand même que Grohl peut se le permettre, parce que le son des 90’s, il y était un peu beaucoup au cœur.

Malgré ce, j’ai rien trouvé dans « Sonic Highway » qui me force à appuyer frénétiquement sur la touche Repeat. C’est correct, voire très correct, ça reste dans la ligne Foo Fighters, et évidemment, vu les moyens engagés, ça sonne très carré, très pro (c’est pas une insulte). De temps en temps, des influences assez évidentes remontent à la surface, le phrasé du Bowie des 70’s au début de « Something for nothing », allant même jusqu’à un démarquage du « All the young dudes » (sur le très glam « What did I do ? / God as my witness »). L’essentiel est cependant bien ricain, bien classic rock (« Congregation »), jusqu’à un final épique (7 minutes), ce « I am a river » comme un mix réussi entre le Springsteen de « Born in the USA » et les U2 dans leur période américaine (« The Joshua tree »).
Vu les moyens déployés, on peut sans trop se mouiller annoncer que les Foo Fighters seront les incontournables têtes d’affiche des festivals de l’été prochain. Live et en formation moins pléthorique, les titres de ce « Sonic highways » devraient bien envoyer le bois. On peut aussi, et c’est un sacré bon point par ces temps de délayage permanent, savoir gré à Grohl de s’être cantonné à huit titres et quarante minutes, alors qu’il aurait été facile au vu des moyens engagés de se vautrer dans un interminable double Cd.

PS. Même si le batteur crédité sur tous les titres est l’habituel Taylor Hawkins, y’a un tel niveau de drumming sur « Outside » que je serais pas surpris si c’était sur ce titre Grohl aux baguettes.
Et la pochette, collage-montage de monuments remarquables des villes "inspiratrices", elle me fait bigrement penser à celle de "Breakfast in America" de Supertramp ...


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ALLAH-LAS - WORSHIP THE SUN (2014)

Faits comme l'Oyseau ?
Y’a des fois, malgré ma bonne volonté et mon obstination, que certains trucs me passent vite par-dessus l’occiput. Ce skeud il en fait partie.
Pas qu’il soit mauvais. Non, il est même plutôt pas trop mal. Mais comment dire … le 38975ème groupe de l’année qui donne dans la nostalgia 60’s, à la longue, ça finirait même par rebuter les gonzos qui tapissent leurs murs de compiles Nuggets ou Peebles, et d’affiches de concerts au Fillmore. Alors, pensez, un type comme moi, vieux fan de Madonna (assumé, vous avisez pas de dire du mal de la Ciccone des 80’s, ou ça va chier …).
Des fois, rien qu'à voir une photo, on a entendu le disque ...
Mon malheur, c’est qu’en plus des vieilles bimbos de Detroit, j’ai écouté plein d’autres choses. Et ce « Worship the sun », je l’ai déjà plus ou moins entendu depuis des décennies, même s’il est sorti y’a 2-3 mois. Les Allah-Las (que des cons, avec un nom pareil, ils vont finir par se faire serrer par des keufs texans au prétexte qu’ils doivent être de dangereux terroristes djihadistes … à moins que ce soit fait exprès pour ça, juste pour faire parler d’eux, ce qui est encore moins malin …) font une fixette assez grave sur le Los Angeles psychédélique et pop des mid sixties, et ce disque m’a tout l’air d’être une homélie aux Byrds et aux disques qu’ils sortaient à cette époque-là (« Fifth dimension » et « Younger than yesterday »). Aux moins les deux tiers des titres de ce « Worship the sun » me semblent en découler directement.
Seulement, là, voilà, danger. Les Byrds, s’ils sont à peu près totalement oubliés aujourd’hui, ou alors bêtement réduits à un groupe obnubilé par les reprises en version électrique des titres de Dylan, ont été en ce mitan des années 60 ceux qui ont fait bouger les lignes. Paresseusement mais judicieusement présentés comme des Beatles américains, ils pouvaient en dehors du boulet Crosby (pourvoyeur de folks feignasses qui firent malgré tout leur petit effet en ces temps reculés), s’appuyer (en plus de reprises bien trouvées) sur les redoutables compositeurs qu’étaient Hillman et McGuinn, et sur des harmonies vocales complexes et irréprochables. Le tout avec une mise en place sonore pointue, visant à reproduire les effets de drogues (cannabis puis LSD) sur le cerveau. Les Byrds étaient les précurseurs et au cœur du cyclone musical qui allait ravager la Californie avec les Love, Airplane, Dead, Doors, et tous les autres …
La pochette du premier Floyd ? Non, toujours les Allah-Las ...
Les Allah-Las, c’est les Byrds revus par le Secours Populaire. Y’a de la mélodie, des harmonies vocales savantes, de la musique « sous substances » (ou plus vraisemblablement qui ressemble à de la musique sous substances), mais c’est quand même assez loin de valoir les modèles évidents. Et puis, bien que les compos des Allah-Las soient pas minables, on ne trouve rien du calibre de « Eight miles high » ou « So you want to be a rock’n’roll star ».
Bon, évidemment, faudrait être de sacrés monomaniaques pour s’arrêter aux Byrds. On trouve aussi chez ces jeunes gens des tentatives de décollage spatiaux très Barrett-early Floyd (« Ferrus gallery »), des ballades écroulées comme sur le 3ème Velvet (« Nothing to hide »), trois instrumentaux qu’on jurerait vintage (dont le quasi surf « No werewolf »). Tout le reste, c’est de la chair à compilations Nuggets du futur avec les qualités et les défauts de ce genre d’entreprise (les trucs qu’auraient pu faire de petits hits mais que pas de bol personne a l’époque a écoutés). Ainsi, parce qu’il réunit à peu près tous ces critères, le titre le plus emblématique de ce « Worship the sun » doit être « Had it all », que, pas trop cons, les Allah-Las ont sorti en single. Tiens, et puisqu’on parle de singles, les deux derniers titres du disque sont issus de leurs 45T, avec un amusant (enfin, si on est d’humeur badine) « Every girl », qui lui ressemble plutôt aux titres des Stones circa 64-65.
Ah, et sur leur site y’a une vidéo où ils reprennent façon jam acoustique improvisée le « Alone again or » des Love, le titre qui est à la fois l’aboutissement et la quintessence de cette période qu’ils semblent tant aimer …

Allez, suivant, puisque le filon semble inépuisable …


THE ASTEROID #4 - THE ASTEROID #4 (2014)

Live from Tchouri ?
Non, les Asteroid #4 ne sont pas des requins pragmatiques qui sortent un disque pour profiter de la couverture médiatique du tas de ferraille qui s’est posé sur un tas de cailloux dans l’espace. Le groupe existe depuis longtemps dans une certaine confidentialité (les types auraient des « vrais » boulots à côté), et a sorti quelques disques qui aux dires de ceux qui les ont écoutés partent dans tous les sens et tous les genres.

Ce skeud éponyme (manque d’imagination ou volonté d’affirmer et d’affiner leur vraie nature musicale, euh … on s’en fout), comme son nom le suggère, est plutôt à ranger dans la catégorie space rock, même s’il y a plein d’autres choses. Ce machin vomi du néant aurait pu être génial si ses auteurs ne s’étaient pas embourbés à deux reprises (« Mount Meru » et « Ode to Cosmo ») dans deux saletés hindouisantes qui auraient sans doute ravi Shankar (que ceux qui n’ont pas compris écrivent à la rédaction, ils gagnent un sitar d’occasion …). Ces deux titres qui empestent patchouli, encens et méditation au fond de l’ashram foutent tout en l’air.
Parce que le reste, c’est du bon. Du tout bon. Et parfois même du lourd, du très lourd. Les fans d’Hawkwind pourraient bien voir se dresser leurs poils blanchis à l’écoute de « Rukma Vimana » ( ? ) et « Revolution prevail ». C’est du niveau de ce qu’on entendait sur « Space ritual » et « Do Re Mi … », ces riffs lourds qui tournent en boucle dans une ambiance heroic-fantasy gorgée d’amphétamines, quand la bande à Lemmy et Dave Brock lessivait les troupeaux de hippies et de freaks venus se prendre des shoots de watts et de stroboscopes en pleine poire vers 72-73.

Les Asteroid #4 adoucissent parfois le propos, ça reste spatial, mais c’est plus léger, plus éthéré dans la lignée de Spiritualized et Spacemen 3 (leur nom serait un hommage au groupe de Jason Pierce et Peter « Boom » Kember, et indéniablement de nombreuses similitudes existent). Il y a un côté mystique, zen halluciné, bab planant, parfois floydien qui émerge de titres comme « The river », « Back of your mind », « Yuba ».
Et puis, pour confirmer l’aspect puzzle sonore qui a fait leur « réputation », deux merveilles de chansons, étangs sonores paisibles au milieu d’océans plutôt agités.  « Ropeless free climber » c’est de la pop mystique ( ? ) construite autour d’un funeste sitar et là, ça sonne juste parfait. Et puis ce qui est pour moi le sommet du disque, l’extraordinaire « The windmill of the autumn sky », country-rock-americana-machin, c’est du niveau de Wilco avec la fragilité du Neil Young du début des 70’s, totalement irrésistible.

Pas sûr cependant que même avec leur jolie pochette influencée par « Space ritual » et le lettrage de celles du Grateful Dead, les Asteroid #4 attirent le troupeau des nostalgiques 70’s … 


En écoute et plus si affinités ici


TY SEGALL - MANIPULATOR (2014)

La relève ?
Ty Segall, la tarte à la crème de la critique rock, tendance « c’était bien mieux avant ». L’Espoir majuscule de ceux pour qui toute forme de musique qui vaille d’être écoutée est parue avant 1980. Cela commence à faire quelques années que son nom circule, et que les éloges pleuvent sur son œuvre. Alors que ce jeune gars de vingt sept ans (gaffe, mec, c’est l’âge fatidique pour rentrer dans la légende les deux pieds en avant) a un parcours pour le moins déroutant.
Brian Eno période Roxy Music ? non, Ty Segall
Des disques en veux-tu en voilà qui partent dans tous les sens, des projets parallèles innombrables. Avec comme terrain de jeux la scène indie-garage-machin de San Francisco qui gravite autour de la figure tutélaire de John Dwyer, le leader des (entre mille autres) excellents Thee Oh Sees. Aux dires de ceux qui suivent Segall dans ses pérégrinations ininterrompues, y’a chez lui de la qualité qui a besoin d’être canalisée. On passe du folk introspectif au rock heavy psychédélique tendance Blue Cheer (un de ses derniers projets, le « groupe » Fuzz, tous larsens et comme son nom l’indique pédales fuzz en avant, dans lequel Sygall est batteur, alors que d’ordinaire il chante et joue de la guitare). Et comme il est sur de petits labels et semble peu préoccupé par tout ce qui touche à la « gestion » de sa carrière, le bonhomme semblait se confiner à une célébrité ne dépassant pas le bouche à oreille entre « initiés » et s’en contenter.
Il semblerait que Segall ait avec ce « Manipulator » décidé de passer la vitesse supérieure. Sans toutefois se vendre au music business. Le disque paraît sur le label de Chicago Drag City, étiqueté « indie-rock expérimental », et il m’étonnerait fort que l’objectif marchand soit de rivaliser avec Rihanna ou Kanye West. Ceci posé, « Manipulator » est un disque ambitieux, qui entend reprendre les choses là où les grands dinosaures des seventies les avaient laissées. A savoir qu’à cette époque, pour passer un palier supplémentaire et définitivement assoir sa légende, le truc à faire c’était le double album. Des Who aux Stones en passant par Led Zep, c’était l’exercice obligé. On fera pas à Segall l’injure de le comparer à ceux-là (même si les doubles des Who, qu’ils soient des 70’s ou pas, on peut pas dire que … bon, vous avez compris), et lui-même, qui me semble pas trop con, ne s’y hasarde pas. Mais y’a de çà, comme des airs de « Physical graffiti », difficile d’esquiver la comparaison … même s’il serait vain d’essayer de trouver dans « Manipulator » quelque chose qui s’apparente à « Kashmir », « Custard pie » ou « Houses of the holy ».
Kurt Cobain unplugged ? Non, Ty Segall
Même si « Manipulator » est un disque à guitares. Mais aussi, et c’est chose assez rare pour être souligné, à chansons. Si, si … des titres courts, nerveux, mais « construits », avec des couplets, des refrains, des ponts, des solos, des gimmicks décoratifs, et ingrédient indispensable, des mélodies mémorisables sinon mémorables. Parce que des murs de feedback, les quatre premiers cons venus avec les cheveux dans les yeux sont capables de faire (voir tous les grungeux des 90’s et leurs descendants). Mais aligner 17 titres et faire en sorte qu’on commence pas à bâiller à partir du quatrième, c’est peu commun par les temps qui courent et Segall y parvient. Je sais pas si son disque sera cité comme un de ceux qui ont compté dans le rock (enfin si, je me doute un peu qu’il sera moins célébré dans les siècles qui viennent que – au hasard – le « Double Blanc »), mais là le Segall a sorti un truc comme il en sortira pas des quantités dans l’année.

Il y a dans « Manipulator » des choses variées sans que ça sonne auberge espagnole sonore. Parce qu’il y a une unité de son d’abord (une ambiance rétro-seventies de bon goût), parce que délibérément, c’est la guitare au cœur de tous les titres (lucidement, le garçon n’entend pas se livrer à une imitation forcément risible de Page ou Hendrix). Et ensuite, comme un Lenny Kravitz qui aurait oublié d’être neuneu, c’est plein de clin d’œil, d’hommages plus ou moins distanciés aux « grands anciens », sans jamais sombrer dans la copie, la redite ou le mimétisme … Segall a fait un travail de fourmi (hein, que vous l’attendiez, celle-là, bon c’est fait), évoquant T.Rex (« The man skinny lady », The clock »), le krautrock (« The connection man »), les vieux dinosaures boogie (« The faker »), les Who de Tommy repris par Black Sabbath (« The feels »), le rock (folk ou pas) barbouillé de psychédélisme comme il en pleuvait dru il y a quarante cinq ans, tout le circus heavy hardos de la même période (avec même l’obligatoire solo de batterie, ici pour rire, du moins on l’espère, sur « Feel ») …
Seule concession à l’air du temps (enfin, l’air d’il y a dix-quinze ans), la batterie très hip-hop style de « Mister Main », et seule concession à ceux qui voudraient que pareil phénomène vende des disques, le très middle of the road « Stick around » qui conclue le skeud.
Mention particulière et félicitations du jury pour « Manipulator » le titre, qui en trois minutes fait alterner vieux synthés (ceux de « Who’s next » ?), guitares carillonantes à la U2 – Alarm – Big Country, solo tout en saturation et mélodie étrange. Un truc qui pourrait faire un single totalement zarbi à la « When doves cry » de Prince (1984, ce qui ne rajeunit personne, et surtout pas moi). Mention aussi pour « The hand » qui sur un seul titre fait défiler tous les plans qui ont fait la gloire et la fortune de Led Zep (l’atmosphère celtique, les riffs hardos et le passage acoustique).

« Manipulator », c’est le disque parfait fait par un jeune pour des vieux …


PUJOL - KLUDGE (2014)

Un état d'esprit ...
Pujol, c’est plus ou moins un groupe, tant le dénommé Daniel Pujol y tient une place primordiale (compositeur et multi-instrumentiste). Comme son nom ne l’indique pas, Daniel Pujol vient de Nashville, Tennessee. Et non, il ne donne pas dans la country. Son truc, ce serait plutôt … plein de choses en fait, essentiellement des vieilleries ripolinées aux couleurs du temps. D’ailleurs, il a sorti dans le temps  un (quoi d’autre) 45T vinyle sur le label Third Man, celui du Monsieur Loyal de la ville, le sieur Jack White himself.
Ce « Kludge », il paraîtrait qu’il a été enregistré la nuit, dans un centre de prévention et de soins pour jeunes candidats au suicide, avec du matos plus ou moins hors d’usage refilé par des associations caritatives. Il semblerait aussi que Pujol et sa troupe n’aient pas été soignés-résidents de ce centre. Une anecdote peut-être, mais qui traduit bien une nouvelle forme de « do it yourself ». Un cheminement très punk, davantage par l’esprit qu’au sens 1977 du terme.
Daniel Pujol, un pneu garage ...
« Kludge » n’a rien à voir avec Clash, Pistols, Ramones (quoique, parfois), ou Television. Pujol donne plutôt dans une sorte de power-pop, genre musical ayant connu son apogée vers 1978-80, ce qui ne nous éloigne guère de 77, on en conviendra. Cette attitude à l’arrache, démerde, de SDF musical se ressent. Il y a dans ce « Kludge » un aspect lo-fi indéniable, tout ce vieux matos étant assez imprévisible, fonctionnant correctement quand il en avait envie, et comme cette troupe dépenaillée n’avait pas les moyens de s’éterniser, plein de pains, d’approximations et autres bugs ont été conservés. Même si cet aspect lo-fi n’est valable que pour l’aspect technique, la tendance globale du skeud étant plutôt à la luxuriance instrumentale, quitte à flirter parfois dangereusement avec le syndrome Arcade Fire – Of Montreal.
Bon, de ces disques estampillés « Système D », j’en ai des wagons chez moi. A d’infimes exceptions près (j’en ai pas là des masses qui me viennent à l’esprit, tiens si, Jonathan Richman ou Young Marble Giants, … et s’il m’en arrive d’autres, je vous dirai), un disque vite fait est forcément quelque part un disque cafouilleux,  qui laisse sur sa faim et un furieux goût d’inachevé. « Kludge » n’échappe pas à la règle. Y’a du potentiel, du « background », du « vécu », mais aussi du j’m’enfoutisme flagrant peut-être à propos et marrant pour ceux qui le font, mais bon, quand t’écoutes ça peinard chez toi, ça le fait beaucoup moins.
Pujol live
Des exemples ? OK … « Dark haired suitor » et « Spooky scary », ça fait un peu Bob Dylan imité par un ventriloque, si vous voyez ce que je veux dire … Quoi que le type qui chante (Pujol ?) a une voix encore plus pénible, quelque part autant crispante et « difficile » que celle de Kevin Coyne qui passe mieux dans le registre hystérique que dans le registre conteur. Et cette volonté à vouloir coller au plus près à de vieux totems (en moins bien) est plutôt en défaveur de Pujol, on a l’impression d’avoir affaire à des versions du pauvre des Pixies (« Manufactures ») ou de Hüsker Dü (le dernier titre « caché »).
Finalement, ces types-là je les trouve meilleurs quand ils se lâchent dans des choses crétines et premier degré (« Pitch black » le punk tendance bubblegum ?), « Small world » avec son gimmick d’orgue Bontempi pas entendu depuis au moins Charlie Oleg) que quand ils se la jouent « sérieux ». Pas la peine qu’ils chiadent leur power-pop déclinée un peu à toutes les sauces, de toutes façons ils se retrouveront à la fin à brailler devant trois punks à chien sur un tapis de gros riffs hardos (le titre live « Post grad » où on entend réellement les clebs des punks aboyer, à tel point que je me demande si c’est pas un fake total).

Au final, un (des ?) talent(s) certain(s) pour un disque sans prétention. Corollaire, un disque pas vraiment indispensable …


PIXIES - BOSSANOVA (1990)

Sitting on the top of the world ...
Y’en a pas beaucoup des groupes, peut-être une paire de poignées au maximum, qui à un moment se sont retrouvés dominant tout le reste du troupeau de la tête et des épaules. Pour moi, les Pixies ont fait partie de ces Elus, quelque part vers la fin des années 80 et le début des années 90. Les Pixies ont redonné à ceux qui les écoutaient … plein de choses et de sentiments diffus, des petits frissons le long de la colonne vertébrale, aussi l’espoir … que le rock pouvait se régénérer et non plus dégénérer en laissant le devant de la scène à de cyniques bateleurs juste là pour la thune, tous ces ersatz de chanteurs et de musiciens qui paradaient au sommet des fuckin’ Top 50 et passaient en heavy rotation sur MTV.
Black Francis
Mais les Pixies, c’est pas un conte de fées, l’histoire qui finit bien du vilain petit canard qui se transforme en cygne majestueux… Non, les Pixies, ils ont vendu des nèfles, et se sont sabordés dans une ambiance et une atmosphère délétères. Et ils ont jamais été glamour pour deux sous …  N’empêche … Ce « Bossanova », je vous le dis ma bonne dame, c’est quand même quelque chose, des skeuds comme on aurait aimé en entendre plus souvent …
Parce là, avec « Bossanova », les Pixies ont tout donné, sont allés aussi loin que possible. Certes, ce devait pas être leur label, 4AD, un des plus exigeants en termes de qualité artistique, qui leur foutait la pression pour faire du chiffre de vente. Les Pixies ils aimaient peut-être bien passer pour le groupe le plus cool de la Terre, mais bon, il serait rentré un peu de thune dans la lessiveuse, ils s’en seraient pas offusqués. Les réputations en béton, c’est bien joli, mais quand t’envisages de peser cent cinquante kilos comme Black Francis, faut aussi de quoi becqueter… Tout çà pour dire que quand « Bossanova » est sorti, et croyez-moi, j’y étais, certains prétendus fans ont fait la grimace, et lâché l’insulte suprême : « commercial »… Bande de sourds … Z’avez rien compris, ni aux Pixies, ni à la zique, ni au wokanwol … z’avez rien compris à rien, d’ailleurs, tas de nazes …
Kim Deal
Parce que je vais vous dire, les quatre premiers cons venus, ils foutent le museau dans le manche de la gratte et les potards de l’ampli sur onze, et ils feront du boucan. Y’aura juste un problème quand il faudra passer à l’écriture des chansons. Des frangins Bruitos tendance hard(core), c’en est plein les encyclopédies du rock. Au mieux sympathiques le temps de trois titres, au pire inécoutables. Les Pixies viennent pour une grande part de ce monde-là, le hardcore, Sonic Youth et Hüsker Dü. Les Pixies sont sortis du lot, parce que à l’instar des New-Yorkais arty et des défoncés de Minneapolis, ils ont été capables d’écrire des putains de grandes chansons, des trucs que tu les entends une fois et qui te restent à vie dans la tête. En plus les Pixies ils ont su faire ça quasiment d’entrée, sans passer par la case de la demi-douzaine de skeuds « difficiles » comme les deux autres.
Et là, avec « Bossanova », ils sont pour moi à leur sommet. La maîtrise totale du « quiet-loud » qui a fait la fortune de Nirvana et autres grungeux et indie-poppeux à guitares en avant, et dont beaucoup se seraient contentés. Mais les Pixies c’est beaucoup plus que çà. La voix lead ou les chœurs de Kim Deal confèrent à tous les titres sur lesquels elle intervient une douceur éthérée qui vient se fracasser sur les couinements et hurlements de goret de Black Francis ou sur les guitares tronçonneuse-perceuse du métèque Santiago (rappelons que ce basané, cofondateur du groupe avec le gros, tient toute l’architecture sonore des Pixies avec sa gratte). N’oublions pas non plus qu’un lustre avant les BO de Tarantino, les Pixies foutaient de la surf music partout sur leurs disques, et « Bossanova » n’échappe évidemment pas à la règle (l’instrumental « Cecilia Ann », un peu plus loin « Ana »).
Joey Santiago
Tout ça, perclus de gimmicks insensés (que ceux qui ne sont pas foutus de trouver un truc pour rendre intéressant un morceau s’envoient « Dig it for fire » il y a dans les arrangements hallucinants de ce seul titre matière à publier un double-album), de poussées de fièvre tachycardiques (le frénétique « Rock music », « Hang wire » passerelle entre hardcore 80’s et grunge 90’s), de mélodies dignes de la sunshine pop (« Velouria »), et surtout, surtout, de ces choses curieuses et inimitables qui n’appartiennent qu’aux Pixies.
« Is she weird » invente et définit l’indie-rock des décennies à venir, « All over the world » est une construction pop à deux voix qui semble venir en droite ligne des sixties mélodiques, « Stormy weather » m’a toujours fait penser aux Beatles du Double Blanc (pourtant pas une référence mise en avant par le gros et la toxico), en fait faudrait les citer quasiment tous tant ce disque part dans tous les sens, les merveilles succédant aux merveilles. Les grincheux auront beau jeu de noter que « Blown away » évoque fortement « Gouge away » (et pas seulement par son titre), ne manqueront pas de signaler que ce « Bossanova » a été, comme le reste de la disco du groupe, un flop commercial, et qu’on n’y trouve pas l’ombre d’un de ces immenses hits underground tardifs comme l’ont été « Where is my mind » ou « Monkey gone to heaven ».
David Lovering

Il n’empêche que des gens qui ont le bon goût de s’inspirer avant Cobain (décidément) du « The man who sold the world » de Bowie (sur « All around the world »), qui truffent les textes de références débiles de science-fiction bas de gamme, qui présentent le plus beau quarteron de moches jamais réunis dans un même groupe (oui, Kim Deal était « cool », mais assez loin physiquement de Debbie Harry, si vous voyez ce que je veux dire), ben ces gens-là, ils avaient tout pour se vautrer en beauté. Ce qu’ils ont évidemment fait. Mais en laissant derrière eux une poignée de disques cruciaux dont « Bossanova » constitue pour moi le fleuron.

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