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TONTON DAVID - LE BLUES DES RACAILLES (1991)

 

Tonton flingueur ou Tonton flingué ?

Tonton David, son vrai blaze c’est Ray David Grammont. Ça commence mal, c’est con, je trouve que son nom est mieux que son pseudo …

Réunionnais de naissance et donc immigré en région parisienne (oui, je sais, La Réunion c’est en France, c’est la façon dont tu es perçu en métropole qui compte), une biographie (falsifiée, exagérée ?) de petit délinquant avec case zonzon, et une « expatriation » en père de famille déjà nombreuse vers la riante cité de Metz (cercle polaire septentrional) … Bon, je pourrais continuer dans cette veine là, mais c’est trop facile, malheureusement pour lui, il est plus là pour répondre, et puis, ce qui me gave chez lui, c’est pas le personnage (publiquement au demeurant assez sympathique), c’est la musique qu’il a fait.


Le Tonton, il vient du reggae. Enfin, le reggae des années 80 … Pause et petit rappel des faits. Le reggae, ça vient du ska, du rocksteady et de la Jamaïque des années 60. Bob Marley en fera un genre musical universel quand il deviendra une star planétaire au milieu des années 70. Trop tard pour les pseudo rastas de circonstance, musicalement le genre est moribond, les meilleurs titres et disques (y compris ceux de Marley) datent tous d’avant 74-75. Et quand Marley claquera en 81, personne ne reprendra l’affaire reggae en main. Les contemporains et possibles héritiers ne manquent pas, mais aucun n’atteindra l’universalité de Saint Jah Bob … Quant à la nouvelle génération, ces gamins jamaïcains nés dans les années 60, ils vont remplacer les musiciens par des machines, la structure rythmique deviendra beaucoup plus sèche et répétitive, le phrasé beaucoup plus scandé (reprenant les choses là où les avaient laissé les toasters des sound-systems jamaïcains des 60’s). On appellera ça le dancehall, avec deux courants : le slackness (ancêtre du gangsta-rap américain, le bad boy ou prétendu tel serial lover) et le raggamuffin (ceux qui causent accessoirement d’autre chose). A peu près la même chose se retrouvera aux States, où l’on parlera de rap. Quand le rap explosera commercialement au niveau mondial (Public Enemy et d’autres dans la seconde moitié des 80’s), les répliques se feront sentir partout, y compris dans notre chère Gaule. Quelques émissions de télé rétrospectivement assez risibles assureront l’implémentation du genre dans les oreilles de toute une génération issue de ce que l’on appelait les banlieues. Et quelques-uns passeront de l’écoute à la pratique sous le regard au mieux condescendant des maisons de disques. Une seule, Virgin, fondée par l’ancien hippie mais vrai affairiste Richard Branson, par le truchement du sous-label Labelle Noir, publiera en 1990 une compilation qui va se révéler fondatrice, « Rapattitude », où l’on retrouvera quelques seconds couteaux en devenir du rap, Assassin, Saï Saï, et les futures stars NTM. Parmi la dizaine de titres, une rengaine très mélodique sur fond de raggamuffin, « Peuples du monde » signée Tonton David. Premier vrai succès (radios, télés, charts) du rap français au sens large (après l’étonnant et improbable « Chacun fait ce qui lui plaît » de Chagrin d’Amour). Virgin battra le fer tant qu’il était chaud, et Tonton David se verra poussé en studio pour enregistrer un disque. Pour la petite histoire c’est Polydor qui sortira en 90 le premier album de rap à succès, « Qui sème le vent récolte le tempo » du plutôt brillant MC Solaar.


Des succès, l’Oncle David en aura, mais sous forme de singles, par contre il ne sera jamais un vendeur d’albums.  « Le blues des racailles » sera son premier 33T et un bide assez retentissant, et ce bien qu’il contienne en dernière piste « Peuples du monde » (le 45T est beaucoup plus facile à trouver aujourd’hui d’occase que l’album original).

Pourtant Tonton David se situe à la croisée des chemins rap et raggamuffin, y’avait de quoi ratisser large. Même si la bande tricolore (vert, rouge et jaune) de la pochette est le signe de ralliement de tous les reggaemen, on sent l’envie forcenée de coller à l’air du temps. Problème, à l’heure où le rap américain reposait sur un gros travail de studio, « Le blues des racailles » sonne cheap, bâclé. Des structures rythmiques maigrichonnes, des boucles minimalistes, et à contre-courant des standards internationaux, le gros des efforts est dirigé sur l’architecture mélodique et le soin apporté au refrain par le renfort d’un chœur féminin (à la I Threes de Marley) présent sur de nombreux titres. Et puis, y’a un autre souci. Le rap ou le raggamuffin sont affaire de tchatche (le flow disent les connaisseurs), et de plus en plus à l’époque, de textes. Ici, ça vire souvent à la cata. Oncle David arrive pas à coller vocalement sur des tempos qui se doivent d’être rapides, sa diction est pas bonne du tout, son accent ultramarin qu’il a pas réussi à perdre lui fait bouffer la moitié des mots et des pans entiers de phrases sont incompréhensibles. Et les thèmes abordés restent gentiment centristes, convenus. On est loin de la dentelle verbale travaillée d’un MC Solaar, et des punchlines balancées par les rappeurs américains et que sont en train de mettre en place dans leurs caves NTM ou IAM et l’émergence de ces deux-là renverra Tonton David au rang d’amuseur cool, que viendra lui contester au milieu des 90’s le risible et futur sarkozyste Doc Gyneco.

On sent dans « Le blues des racailles » que toutes les « figures imposées » du rap ou du raggamuffin sont traités de façon superficielle. Le côté bad boy sur l’introductif (bidonné ?) « Mon CV », le « sauvetage » grâce à la musique (« A qui la faute »), le machisme « gentil » (« Les jeunes filles vont nous tuer »), l’auto-glorification (« Tonto »), les flics (« Ils ont appelé la police pour moi »), la réussite financière (« CA$H »).


Deux titres posent problème (mais comme personne a dû les écouter, ça n’a pas fait de vagues, de scandales, ou de buzz). « Je parle à toi » avec au milieu d’une litanie de clichés à tendance communautariste une au moins maladroite sinon débile référence à « un accroissement inexorable de l’homosexualité ». Quant à « Pretoria » sur la situation d’apartheid en Afrique du Sud, on est loin de la qualité de « Biko » de Peter Gabriel, des albums « Graceland » de Paul Simon ou « Survival » de Marley, et à propos de Marley le citer à la fin du titre pour prédire une guerre civile, est une dénaturation et une réécriture totale des prises de position de Saint Bob …

Au final, il en reste quoi à sauver de ce disque ? Pas grand-chose. Allez, en ratissant large, j’en sauve trois (sur quinze). Le morceau-titre, plutôt basé piano et guitares (bien discrètes) que machines, « CA$H », un des plus élaborés musicalement, avec ajout de chœurs féminins et de cuivres, et le gentil hit « Peuples du monde ».

Ce hit qui suffira au Tonton pour devenir quelqu’un qui compte, d’autant plus qu’il réussira à sortir d’autres hits encore plus niais, notamment « Chacun sa route » épaulé (?) par Manu Katché et Geoffrey Oryema (la B.O. du sans intérêt « Un Indien dans la ville »), qu’on le verra dans des émissions prime time, image lisse et souriante d’une musique et d’une génération qui ne l’étaient pas vraiment par ailleurs. Ses petits succès dans les 90’s ne lui feront pas prendre la grosse tête mais plein de kilos, avant qu’il disparaisse des radars, et même tout court, victime d’un AVC il y a quelques années.

« Le blues des racailles » c’est poubelle direct. Si des trucs réussis dans ce genre quasiment disparu aujourd’hui vous intéressent, à peu près tout ce qu’a fait le Massilia Sound System dans les 90’s vaut le détour (du rap et du raggamuffin en provençal). Sinon, y’a quelques plages du grandiose « Banzaï », du groupe punk radical La Souris Déglinguée qui s’était offert une escapade fabuleuse vers des rythmes moins à ras du bitume que ceux auxquels ils nous avaient habitués depuis leurs débuts …





BILL DERAIME - BILL DERAIME (1979)

 

Pionnier ?

C’est avec ce genre de disques qu’on apprécie encore mieux (enfin, façon de parler) l’ironique sentence de Lennon : « le rock français, c’est comme le vin anglais ». A peu près tristement exact, et encore il parlait d’un genre (le rock) qui vaille que vaille était joué et apprécié en France. Même si je suis pas très fan de Lennon, force est de reconnaître qu’il avait le sens de la punchline, comme on dit aujourd’hui dans les salles de réunion des chaînes info … Par contre, j’aimerais bien savoir à quoi il aurait comparé le blues français …


Réponse, il aurait eu du mal à le comparer à quoi que soit, parce que le blues français, avant que le binoclard du Dakota Building se fasse dégommer (1980), ça n’existait pas, ou si peu … Pourtant le genre, né dans les années 20, avait largement ses trimestres pour une bonne retraite, réformée par Micron ou pas … Musicalement, la France a toujours été … franchouillarde. Et rétrograde. Les seules vieilles traces de blues en français c’étaient les sinistres pastiches signés du couple de tocards prétentieux venus du jazz le plus intégriste, Vian et Salvador (genre « La blouse du dentiste »). Par souci d’économie et sur recommandation de mon docteur, je vais pas me fâcher sur ces deux pantins (surtout Salvador, Vian a écrit quelques jolis textes), mais y’en aurait des choses à dire …

Bon, le blues est pas le genre musical le plus flashy du monde, on est d’accord … les frenchies ils avaient suivi (à la sauce française) tous les genres musicaux anglo-saxons, des adaptations de Dylan par Aufray au rock stonien pour ados de Téléphone, en passant par l’inamovible Johnny, mais sans jamais se frotter vraiment à l’idiome rustique du Mississippi … et que les docteurs es musiques tristes viennent pas me bassiner avec Alan Jack (Civilization ou pas), il vendait quatre disques et jouait devant quinze types dans les MJC dans les seventies …

Il faudra attendre la toute fin des années septante pour voir arriver un tas de types étiquetés blues. Ils s’appellent Benoît Blue Boy, Patrick Verbeke, Paul Personne (le meilleur de tous, début 80’s) et … Bill Deraime, on y arrive …


Alain Deraime (son vrai nom) sort ce disque éponyme, son premier, en 1979. Avec le fort soutien de la figure tutélaire du blues français, l’harmoniciste-arrangeur-producteur Jean-Jacques Milteau. Le tout sur un minuscule label indépendant, Argile, distribué sans conviction par RCA. Et preuve que le blues tout le monde s’en tape dans ce pays, les trois premiers disques du Bill n’ont jamais été réédités en Cd. Tout juste compilés en une dizaine de titres sur galette argentée (« Mister Blues »), et pourtant ses deux plus gros succès (si, si, ils passaient souvent à la radio, je les ai de mes oreilles entendus) sont sur les disques suivant ce « Bill Deraime » (« Faut que j’me tire ailleurs » et « Babylone tu déconnes »). N’allez pas croire que je vous cause là d’un collector, un objet mirifique qu’il faudrait acquérir à tout prix (ça se trouve facilement sur les sites spécialisés à moins de vingt balles port compris en état quasi mint). Parce que le Bill, il a d’entrée réussi à imprimer, comme on dit dans les cadres de Renaissance. Look total baba, béret ou bonnet rouge à la Commandant Cousteau, barbe ou barbichette, inamovibles pendant son demi-siècle de carrière (il a paraît-il pendu définitivement sa gratte au râtelier en 2016). Et donc il a vendu un peu de disque, et on continue d’en trouver dans les greniers …

Mais je digresse, je digresse … c’est juste pour meubler, pour me faire croire que je suis payé à la ligne. Parce qu’en fait, sur cette rondelle, j’ai pas grand-chose à dire. Bill Deraime, c’est pas Bob Johnson, Muddy Waters ou John Lee Hooker, autant le préciser d’entrée. C’est sympathique, sans plus … avec un goût suranné et vieillot … Pour résumer (et tout dire ?) ce « Bill Deraime » me fait souvent penser à ce que sortait Eddy Mitchell à peu près à la même époque (« Sur la route de Memphis », « La dernière séance », ce genre …). Et on peut pas dire que le sieur Moine transpire le blues par tous ses pores…


« Bill Deraime », ça ressemble beaucoup plus à du boogie (woogie ou pas) (« Mean old blues », « Baba boogie », du rhythm’n’blues (« Rumeurs »), parfois des touches de rockabilly (« Le train roule ») ou de psychédélisme (« Sur ma chaîne bon marché »). On essaye de se raccrocher à la locomotive Higelin qui vient de virer rock (« Lundi soir », limite plagiat), on tente un risible titre funky (« Musique de fête », le plus mauvais de la galette, on croirait entendre Fugain et son fuckin’ Big Bazar). Il n’y a qu’une paire de titres acoustiques (« C’est dur » et « Impasse du Crépuscule » avec son joli texte hommage à Wilder et au cinéma noir américain) pour le côté roots de l’affaire. Toutes les compos sont originales, les textes sont tous en français, certes travaillés mais ne vaudront pas à Deraime un strapontin à l’Académie Française (c’était cependant pas le but), ça cause fumette, crise d’identité, conflits générationnels, affirmation de la personnalité, ça fait quand même un peu ado attardé (Deraime a trente balais).

Musicalement, ça casse pas des briques, même si beaucoup aimeraient avoir pour un premier enregistrement autant de monde en studio. En plus du Milteau déjà cité, on note la présence des guitaristes reconnus des 70’s Pierre Fanen (ex Zoo et Triangle, genres de Blood Sweat & Tears français) et Christian Lancry, Paganotti à la basse ... Une section de cuivres américaine (les requins de studio Muscle Shoals Horns) participent à quelques titres. Et même si ça confère à l’ensemble une sympathique patine « vite fait bien fait », on sent dans la prod et le mixage un budget qui est loin d’être no limit …

Rajoutez à tout ça la voix quelconque et limitée de Deraime, et on comprend que personne se soit hasardé à une formule du genre « j’ai vu le futur du blues, il s’appelle Bill Deraime ».

La démarche et le bonhomme sont plutôt sympas, son disque est sincère (sortir ce genre de rondelles ne risque pas de voir accoler à son nom l’épithète d’opportuniste), mais bon, pas de quoi se relever la nuit …


PHOENIX - WOLFGANG AMADEUS PHOENIX (2009)

 

Qu'en aurait pensé Carmine ?

Ou Mozart …

Phoenix, c’est un des très rares machins musicaux français exportables. Des gens qui vendent de la rondelle argentée (ou du streaming) all around the world. Qui sous leur seul nom, sont capables de remplir le Madison Square Garden (les premiers, avant le tour de piste final d’Aznavour) …


Phoenix, c’est un beau gosse qui chante, trois moches derrière, dont deux à lunettes (exactement comme Blur, musicalement la comparaison s’arrête là). Le beau gosse, Thomas Mars (un pseudo, ça claque mieux que Thomas Pablo Croquet, son état-civil officiel), est en plus le mari et le père des deux enfants de la très people Sofia Coppola, fille de Francis Ford et petite-fille du Carmine du même nom …

Phoenix, c’est la connexion versaillaise de ce qu’on a appelé la French Touch, avec Air et Daft Punk, des types qui se connaissent depuis le collège. Phoenix, c’est les plus accessibles, grand-public, du lot (même si les deux autres, c’est pas férocement expérimental). Phoenix, c’est du pop-rock pour ados, farci de machines, de programmations, de boucles, de synthés. Ils sont quatre (chant, deux guitares, basse) plus deux en studio et sur scène (un batteur, un clavier), plus leur producteur Philippe Zdar (du duo electro Cassius) devenu à l’époque de ce « Wolfgang … » à peu près le cinquième membre « officiel » du groupe.

« Wolfgang … » comme tous leurs disques, compte dix titres. Bien souvent, ça sonne comme les Strokes du début (les mid-tempo enlevés et sautillants de leur premier album), mais comme tous les sons sont repassés par des bécanes électroniques, c’est du Strokes désincarné, déshumanisé. Définitivement pas ma tasse de thé.


Ce « Wolfgang … » je l’ai acheté d’occase (pour le prix d’un demi-pression, port compris) dans une version comprenant le Cd plus un Dvd. Avantage (?) du Dvd, on peut l’écouter en 5.1 (y’a une version vidéo, enfin un gros plan sur le disque qui tourne sur une platine), on a droit à une autre version avec paroles en version karaoké. Ce qui est intéressant (enfin, intéressant, je me comprends), ce sont les trois autres versions du disque. Une présentant Phoenix « at work », une avec les commentaires de Phoenix et une avec ceux de Zdar à mesure que défile la musique.

La première, sur les moins de quarante minutes que dure « Wolfgang … », nous montre le groupe écouter le mix des morceaux, battre la mesure, jouer de la air guitar, essayer des trucs à un doigt aux claviers, commenter le poussage de boutons sur la table de mixage … ouais, super, mais ils jouent quand ? On les voit jamais jammer, répéter. Ils sont comme Chuck Berry ou Robert Johnson, ils veulent pas révéler les secrets de leur jeu ? Ah et on les voit boire des canettes de soda, parce que jamais une bouteille d’alcool ou un paquet de clopes dans le décor. Les Phoenix en studio, c’est pas exactement les Stones à Nellcote, si vous voyez ce que je veux dire. Ils sont amish ou quoi, ces types ?


Concernant les commentaires du groupe et ceux de Zdar, ce sont ces derniers les plus intéressants, il s’implique un peu à décortiquer les titres et leurs enchaînements de séquences. Par contre, les Phoenix, manifestement, ils ont pas grand-chose à dire (ou ne veulent pas dire grand-chose) sur leur disque. Mais quelques réflexions incitent à se gratter l’occiput d’un doigt dubitatif. Je cite. A propos de « Litzomania » (principal single, en tout cas titre le plus connu) : « Les Beatles transposés dans la musique classique », rien que ça (pourquoi pas mieux que « Norvegian wood », tant qu’on y est), également « (titre) beau et élégant » (hum …). A propos de « 1901 » (l’autre gros single) : « inspirée par « 1999 » de Prince » (vraiment ? y’a davantage d’idées dans le seul titre de Prince que dans tout « Wolfgang … »). Lequel « Wolfgang … » serait une « quête mystique » (non, les gars, juste de la variét’ dansante). Plus belle pour la fin : « Countdown » est inspirée par le Bryan Ferry de « Avalon » et de « Smoke gets in your eyes », sauf que cette dernière est déjà une reprise d’un traditionnel popularisé par les Platters, faudrait réviser vos classiques, les enfants … Les commentaires de Zdar sont moins prétentieux, il cite juste une fois Neil Young (?) et Prince, une autre fois une partie de banjo « à la Délivrance », le film, et un pont de (fausse ?) batterie « à la AC/DC » (en fait un pompage de la rythmique de « Thunderstruck » sur « Girlfriend »).

Au final, si on s’en tient juste à la musique, il en reste quoi, de ce « Wolfgang … » ? Des singles très « pensés », efficaces et commerciaux (« Litzomania », « 1901 »), des titres surchargés d’arrangements synthétiques (ça passe mieux sur l’instrumental « Love like a sunset Pt I »). Dans le lot, je sauve « Rome » (sauf la voix de Mars, toujours trafiquée dans les aigus, c’est un gimmick qui finit par être pénible) et sa jolie intro.

Retour à Carmine (Coppola), le grand-père de Sofia (Coppola) et compositeur de musique de films pour Francis Ford (Coppola). Qu’est-ce qu’il en aurait pensé du disque du mari de sa petite-fille ? Je vais pas faire parler les morts, mais enfin, j’ai ma petite idée …

Quant à moi, ce que j’en pense, c’est vous qui avez aussi une petite idée …


ETIENNE DAHO - POP SATORI (1986)

 

Antoine Doinel 80's ?

Daho, il sort de nulle part. De Rennes, précisément, ce qui musicalement revient à peu près au même au début des années 80. Bon, avant que les Bretons bretonnants me lancent une fatwah, je précise mon propos. Ouais, je sais, Marquis de Sade et les Transmusicales, la Rue de la Soif, et toute la mythologie provinciale du rock’n’roll… Mais c’est quoi les ventes de Marquis de Sade ? Et les Trans, c’était pas un peu surévalué par les journaleux parisiens venus là en goguette ? Non, en ce temps là comme tout le temps, ce qui comptait vraiment, ça se passait à Paris, et il a déménagé où, Daho, une fois les biftons des premiers succès en poche, hein ? pas à Morlaix que je sache … Voilà, voilà, j’ai encore rien dit que je me suis fait plein d’amis … surtout bretons …


Bon reprenons avec le jeune Etienne de Rennes. C’est un ado timide et romantique, et fan d’un monde déjà disparu. Celui des années 50 et 60, des films existentialistes de la Nouvelle Vague en noir et blanc, du premier disque du Velvet Underground avec Nico, du Pink Floyd de Syd Barrett, de Françoise Hardy ... Premier fait d’armes de Daho, il met toutes ses économies sur la table pour organiser à Rennes un concert d’Elli et Jacno, parce qu’il aime bien leur musique, mais plus encore la belle uruguayenne Elli Medeiros, qui chante (assez faux) dans le duo. Daho surmontera sa timidité et sa faiblesse vocale pour commencer à enregistrer. Deux disques, le premier « Mythomane », passe inaperçu, mais le single qui suit « Le grand sommeil » (évidemment à cause du film du même titre avec Bogart et Bacall) récolte quelques critiques favorables. Second trente trois tours « La notte, la notte » (référence au film d’Antonioni) fait frissonner les hit parades grâce au single « Week end à Rome ». Mais en tout cas rien qui ne préfigurait le succès de « Pop Satori ».

« Pop Satori » est donc le troisième disque de Daho, et qui suit un maxi 45T avec un titre bien diffusé en radio, « Tombé pour la France ». Ce maxi est vraiment le dernier de la période rennaise de Daho. Même si le titre à succès est produit comme tout ce qu’a sorti Daho depuis « Le grand sommeil » par Franck Darcel (guitariste et fondateur de Marquis de Sade puis d’Octobre, devenu maintenant écrivain et activiste breton), il est enregistré entre Paris et Bruxelles. « Tombé pour la France » figure (en fin de première face vinyle, donc au milieu du Cd) sur « Pop Satori » avec un son assez différent du reste du disque, en tout cas le meilleur titre d’électro-pop français sorti à l’époque, aussi bien foutu qu’une rengaine à succès d’Orchestral Manœuvres, Eurythmics, ou Depeche Mode.

Avec Elli Medeiros

Parce que Daho, alors que toutes ses influences sont dans le passé, va s’attacher à faire un disque de son époque, le milieu des 80’s. Alors, certes il gardera Arnold Turboust, son alter ego pour l’écriture des morceaux, mais ira chercher des Anglais peu connus mais qui selon lui, peuvent lui amener ce son contemporain et classe dont il rêve. Apparaissent donc en bonne place dans les crédits le producteur Rico Conning, et le groupe Torch Song, dont la tête pensante est un dénommé William Orbit (qui sera quelques années plus tard le pape de la techno anglaise, producteur, mixeur, remixeur et Dj mondialement reconnu – l’anti Guetta pour situer).

« Pop Satori » n’est pas aussi conceptuel que le laisse entendre son titre. Satori, en japonais, signifie en gros illumination, prise de conscience, dans la religion bouddhiste. Ce disque est plutôt un hommage au passé ou à un monde rêvé. Daho est un indécrottable romantique passéiste et il inaugure avec « Pop Satori » son culte du passé servi par des sonorités contemporaines, le « c’était mieux avant » avec des synthés. Grosso modo, il fera ça à chacun de ses disques, un son d’actualité au service de la nostalgie. Voir ici « Paris, le Flore », évidemment hommage au bistrot parisien (la photo de pochette y a été prise) haut lieu de la culture Rive Gauche. Le titre est coécrit par un Anglais, Stuart Moxham, compositeur principal de l’éphémère groupe culte Young Marble Giants (une seule rondelle à leur actif, qui sera un des disques de chevet de Kurt Cobain).

Rayon hommage et nostalgie, difficile de passer à coté de « Duel au soleil » (encore un titre de film devenu chanson) et de « Late night ». Le premier a été composé par Robert Farel (quasi clone de Daho, et dont on n’entendra parler que brièvement l’année suivante avec son titre « Les petits boudins ») et le journaliste Jérôme Soligny (depuis des années à Rock & Folk, auteur d’articles-fleuve sur Bowie, Macca et – nobody’s perfect – Coldplay), mélodie intemporelle, arrangements tantôt arabisants, tantôt hispaniques, pour moi d’assez loin le meilleur titre de la rondelle. A égalité avec « Late night » de Syd Barrett, paru sur son premier disque solo « The madcap laughs ». Dernier titre du disque, en totale rupture avec le son de ce qui précède. Ici, juste guitares et voix, dans une version assez similaire à l’original (manque juste les guitares « spatiales » caractéristiques de Gilmour).

Avec Nico

Le gros succès radiophonique de « Pop Satori » sera « Epaule Tattoo », beaucoup moins évident aujourd’hui, certainement le titre le plus daté, irrémédiablement bloqué sur ses synthés très début 80’s. A lui seul, ce morceau résume pour moi le problème Daho. Il propose des compos certes sympas écrites pour sa voix que pour être gentil on qualifiera de limitée, et les met en musique en s’inspirant de l’air (en général électronique) du temps. Parfaitement en phase avec leur époque, ses disques prennent assez vite de gros coups de vieux. Tiens à ce propos, dans les crédits de « Pop Satori », section remerciements Daho écrit en conclusion : « c’était trop bath ! ». Même dans les années 80, qui disait que c’était bath ? Léo Ferré peut-être …

Bien trente ans que je l’avais pas écouté ce « Pop Satori ». Dans mes souvenirs, il était bien, voire très bien … Ben, il a assez mal vieilli, la moitié des titres ne valent pas d’être cités … irrémédiablement d’une autre époque. Par contre quelques-uns ont plutôt pas mal traversé les décennies, et comme par hasard, ce sont les mieux écrits. Comme quoi un bon son, un gros son, un son moderne, ça peut parfois suffire, mais s’il y a une bonne chanson pour aller avec, c’est encore mieux …


CHARLOTTE GAINSBOURG - IRM (2009)

 

Fortunate son ...

Comme tout le monde, Charlotte est la fille de ses parents. Mais c’est  la seule au monde à être la fille de Serge Gainsbourg et Jane Birkin. Ce qui n’est pas forcément un handicap dans la vie. D’ailleurs, elle fait carrière sous le pseudo de son père (pour l’état-civil, elle s’appelle Charlotte Lucy Ginsburg). Son gagne-pain, à Charlotte, c’est d’être actrice. Un métier pour lequel elle est assez douée, excellant dans des rôles de pleureuse diaphane triste, mais pas que …Elle fait des disques aussi, la Charlotte … et là on peut se poser deux questions : pourquoi et comment ?


Pourquoi faire des disques quand on s’appelle Charlotte Gainsbourg ? Parce que Gainsbourg, dans le monde des maltraiteurs de gamme, c’est un nom bankable, et il n’a échappé à personne que le monde de la musique, c’est aussi une industrie qui exige des résultats, des marges, des dividendes, etc … On prend moins de risques à sortir un disque étiqueté Gainsbourg que celui de gugusses peut-être extrêmement talentueux mais inconnus. Et puis, Charlotte Gainsbourg et la chansonnette, y’a peut-être quelque chose de freudien et d’œdipien à régler. On se souvient de son père la forçant à chanter toute gamine des mélodies difficiles, sur des textes (et un clip) pour le moins équivoques (l’assez douteux « Lemon Incest ») …

Comment on fait de la musique quand on s’appelle Charlotte Gainsbourg ? Et que certains prérequis pointent aux abonnés absents. Quand on ne compose pas qu’on n’écrit pas (ou si peu) de textes, et qu’on a une voix à faire passer Maman Jane pour la Callas, on fait quoi ? A mon humble avis, on ferait mieux de rester à la maison … Pas Charlotte, à qui on donne un disque « clés en mains », sur lequel elle n’a plus qu’à poser son petit filet de voix. Bon, des gens qui ne font quasi exclusivement que chanter sur leurs disques, on en connaît et des fameux (Frank Sinatra ou Elvis Presley pour n’en citer qu’une paire). Mais ils chantent mieux que Charlotte …

Cet « IRM » est beaucoup plus un disque de Beck (Hansen) que de Charlotte (Gainsbourg). Beck, au début, c’était un mixeur de genres assez étonnant, réussissant à faire des choses pas dégueus en marchant à rebrousse-poil des conventions (de l’électro, du rap et de la country avec « Loser », fallait y penser). Son étrange mayonnaise a fini à la longue par tourner vinaigre, et encore plus quand est venu se rajouter à la musique un malvenu prosélytisme scientologue. Mais on peut toujours compter sur lui pour bricoler des trucs bizarres.

Ici, il s’en donne à cœur-joie, réunissant une multitude de zozos programmant leurs Mac, lui-même étant crédité de plein de bidules électroniques. Même s’il y a aussi de vrais instruments (noyés sous les programmations), et un casting aussi long qu’un générique de dessin animé Pixar, c’est Beck qui écrit, compose et joue quasiment tout. A part deux types dont je préfère pas citer le nom pour les paroles d’une imbécilité rare de « Le chat du Café des Artistes » qui accumulent des trucs aussi forts que « Quand on est mort c’est qu’on est mort, quand on ne vit plus c’est qu’on ne vit plus », et un poème d’Apollinaire mis en musique (la tarte à la crème de la chanson française de « qualité », aller piocher chez Verlaine, Rimbaud, Apollinaire, ça fait littéraire et romantique …).

Charlotte G. & Beck H.

Musicalement, Beck oblige (ou se sent obligé ?), on passe du coq à l’âne, pauvres mélodies interchangeables sur fond d’innombrables programmations rythmiques envahissantes, on va butiner vers plein de genres (vers l’électro, la ballade acoustique, la pop 60’s).

Quelques rares compos tiennent à peu près la route. « Le chat du Café … » s’il avait un bon texte renverrait aux meilleurs trucs que composait Gainsbourg Père pour Jane B., « Heaven can wait » est un joli exercice rétro très influencé par le Beatles sound, « Time of the assassins » c’est pour moi le meilleur titre de la rondelle, belle mélodie pop-folk à la Duncan Browne. A noter aussi, mais pour d’autres raisons « Dandelion » (étonnant que Tony Visconti ou les héritiers de Marc Bolan n’aient pas dégainé les avocats, c’est un plagiat du T-Rex sound époque « Electric warrior »). Le reste, c’est du bruit pour after de bobos, furieusement (?) novateur (?) et étrange (?), manière d’accompagner le champagne rosé quand les lumières de l’aube viennent signifier la fin d’une nuit passée dans des endroits rupins des beaux quartiers de Paris…

La Charlotte « chante » pour l’essentiel en anglais, c’est-à-dire qu’elle murmure des textes en essayant de suivre la mélodie. Dans les meilleurs moments assez proche de la tessiture de sa Jane de mère, mais sans son feeling ingénu. Ici, c’est pour le moins laborieux …

Pour paraphraser le philosophe hélicoptérisé Balavoine, qui déclarait qu’il faudrait remplacer le besoin par l’envie, Charlotte G. aurait dû se poser la question essentielle : avait-elle besoin de faire un disque ou en avait-elle juste envie ?


BIJOU - OK CAROLE (1978)

 

Nostalgia …

Les Bijou furent en 76 et 77 à l’affiche de l’improbable European Punk Rock Festival de Mont-de-Marsan, initié par Marc Zermati (mort l’année dernière) et son label Skydog. Seuls les Anglais Sean Tyla et Eddie & the Hot Rods furent également des deux éditions … oui, le festival de Mont-de-Marsan, s’il fut le premier festival punk au monde, était quand même beaucoup plus orienté pub-rock (surtout la première année) que punk …


Et Bijou ? Très peu punks et pas plus pub-rockeurs. Ils venaient d’ailleurs. Géographiquement de la banlieue parisienne (Juvisy) et musicalement de déjà vieilleries pour l’époque. Des machins 50’s et 60’s. Mais ils jouaient ces trucs vieillots avec une énergie qui faisait la farce, et les faisait respecter par toute la scène musicale française contemporaine.

Bijou était le groupe de cette époque-là qui allait devenir énorme, tout le monde en était certain. Ils sont pas passés loin (quoique, ils ont vendu que des clopinettes de leurs disques), et ce sont Téléphone (surtout) et Trust (un peu moins) qui allaient rafler la mise et rallier les suffrages populaires fin 70’s – début 80’s.

Les Bijou sont un trio … de quatre personnes. Trois sur scène (Yann Dynamite à la batterie, Philippe Dauga chant et basse, Vincent Palmer chœurs et guitare), plus leur parolier et mentor Jean-William Thoury. Les lecteurs de Rock & Folk depuis …euh longtemps auront remarqué que Palmer et Thoury ont fait (font encore ?) partie de la rédaction, causant de vieilleries qui le temps passant deviennent de plus en plus vieilles. Et puisqu’on en est à causer Rock & Folk, les jambes sur la pochette de cet « OK Carole » sont celles de Brenda Jackson, elle aussi pigiste, mais chez leurs concurrents de Best dans les années 70.

« OK Carole » est le second disque de Bijou après le sympathique « Danse avec moi » (grâce notamment à ses deux quasi-classiques « Marie-France » et la reprise de « La fille du Père Noel »). « OK Carole » est plus homogène, ce qui selon le côté par lequel on aborde la chose, peut être un atout ou un handicap. Ici, la barre est carrément mise sur le vintage et la nostalgie.


Vintage parce que tout sonne « comme avant », c’est-à-dire en gros la première moitié des années soixante. Musicalement, c’est très anglais (les influences mod, premiers Who, Small Faces, …), et les paroles très français (les textes naïfs des Chats Sauvages, de Danny Boy, ce genre …).

Nostalgie parce que forcément rien ne rattache Bijou à son époque (allez si, le court « Pic à glace » peut évoquer le punk’n’roll des Ramones, exception qui confirme la règle). Palmer, maître musicien de la bande, fronce les sourcils dès qu’il est question d’un disque paru après 1966, et tout chez le Bijou de 1978 renvoie à des temps antédiluviens, la période yé-yé française (« Décide-toi (Twist) », rien que le titre, « Ton numéro de téléphone »), d’autres sont clairement sous influence période mod anglaise circa 63-65 (« Je te tuerai », « Non pas pour moi »). Le reste est à l’avenant, petits rocks concis et énergiques, paroles désuètes (l’esprit yé-yé, encore et toujours, l’ambiance du film « American graffiti »). De ce point de vue-là, un des descendant évidents de Bijou est Didier Wampas et son groupe du même nom …


Mais « OK Carole » restera surtout dans la petite (ou la grande, d’ailleurs) histoire du rock de par ici. A cause de Gainsbourg. Le Serge, plus ou moins retiré des affaires et surtout de la scène, autorisera la reprise par Bijou d’un de ses vieux titres oubliés « Les papillons noirs » (à l’origine un duo en 1967 avec Michèle Arnaud). Gainsbourg la chantera sur le disque (mixé très en arrière, c’est Dauga qui est à la voix lead), puis ne manquera pas une occasion d’aller voir ces jeunots de Bijou de scène, où il finira toujours par les rejoindre pour chanter avec eux « Les papillons noirs ». Devant l’accueil enthousiaste qui lui est réservé par le public (plutôt jeune) de Bijou, Gainsbourg se laissera tenter par l’idée de se produire à nouveau live, chose qu’il n’avait pas faite depuis des années. Ce sera la tournée restée dans les annales pour l’émoi réactionnaire qu’elle avait soulevé (à cause de sa version reggae de « La Marseillaise »), la renaissance populaire de Gainsbourg, et la naissance (plus souvent pour le pire que le meilleur) de son double Gainsbarre.

« Les papillons noirs » est le titre atypique qui sert de locomotive à « OK Carole », très largement au-dessus du lot. Dans un registre plus propre à Bijou, il convient de citer le morceau-titre, petit rock et nerveux sans fioritures (13 titres en demi-heure, des fioritures y’en a pas de toutes façons), « Sidonie » (du Wampas avant l’heure).

Difficile cependant de ne pas se gratter la tête à l’écoute de titres qu’on qualifiera d’erreurs de jeunesse (à force de rechercher la naïveté originelle du rock, faut éviter l’écueil de l’infantilisme), la palme revenant au (heureusement très court) morceau a capella « L’amitié » (peut-être une pochade de studio, chantée faux et aux paroles simplettes).

Enfin, pour l’anecdote, en plus de s’être fait piquer la popularité par Téléphone, les Bijou se sont aussi fait piquer un nom de morceau par la bande à Aubert (« J’avais un ami », les deux titres n’ont rien à voir, celui de Téléphone est le meilleur).

Inutile de préciser qu’aujourd’hui, sous le règne du streaming et des Maître (?) Gims de tout poil, ce petit disque sympa mais pas essentiel de Bijou, est, comme le reste de sa production, plutôt difficile à trouver …


Des mêmes sur ce blog :

Danse Avec Moi



WILLIAM SHELLER - ALBION (1994)

Spinal Bion ?

Je me souviens, je me rappelle … de ce blondinet timide, chantant les mains dans les poches des histoires d’encre bleue et de carnets à spirale. C’était quand la télé commençait à être en couleurs, et on y voyait quelques fois le Sheller pousser la chansonnette chez Drucker ou les Carpentier, entre les tocards habituels, tous ces Charles Bécaud, Gilbert Aznavour, Mireille Lama et Serge Mathieu… Il avait l’air de se demander ce qu’il foutait là, et de s’y emmerder royalement …
Et puis, il a eu son quart d’heure de gloire vers la fin des 80’s, quand tout seul avec son piano, on le voyait quelques fois dans des shows télé (un peu) moins honteux, chanter de mignonnes chansons tristes. Et comme il disait, il devait être un homme heureux …
Pour moi, c’était un de ces sous Polnareff comme la variété française en pond un tous les cinq ans, avant de passer au suivant … ce qui ne l’avait pas empêché de sortir quelques trucs risibles, au premier lieu desquels l’impérissable ( ? ) « Rock n’ dollar » (« Donnez moi Madame s’il vous plaît du ketchup pour mon hamburger … »), fallait y penser … Et surtout pas avoir peur du ridicule, Sheller étant aussi rock’n’roll que, au hasard, Macron … C’était dans ses débuts de carrière, il devait se chercher, et allait retenir la leçon, le rock c’était pas fait pour lui …
Ben non … Voilà t-il pas qu’en pleine vague grunge (retombante), il se paye un séjour aux cossus studios Ridge Farm, dans le cossu Surrey, studios qui ont vu défiler du beau monde (Bad Company, Roxy Music, Queen, Prefab Sprout, Bowie-Tin Machine, …), ou pas (Jethro tull, a-ha, Frankie Goes to Hollywood, OMD, …). Sheller recrute quelques requins anglais (inconnus) et met en chantier un disque de rock … Je sais pas ce qui lui passait par la tête et je m’en fous, mais force est de reconnaître que c’était pas une bonne idée du tout.
Ce « Albion » fruit de ces séances, est atroce. Les compos sont pas mauvaises en soi, Sheller est capable de trousser de belles constructions mélodiques, mais une fois passée par les pattes de cette joyeuse ( ? ) équipe, c’est d’une navritude (inutile d’écrire à Blanquer, je sais que c’est un mot qui existe pas, je suis dans ma période Ségolène – feu Chirac qui étaient coutumiers de ce genre de créations, mais qui eux faisaient pas exprès) absolue.
On retiendra de cette horreur sonore un jeu de batterie herculéen qui recycle les plus mauvais plans du rock FM (la Benatar, Foreigner, Toto, le Van Halen des mauvais jours), et un guitariste imbécile, certainement payé à la note, qui à la moindre éclaircie, se lance dans des solos imbéciles de technique vaine. Sheller, préposé à tout ce qui a des touches blanches et noires, n’est pas en reste, et s’efforce de sonner comme tous ces types qui au début des 80’s jouaient des synthés à un doigt … alors que le William est capable d’utiliser les dix …
Les coupables ...
Qu’il veuille sonner « rock », c’est son problème. Le problème, c’est que le rock, il y connaît rien. Dans les moins mauvais moments, ça sonne comme Jethro Tull ou le Genesis des 80’s, c’est dire l’ampleur des dégâts … on ne s’étendra pas par charité sur sa prestation vocale, c’est pas un hurleur, et pour faire entendre sa voix au milieu de tout ce raffut, il n’a rien trouvé de mieux que de la gonfler en la passant par tout un tas de filtres ou de vocoders …
Sur le podium des horreurs, médaille de bronze pour « Silfax », entre reggae et calypso (faut oser, avec un band qui swingue comme un régiment d’enclumes), titre pendant lequel le guitariste se « surpasse » (no comment). Médaille de bronze pour « Maintenant tout le temps » entre Gold (« Ohééé ohééé capitaine abandonnééééé » ») et une face B de Foreigner. Médaille de chocolat décernée à « Excalibur », titre dont il avait fait une version celtique qui n’arrivait pas à la cheville de Manau (les Alan Stivell des malentendants) et qu’il nous ressert là façon rock (enfin, à sa façon à lui), et « agrémentée » d’un clip très Mylène Farmer (les jolies fesses en moins), heureusement (?) introuvable sur TonTube.
En fait, il faut avoir le courage - « Albion » dure une heure (putain, une heure) – d’arriver au dernier titre le bien nommé ( ? )  « Relâche » pour trouver quelque chose ressemblant à du Sheller « d’avant », c’est-à-dire écoutable quand on a vraiment rien de mieux à faire.
Y’avait longtemps … poubelle direct …



METAL URBAIN - LES HOMMES MORTS SONT DANGEREUX (1981)

Metal Punk Machine
Pour situer ce dont au sujet duquel de quoi il va être question, il suffit d’aller dans les notes (faméliques) de la réédition Cd dans la section « remerciements ». On peut y lire : « Métal Urbain tient à remercier absolument personne. Merci. ». Et c’est tout. Version sans décodeur : « On vous emmerde tous. »
Métal Urbain est un groupe punk. Français. Et que cette appartenance géographique suffit à générer des problématiques que tous les Gaulois qui ont eu un jour l’idée saugrenue de relier une guitare à un ampli ont connu. En gros, soit tu passes pour un immonde copieur des anglo-saxons, soit tu fais n’importe quoi …

Et les Métal Urbain n’ont pas échappé à la règle. Groupe clivant, c’est le moins qu’on puisse dire, et un des rares de par ici à cette époque, à être cité très loin de ses terres. Des exemples : le célébrissime Dj et animateur de radio John Peel s’est démené pour les faire connaître dans la très perfide Albion. Le premier single de Métal Urbain « Panik », fut la première référence du label anglais Rough Trade (avec comme figure de proue punk les Irlandais de Stiff Little Fingers, une myriade de 45T à la fin des années 70, et plus tard des cadors des ventes comme les Smiths ou Arcade Fire …). Et un fan intarissable d’éloges, le producteur bruitiste Steve Albini (Pixies, Nirvana, PJ Harvey, Stooges, Page et Plant, rien que ça …). Et des quasi jumeaux sonores nommés Bérurier Noir (quasi, on y reviendra si j’y pense …).
Le concept de Métal Urbain, c’est qu’il n’y en a pas. Des potes de lycée qui suivent l’actu musicale montent un groupe. Sans section rythmique. Pas un souci, ils aiment bien Suicide, et une boîte à rythmes pourrie suffira. Et comme ils aiment aussi les Stooges et ces groupes de morveux arrogants qui pullulent Outre-Manche dans le sillage des Sex Pistols, ils vont pas donner dans le disco ou le prog.
Dans ce domaine, tout est à inventer en France. Hormis Little Bob au Havre et le poète bab Higelin reconverti dans le rock à guitares (« BBH 75 »), c’est la misère. Métal Urbain sera électronique (la boîte à rythmes), électrique (une guitare saturée), et agressif (les textes d’Éric Débris). Métal Urbain est aussi parisien et ce sera aussi son problème. Dans cette scène microscopique mais bouillonnante, les amitiés se font et se défont, et parmi tous ces gens qui s’appliquent à copier les punks anglais à la sauce parigote, les mouvements et aller-retours d’un groupe à l’autre se multiplient. Métal Urbain en fera les frais, voyant partir son guitariste Rikki Darling pour rejoindre l’Asphalt Jungle de Patrick Eudeline. Débris n’utilisera pas de circonlocutions absconses pour dire tout le mal qu’il pense de son « rival », ainsi que de Philippe Manoeuvre qui avait descendu les premiers enregistrements et concerts du groupe. Le poétique « Crève salope » leur est dit-on dédié.

Bon, même si on a John Peel dans sa manche et Rough Trade derrière, ça suffit pas pour devenir une star intergalactique. Les Métal Urbain sont trop … trop tout, en fait pour faire un consensus quelconque autour de leur nom. Ultraradicaux par leurs propos, ultra-sauvages par leur son (on parle là d’une époque qui ne connaissait ni les gangsta rappers ni Rammstein ou autres crétins gueulards sur gros riffs hardos), et ultra amateurs (ils ne sont pas comme Jam, Pistols ou Clash signés par des majors).
Résultat : la liste des gens ayant joué dans Métal Urbain est plus longue que la liste de leurs parutions discographiques. La formation « royale » (on ne rit pas) du groupe enregistrera en tout et pour tout trois singles avant de disparaître dans les projets plus ou moins parallèles (Metal Boys, Doctor Mix and the Remix), des tentatives avortées de carrière solo, et guère plus convaincantes de reformation (Métal Urbain, c’est son ADN, est tout sauf bankable, y’a pas un financier pour risquer une pépette sur leur nom …).
Les trois 45T sont parmi ces œuvres sans intérêt mais rigoureusement indispensables qui émaillent la grande chanson française. Peut-être pas du niveau de l’insurpassable « Fier de ne rien faire » des Olivensteins, mais pas loin … « Panik » est quasiment un classique, avec son rythme punk’n’roll et ses synthés dissonants, « Crève salope » ne fait pas exactement dans la dentelle musicale et verbale, et « Hystérie connective » est le meilleur des trois avec son manifeste sonore (synthés et grosses guitares) et sa mélodie (si, si, …). Mais pour moi, le titre qui surnage du lot est une face B (celle de « Panik »), elle s’appelle « Lady Coca Cola » et derrière ses synthés anxiogènes et sa voix déclamée reprend un thème identique à celui du « In every dream home a heartache » de Roxy Music (le type amoureux de sa poupée gonflable).
Ah ouais, je vous ai pas dit, « Les hommes morts … » est une compile, sortie en vinyle au début des années 80 (après la disparition du groupe donc), et rééditée en Cd il y a une quinzaine d’années. Aux trois singles originaux, elle rajoute quelques titres destinés à un album jamais paru, ou d’autres dispatchés sur diverses compilations étiquetées grosso modo punk. En fait le seul disque « officiel » paraîtra lors d’une reformation dans les années 2000 sous le délicat intitulé « J’irai chier dans ton vomi », ce qui montre bien que les Métal Urbain n’ont pas vraiment évolué, ou ont refusé d’évoluer …

Et le rapport avec Bérurier Noir ? Filiation évidente au niveau sonore (les Bérus ne s’en sont jamais cachés, et reprenaient parfois un de leurs titres en concert), avec la boîte à rythmes et les guitares-tronçonneuses. Ensuite, la philosophie des projets est totalement différente. Métal Urbain n’a jamais eu la moindre once d’approche festive. Et surtout, Métal Urbain est aux antipodes de l’approche que pour faire simple on qualifiera de politique des textes. Métal Urbain c’est le no future complet, rien à foutre de rien, alors que les Bérus ont une approche bordélique certes, mais issue des milieux anarchisants, qui dénonce mais propose. Les Bérus, on n’ira pas jusqu’à dire que c’est un mode de vie, mais ils s’adressent à un public de parias, de rejetés, d’exclus (volontaires ou pas) …
Métal Urbain, c’est un peu la vie et la musique version Hara-Kiri (le mag de Choron des années 70, je dis ça pour les vieillards de mon âge). C’est souvent très con, très en dessous de la ceinture, mais ça fait rigoler cinq minutes … Que demande le peuple ?


LE SUPERHOMARD - MEADOWLANEPARK (2019)

Rock Lobster ?

Je sais pas ce qu’ils deviendront ceux-là, toujours est-il qu’avec un nom pareil, ils ont toutes les chances de pas passer inaperçus. Bon ça claque pas vraiment, SuperHomard, et je me demande si c’est mieux que GrosseCrevette, GentilBulot, Supergrass ou Supertramp … Enfin, et c’est jamais que mon avis très subjectif, c’est crétin total de s’appeler comme ça … bon pas plus diront certains que Pierres Qui Roulent, Pistolets Sexuels, Qui ou Groupe …

SuperHomard, c’est le groupe de deux frangins provençaux, venant après les très confidentiels Strawberry Smell et Pony Taylor. Un coup d’œil sur le Net suffit pour voir que SuperHomard est un truc sérieux, réfléchi, conceptualisé (aïe, le vilain mot), assez loin de la boutade que laisserait supposer leur nom. Toutes leurs pochettes, de singles, Ep, ou albums (4 ou 5 références en tout) développent visuels et couleurs utilisés semblables avec comme point commun un cube central. Et on ne se perd pas dans ce « MeadowLanePark », parce qu’il dispose d’un fil conducteur sonore qui te lâche pas de la première à la dernière plage.

Et le son de SuperHomard, ben moi j’aime pas. Sans réserves. Du Air bourrin, du Burgalat sans distanciation, pour ce qui est à mon sens le plus évident niveau influences. Je rajouterai bien comme tout le monde Broadcast pour faire mon intéressant, mais j’ai jamais réussi à écouter plus de deux minutes leur électro dépressive. Je préfère lancer le nom de Saint-Etienne (pas les Verts, les English qui avaient sorti une fabuleuse reprise de « Only love can break your heart » de Neil Young et enregistré avec Daho, mais que diable sont-ils devenus …). Saint-Etienne à cause de la voix féminine, ici celle de Julie Big, voilée, nonchalante et sensuelle …
Donc j’aime pas le son de SuperHomard. Trop subtilement rentre-dedans … ou le contraire. Genre on remplit toutes les pistes disponibles de trucs très en avant, tous potards sur onze. Alors que les compos et les mélodies sont suffisamment fines et n’auraient demandé à mon sens qu’à être aérées, qu’à respirer. Et moi qui ai la fâcheuse ( ? ) habitude d’écouter les disques très fort, mais vraiment très fort (merci la solitude campagnarde), j’ai baissé plusieurs fois le son, j’en pouvais plus ce cette hypercompression qui noie tout sur une pluie de décibels …

« MeadowLanePark » débute par un instrumental avec mis en avant un thème au piano qui allez savoir pourquoi me fait penser au « Köln Concert » de Keith Jarrett (que j’avoue j’ai écouté qu’une fois et en ayant envie de piquer un roupillon), mais un Keith Jarrett qui utiliserait un marteau piqueur à la place de ses doigts. Ensuite,  « Springtime »), dès que Julie Big se met à chanter (toujours de la même façon, voix voilée et triste) on ne peut s’empêcher de penser à Saint-Etienne, au Air de « Moon Safari » en moins subtil, et à l’association Bertrand Burgalat – April March en plus anémique. Les chansons (j’aime pas non plus leur construction, y’a pas d’intro accrocheuse, pas de refrain mémorisable, d’ailleurs souvent y’en a pas du tout, mais il est évident que c’est volontaire, les gars sont pas des tocards) semblent toutes sorties du même moule, juste quelques arrangements les différencient.
Quelques-unes se détachent pour moi du lot, parce qu’elles donnent dans les sixties yé-yé revisitées (pas exactement à la manière des Wampas, vous l’aurez compris), l’excellente « Paper Girl », l’électro-pop très début 80’s à la Elli & Jacno (« SDVB »), ou le titre le plus down tempo du disque (« Refuel ») pour moi la meilleure du lot.
Le reste … ben le reste, c’est pas repoussant, mais comment dire … ça me cause pas vraiment …
Ceci étant, m’étonnerait pas de voir figurer « MeadowLanePark » dans les meilleurs de l’année pour Les Inrocks …