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MEAT LOAF - BAT OUT OF HELL (1977)

Rock and (cholesté)roll ...
Alors là, attention, best seller. Les Ricains en ont acheté des dizaines de millions de « Bat out of hell ». Il doit être dans le Top 10 (et vu l’état du « marché » du disque y restera jusqu’à la fin des temps) des ventes US toutes époques et tous genres confondus. Le coup d’éclat de deux inconnus, qu’évidemment ils ne renouvelleront pas, même s’ils s’y sont péniblement essayés.
Meat Loaf, c’est le pseudo d’un gars dont j’ai oublié le nom, ventripotent gueulard de quinzième zone, coupable d’un disque au début des seventies que personne a jamais acheté, et second rôle dans le film culte déjanté « The Rocky horror picture show ». C’est lui le chanteur et l’attraction de tout ce cirque. Mais de là à ce qu’un inconnu s’attaque aux records de vente de « Saturday Night Fever » … Le « cerveau » de l’affaire « Bat out of hell », c’est le dénommé Jim Steinman, un type qui se prenait modestement pour Berlioz et Wagner, mais dont la réputation n’avait jamais dépassé sa cage d’escalier. C’est Steinman qui est responsable, même carrément coupable, du « concept », des musiques et des textes. Meat Loaf se contentera de chanter et de « jouer » un personnage grotesque inspiré par Falstaff, Batman, La Bête, Rahan et Obélix … La musique, on y reviendra vite fait, est un croisement-plagiat des pires choses entendues chez les progueux, les hard-rockeux, Queen (on y reviendra aussi) et … Springsteen.
Les coupables : Meat Loaf & Jim Steinman
Dont les deux mercenaires habituels du E Street Band (Bittan et Weinberg) se retrouvent au casting de ce « Bat out … ». Ce qui suscite une interrogation, comment ces types réputés ont-ils pu aller traîner leurs guêtres sur le projet de deux inconnus azimutés ? La réponse elle est chez les banquiers, ceux qui ont payé ce disque, Epic, filiale de Columbia, label de … oui, Springsteen, je vois que vous commencez à comprendre.
« Bat out of hell » c’est un peu un coup de poker insensé financé par la multinationale, sinon, comment voulez-vous vous payer Bittan, Weinberg, … et les autres. Parce que le casting du disque, ça file le tournis, Rundgren (pas un tendre quand il s’agit de causer pognon) produit et joue de la guitare, Edgar Winter (oui, l’albinos à saxo, frère de l’albinos à guitare), des types d’Utopia (le groupe à Rundgren), pas moins de deux orchestres symphoniques… Tout ce monde trimbalé dans quantité de studios plus high-tech les uns que les autres … Du pognon dépensé sans compter mais qui a rapporté très très gros. Tellement gros, que le Gros et le Steinman se sont brouillés à mort pour of course des histoires de pourcentages, de droits, lorsqu’il a fallu passer à un second disque, qui aurait du sortir dans la foulée (suivant le puissant précepte du on presse le citron tant qu’il sort du jus) mais qui ne sortira que des lustres plus tard, fatalement dans une indifférence à peu près générale.
« Bat out of hell », ça fait passer Yes pour du folk acoustique. Exemple type du morceau crétin « Paradise … », où l’on passe en dépit de tout bon sens du rock’n’roll, au rythm’n’blues, à la pop, au disco, au hard, … Comme Queen, me direz vous … en quelque sorte, sauf que Queen est un groupe totalement second degré, qui dans sa carrière n’a pas écrit des morceaux, mais juste des pastiches forçant sur la caricature, le ridicule. Tandis que Steinman, lui, est totalement prétentieux et dénué d’humour, tout est au navrant premier degré … Heureusement qu’il avait Bittan et Weinberg, sinon leur patron aurait porté plainte, le premier titre, l’éponyme « Bat out of hell » est entièrement pompé sur des passages de « Born to run », et plus particulièrement de « Jungleland ». Mais jamais Springsteen, pas toujours le type le plus sobre musicalement de la planète, n’avait sorti de loukoums de ce style.
Lester, fais gaffe si tu dis encore du mal de mes disques ...
On n’évite pas non plus l’interminable ballade (quasi neuf minutes, comme les deux titres cités plus haut) gluante avec les deux (comme si un seul ne suffisait pas) orchestres symphoniques qui empilent les couches de violons. Les quatre titres restant sont heureusement plus courts. Pas forcément meilleurs. L’un d’eux (« You took the words … ») s’engage même par une discussion genre la Belle et la Bête (la Bête, vous aviez deviné, c’est Meat Loaf, la Belle c’est Ellen Foley, choriste et faire-valoir féminine qui délaissera vite le balourd pour fréquenter de près le Clash, et plus particulièrement Mick Jones), avant un classic rock pompier comme ça devrait pas être permis … La moins insupportable du lot, c’est pour moi « Heaven can wait » …
Ce genre d’objet sonore prétentieux, chez moi, ça finit poubelle direct … mais là, ce « Bat out of hell », il est tellement con au premier degré que ça me fait pitié … j’en écoute parfois des morceaux avec le sourire …


BEASTIE BOYS - LICENSED TO ILL (1986)

Nu-rap
Le disque qui m’a fait gratter l’occiput. Jusque là, les choses étaient simples. Les rockeux, folkeux et souleux d’un côté (le bon), tout le reste (la pop à synthés, le prog, le disco, le rap) de la daube. Tu choisissais ton camp, mettais des œillères triple épaisseur, te gavais de tes certitudes, et t’avais ta ligne de conduite musicale pour la vie …
Bon, on avait déjà entendu partout « Walk this way », le mega-hit fruit de l’improbable association Aerosmith – Run DMC. Mais ça s’expliquait, les deux faisaient partie du monde des majors de la musique, c’était un coup commercial réussi, mais un coup commercial quand même, destiné à booster la carrière des uns et relancer celle des autres.
Mais là, avec « Licensed to Ill », les Beastie Boys allaient plus loin. En gros, ils mélangeaient des guitares et des rythmiques (hard) rock avec du rap sur un disque entier. Trois gosses de Brooklyn, fils de bonnes voire de très bonnes familles blanches, punks dans l’âme, se lançaient tête baissée dans un genre jusque-là ghettoïsé et réservé aux Noirs du Queens ou du Bronx. So what ? des visages pâles dans un joyeux foutoir vocal, fait d’invectives, de chœurs débiles, de refrains hooliganesques … les niggaz criaient à l’imposture. De l’autre côté les hardeux poussaient des cris d’orfraie en voyant tous leurs gimmicks utilisés pour faire du fuckin’ rap …
Vous avez dit potaches ?
Ce sont finalement les nerds américains white trash, qui en achetant ce disque par millions, allaient mettre tout le monde d’accord et faire un triomphe à « Licensed to Ill ». Cette rondelle promise au pilori devenait la bande son de l’année. Les sceptiques ont eu beau jeu de railler les apparitions live de Beastie Boys rétamés à la Bud tiède, scandant dans un immense bordel potache leurs hymnes crétins, rien n’y ferait. Le rap naissant venait déjà de rentrer dans une autre dimension, vivant sa première mutation, brouillant toutes les cartes et idées reçues …
Les Beastie Boys, au départ, c’est l’arme secrète du label Def Jam, tout juste porté sur les fonds baptismaux par Russell Simmons (frère d’un des trois Run DMC) et le jeune producteur Rick Rubin, fan à la fois de rap et de heavy metal. Les deux étaient dans le coup « Walk this way ». « Licensed to Ill » va enfoncer le même clou. On sait aujourd’hui ce que sont devenus les protagonistes de cette affaire. D’un côté un groupe de rap qui allait devenir totalement novateur (« Paul’s Boutique », le suivant se verra attribuer l’étiquette de « Sgt Pepper’s » du rap, ce qui n’est pas rien) avec trois types impliqués dans tout un tas de causes et de combats plus ou moins humanitaires, sociaux, etc ... Quant à Rick Rubin, c’est tout simplement le Spector, Martin, Dr. Dre ou Perry de sa génération, une sommité des consoles à l’éclectisme stupéfiant …
« Licensed to Ill », pour moi il ne vaut que pour son concept. Ça suffit pour en faire un grand disque qui compte, mais faut reconnaître que malgré son aspect plombé, il fait souvent un peu léger. Ce n’est que l’esquisse assez rudimentaire de ce que feront plus tard les Beasties ou Rubin. Et ça tourne vite en rond. Trois-quatre titres déchirent leur race, la majorité des autres fait figure de copier-coller bâclés, et deux-trois pochades assez problématiques ne semblent là que pour garnir à peu de frais et d’idées les deux faces du vinyle.
Beastie Boys & Rick Rubin
Recette de base, du gros riff qui tache. Pas moins de quatre titres de Led Zeppelin sont samplés, ils y côtoient ceux de Black Sabbath, AC/DC, Creedence ou le Clash. Sur tout un titre (« No sleep till Brooklyn »), Rubin fait intervenir un dénommé Kerry King, guitariste des jusque-là obscurs trasheux de Slayer, dont il est en train de produire un certain « Reign in blood » … là aussi, on connaît la suite. L’attaque de « Licensed to Ill » (« Rhymin’ and stealin’ ») prend d’entrée à l’estomac. C’est brutal, syncopé, trash, avec ses slogans crétins braillés à trois voix. « The new style » qui suit port bien son nom et enfonce la même porte,  le braillard « She’s crafty » confirme.
Et puis, le disque semble partir en vrille, le gag ( ? ) du truc salsa-rap (« Slow ride »), la pitrerie de « Girls » et son Farfisa à un doigt. On n’en est pas à la moitié du disque, on commence déjà à regarder sa montre et à trouver la farce douteuse.
Et puis, blam, sans prévenir, deux tueries totales enchaînés, « Fight for your right » l’hymne majuscule des Beastie Boys, appel à l’hédonisme forcené (« Fight for your right … to party », vous vous attendiez à quoi, à un pensum johnlennonesque ?), et le « No sleep … » déjà évoqué. Logiquement, après ces deux déflagrations, le final du disque fait quelque peu anodin, tout juste faut-il signaler un arrangement de cuivres sur le bien ( ? ) nommé « Brass monkey » ; tout le reste reproduit des gimmicks déjà entendus auparavant, on s’en cogne un peu.
Malgré son aspect (volontairement) imbécile et enfantin, ce disque se pose là et pas qu’un peu en terme d’influence sonore pour les années suivantes.

Toute la cohorte des nu-metalleux du mitan des années 90 (tous ces Korn, Blink Truc, Sum Machin) a tout piqué à « Licensed to Ill », les marxistes d’opérette RATM aussi, du moins pour la partie musicale. En faisant ça de façon ultra-sérieuse, concernée … Alors que pour les Beastie Boys (du moins à cette époque-là), leur musique n’était qu’une vaste rigolade, une façon de boire des coups à l’œil, et de mater les nibards des gonzesses …

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MOTÖRHEAD - AFTERSHOCK (2013)

Est-ce bien raisonnable ?
Où il va être question de Motörhead. D’un disque de Motörhead millésimé 2013. Pas vraiment un skeud que j’attendais. Je m’attendais plutôt à un avis de décès de Lemmy, tant les infos qui venaient de lui étaient alarmantes. Des hospitalisations à répétition, des concerts et des tournées annulées. Pas le genre du bonhomme. Bon, à presque 70 ans, dont l’essentiel passé avec une hygiène de vie assez problématique, il est clair que l’âme de Motörhead va pas tenir 70 ans de plus.

Lemmy a morflé, c’est clair. Est obligé de s’économiser sur scène. Est quasiment aphone. Mettrait du Schweppes dans son gin. En fait survivrait. Mais bon, qu’est-ce que vous voulez qu’il fasse Motherfucker Lemmy ? Partir dans une résidence pour vieux, attendre dans ses charentaises l’heure de « Questions pour un champion », prendre un potage, une tisane et dodo ? Ben non, il crèvera sa basse Rickenbacker à la pogne, c’est tout. Incapable de faire autre chose.
Motörhead et ses disques, y’a longtemps que j’en ai plus rien à foutre. J’ai « Overkill », « Ace … », le live à l’Hammersmith, ça suffit. Ecouté d’une oreille distraite des bribes des suivants. Toujours le même machin, mais en moins bien, moins fou, moins sauvage, moins furieux. Du hard speedé et bourrin à la tonne … Pas vraiment mon truc… Mais je vais vous faire une confidence, si dans un mag, y’a un papier sur Lemmy (ou Keith Richards), c’est toujours celui que j’irai lire en premier. Pas par fascination pour ces irrécupérables junkies, mais parce que ces types ont vécu dans un seul de leurs trips de trois nuits sans dormir plus d’émotions fortes que n’importe lequel de leurs fans en éprouvera dans une vie entière. Et en plus, ces deux-là ont une vision, une connaissance de tout le fuckin’ rock’n’roll circus, un humour et oui oui, une lucidité qui m’épate et me régale… Pensez, Lemmy, il a vu plus de dix fois les Beatles live, a porté les amplis de Hendrix lors d’une tournée anglaise de l’Experience, a fait partie de cette méchante bande de freaks d’Hawkwind, et a fondé Motörhead, groupe adoré et respecté à la fois par les punks et les hardeux … Hats off, motherfucker …
« Aftershock », il paraît que c’est son meilleur depuis longtemps. Enfin leur meilleur, parce qu’il est pas tout seul, Lemmy. Motörhead, règle de base, c’est un trio. Dont je connaissais même pas le nom des deux gonzos qui l’accompagnent. Ils sont là depuis longtemps, paraît-il. Rien à foutre … pour moi, Motörhead, c’est Lemmy, Fast Eddie et Philty Animal Taylor. La formule magique, royale … les autres formations, c’est pour payer les factures et les dealers, sans intérêt …
« Aftershock », n’écoutez pas ceux qui vont vous dire qu’il est génial, c’est pas vrai, c'est un bon disque, c'est tout. D’abord le motherfucker Kilminster, il est cuit. Tout juste si on entend ce qui lui reste de voix, un grognement linéaire plat, sans tripes, rage, et adrénaline. Ensuite, enfer et damnation, on sent tout ça écrit, pensé, susceptible d’être joué sur scène par un type qui a plus les moyens d’assurer une heure et quart de speed-punk-metal. Alors y’a des mid-tempos, une fuckin’ ballade (« Dust and glass », qui risque pas de faire oublier la tornade « Metropolis ») … Et même un blues (« Lost woman blues ») . Ouais, un blues … sale, velu et vulgaire … qui pue la sueur, la pisse et l’alcool frelaté … bon, même si c’est pas le genre de truc qu’on risque de trouver sur une galette de Clapton ou de Jojo Bonamachin, ça n’apporte pas grand-chose au genre, ni à l’image et la disco de Motörhead …

Donc beaucoup de titres (déjà, y’en a quatorze, ça dure trois-quarts d’heure, ils en auraient pu en oublier quelques-uns), avec des arrangements entendu trois milliards de fois chez les hardos, ces breaks « techniques », ces solos sans intérêt du guitareux, on se croirait chez Judas Priest, c’est pas mieux que chez ces banquiers de Metallica ou ces crétins de Slayer …
Mais il y a quand même de bonnes choses, quand Motörhead fait du « vrai » Motörhead. Ces trucs agressifs, méchants, à toute blinde, qui envoient la purée, qui foncent sans se préoccuper de quoi que ce soit (« End of time »). Ces titres qui ne peuvent sortir que du cerveau déglingué de Lemmy (« Silence when you speak to me », ça c’est envoyé, mais bon, musicalement ça casse pas des briques), ces poussées de fièvre bienvenues (« Going down to Mexico », là il se passe un putain de truc). Le meilleur, il faut aller le chercher tout à la fin du skeud, sur les deux derniers morceaux. « Keep you powder », pas franchement du Motörhead-style, mais ça ressemble tellement à l’AC/DC période australienne Bon Scott que moi je suis preneur. Et surtout le terrifiant final, les 2’51 de « Paralyzed », tuerie speed totale, le petit frère de l’écrabouillant « No class » (sur « Overkill », an de grâce 1979, ce qui ne rajeunit personne).


IRON MAIDEN - THE NUMBER OF THE BEAST (1982)

Working class hardos ...
Voir Iron Maiden aujourd’hui cité comme un des groupes de rock les plus populaires du monde, et le numéro un des groupes hard-metal-heavy-machin …, me semble tenir du prodige, et relève pour moi de l’incompréhension la plus totale. Jamais rien trouvé d’extraordinaire aux skeuds de ces satanistes de bande dessinée. Enfin, les disques studio, parce que les live, chez Maiden, c’est mieux, ça déménage vraiment. C’est peut-être pas en finesses et en nuances, mais ça déménage.

Il y a chez ce groupe une volonté, un acharnement, à bien faire son « métier », à essayer de faire mieux que ce que l’on attend d’eux. Des bosseurs forcenés, partis de rien ou pas grand-chose, et qui presque quarante ans après leurs débuts, enquillent les tournées mondiales (les vraies tournées mondiales, pas seulement Amérique du Nord, Europe de l’Ouest, Japon et Australie, les Maiden jouent dans des stades pleins en Amérique du Sud, en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe de l’Est, et si un promoteur leur propose un concert sur la banquise ou la Lune, c’est sûr qu’il iront y jouer …) aux bénéfices colossaux. Faut le faire, les semaines d’interviews de promo aux quatre coins de la planète, les émissions de télé, les show cases, les séances de dédicace dans les endroits les plus improbables, et puis après ça, un an et demi all around the world pour plus d’une centaine de concerts gigantesques. Et au final, guère étonnant que ce soit des hardeux en général qui y arrivent, et Maiden en particulier. Depuis toujours, ces types rabâchent à longueur d’interviews les mots « travail » et « respect des fans ». Et c’est pas juste un vocabulaire cynique de com. Les Maiden, je suis persuadé qu’ils aiment leur job, et ils ne rechignent jamais à en faire toujours plus pour que le fan de base en ait pour son pognon …
« The number of the beast », c’est leur troisième disque, celui qui les a fait passer d’espoir quincailler à un des noms qui compte de la métallurgie lourde. Leur meilleur disent même certains fans. Celui des hits (oui, oui, on entendait « Run to the hills » à la radio), et des classiques célébrés depuis des décennies en concert (« Number of the beast », « Children of the damned », « 22 Acacia Avenue »). Maiden c’est avant toute chose Steve Harris, le bassiste compositeur quasi exclusif, incontesté leader discret. D’ailleurs discrets, ils l’ont toujours été, peut-être par la force des choses, parce qu’ils ont  pas vraiment les moyens de flamber. Simples (ou malins, allez savoir), ils ne se présentent pas en héros supra galactiques, ils sont avec leurs baskets, leurs jeans et leurs cuirs fringués comme le hardeux de base. Point de héros du micro (Dickinson, qui fait son entrée dans Maiden à l’occasion de ce disque, est un braillard correct, mais sans charisme ni talent). Les deux guitaristes (Murray et Smith), il viendrait à l’idée de personne de les citer dans un Top 100 des guitar-heroes, le batteur, ils vont après ce « Number … » faire un échange-standard avec celui de Trust. Des stars quasi anonymes, quoi …

Iron Maiden, ils ont pas inventé grand-chose (pour être aimable). Le rejet absolu de tout ce qui viendrait du blues ou du rock’n’roll comme préalable (quoique l’intro de « 22 Acacia Avenue est entièrement pompée sur le « Friday on my mind » des Easybeats, le groupe 60’s du frère aîné d’Angus Young), les morceaux qui finissent toujours en forme de cavalcade épique, et des emprunts guère discrets au classique symphonique ou à son avatar pour les sourds, le prog. Rien de surprenant dans l’écriture, les titres courts et rapides, les titres longs en forme d’épopée électrique, les titres qui commencent lentement pour finir à donf, et ceux qui commencent vite pour finir à donf, et Martin Birch (l’historique producteur du « In rock » de Purple) aux manettes. Les généalogistes de la chose métallique parlent de Maiden comme des précurseurs du speed ou du trash … bâillements. Quelques références guère finaudes à de la messe noire de pacotille et du satanisme de supérette leur vaudront malgré tout d’être qualifiés de diaboliques par quelques prêcheurs idiots (pléonasme). Et leurs pochettes toutes plus moches les unes que les autres avec leur mascotte, le zombie décharné Eddie, ravissent les porteurs de vestes jeans patchées avec leur tignasse au vent …

Maiden, c’est du hard un peu con et bourrin de base. Rien d’ignoble, mais pas de quoi se relever la nuit …

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BLACK SABBATH - 13 (2013)

Too old to sabbath ?
Dans la série des improbables come-backs, ces jours-ci le cas Black Sabbath se pointe, et pas vraiment en loucedé, mais plutôt assorti d’une agitation médiatique comme d’hab exagérée. Mais ça va peut-être fonctionner. Enfin, ça va sûrement fonctionner, Universal met le paquet, promo, interviews des vieillards, et tournée mondiale.
Le Sab, c’est quand même un truc qui me dépasse un peu, ou me passe par-dessus la tête, comme on veut. Jamais été en admiration devant eux. Une paire de skeuds intéressants en 70, idiots et crasseux, faits par une bande d’idiots crasseux (from Birmingham), mais c’est ça qui faisait leur charme (son de caverne humide, culte de la lourdeur et de la lenteur, vague aura satanique). Et une audience très nettement supérieure à ce que les quatre pouvaient rêver, et qui n’est pas près de se tarir (l’essentiel du métal « différent », surtout le doom et le stoner leur doit tout). Deux ou trois autres disques plus « finis », très pros, parce que le groupe a du succès, et qu’il s’essaye à jouer dans la cour des grands de l’époque, le Zep et le Purple. Et puis la saga vire au grotesque. Complètement défoncés, les gars se balancent des procès à la face, et pendant des décennies l’à peu près seul Tony Iommi, guitariste de la formation originale maintient ce qu’il reste du groupe en activité. Tandis que de son côté, son chanteur Ozzy Osbourne, total déglingo, se fait plus remarquer par ses décapitations de colombes vivantes avec les dents que par la qualité de sa production discographique. Avant de devenir la vedette de son show voyeuriste de télé-réalité familiale, entre sa femme-manager Sharon et ses deux crétins de gosses de riches. Et puis, là, en 2013, on voit se pointer des gens sous l’intitulé Black Sabbath, alors qu’ils ne se parlaient plus sinon par avocats interposés depuis presque quarante ans. A propos d’avocats, et pour signaler le caractère bassement matériel de ce barouf, manque à l’appel le batteur Bill Ward, pour des problèmes de … contrat, ben voyons … Heureusement que Iommi et Osbourne ont récupéré le bassiste d’origine Geezer Butler, parce que c’est quand même lui le vrai dépositaire du Black Sabbath sound, vu qu’il écrivait l’essentiel des paroles et participait à la  musique, ce qu’il continue de faire aujourd’hui.
Iommi, Osbourne, Geezer : Black Sabbath 2013
Tout ça pue le racket du fan, la sale magouille de la major. Faut quand même signaler que Iommi s’est fait bouffer par le crabe et n’est que provisoirement sorti d’affaire, que l’Ozzy est complètement barge, désintoxiqué un nombre incalculable de fois, supposé parkinsonien, et qu’il aurait à l’occasion des séances studio et du début de la tournée replongé dans la picole et la défonce. Détail non négligeable, les trois revenants ont tous la soixantaine bien sonnée …
Bon, maintenant que les présentations annexes à ce « 13 » (pourquoi « 13 », c’est pas le treizième sous l’intitulé Black Sabbath, bon, on s’en fout …) sont faites, venons-en à la rondelle argentée. Qui aurait (faut toujours trouver un prétexte), le sieur Rick Rubin à son origine. Le barbu new-yorkais est fan de Black Sabbath, a quand même rayon production un sacré CV, et souhaitait être aux manettes d’un éventuel album de reformation, à laquelle il aurait œuvré en sous-main. Pour l’enregistrement, les trois Sabbath originaux ont embauché Brad Wilk (excellent sur ce « 13 »), le batteur des feu Rage Against The Machine et Audioslave (c’est un autre dont le nom m’échappe qui assure la tournée mondiale).
Le résultat, j’aurais bien aimé le décortiquer méchamment, sauf que ce « 13 », il est même pas si mauvais que ça … Bon, c’est pas celui que l’on citera dans vingt siècles pour évoquer Black Sabbath, mais c’est cohérent, assez plaisant même. Les trois gonzos ont résolu facilement comment faire du Black Sabbath aujourd’hui. Ils ont fait des quasiment copier-coller de quelques trucs pris dans leurs premiers disques. Le net fourmille de détails et d’analyses exhaustives de ces auto-plagiats recensés sur ce « 13 ». Le son du Sabbath original gonflé par la production actuelle de Rick Rubin, c’est évident, bête comme chou, et ça fonctionne.
Black Sabbath & Rick Rubin
 Le son est monstrueux, il y a ces tempos ralentis et enfumés, ces solos malsains de Iommi, cette voix de gargouille d’Ozzy qui déblatère ses textes sans s’occuper de ce que jouent les autres, toutes ces choses déjà connues et mille fois entendues que l’on croyait disparues à jamais. La basse de Butler est colossale, les accélérations de Iommi meutrières, il joue très lourd, très fort, sa guitare est mixée à la limite de la saturation, c’est sans conteste le roi de ce disque …
Il y a quand même lieu d’émettre quelques réserves. Même si les titres s’étirent  (plus de cinquante minutes pour les huit titres de base, y’a des éditions DeLuxe avec trois bonus), on a vite fait le tour de « 13 », c’est un peu toujours pareil, de toute façon on a déjà entendu tout ça sur les vieux skeuds. Ensuite si on nous vend comme d’hab les types qui jamment en studio et on enregistre ce qui sort, ça donne plutôt l’impression d’un disque fait à grands coups de clics informatiques, patient assemblage numérique de séquences laborieusement répétées. Sauf si je suis en train de devenir déficient auditif, j’ai comme l’impression que la voix d’Ozzy (sur ce disque le plus problématique des mousquetaires sabbathiques) est au moins doublée voire triplée avec un infime décalage pour donner cette ampleur sombre et nonchalante qu’il avait en 70, mais a perdue manifestement aujourd’hui, tant ses parties vocales sonnent bidouillées.

La moitié des titres (« End of the beginning », « God is dead ? », « Zeitgeist » et « Damaged soul ») surnagent à mon sens du lot, le restant fait un peu remplissage. Le résultat est globalement moins mauvais que ce à quoi je m’attendais, et fait bonne figure comparé à ce que sortent les grabataires de la même génération. Conclusion logique, ouais, c’est pas mal, mais c’était évidemment mieux avant …

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Paranoid


VAN HALEN - VAN HALEN (1978)


Un Van de fraîcheur ...

Ils en étaient où, les chevelus du hard, en pleine bourrasque punk ? Pas au mieux … un peu secoués, comme tous les notables du rock-business, par tous ces jeunes iconoclastes à cheveux courts qui n’hésitaient pas à brocarder, à jeter dans la même poubelle que les progueux, les jazz-rockeux, les Claptoneux et les Stoneux, tous les Led Zep, Sabbath, Kiss et Aerosmith …
Faut dire que pour le hard, c’était le temps qui commençait à l’être, hard … Beaucoup n’étaient plus au mieux de leur forme (Deep Purple, quelqu’un ?), et la sacro-sainte hégémonie anglo-américaine se voyait contestée par des Irlandais (Thin Lizzy), des Australiens (AC/DC), même les Teutons fourbissaient leurs armes et le « Tokyo tapes » allait placer gagnant la Panzer Division des Scorpions … Le hard, c’était une affaire de codes, de symboles. Du blues hypertrophié à grands coups de guitares Gibson – amplis Marshall, et des auras mystérieuses, ténébreuses, entretenues à grand renfort de tenues noires (Blackmore), de messes de la même couleur (le Sabb), de propos ésotérico-mystiques (Blue Oyster Cult), de cabaret décadent gore (Alice Cooper), d’heroic-fantasy corrigée à la mode Achille Zavatta (Kiss), d’accointances avec l’occulte (Jimmy Page et son manoir de Crowley), … Et puis, le hard, ça avait un côté prolo (jouer sans relâche, travailler la technique à grands renforts de solos de tout ce qui tombait sous la main, en donner au public pour son argent, plein de watts, de lights, …)
Curieusement, le hard allait se refaire la cerise là où ne l’attendait pas, dans un de ces endroits où on le croyait proscrit. Los Angeles (plus exactement sa banlieue, Pasadena), la ville du fric, de la nonchalance et du soleil rois.
Elles est pas belle la vie des Van Halen ?
Et tout ça, cette insouciance festive de beau gosse, Van Halen allait le symboliser tout en reprenant à son compte et à sa manière les fondamentaux du genre. Les trois premiers morceaux de ce disque, leur premier, sont à bien des égards exemplaires. « Runnin’ with the Devil », tout est dit dans le titre, on caresse le côté obscur de la chose musicale (allusion transparente à Robert Johnson et son pacte faustien au fameux crossroad, mais ici on sent bien que c’est pour rire). « Eruption » qui suit, la démonstration technique insensée (le fameux tapping d’Eddie Van Halen). « You really got me », la reprise des anciens (même si les Kinks, c’est pas exactement du hard, mais ils l’ont presque inventé avec ce titre). Tout est dit avec ce fabuleux (si, si) tiercé introductif. Dans lequel perce déjà tout l’aspect rigolard qui sera la marque de fabrique du Van Halen période David Lee Roth (et qu’on ne vienne pas me parler de la version « sérieuse » avec Sammy Hagard).
Van Halen, c’est une affaire de potes, deux frangins à la guitare et à la batterie, un alcoolo à la basse et le chanteur beau gosse, souvent affublé de lycra moule-burnes, ce qui aura pour effet immédiat de faire venir des légions de California girls aux concerts. Van Halen, c’est malin, surtout au niveau sonore, loin de la purée de pois de la concurrence. Le cinquième membre du groupe sera de fait Ted Templeman, le metteur en sons attitré des Doobie Bros, parangons du son West-Coast bien léché. Van Halen deviendra le Parrain du hard FM, basant tout sur la qualité mélodique nickel-chrome, et des morceaux au format radiophonique (trois minutes chrono). Les headbangers de base se grattèrent un peu la tignasse au début devant ce groupe bien loin des schémas convenus, avant de lui faire un triomphe.
Faut dire qu’il y a de quoi réjouir tous les amateurs de rock qui dépote, puisqu’on trouve également dans ce premier disque quelques sérieuses ruades comme « Don’t talkin’ » ou « On fire ». et puis, ce qui sera aussi une marque de fabrique du groupe, quelques potacheries second degré (« I’m the one » du rockabilly hard ?, « Atomic punk » !?, « Ice cream man » country à la sauce jumpbilly ?) qui ont dû hérisser les purs et durs du métal lourd. Et puis, comme on sent un peu l’influence d’Aerosmith (« Feel your love tonight »), les Van Halen ont glissé la ballade très Tyler-Perry « Jamie’s cryin’ » le truc imparable pour faire fondre les programmateurs radio FM.
Cette première salve a eu un succès considérable. Les rares hardeux qui renâclaient devant cette bourrasque de bonne humeur communicative ont de toute façon ramassé son successeur « Van Halen II », beaucoup plus « méchant » en pleine poire. Van Halen a pris son temps, mettant pendant cinq ans les USA à ses pieds à coup de tournées incessantes, avant de faire succomber le reste du monde avec « 1984 », leur plus gros succès mais aussi le début de la fin …

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1984


AEROSMITH - TOYS IN THE ATTIC (1975)


Jouets extraordinaires ...

Aujourd’hui, faut vraiment avoir du temps libre et à perdre pour écouter les derniers disques d’Aerosmith. Et pourtant, ce sont toujours les mêmes cinq types qui depuis quarante ans composent le groupe, fait rarissime et peut-être unique parmi tous les grabataires du rock… Et c’est pas faute d’avoir tout essayé pour pas devenir vieux, Tyler et Perry feraient passer Lemmy ou Keith Richards pour des prêcheurs amish, même si forcément, comme les deux Anglais, ils se sont bien calmés maintenant …
« Toys in the attic » est le troisième disque du Smith. Qui est, faute de mieux, un groupe connu aux States, pays assez à la ramasse au début des seventies question groupes de rock. Les Anglais dominent outrageusement le rock mondial à guitares. Les Américains, après la débandade des immensément populaires Creedence, en sont réduits à faire des héros et de gros vendeurs des groupes assez bas du front comme Grand Funk Railroad. Mais le music business américain fourbit ses armes dans l’ombre. A New York, le Blue Oyster Cult balance son heavy metal intello et violent. Au Sud Lynyrd Skynyrd et tout au Nord à Boston Aerosmith sont lancés comme les « Rolling Stones américains », comparaison quelque peu hâtive et flatteuse. Et ces trois groupes vendent du disque. Si le Cult et Lynyrd ont d’entrée sorti des bons disques, les deux premiers d’Aerosmith sont assez quelconques, et ne doivent leurs succès qu’à des ballades (« Dream on ») ou des boogie stoniens un peu « légers » (« Mama Kin ») qui ont grimpé dans les charts.
« Toys … » va les propulser dans la stratosphère des gens qui comptent vraiment. Les ventes se chiffreront en millions, les singles vont cartonner all around the world alors que le groupe était pratiquement inconnu hors des States. « Toys … » constitue un virage radical. Fini la comparaison avec les Stones (même si on comparera beaucoup Tyler et Perry à Jagger et Richards, Toxic Twins vs Glimmer Twins, les lippes de Tyler et Jagger, les montagnes de coke, …). Musicalement, Aerosmith n’a plus rien à voir en 75 avec les Stones. Le propos se durcit très nettement, et dès lors le Smith sera souvent rattaché au courant du hard-rock. Parce que « Toys … », en plus d’être une pièce maîtresse du Smith, est un disque rageur, violent. Les types jouent leur va-tout, n’ont rien à perdre, et vont foncer, repoussant toutes les limites que l’on croyait entrevoir chez eux.
Le Smith se met à composer des chefs-d’œuvre, et pas seulement Tyler et Perry. Hamilton et Whitford apportent aussi leur écot. Plus besoin de meubler le disque avec des classiques moultes fois célébrés, comme ils l’avaient fait précédemment avec « Walkin’ the dog » ou « Train kept-a-rollin’ ». La seule reprise de « Toys … », c’est un obscur titre rhythm’n’blues des années 50, « Big ten inch record ». Servi façon swing jazzy avec orchestre et cuivres. Très mauvais, de loin le pire titre du disque. Mais c’est ce genre de bêtise qui fait tout le charme du reste, allez on y va, on fonce, on verra bien … Parce que le reste, justement, ça déménage. Démarrage sur les chapeaux de roues avec le dragster boogie « Toys in the attic », les voix qui se répondent sur le refrain, le chorus tout en saturation de Perry. Night in the ruts, comme ils diront plus tard …
Du riff qui fissure le cérumen, il y en a … Il faudra enseigner dans les écoles que l’intro de « Walk this way » est une des sept merveilles du rock des seventies, avec son célébrissime riff killer. Le phrasé de Tyler, entre parlé et chanté a fait croire à ceux qui n’en ont jamais écouté que ça ressemblait à du rap. Même si c’est ce titre en version rap par les Run-DMC qui remettra Aerosmith sur les rails (les bons, parce que les autres, ceux qu’on s’envoie dans le pif, ils les ont jamais quittés) au milieu des années 80 quand les Bostoniens étaient devenus des has-been totalement ringardisés. Niveau riff de la mort qui tue, « Sweet emotion », l’autre gros succès du disque, il est pas mal non plus et vient remettre dans le droit chemin le titre après une intro défoncée. Tout comme celui, reptilien de « Adam’s apple », classic hard-rock 70’s …
Tyler & Perry live 1976
Et puis, en s’inspirant (attention, sans copier bêtement) de ce que fait la concurrence, le Smith peut sonner comme Alice Cooper, évident sur « No more, no more » à cause du phrasé de Tyler, proche de celui du sieur Furnier. Il peut aussi aller faire un tour sur les terres zeppeliniennes (la batterie, les intonations de Tyler) le temps d’un « Round and round ».
Aerosmith sont aussi une bande de sacrés défoncés, et l’inconvénient des drogues, c’est qu’à force d’en prendre on finit par faire des morceaux de drogués. Le très psyché mais malgré tout excellent « Uncle Salty » est là pour le rappeler.
Tout disque d’Aerosmith ne serait pas complet s’il n’y avait de la ballade épique et lyrique. Ici, elle conclut le disque, s’appelle « You see me crying », et dans le genre, le Smith n’a pas fait mieux.
Un petit mot sur la production de Jack Douglas, en parfait équilibre entre séduction chromée et vicieux bordel sonore, le cocktail malin qui ratisse un large public tout en ravissant les amateurs de sensations fortes. Cet état de grâce ne durera pas longtemps (les drogues après l’avoir exacerbée te bouffent vite la créativité), mais se poursuivra avec « Rocks », aussi bon que « Toys … » mais en version plus « jolie », plus radiophonique encore … Le reste de la saga Aerosmith incite à la prudence, quelques rares bons disques (« Pump », voire « Get a grip ») se retrouveront perdus dans un océan de mélasse qu’il vaut mieux oublier …


L7 - HUNGRY FOR STINK (1994)


Le bruit de l'odeur ...

L7 … Les Squares, les Ringardes, les Boloss … L’autodérision comme nom de baptême … Mais bon, valait mieux pas aller les chatouiller… Parce que les L7 font pas vraiment dans la dentelle, que ce soit au niveau vestimentaire, des textes, de la musique, ou dans la vie de tous les jours. De rudes soudardes, pas adeptes de la langue de bois ou de l’attitude équivoque.
Les quatre filles ont commencé à sortir des disques chez elles aux USA au début des années 90. Et comme c’était quand même assez euh … pour le moins violent, on a dit que c’était un groupe grunge. Et puis, comme elles ouvraient grand leur gueule, on a dit qu’elles faisaient partie du mouvement riot grrrl (avant que la chose soit récupérée par des folkeuses molles poilauxpatteuses). Ouais, ma foi, si on y tient … même si c’est pas aussi simple.
Par l’attitude, les L7 ont beaucoup plus à voir avec le punk. Et c’est forcément déstabilisant pour les mâles dominants de la musique. Faut dire qu’elles y sont pas allées avec le dos de la cuillère, et notamment Donita Sparks, une des guitariste-chanteuses, tête pensante ou en tout cas celle qui est la première à l’ouvrir. A son crédit ( ? )  quelques spectaculaires pétages de plombs, le plus connu consistant en un jet de son Tampax sur le public du festival de Reading qui lui suggérait avec vocabulaire approprié un strip-tease. Mais les autres ne sont pas en reste, il doit bien traîner sur Google quelques photos où elles exhibent leurs touffes pubiennes teintes en bleu, et elles avaient organisé une tombola à un concert dont le gagnant (ou la gagnante) recevait comme prix une nuit avec la batteuse Dee Plakas. Et c’était pas un bon coup (désolé) de pub, ça a vraiment fini au plumard …
Musicalement (faudrait y venir, quand même, hein …), ça casse pas des briques, pourrait-on dire en référence à un de leurs disques précédents. C’est un gros raffut pas très finaud qui ressemble à du doom préhistorique (le Sab, Blue Cheer, ce genre), du Husker Dü au ralenti, du Dinosaur Jr en encore moins mélodique … le genre de trucs qui donne pas envie de faire la danse des canards mais qui décolle bien le cérumen. Chez les L7, point de Ginger Baker, de Jimi Hendrix ou de Robert Plant, c’est martial, linéaire, les guitares sont accordées (enfin, je me demande) très bas, les solos sont faits sur deux cordes, c’est plus gueulé que chanté (surtout quand c’est Sparks). Le genre de disques qui fait fuir tous les fans de prog et de jazz-rock. Et donc que j’apprécie, autant par pathologie personnelle que par dégoût des deux genres suscités …
Ici, pas de conceptualisation de la musique. Le premier titre donne le ton : un mur de guitares, un peu de mélodie (si, si) juste ce qu’il faut, un solo rachitique de gratte, et une voix d’éviscérée. Ça s’appelle « Andres », et on le sait pas encore, c’est quasiment le plus « joli » du disque, leur vision à elles de la chanson pop sans doute. Parce que le reste, ça envoie. Du metal mid-tempo (parce que plus vite, elles y arrivent pas), des hurlements de louves en rut. Se remarquent dans ce magma radical un titre quasi rappé (« The Bomb ») qui fait penser à Body Count, quelques claviers (très discrets, qu’on se rassure) sur un morceau surf-rockabilly (« Riding with a movie star »), un carnage sonique très Stooges période « Fun house », ça s’appelle « She has eyes ». Les nanas ressortent de l’oubli la talk box (le gadget de Jeff Beck qui a fait la fortune de Peter Frampton) sur le titre du même nom qui s’achève dans un magma de distorsion boueuse.
Et puis, la grosse affaire du disque, c’est devenu a posteriori « Fuel my fire », déjà une reprise-adaptation par les L7 d’un titre d’un obscur groupe punk australien me semble t-il et dont le nom m’échappe, mais qui retrouvera une seconde jeunesse quand il figurera sur le multi-platiné « Fat of the land » de Prodigy. Quitte à en décevoir certains, la version des bigbeateux techno est la meilleure.
Et parce qu’il faut bien conclure, devant pareille rondelle sale, primitive, méchante, et à la repoussante pochette, que faire : décréter que c’est putain de sublimement génial alors que bon, faut quand même raison garder, ça vole pas très haut … ou alors un poubelle direct et retour aux valeurs sûres des temps de crise (Knopfler, Sting, Collins, …). Bon, après tout, faites ce que vous voulez, moi je me remets un Little Richard …

AC/DC - BACK IN BLACK (1980)


Live through this ...

Ce disque commence exactement de la même façon que le « Plastic Ono Band » de John Lennon. Par une volée de cloches. Et pour qui sonne le glas ? Pour Lennon, c’était un hommage à sa mère Julia. Pour AC/DC, c’est adressé à Bon Scott …
Putain, Bon Scott … ça avait été une secousse … le Hendrix, Joplin et Morrison de ma génération. Comment ça, les héros meurent aussi ? Et pas d’une façon flamboyante, étouffé un soir de cuite par son vomi (just like Hendrix). Et les autres, les AC/DC, ils allaient faire quoi, là ? Question cruciale, c’était quand même là, en 80, le plus grand groupe de rock du monde (qui a dit les Clash ? dans mes bras !).
Parce que Bon Scott, c’était beaucoup plus qu’un chanteur, c’était l’aîné de la troupe, un peu beaucoup son âme aussi, l’ange gardien d’Angus en concert … Bon, ils ont hésité les quatre autres, savoir si ça valait le coup de continuer après ça, et puis finalement ils ont décidé : the show must go on … et ils se sont lancés dans la quête de leur Graal à eux, remplacer l’irremplaçable… Le type retenu, personne le connaissait, un certain Brian Johnson, chanteur d’un groupe de hard écossais de quinzième zone …
Et parce qu’il valait mieux faire tourner les riffs que les idées noires, moins de six mois après la mort de Bon Scott, arrivait dans les bacs ce 33T  tout noir, « Back in black » … et en plus du disque, celui qu’on attendait tous, c’était le nouveau chanteur, là, ce Brian Johnson. Qui se laisse désirer. Après les choches, et une longue intro musicale, on entend enfin sa voix sur « Hells Bells ». Ouais, ça va, ça gueule bien fort dans les aigus, terrain connu … et puis, même si on s’aperçoit qu’il n’y a pas l’étendue vocale de Bon Scott, et comme le reste a pas changé, on se dit que c’est bien …
Parce que musicalement, « Back in black », il est sur la lancée de « Let there be rock » et « Highway to hell », c’est-à-dire ce que les faux Australiens ont sorti de mieux. Un peu inférieur, peut-être, moins fou que « Let there … », plutôt un copier-coller de « Highway … », avec l’impression de déjà entendu. Mais bon, les gars compensent par une sorte de rage, de rancœur contre la camarde qui vient de leur piquer Bon. Le disque est contruit « à l’ancienne », comme un 33T qui se respecte et veut cartonner. Les trois meilleurs titres (même si c’est pas ceux-là qui sortiront initialement en single, ils arriveront après pour enfoncer le clou et faire s’affoler les compteurs de ventes) sont au début de chaque face (« Hells bells » sur la 1, « Back in black » et « You shook me all night long » sur la 2). Et même si les tempos d’AC/DC sont immuables (comme sur « Highway to hell », c’est « Mutt » Lange qui produit, on est de suite en terrain connu), chaque face a droit à son titre un peu plus frénétique que les autres (« Shoot to thrill » et « Shake a leg »), si le rythme décélère c’est pour un titre bluesy (« Have a drink on me »), et chaque face se termine par un morceau ralenti en forme d’hymne (« Let me put my love into you », et surtout « Rock’n’roll ain’t noise pollution »). Les textes, hormis une paire qui font allusion à Bon Scott, traduisent bien les préoccupations essentielles de Johnson (les meufs, les meufs, voire les meufs), guère éloignées de celles de son prédécesseur.
Un Johnson qui essaye de s’appliquer, quand bien même son manque de nuances vocales se fait de plus en sentir à mesure que défilent les titres. Comme s’il était en train de réaliser qu’il est le chanteur d’AC/DC, avec derrière lui quatre types qui dressent un mur de l’Atlantique de riffs. Avec un Angus Young aussi qui préfère maîtriser des solos rageurs plutôt que de se lancer dans des cavalcades de notes folles …
Avec ce disque très noir, assez inattendu (surtout si vite) et improbable, AC/DC va décupler son audience, essentiellement aux Etats-Unis où « Back in black » se vendra par millions, et où le groupe deviendra une institution. Dès lors, une fois qu’on a touché le jackpot des arenas américaines, on peut tout se permettre. Le disque suivant sera immonde (« For those about to rock »), et Brian Johnson, se sentant installé à vie derrière le micro, n’aura de cesse de brailler de plus en plus bêtement dans les aigus d’une façon insupportable…

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Live At River Plate




AC/DC - LIVE AT RIVER PLATE (2012)


Un bon groupe et un mauvais chanteur ...

Quel intérêt peut-il y avoir à écouter un disque d’AC/DC ? Enfin, depuis que Bon Scott est mort, s’entend … A mon humble avis, pas beaucoup … et surtout un live récent … les types ont tous cent ans, font le même disque depuis au moins quatre vingt quinze … et nous sortent là un live exotique, enregistré dans un stade argentin, et version audio d’un DVD déjà paru …
Il semblerait d’ailleurs que les Sud-américains prennent un malin plaisir à s’entasser dans les stades. Il y a quelques temps, c’était pour prendre au minimum des coups de matraque (voire beaucoup plus si affinités et refus de coopérer), maintenant c’est pour prendre des milliers de watts dans les yeux et les oreilles … Tropisme quand tu nous tiens …
Bon, je vais vous dire, ils ont pas eu forcément tort d’hypothéquer leur baraque (à côté de l’Argentine, la Grèce est un pays très riche) pour aller voir les Australopithèques à casquettes et culottes courtes. Autant AC/DC en studio, y’a pas de quoi se relever la nuit (quoique, il y en a un qui m’avait assez plu y’a bien dix ans, « Stiff upper lip » il s’appelait) depuis que … enfin, vous m’avez compris, autant là, devant tous ces types qui sautent partout pour oublier toute la misère qu’ils s’enquillent, et que la nôtre à côté c’est caviar au tracto-pelle au petit déjeuner, et bien AC/DC, ça putain de déménage.

Ces gars, Rudd, Evans, les frangins Young, sont ensemble depuis toujours, jouent depuis toujours un heavy boogie-blues reconnaissable au bout de trois notes, et en live, ils tressent un mur de décibels en béton armé. C’est absolument implacable, ils ont remplacé les cordes de guitare par des rails de chemin de fer, et ne lâchent rien. Mais les AC/DC, faut bien y revenir, ont un problème. Qui piaille dans les suraigus depuis 30 ans. L’ineffable Brian Johnson, c’est le type qui a gagné la super cagnotte au Loto du hard. Alors que tout le destinait avec son look de camionneur à finir dans un groupe de quinzième zone, à passer sa vie à se bourrer la gueule dans un pub, et à peloter des catins à forte poitrine, voilà que maintenant il passe sa vie à se bourrer la gueule dans des pubs, à peloter des catins à forte poitrine, et qu’en plus il chante (enfin, ça c’est lui qui le croit) dans AC/DC. Vocalement parlant, ce type est une catastrophe, il hurle comme s’il venait de se prendre un Boeing dans les roubignolles, sans jamais chercher à moduler, à faire autre chose … et comme en plus il avance dans l’âge et commence à avoir un durillon de comptoir respectable, il s’essouffle vite. Là, sur ce live, pendant « Whole lotta Rosie », soit à demi-heure de la fin du concert, il avale la trompette comme disait l’autre. Fini, terminé, aphone le Johnson. Il a du bol, Angus prend un solo d’un quart d’heure ( ! ) sur « Let there be rock », le temps certainement que le Brian aille consulter un ORL en coulisses, prenne quelques pastilles Valda et voilà que notre Ecossais revient tant bien que mal assurer le final du concert … et non, je vous assure que tout ce j’écris est véridique, z’avez qu’à acheter le skeud ou mater la vidéo, vous verrez … A noter aussi les spectaculaires efforts du Brian pour communiquer avec le public, il connaît trois mots (pas un de plus) en espagnol (« muchas », « gracias », « amigos »), et lance même au début un « scusi ». Faudra que quelqu’un essaye de lui expliquer, s’il est à jeun un jour, que l’Espagne et l’Italie, ça à beau être au Sud de Glasgow, c’est pas exactement la même chose …
Cin cent millions de Sud-américains et moi et moi et moi ...
Parce que les quatre autres, ils assurent grave, sur les vieux titres, parce qu’ils les jouent sans débander depuis plus de trente ans (la moitié de la setlist, elle date du temps de Bon Scott) et même sur les autres, parce qu’en fait, AC/DC, c’est toujours la même chose, mais là, avec le temps, de plus en plus puissant, genre bulldozer inexorable et inarrêtable.
Mais aux débuts, c’était même pas Bon Scott qui focalisait les regards, c’était ce gosse en tenue d’écolier qui massacrait sa Gibson comme si le sort de l’humanité en dépendait. Et donc, qu’est-ce qu’il devient, l’Angus, maintenant qu’il atteint un âge où le commun des mortels commence à compter les trimestres d’activité en vue de faire valoir ses droits à la retraite ? Il s’est calmé, enfin juste un peu, fini le temps où il passait le concert à se rouler par terre en effectuant des descentes de manche à vitesse supersonique. L’âge, l’arthrose, tout çà, d’ailleurs il montre plus on cul sur « The Jack », juste un slibard taille XXL floqué AC/DC … mais de guitariste épileptique, il est devenu bon guitariste, instantanément reconnaissable la plupart du temps, le côté chien fou en moins. Et puis, il a ajouté un truc très hendrixien dans son jeu, pas les zigouigouis à grande vitesse de mise chez tous les nullards présentés comme les héritiers-successeurs-descendants du gaucher de Seattle, non, juste ces coulis de notes traînantes que balançait Jimi sur ses blues mutants. Ici, c’est particulièrement flagrant sur « The Jack », le blues des maladies vénériennes, avec même une intro qui cite quelques notes de « Manic depression » on dirait bien … Conclusion : même si c’est pas l’Angus des 70’s, ça reste quand même un type qui utilise plus que bien (et même mieux qu’avant selon moi) une guitare …
Résultat des courses, ce live est quand même un peu saboté (si, si et je suis gentil) par le Johnson à casquette. Et je n’échangerais certes pas les presque deux heures de ce « River Plate » contre les quarante minutes de « If you want blood » …

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Back In Black

BLUE CHEER - VINCEBUS ERUPTUM (1968)


Lourd ou lourdingue ?

Blue Cheer, c’est le prototype du groupe culte. Qui en plus a réussi à vendre du disque, contrairement à la plupart de ceux gratifiés de ce qualificatif. Et en se coltinant depuis des lustres des avis très divergents. Certains n’hésitent pas à le qualifier de génial précurseur, d’inventeur du heavy metal ou du stoner, d’autres n’y voient qu’une bouillasse sonore de distorsion et de feedback … ce qui si on se penche sur la question, revient à peu près au même …
Blue Cheer est un groupe dérangé et dérangeant. Issu du Ground Zero du psychédélisme (San Francisco), et tirant son nom officieusement d’une marque de détergent, en réalité de l’argot désignant une spécialité surpuissante de LSD. Dont les Blue Cheer furent des consommateurs émérites et obstinés, ceci expliquant  beaucoup de choses par la suite, notamment au niveau sonore. Mais pas seulement. L’histoire (la légende ?) prétend qu’ils étaient six au départ, et qu’au beau milieu d’un concert, trois se retrouvèrent virés et expulsés de scène par les trois autres, Blue Cheer devenant dès lors un trio (sûrement coup de bol, les trois rescapés étaient un batteur, un bassiste-chanteur et un guitariste, ils purent ainsi continuer à faire de … euh, de la musique, pour faire simple). Encadrés et soutenus par les Hell’s Angels de Frisco, les Blue Cheer durent composer avec une violence latente et souvent bien réelle qui accompagnait chacune de leurs apparitions.
« Vincebus eruptum » (attaque victorieuse ? me souffle Google Traductions) est le premier disque du groupe en 1968. Aussi saugrenu dans cette époque qu’un poster de Marylin Manson le serait aujourd’hui dans la chambre à coucher de Christine Boutin. En ces temps-là, qui voyaient la surenchère de titres et de concept-albums immensément cérébraux plein de considérations pacifistes, cosmiques, métaphysiques et existentielles, époque aussi de la technique la plus ébouriffante possible triomphante (les slogans « Clapton is God », ce genre de fadaises, …), Blue Cheer jetaient sur vinyle six titres d’une bêtise, d’un mauvais goût et d’une crétinerie finalement réjouissants.
Dans le genre « jouez ce dont vous êtes capables, j’enregistre et on la garde … », « Vincebus Eruptum » fait figure de modèle et curieusement, alors que l’on peut lire les qualificatifs de boucan punk sous la plume de quelques-uns, d’autres partent de quelques ponts et solos tordus pour déceler dans ce disque les prémices du funeste prog-rock. Je me plais à imaginer le destin d’un Rick Wakeman qui se serait pointé avec ses capes amidonnées à un concert de Blue Cheer et le sort qui lui aurait été réservé par les Hell’s … Le pourquoi du comment de cette « chose » vient surtout, beaucoup plus prosaïquement de l’état dans lequel se trouvaient en permanence les trois freaks et de leurs carences techniques quand même bien flagrantes.
D’ailleurs la moitié des titres sont des reprises et ce sont ces reprises tordues, approximatives et bruyantes, qui ont entretenu la légende et les discussions sans fin autour du groupe. « Summertime blues » de Cochran surtout, ayant conduit Blue Cheer vers les sommets des hit-parades US. Une version lourde, lente, aplatissante, glissant même dans un grand fracas sonore le riff de « Foxy Lady » de Hendrix. A comparer avec l’originale mais aussi évidemment avec la rage nucléaire de celle des Who « Live at Leeds ». Autre reprise, celle du « Parchman Farm » du jazzeux bluesy Mose Allison, rebaptisée ici « Parchment Farm », celle-ci revisitant à mon sens avantageusement le titre et ouvrant la voie à la relecture qu’en a également faite (entre autres) Cactus. Enfin « Rock me baby » de B.B. King devient un blues reptilien et noir, avec une ambiance que l’on retrouvera tout du long de  « L.A. Woman » des Doors (Jim Morrison était fan de Blue Cheer).
Les trois titres originaux, tous composés par le bassiste Dickie Peterson, font figure de parent pauvre. « Doctor please » (la supplique du camé pour l’ordonnance médicale), avec ses solos vrillés en dépit du bon sens et de ce qui se fait à l’époque, est assez lamentable. « Out of focus », qui deviendra en concert un des classiques de Blue Cheer, est le plus rapide, conclu par une purée de pois sonique mugissante. « Second time around », célébré par certains pour son originalité déstructurée, est un trip sauvage perclus de solos le plus souvent imbéciles (à tour de rôle, chacun des trois y va du sien, les deux autres s’arrêtant de jouer).
Il y avait dans « Vincebus … » matière à six titres de trois minutes. Ils seront quasi tous étirés d’autant, surtout ceux « maison » pour qu’au final la durée du disque dépasse la demi-heure. Musicalement, c’est tout de même bien faible … Mais l’intérêt du disque, outre « historique » est ailleurs. Il s’agit surtout d’un gigantesque bras d’honneur à toute une frange du rock qui s’embourgeoisait, devenait consensuelle.
Ici, trois teigneux bourrés de dope balançaient dans un boucan apocalyptique radical  tout le mépris qu’ils avaient pour une musique « bien jouée ». Aucun message … une autre forme de « Communication breakdown » … Mélomanes s’abstenir …

JANE'S ADDICTION - NOTHING'S SHOCKING (1988)


Addictif

A sa sortie, ce disque est passé relativement inaperçu. Faut dire qu’il tombait assez mal. Dans le grand supermarché du rock, au rayon heavy, les Guns’n’Roses vendaient des disques par millions, écrasant toute velléité de concurrence. Même si Jane’s Addiction et les Gunners ne sont pas vraiment concurrents.
Certes ils viennent tous les deux de Los Angeles et du hard-rock des seventies, mais les similitudes s’arrêtent là. Ils deviendront même incompatibles parmi ceux qui les citent comme références. Autant les Guns ne sont finalement que le dernier stade de dégénérescence d’un show-biz à l’américaine ultra-prévisible, autant Jane’s Addiction va devenir, sans l’avoir vraiment cherché ou provoqué, le porte-drapeau de tous ceux qui veulent faire du rock fort en gueule, mais rejettent tout son côté strass et paillettes. Autant les premiers seront débinés par les tenants du tsunami grunge et du rock indie en général (qui ont oublié au passage que « Appetite for destruction » est un disque colossal), autant le groupe de Perry Farrell deviendra le symbole d’un rock dur intransigeant et intègre.
Un peu à leur corps défendant, ils n’avaient rien au départ de porte-drapeaux de quoi que ce soit. Il s’est toujours dégagé de ce groupe des vibrations malsaines, dérangeantes. Ils ont toujours fait se côtoyer des agressions frontales classiques, basiques, avec des titres plus sournois, plus retors, et ont toujours préféré le choc des mots et des photos au boucan des Marshall.
Jane’s Addiction, c’est pourtant nettement la famille hard. Mais la section rythmique s’éloigne souvent des sentiers battus et des chemins balisés du genre. Perry Farrell est un chanteur atypique, il n’a pas la voix des ténors chevelus qui ont fait la légende du rock lourd, et cultive un aspect physique androgyne loin des clichés machos de mise. Quant à Dave Navarro, c’est tout simplement le dernier guitar-hero, caractériel misanthrope et défoncé, débiné par beaucoup (et notamment les fans des souvent pénibles Red Hot Chili Peppers), mais qui laisse une trace définitive sur tous les titres … une sorte de Ritchie Blackmore version années 90 …
Tout ce côté atypique de Jane’s Addiction, on le découvre d’entrée. Alors que n’importe qui essaie avec le premier titre d’accrocher l’oreille de l’auditeur, on a ici un quasi instrumental tendu comme un string de bimbo, la voix de Farrell est filtrée, et Navarro se signale déjà à l’attention de ses contemporains par quelques descentes de manche tarabiscotées. Par la suite, ça s’arrange pour ceux qui aiment le boucan, « Ocean size » et « Had a Dad » (le premier zeppelinien en diable, le second heavy bien saignant), ont de quoi contenter le headbanger de base. Et de nouveau les Jane’s Addiction surprennent leur monde, embrayant sur le titre le plus long du disque, « Ted, just admit it … », sorte de planerie psyché et mystique, adressée à un serial-killer, avec un Farrell qui se pose en conscience des victimes. On est quand même assez loin des odes célébrant les gonzesses, les bagnoles et la picole de la plupart des concurrents.
Ce sont d’ailleurs ces digressions sonores, et ces écarts aux « fondamentaux » littéraires du hard qui font de Jane’s Addiction un groupe totalement à part dans son époque. Attention, ils ne font pas n’importe quoi pour autant (enfin, si, il y a un titre heureusement très court de swing jazz vers la fin), on sent bien qu’ils ont écouté et pas qu’une fois l’intégrale de Led Zeppelin, et à ce titre « Standing in the shower … » est le « Stairway du heaven » de ce disque, du moins par sa construction. Musicalement aussi, on s’éloigne des sentiers archi-battus du genre, un morceau comme « Janes says », tant par son titre que par son côté acoustique, faisant inévitablement penser au Velvet Underground. Une seule réserve, « Idiots rule », funk-rock (avec même des cuivres) à la Red Hot Chili Peppers n’est pas réellement convaincant.
Transgressif, Jane’s Addiction ne l’est pas seulement par son approche toute particulière du hard-rock, le groupe l’est aussi par des visuels glauques ou dérangeants, comme cette photo de pochette avec ses deux siamoises nues et en flammes, plus encore avec la peinture du suivant (Farrell en train de peloter deux femmes nues), le successful « Ritual de lo habitual ».
Le groupe sera somme toute éphémère, et aura une existence en pointillés avec épisodiquement des reformations (le dernière en date cette année ne semble pas faire l’unanimité). Il faut dire qu’entre-temps Farrell sera très occupé avec le festival indie, crossover et itinérant qu’il a monté (Lollapalooza), tandis que de son côté Navarro, entre disques solos inégaux et participations diverses (l’excellent « One hot minute », disque et tournée avec les RHCP, étant la plus connue et allez savoir pourquoi, également la plus controversée), fera beaucoup parler, pas toujours en bien …


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