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JULIAN CASABLANCAS - PHRAZES FOR THE YOUNG (2009)


La grosse tête ?

Ce doit être sympa d’être Julien Maisonblanches. Un papa fondateur de l’agence Elite, du fric plein les poches, un physique à lever toutes les top models de l’agence paternelle, le chanteur d’un groupe à la mode, c’est pas vraiment la biographie d’un bluesman du Delta.
Alors forcément, à lui moins qu’un autre, on va rien pardonner. Faut dire qu’il traîne pas mal de casseroles depuis qu’il s’est fait un prénom. Un caractère de cochon, et une fâcheuse tendance à vouloir que tout tourne autour de sa personne qu’il croit auguste. Alors là, en cette fin des années 2000, il sort un disque solo. Au mauvais moment, parce que tout le monde en attend un des Strokes, et sous le prétexte vaseux que ses acolytes en ont aussi sorti. Comme un enfant gâté qui n’en fait qu’a sa tête …
Ce disque est globalement assez vilain, pue l’argent facile gâché en studio et l’auto complaisance. Il donne l’illusion sur le premier titre, « Out of the blue », parce qu’on y retrouve des ingrédients connus, la voix nonchalante, la rythmique sautillante strokienne. Mais déjà, il y a tous ces synthés qui sonnent faux, qui font toc. Et toutes ces choses (les chœurs brumeux, les mélopées tristes) qui semblent des copier-coller venues de chez REM. « Out of the blue » donne la direction du disque, pratiquement tout est fait avec des machines, en empilant des couches de synthés datés, renvoyant plus que de raison à des choses anodines des funestes années 80 (le single « 11th dimension », c’est le retour des fantomatiques Visage, Human League et Spandau Ballet, et c’est juste ridicule, refaire ça vingt cinq ans après, où est l’intérêt ?), piquant sans vergogne les bonnes idées du Beck (le scientologue, pas Jeff) des débuts qui mélangeait country et electro (« Ludlow St »), plagiant quasiment des vieux tubes sixties certifiés (« Stand by me » et « Time is on my side » dans « 4 chords of the Apocalypse »), …
Si l’on ajoute à cette litanie oubliable, une ballade sans intérêt (« Glass »), et une autre tout juste à peu près avenante (« Tourist », rien que le titre très radioheadien, fait penser à du Thom Yorke enjoué, certes, mais du fuckin’ pénible Thom Yorke quand même), et quand on aura précisé que ce « Phrazes … » ne contient que huit titres, le compte des morceaux acceptables sera vite fait.
« Out of the blue » donc, plus « Left to right », jolie mélodie même si on n’y sent pas vraiment un Casablancas concerné. Meilleur du lot d’assez loin pour moi, « River of brakelights », le plus ouvertement electro du lot avec chanteur pour une fois « dedans », impliqué, morceau réminiscent de ce que faisait le King Crimson « reformé » des années 80.
L’on sait depuis que ce disque et l’attitude dilettante de Casablancas ont hypothéqué forcément longtemps la parution du quatrième Cd des Strokes, et la survie même du groupe qui l’a révélé.
Tout ces caprices de gosse (de) riche pour çà ? No way …

KRAFTWERK - THE MAN-MACHINE (1978)


1984 ...

Et si le meilleur disque fait avec des machines, c’était celui-là, sorti bien avant que les machines prennent le pouvoir sur la création artistique … Kraftwerk fut pendant quelques années à la fin des seventies, un groupe tellement en avance sur son temps que la plupart des musicologues et de ceux qui causaient musique ne savaient trop qu’en penser.
Comme tous les autres, les Kraftwerk n’ont à proprement parler rien inventé. Tout juste ont-ils laissé sédimenter sur leurs premiers disques, des sons et des influences peu souvent usités. Ils ont été les premiers et restent encore parmi les seuls (avec Suicide et Air je dirais) à avoir dépassé le cadre expérimental dans lequel des générations entières de joueurs de disquettes se sont perdus depuis, à savoir produire des sons et des ambiances. Kraftwerk, ce qui change tout, c’est qu’ils écrivaient des chansons. Et des chansons pop. Ils sont fans des Beach Boys (leur premier succès, « Autobahn », plus de vingt minutes au compteur, est une extrapolation électronique de « Barbara Ann » de la bande des frangins Wilson), et des Beatles. Et peut-être plus lucides que d’autres, plutôt que de partir dans une fumeuse quête mystique, cosmique, et finalement comique, comme tant dans le krautrock pour transcender le format chansons (ce qui a invariablement donné des surenchères techniques, les solos de dix minutes, les funestes prog et jazz-rock, …), les Allemands ont fait dans le dénuement.
Les hommes et leurs machines
Avec leurs antiques synthés forcément cheap et uniquement avec eux, ils ont écrit des titres d’une naïveté confondante, et qui bizarrement, ont bien vieilli, ou plutôt n’ont pas du tout vieilli. Enfin, naïveté, c’est pas vraiment adéquat. Ils ont su en plus concevoir tout un monde autour de leur musique, et il n’a rien de simpliste ou de naïf. Krafwerk ne fait pas de sa musique un concept (comme tous les zicos « cérébraux » qu’on nous vend depuis cent ans), c’est Kraftwerk lui-même qui est le concept. Puisant dans le passé leur look (uniformes, coupe militaire, gomina, mélange des symboliques totalitaires nazies et communistes sur l’artwork et le lettrage du disque, rien n’est laissé au hasard …).
« The Man-machine » est un concept-album autrement plus fin et audacieux que, au hasard, « Tommy » des Who ou « Tales from machin » de Yes. Qui fait appel à d’autres visionnaires, évidemment l’univers d’un Fritz Lang pour « Metropolis », les œuvres littéraires d’un Orwell ou d’un Huxley, tous ceux qui décrivaient un monde dans lequel l’homme avait perdu le pouvoir. Cette soumission, cette aliénation, tous ces comportements pavloviens régis par une société de consommation, mieux que personne, Kraftwerk les a exprimés avec ce disque.
Parce que oui, il y a des paroles dans leurs morceaux, elles aussi faussement naïves, niveau quarante mots d’anglais maîtrisés, mais qui en disent au moins aussi long que 3000 vers cryptiques de Bob Dylan. Les titres parlent d’eux-mêmes (« The robots », « Spacelab », « Metropolis », « The model », « Neon lights », « The man-machine »). Les Kraftwerk disent que oui, on nous conditionne comme des robots, que la conquête spatiale n’est qu’une fumisterie pour masquer l’incapacité de l’homme à vivre « naturellement » sur Terre, qu’entasser des gens dans des villes déshumanise la société, que l’apparence physique est devenue un diktat, qu’il n’y a rien de plus flippant qu’une autoroute bien éclairée, et que l’on ne réagit que selon des codes pré ingurgités et non plus spontanément.
Evidemment, c’était pas gagné d’avance, les esprits les plus fins ( ? ) de l’époque ont eu vite fait de taxer les Kraftwerk de néo-nazis ou aimables jugements à l’emporte-pièce du même acabit. Les mêmes qui lors d’un concert s’empressent de gueuler à tue-tête dès qu’un chanteur démago leur demande s’ils sont là… ne jamais oublier que le rock est un des genres musicaux les plus réactionnaires qui soient, de par ses origines et son évolution, servi par une cohorte de mégalos cyniques …
Les Kraftwerk ont laissé leurs ego aux vestiaires, signant collectivement leurs titres, alors même que l’on sait maintenant que tout ou presque était l’œuvre des deux seuls Schneider et Hütter. Les Kraftwerk étaient tellement en avance sur leur temps qu’ils ont inventé le home studio, ayant leur propre structure (le Kling Klang Studio à Düsseldorf, et leur ingénieur producteur attitré Conny Plank).
Et puis, je veux bien trouver génial Aphex Twin, Moby, LCD Soundsystem ou qui on voudra de leurs semblables, mais que le jour où ces gens-là seront capables d’écrire des mélodies comme celles de « The Robots », « The Model » et « Neon lights », on me le fasse savoir. Kraftwerk pourrait faire du Roni Size, du Boards of Canada (que ces minus croient pas que je les oublie), l’inverse n’est pas vrai.

BOBBY WOMACK - THE BRAVEST MAN IN THE UNIVERSE (2012)


Un come-back étonnant ...

Il ne devait pas y avoir grand-monde pour espérer un disque, et surtout un bon, de Bobby Womack en 2012. Même pas lui d’ailleurs …
Bobby Womack, 68 ans au compteur. Repéré par Sam Cooke (Bobby repèrera lui Barbara, la femme de Sam Cooke qu’il épousera, scandale médiatique à l’appui, trois mois seulement après l’assassinat du grand Sam), Womack deviendra la figure de proue et principal auteur du groupe doo-wop pré-soul Les Valentinos. Dont la reprise d’un de ses titres « It’s all over now » deviendra en 1965 un des premiers gros hits des Rolling Stones, ce qui offre une promotion artistique conséquente et une notoriété certaine. Bobby Womack végètera cependant des lustres avant d’obtenir son plus gros succès, l’album « The Poet » au début des années 80, avant de sombrer à nouveau dans l’indifférence du grand public.
Les cinéphiles l’avaient peut-être entendu en 2009 dans le fabuleux « Fish tank » (c’est sa reprise, quelconque il faut bien dire, de « California dreamin’ » qui est en fond sonore à plusieurs reprises dans le film). C’est Damon Albarn, l’année suivante qui le remettra encore sous les feux de l’actualité en l’embauchant pour son groupe virtuel Gorillaz, pour le Cd « Plastic Beach » et la tournée qui s’ensuivit. C’est le même Albarn que l’on retrouve partout, à la co-écriture, aux arrangements et à la production de ce « Bravest man … ». Un disque pour lequel il faut au préalable évacuer quelques méchants préjugés, à commencer par une pochette hideuse, mais c’est pas tout. Bobby Womack, à cause de l’âge et surtout d’excès opiacés en tout genre, n’a plus la voix du chanteur des Valentinos. Sa voix aujourd’hui est étrangement aiguë, éraillée et métallique, et on la devine fortement triturée par les machines d’Albarn en studio, pour un résultat qui peut parfois rebuter (comme sur « Stupid », titre sur lequel elle me paraît vraiment trop bidouillée et pénible), mais s’accorde généralement assez bien, voire très bien, avec la musique concoctée par Albarn.
Damon Albarn & Bobby Womack
« The Bravest man … » est clairement un disque de soul music. Mais là aussi, ceux qui attendent quelque chose qui sonne comme du temps de l’âge d’or sixties du genre, une resucée du son Stax ou Atlantic, risquent fort de se gratter l’occiput. « The Bravest man … » est clairement aussi un disque de son temps, les dernières bécanes et plug-in électroniques constituent l’essentiel de la trame sonore. Et la vieille légende et le (plus tout) jeune touche-à-tout n’y vont pas avec le dos de la proverbiale cuillère, le premier titre éponyme est le plus avant-gardiste du lot, mix improbable, surprenant et pourtant réussi entre trip-hop et soul, et pourrait figurer tel quel sur un Best of de Massive Attack.
Tout n’est cependant pas férocement expérimental et étrange. Il y a des titres soul bien dans la ligne du parti (en gros mélodie de baise et voix de braise), juste maquillés par un léger fond de teint électronique (« Please forgive my heart », un titre tout au feeling), un morceau avec juste la voix et une guitare acoustique (la reprise de l’antique classique « Deep river » qui du coup sonne comme un « Redemption song » ... de Marley , et surtout pas  comme la scélérate version de Jahnnick Noah). Il y a de très excellentes choses, avec un « Sweet baby mine » qui ressort du lot, les machines envoient une pulsation cardiaque sur une chanson soul vintage et ça le fait grave, il y a des tempos qui s’accélèrent vers la fin (« If there wasn’t something there » on jurerait une chute de Gorillaz), des choses qui renvoient au balancement dansant des autres Womack (en l’occurrence Womack & Womack, soit Cecil, le frère de Bobby et Linda, sa belle-fille et belle-sœur, puisque fille de Sam Cooke et femme de Cecil, vous suivez ?), ça s’appelle « Love is gonna lift you up » …
Il y a un hommage à Gil Scott-Heron (mort l’année dernière), l’un de ceux présentés comme les antiques parrains du rap, pote de Bobby et l’on entend sa voix dans l’intro de « Stupid », titre par ailleurs peu convaincant. Il y a un duo (très bon) avec l’actrice et chanteuse malienne Fatoumata Diawara (« Nothin’ can save ya »), une sorte de court rythm’n’blues tribal qui conclut le disque (« Jubilee ») et qui si on en juge par les rires de fin de bande est plus une récréation de studio qu’un titre vraiment finalisé.
Et puis il y a ce qui sera la grosse affaire de ce disque. Le genre de truc qui peut vous mener en heavy rotation sur MTV ou vous ringardiser à jamais, un duo avec Lana Del Rey. Etant d’humeur charitable, je ne dirais pas de mal du dernier cataplasme branchouille botoxé qui ravit tous les sourds aux goûts de chiotte de la planète. Je m’en tiendrais strictement à la qualité du titre (« Dayglo reflection ») qui mélange les voix du vieux faune et de l’aphone, et je dirais que l’alchimiste Lana Del Machin tourne là à plein régime, et confirme que tout ce qu’elle chante (enfin, chanter est un bien grand mot, elle essaye d’imiter la voix tuberculeuse de la Marianne Faithfull des années 80 et suivantes) se transmute instantanément en grosse daube.
Sinon, le reste du disque est très bon, c’est un disque de soul fait en 2012 par une des dernières vaches sacrées encore en vie, et ça pourrait même plaire aux geeks puceaux (pléonasme) qui attendent impatiemment la sortie du prochain iPhone …

THE REBIRTH OF COOL - VOLUME 3 (1995)



Recyclage of cool, volume 1756896584 …
Bon, là je suis chaud, Earhtling, Basement Machin… et comme le seul blog de ce pays consacré aux musiques électroniques (oxymore) a mis la clef sous le paillasson, manière d’aider à la représentation des minorités visibles (et surtout bruyantes), une ch’tite compile electro-machin-bidule …

A cette époque-là (le milieu des années 90), il en pleuvait littéralement des compiles plus ou moins techno, toutes les maisons de disques, y compris certaines crées pour l’occasion y allant de leur florilège de machins électroniques, généralement très mauvais. Le label Fourth & Bway (??) responsable de celle-ci se signale à l’attention des auditeurs potentiels en évitant les grosses daubes, affichant au générique valeurs sûres et buzz plus ou moins underground.
Leena Conquest
La chose est cependant rendue plus ardue par les versions anglaises et américaines de ces compilations, parfois aux pochettes identiques et aux contenus différents (ou le contraire), les versions anglaises contenant généralement plus de titres… bref, un vrai bordel pour s’y retrouver … Les plus perspicaces auront remarqué que les genres abordés (« The birth of cool » est le titre d’un disque de Miles Davis) s’inspirent, samplent, échantillonnent, de la musique venant du jazz, du blues, de la soul, en gros des musiques noires du paléolithique supérieur (début de la seconde moitié du XXème siècle). Les érudits diront que ça ressemble étrangement aussi aux compiles de la série « Jazzmatazz » fomentées par Guru, le rappeur de Gang Starr…
Donc sur celle-ci, y’a du lourd, du connu, du célèbre et célébré. Des titres parfois sous forme de versions alternatives, extended, single-edit, remixed, … tous ces colifichets sonores sans aucun intérêt mais qui ravissent les amateurs de la chose électronique, nique, nique (ton portefeuille) …
Pourtant d’entrée y’a de quoi retourner fissa aux Cramps. Une dénommée Jhelisa mélange house, jazz, soul et rap, l’objet du délit s’appelle « Friendly pressure » et y’a vraiment pas de quoi se relever la nuit pour l’écouter. Dans le même genre, Leena Conquest fait beaucoup mieux, allez savoir pourquoi, « Boundaries » ça s’appelle, et ça avait bien marché en son temps.
On peut zapper aussi, les ci-devant autrichiens très chiants Kruder & Dorfmeister, qui, ach, kolossale daube, testent plein de plug-in sur un machin tribal drum’n’bass totalement dépourvu d’intérêt. Ça s’appelle « Deep shit » et ça porte bien son nom … Y’a aussi un vieux funk très seventies de Freak Power, sympathique sans plus, mais un peu hors-sujet. Hors-sujet aussi, un titre de Tricky, très bon lui, mais totalement trip-hop et qui n’a rien de cool (d’ailleurs Tricky n’a jamais rien fait de vraiment cool, c’est un vrai méchant, lui …).
Portishead en pleine crise de fou rire
Bomb The Bass, avec un titre remixé et le featuring d’un rappeur jazzy est juste passable … Coldcut  fait avec ses boucles groovy intéressantes beaucoup mieux que ce que le teuton titre « Eine kleine hed music » laisse présager…
Reste quand même en plus de Leena Conquest, un bon titre peu connu de Portishead plus « léger » et moins oppressant que ceux qu’ils livraient à cette époque-là (« Revenge of the number »), un Beastie Boys de leur meilleure période (« Get it together » extrait de l’album « Ill communication »), et cocorico, MC Solaar, habitué de ce genre de compiles (il est aussi sur les Jazzmatazz), avec une version courte (single ?) de son « Nouveau western » qui sample davantage le « Bonnie & Clyde » de Gainsbourg que du jazz, mais qui bénéficie comme presque toujours à ses débuts des textes travaillés de Solaar …
En conclusion, une compile dans la norme de toutes celles qui regroupent autour d’un genre musical identique des artistes différents : les « stars » ressortent forcément du lot et les « inconnus » démontrent pourquoi ils le sont …


BASEMENT JAXX - REMEDY (1999)


Vendre des disques de techno ?

Les technoïdes ont toujours eu un problème avec les courbes de vente, se sont toujours posé des questions métaphysiques du genre : peut-on objectivement prétendre à l’avant-garde musicale et voir ses disques à côté de ceux de Sting ou Madonna dans le Leclerc du coin ? Et durant l’essentiel des années 90, le microcosme electro se gargarisa d’artistes prétendument incontournables … et inconnus d’à peu près tout le monde.
La réponse vint à la fin de la décennie d’un peu partout, et aussi, fait rarissime dans les annales, de France, avec les cartons commerciaux et internationaux de Air ou Daft Punk qui n’avaient pas grand-chose à envier aux succès de Moby ou Fatboy Slim. Et même si quelques puristes de la musique des joueurs de disquettes firent la moue, les faits étaient têtus, on pouvait faire de la « techno » au sens large, rester « crédible » et vendre du disque.
Basement Jaxx : et on fait tourner les serv ... les disques
La boîte de Pandore était dès lors ouverte (d’où allaient finir par sortir des Guetta, Solveig et consorts, mais c’est un autre problème), et il n’y eut plus de honte à faire de la musique electro « grand public ». Parmi les premiers à sortir du placard, Simon Ratcliffe et Felix Burton, le duo anglais Basement Jaxx. Dont ce « Remedy » est le premier Cd, après quelques obligatoires remix et maxis.
C’est pas élitiste, c’est sûr, pas très original non plus (les deux premiers titre dont le hit « Rendez-Vu » doivent beaucoup au son « vintage » compressé de Daft Punk), c’est juste fait pour attirer le plus de monde possible vers la piste de danse et accessoirement le tiroir-caisse. D’un autre côté, c’est pas sournois, c’est clairement revendiqué être fait pour. Alors ça a un petit côté festif, ensoleillé, chaloupé tout en restant martial et répétitif, funky à la Janet Jackson, Rihanna ou Beyoncé (c’est pas un compliment) comme le second gros succès du disque « Red alert », qui a fini dans la BO des Visiteurs 2, 3 ou 10, j’sais plus.
Il y a dans ce « Remedy » des choses anecdotiques, une tendance un peu trop visible à mettre en avant des gimmicks de violons manouches (« Stop 4 love »), des emprunts aux salseros sud-américains qui préfigurent les funestes Gotan Project et leur pillage en règle du tango (« Bingo Bango »), …  Il y a un acharnement à faire intervenir moultes chanteuses vaguement soul, une tentative ridicule de rap (« Don’t give up », rien à voir avec le duo de Peter Gabriel et Kate Bush) au cas où un minot à casquette à l’envers traînerait dans le coin ...
Bref, ça ratisse large, souvent un peu dans le vide, mais c’est pas désagréable, c’est juste … centriste (tiens, y’a longtemps que je l’avais pas placé celui-là), tout ça n’arrive pas à la cheville de « Dancing Queen » d’ABBA.
Ah si, j’oubliais, y’a un titre que je trouve vraiment bien, avec des slogans hurlés-rappés, des hurlements de femelles en rut, ça s’appelle « Same old show » et ce serait très bien dans la BO d’un Marc Dorcel … Comment ça j’ai l’esprit vulgaire ? Pas du tout, un film avec Clavier et Reno, c’est beaucoup plus vulgaire qu’un porno …
Bon, ben voilà … cette chronique ne pouvait finir qu’en sucette avec cette pochette de disque partouzarde …


EARTHLING - RADAR (1995)


Echos très favorables ...

Allez, un petit tour chez les joueurs de disquettes et assimilés … et tant qu’à faire, parce que de ces choses-là point trop n’en faut, chez les plus audibles du lot, la scène de Bristol du milieu des années 90. Vous situez, le trip-hop, ces joyeux drilles, tous ces dépressifs qui faisaient du dub ou de la soul au ralenti … Massive Attack d’abord, ensuite Portishead et Tricky … le trio majeur passé à la postérité …
Earthling live 20111
Ben y’avait pas qu’eux. Faut rajouter Earthling à la liste. Certes les moins connus (trois disques en presque vingt ans, dont le dernier l’an passé alors que tout le monde les croyait disparus à jamais, on peut pas dire qu’ils aient publié à des cadences infernales), mais auteurs d’un skeud, le « Radar » dont au sujet duquel je vais vous dire trois bricoles, qui doit figurer dans la poignée de Cds de trip-hop qu’on peut se laisser aller à écouter … de temps en temps, voire plus souvent, si affinités …
Déjà, au lieu de se distinguer avec du reggae-dub (Massive Attack), de la soul froide blanchie (Portishead),ou des trucs bizarres (Tricky), Earthling mélangeait aux ingrédients de base (tempos enfumés et ralentis, infra-basses, boucles et scratches) … du rap. J’entends déjà les cris de joie genre « du rap en plus du trip-machin, putain quelle misère, il en est réduit à causer de çà le Lester, ben, je vous dis, il est tombé bien bas, il file un mauvais coton là … ». Bon, partez pas, je vous dis que c’est bien …
Et même très bien. Surtout d’entrée de disque avec « 1st Transmission » (leur premier single) qui prend son temps pour installer la marque sonore du groupe (enfin groupe, ils sont deux et demi), alignant des séquences d’infra basses droit au plexus, avant que le rappeur Mau se pointe avec son flow traînard, à faire passer Doc Gyneco pour Little Richard. L’enfumé « Nefisa », un peu plus alerte, l’ambiance orientalisante de « Soup or no soup » (peut-être bien le meilleur titre du disque), la superbe voix de la guest Sarah Matthews sur « I still love albert Einstein », l’anti-machiste et anti-viol « Planet of the apes », et l’ultime et lentissime, teinté de blues et de jazz « I could just die » se détachent par leur originalité, et osons le mot, par leur beauté d’un ensemble homogène.
Le reste, loin d’être indigne, donne quand même l’impression de redite ou d’auto citation, marque moins les esprits, quelques titres lorgnant même effrontément vers Massive Attack ou Portishead (c’est pas qu’ils soient mauvais, ces titres, mais c’est du déjà entendu, et puis y’a le gars Geoff Barrow de Portishead qui traîne sur quelques plages de « Radar », ceci expliquant cela).
Verdict, évidemment sans appel : « Radar » est un chef-d’œuvre, à ranger à côté de « Blue lines » et « Dummy ».
A tout de même déconseiller aux dépressifs à tendance suicidaire …

SUBA - SAO POLO CONFESSIONS (1999)


Techno Bossa

Un parcours musical peu commun. Musicien plutôt catalogué world music et issu de l’ex Yougoslavie, Suba de son surnom, s’exile en France où il se reconvertit à l’electro, puis au Brésil où il tente de dépoussiérer un genre ronronnant depuis des années, la bossa nova.
Et contre toute attente, ce choc de deux cultures musicales très éloignées et dissemblables (la brésilienne traditionnelle et la techno et ses variantes) donne un résultat le plus souvent superbe. Quand les rythmes chauds sud-américains se mêlent avec bonheur à l’ambient, au trip-hop, aux boucles techno, il en résulte une nouvelle donne musicale qui propulse tous les genres abordés vers un futur musical jusque là inexploré.
La participation au chant d’artistes du cru crée de superbes morceaux où la chaleur des vocaux atténue la froideur mécanique des rythmes électroniques.
A noter un titre essentiellement basé sur des percussions ethniques (« Antropofagos »), qui fait penser à la démarche des hardeux de Sepultura (sur leur Cd « Roots ») lorsqu’ils avaient associé des tribus indigènes à leur métal bourrin.
Il me semble que ce « Sao Paulo Confessions » est le dernier album de Suba, artiste quelque peu « confidentiel », qui a péri peu après dans l’incendie de sa maison.

BJÖRK - POST (1995)


Rain Woman

C’était au temps béni ( ? ) où elle était l’égérie des bobos branchouilles et de toute l’intelligentsia fashion, en gros tous ceux prompts à adôôôrer le dernier cataplasme sonore avant de s’extasier de son contraire. Et elle ne perdait pas une occasion de faire sentir sa « différence », l’Islande, ses fringues flashy de mauvais goût, ses braillements aigus, son côté autiste lunaire. Tout cela faisant sourire, quand on avait connu l’indie-rock et la babacoolerie de ses précédents Sugarcubes. Troupe de hippies partouzards et alcoolos, s’il faut en croire ce qu’ils racontaient à la presse.
Björk en tenue camouflage ...
Et puis, Björk s’est muée en elfe new age, créature asexuée aux propos de modernité abscons, défricheuse téméraire de la chose pop. Foutaises et savant plan marketing, jolie mécanique de com enrayée par des grains de sable en forme d’hystériques pétages de plombs de diva capricieuse. Humainement, Björk est détestable. Musicalement, faut voir … Elle n’a pas toujours été cette harpie au look d’Yvette Horner électrocutée qui sort ces temps-ci des concertos d’iPad. Elle a fait une merveille de disque (« Homogenic »), un excellent « Debut », et coincé entre les deux, ce « Post » que l’on s’est empressé d’englober dans une trilogie merveilleuse.
Pour moi, « Post » est loin de valoir les deux autres, même s’il est bien meilleur que tous ceux qu’elle a sortis depuis quinze ans. « Post » n’est pas un disque, c’est un assemblage de bric et de broc, où se côtoient en dépit du bon sens titres d’exception et crétineries sonores absolues.
Rayon foireux, tout d’abord l’infect « It’s oh so quiet », reprise d’un classique ringard de comédie musicale américaine (« Blow a fuse ») popularisé des décennies plus tôt par l’oubliée Betty Hutton. Björk en Stanley Donen polaire (jusque dans le clip de ce titre), désolé mais pour moi ça le fait pas du tout … « Enjoy » ne réjouira que ceux qui ont envie de l’être à tout prix, « I miss you » nous ressert les horribles rythmes affreux-cubains à la sauce electro, c’est pour moi le pire titre du disque …D’autres choses sans me rebuter me laissent assez circonspect (« Cover me », « Possibly maybe », « The modern things », « You’ve been flirting again ») mais comme je suis de bonne humeur aujourd’hui, je vais pas en dire de mal…
Restent quand même selon moi quatre grands morceaux, ceux qui sont le mieux foutus et en même temps symbolisent le mieux l’aspect exploratrice sonore forcenée que l’on a attribuée à la Castafjord boréale. Des titres comme « Isobel » et « Army of me » (géniaux), le braillard mais très bien construit « Hyper ballad », ou l’OVNI sonore « Headphones » (où l’on sent vraiment la patte noirâtre se son compagnon d’alors, le pas très joyeux Tricky).
Conclusion bassement matérielle : il faut l’avoir ou pas ce « Post » ? Ben oui, j’ai dit que j’étais de bonne humeur …

De la même sur ce blog :
 Medulla 


FUCK BUTTONS - TAROT SPORT (2009)


With God on my side ...

J’étais tranquille, j’étais peinard, chez moi, en train de chercher un gimmick pour mon prochain com, quand j’ai vu le Grand Véhicule se garer en face la porte. Un type est entré. Je l’ai toisé d’un œil torve :
- Eh, Dieu, te gêne pas, fais comme chez toi, entre sans frapper …
- Comment tu m’as reconnu, Lester ?
- Facile, Très-Haut, tu es coiffé comme Clapton à l’époque de Cream, et puis tu fumes le Havane.
- Je vois que j’ai affaire à un connaisseur. Et dis-moi, qu’est-ce que tu fous, là ?
- Ben, Votre Grandeur, j’essaye de trouver un plan pour ma 574ème chronique de Muddy Waters.
- T’en as pas marre de te faire chier avec cette musique de grabataires ? Pense à tes jeunes lecteurs de cinquante ans, parle d’un disque pour eux, d’un disque électronique …
- Mais j’y comprends rien moi, à la musique électronique, Tout Puissant. Vous voulez que je parle de David Guetta ?
- Et pourquoi pas des Boards of Canada, tant que tu y es ? La musique électronique, y’a rien à comprendre. Tiens, écoute ça, par exemple.
Par je ne sais quel prodige, du bruit se fit entendre…
- Euh, Mon Seigneur, c’est à la bonne vitesse, là ?
Dieu haussa les épaules.
- Et c’est qui, Votre Sainteté ?
- Les Fuck Buttons, ignare.
- Gloups, les Fuck quoi, Votre Altesse ?
- Les Fuck Buttons de Bristol. Tu connais Bristol au moins ?
- Oui, Majesté, bristol, c’est du papier pour les faire-part ou les invitations …
Dieu se regarda et donc, leva les yeux au ciel.
- Pfff … mais non, Bristol, la ville de Portishead et Massive Attack. Tu les connais eux, au moins ?
- Affirmatif, Mon Prince, les tristos qui font du dub au ralenti …
- N’importe quoi, enfin, passons … Les Fuck Buttons sont la dernière sensation de Bristol. Ce disque, c’est leur second, produit par Andy Weatherhall et …
- ‘Scuzez moi, Grand Timonier, mais Weatherhall, c’est un grabataire aussi, il remixait les Rita Mitsouko y’a vingt ans.
- Tu veux que je déclenche sur toi ma colère forcément divine ? Ferme-là et laisse moi t’expliquer … Les Fuck Buttons, c’est deux gars qui font de la musique électronique, l’un influencé par le post-rock de Mogwai, l’autre par la drone music, « Metal Music Machine » de Lou Reed, ce genre de choses …
Les Fuck Buttons en train de faire tapisserie ...
- Putain, ça craint tout ça, Votre Eminence …
- Espèce de chochotte, tu n’y comprends rien, c’est de l’avant-garde, c’est forcément bien … et tais-toi quand je parle. Donc « Tarot sport » jette un pont entre ces genres novateurs et est construit comme une longue odyssée sonore, avec tous les titres enchaînés et de longues séquences de transition entre eux. Note que la plupart des morceaux (exclusivement instrumentaux, aucune voix, même trafiquée, n’est décelable), durent pratiquement tous dix minutes, ce qui permet d’installer les ambiances hypnotiques et répétitives nécessaires. Et qu’on retrouve dans ces titres des choses qui renvoient à la plupart des courants de la musique électronique des vingt dernières années. Il y a de la house, du big beat, de la drum’n’bass, de la trance, de la jungle, plein de choses pour réveiller plein de souvenirs chez les connaisseurs. Note qu’on n’est pas dans l’ambient, ça bastonne au niveau des BPM, y’a des morceaux où on s’approche des 150. Et puis, c’est un disque qui fonctionne d’autant mieux qu’on l’écoute très fort. Tu suis ?
- Oui, mon Général. Un peu comme avec Ted Nugent, plus on monte le son, plus c’est bon …
- Mon Moi ! Mais que me suis-je fait pour mériter pareil obscurantisme …
- Non, je charrie, Votre Honneur, c’est pas si mauvais que ça en a l’air. Tiens, D’ailleurs y’a des morceaux qui ressemblent à Air. Enfin, Air repris par les Prodigy ou Orbital …
- Tu vois, quand tu veux, tu peux dire des choses à peu près sensées. Donc tu vas laisser tes vieux croûtons habituels, et tu vas dire du bien de ce disque des Fuck Buttons dans ton misérable blog … Et on discute pas, c’est un ordre …
- Comme il vous plaira, Sire … Mais euh, Votre Altesse, vous croyez que ça va intéresser quelqu’un les Fuck Buttons ?
- C’est l’avenir de la musique.
- Ah bon, si vous le dites, Excellence … Inch’Allah.
En me jetant un dernier regard courroucé et méprisant, Dieu me quitta …

SUZANNE VEGA - 99.9 F (1992)


Chaud devant, son meilleur !

Je sais pas comment il faut appeler ça. Rock’n’roll suicide c’est déjà pris, et puis c’est pas de rock’n’roll dont il s’agit. Folk suicide, peut-être … Parce que qu’est-ce qui a bien pu piquer Suzanne Vega, folkeuse centr…, enfin classique quoi,  vaguement concernée (son gros hit de 87 « Luka » sur l’enfance maltraitée), pour sortir un disque comme ce « 99.9 F » ? Tellement bon, tellement en avance sur son temps, que personne ou presque ne s’en est aperçu, les mêmes qui sont passés à côté s’extasiant par la suite sur les minauderies electro de Björk  ou le boxon sonore de Beck.
Suzanne Vega 1992, total relooking
Ce disque résulte d’un pari artistique totalement fou. Certes, la gentille Suzanne avait pris un bide assez retentissant avec son précédent, on l’avait quelque peu oubliée et le risque commercial n’était pas démesuré, mais l’évolution présentée ici est assez unique, un virage radical comme très peu ont osé en prendre, et comme encore moins l’ont réussi… Suzanne Vega avait dans sa manche une carte maîtresse, son compagnon et futur mari Mitchell Froom, producteur déjà en vue (Crowded House, Lobos, American Music Club, …) et futur gourou des studios (Sheryl Crow, McCartney, Costello, Pearl Jam, …). Froom grâce à son carnet d’adresses bat le rappel de ses connaissances, et on trouve au casting de ce « 99.9 F » David Hidalgo des Lobos, le bassiste Jerry Scheff  (Presley, « L.A. Woman » des Doors, …), Jerry Marotta (requin de studio et batteur longtemps attitré de Peter Gabriel), et même sur un titre le légendaire virtuose de la guitare folk anglais Richard Thompson. Et ces fines mouches-là ne s’attrapent pas avec du vinaigre, il n’y a pas que de l’enrobage sonore, les bonnes compositions sont de sortie, ce disque ne se réduit pas seulement à un travail d'arrangement imaginatif en studio.
Le patchwork sonore est total. Si la plupart des titres utilisent les sons et techniques de boucles chers aux joueurs de disquettes alors en vogue, d’autres sont tout à fait roots (« Blood sings », ambiance feu de camp et guitare sèche, « Bad widsom », comme du Suzanne Vega d’avant), l’électricité est parfois coupée (« Song of sand » avec un quatuor à cordes). Il n’y a pas non plus que du folk relooké et mis au goût des machines du jour, « As a child » mélange ambiances celtiques et electro, « Fat man » un des titres les plus surprenants limite psychédélique, « As girls go » et sa ligne de basse funky quasi disco se voit enjolivé par un solo de Richard Thompson.
Et puis il y a quelques titres d’une classe folle, d’une justesse de ton et de son assez impressionnants, qui surnagent d’un ensemble pourtant de très haut niveau. Le très classique « In Liverpool », le « 99.9 F » qui donne son titre à l’album, l’énorme chanson pop à la Go-Go’s – Bangles « When heroes go down ». Que ces trois titres-là n’aient pas hanté les hit-parades, relève de l’injustice, ou de la surdité collective, voire des deux …
Il faut quand même préciser que Suzanne Vega n’a que modérément apprécié le succès de « Luka », et les contraintes très show-biz qui vont avec. Elle est toujours restée un peu à l’écart du cirque médiatique, et après ce « 99.9 F », a mis sa carrière en pointillé, préférant être une mère au foyer que se griller sous les sunlights d’une vie people. Elle n’en est que plus respectable …

AIR - MOON SAFARI (1998)


Si Versailles m'était conté ...

Air, c’est l’histoire maintes fois répétée de la citrouille qui se transforme en carrosse. Ici, celle de deux potes (Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel) qui font de la musique ensemble depuis toujours, au gré de formations disparues sans laisser de traces (Orange notamment, avec Xavier Jamaux, futur Phoenix et Alex Gopher, futur lui-même ). Et à un moment, plutôt que de faire comme à peu près tout le monde, copier ce qui est dans l’air du temps, Dunckel et Godin vont partir tête baissée dans leur truc, sans trop se soucier du résultat et des conséquences …
Leur truc à eux, entre mille autres choses, c’est un disque, le « Melody Nelson » de Serge Gainsbourg. Que de leur aveu ils trouvent tellement parfait qu’ils se forcent à ne l’écouter qu’une fois par an, pour ne pas galvauder sa magie … Et plutôt que d’essayer de le « refaire » (les Air n’ont jamais eu la grosse tête), ils vont s’en inspirer, partir dans de savants assemblages de cordes éthérées (des vraies, enregistrées dans les studios Abbey Road, pas des synthétiques sorties d’un Moog), de nappes mélodiques, de voix susurrées et (ou) vocoderisées. D’autres influences pointent sur « Moon Safari », leur premier disque, celle du Floyd des longues plages oniriques (rien que le titre du Cd), cet art de la chanson mélodique très arrangée copyright Hal David et Burt Baccharah …
Dunckel et Godin dos au mur, à l'abri des courants d'air ...
Les circonstances de l’enregistrement (les deux entendent garder la maîtrise totale du projet, pas question d’élargir le « groupe », même si un bassiste, un batteur et une chanteuse participent sur certains titres), feront que ce disque comportera beaucoup de synthés, et rattachera Air à la mouvance électronique. Même si la musique produite par Air n’a que peu à voir avec les expérimentations et bidouillages sonores (forcément, la plupart des joueurs de disquettes de la concurrence n’ont jamais su écrire une chanson) de rigueur dans la mouvance electro de l’époque. Leur origine (Versailles) fera bêtement jaser (« ouah, les bourges des beaux quartiers, …sont pas crédibles, … c’est que de la muzak d’ascenseur … », ce genre de niaiseries répandues par leurs détracteurs).
Et comme les Air ont pas l’habitude de bâcler le boulot, et qu’ils recherchent le beau plutôt que le joli, quand tout s’emmanche bien ça donne de superbes titres qui ne subissent pas des ans l’irréparable outrage. Ce « Moon Safari » est hors du temps et des modes, et donc forcément ne se démode pas. Des choses comme « La femme d’argent », entre ambient et new age qui ouvre le disque avec force Minimoog est resté une des pierres angulaires de leurs concerts (car oui, les Air ne sont pas ridicules sur scène, l’exercice live ne leur fait pas peur) ; « Talisman » est juste très beau avec ses arrangements de cordes, « Ce matin-là » pareil, avec son improbable tuba. Ce qui est frappant, c’est que les titres soient chantés ou pas, on a toujours l’impression d’avoir à faire à des chansons, par leurs formats, leurs structures, leurs mélodies toujours soignées et mises en avant. Il suffit d’une voix susurrée (« New star in the sky ») ou trafiquée (Sexy boy », gros hit) pour qu’un titre décolle. Et parfois même, ces chansons n’avancent plus masquées, et s’imposent comme ces rengaines qui enluminaient les lointaines sixties (« All I need », « You make it easy », « Kelly watch the stars », cette dernière étant la seule du disque dont les arrangements font un peu vieillot, malgré une mélodie first class) …
Ce « Moon Safari » sur lequel pas grand-monde aurait mis un kopeck est devenu assez vite une référence que s’est accaparée d’abord la mouvance électronique, avant de gagner le domaine tout public. Et plus que le succès populaire, les Air sont devenus les figures de proue d’un mouvement musical, bêtement baptisé « french touch », englobant des gens comme Daft Punk ou Laurent Garnier, et bénéficiant d’une reconnaissance, d’une notoriété, et de ventes conséquentes au niveau mondial, choses inédites jusque-là pour des productions musicales françaises …


APHEX TWIN - SELECTED AMBIENT WORKS 1985 - 1992 (1992)


Un génie, on vous dit ...

Aphex qui ? Aphex Twin, voyons … me dites pas que vous connaissez pas, parce que là ça va chier. Parce que moi je connais plein de gens (enfin, au moins un ou deux) qui pourraient vous parler pendant des heures de ce que ce type, Richard D. James, plus connu sous le nom d’Aphex Twin entre autres sobriquets, a apporté à la musique. Enfin, à la musique électronique pour être précis … Hey, partez pas tous !!
Il paraît que James est un génie. Si les dates qui sont annoncées sur cette compile sont exactes, il avait quatorze ans en 1985 quand il a commencé à enregistrer des morceaux tout seul comme un grand. Le Mozart des circuits imprimés, en quelque sorte … D’entrée, au bout de quelques minutes, surgit une question angoissante : « mais quand est-ce qu’il chante ? ». A la fin du disque, au bout d’une heure et quart, arrive la réponse : « jamais ». Bon, peut-être qu’il chante comme une casserole et que contrairement à d’autres qui font des skeuds qui se vendent, il sait se taire. Ou alors il est muet. Après tout, Beethoven était aussi un génie de la musique et il était sourd, et y’a des fois que je me dis qu’il avait bien de la chance, Beethoven … Donc Aphex Twin fait des disques instrumentaux, et son instrument de prédilection, c’est la disquette. Personnellement, j’ai rien contre. J’ai rien pour non plus, notez bien …
Aphex Twin au grand complet : kessta, Lester, t'aimes pas mes disques ?
Même s’il me semble que dans ce cas précis, des types comme Kraftwerk faisaient au siècle dernier des choses beaucoup plus intéressantes sur leurs disques ratés  (« Computer world », ce genre de choses), que D. James sur ses chef-d’œuvres. Parce que là, franchement, y’a des trucs … tenez, « Green calx » par exemple … c’est quoi, là ? il a enregistré une machine à laver en mode essorage pendant qu’il jouait à « Space Invaders », et dans ce cas, faut être juste et pas en rajouter (pas mon genre, hein, vous me connaissez, rigueur et objectivité avant tout), mais c’est complètement crétin … Il y a aussi quelques trucs pas très originaux, « Schottkey 7th Path » (‘tain, c’est quoi ces titres ?), je sais pas ce qu’il y a lieu d’en penser, mais je serais Mike Oldfield, je prendrai rendez-vous avec mon avocat, parce que, ça ressemble quand même à « Tubular bells » … Enfin, bon, ce que j’en dis … Et puis, il ont appelé ce bazar IDM (« intelligent dance music », je précise pour les fans de Canned Heat, s’il en reste). C’est sûr qu’il faut être vachement intelligent pour danser là-dessus, désolé, j’y arrive pas … j’ai pas essayé non plus, je danse que dans ma tête, moi …
Arrivé à ce stade, les plus perspicaces auront remarqué que ce skeud ne bénéficie pas de l’infâmant libellé « poubelle direct ». C’est quand même intéressant de voir l’évolution de ce type, et par extension de l’électro-machin-bidule, des balbutiements de la chose aux débuts des années 90. Même s’il n’y a aucune date qui permette d’affirmer que la compile est livrée dans l’ordre chronologique, on sent une progression, et pas seulement liée à l’augmentation des moyens mis en œuvre (davantage de matos, de logiciels, d’émulateurs, de boîtes à rythme, de samplers, …). D. James apprend à jouer et à composer, on passe des ridicules claviers à un doigt à la Guetta (« Ageispolis), à plein de nappes construites, travaillées, réfléchies, et ce n’est pas un hasard si pour moi le meilleur titre est d’assez loin le dernier, « Actium ».
Sinon, on part de l’ « ambient » (qui n’a d’ailleurs rien à voir avec ce que faisait Brian Eno qui a inventé le terme) au début du disque avec ses titres secs et austères, pour finir par des tempos qui s’accélèrent, et des choses qui rappellent ce qu’on l’on entendait dans les premières free parties, quand des types tout d’orange vêtus se destroyaient les tympans dans la gadoue en gobant des pilules de toutes les couleurs … Et il faut reconnaître que la musique électronique a plus évolué en dix ans que le rock et toutes ses chapelles en cinquante. Il semblerait aussi que là, en matière de musiques électroniques, on ait fait le tour aussi depuis longtemps …
Ça va, j’ai pas été trop méchant ?

PET SHOP BOYS - VERY (1993)


Too much ?

En fait, c’est surtout ça qui me plaît chez ces Boys-là … ce côté absolument ringard et kitsch, cette apparente nullité assumée … cette (fausse, bien entendu) impression que ces deux types n’ont pas bougé d’un iota depuis leurs débuts, qu’ils refont le même disque depuis la nuit des temps… le genre de choses qu’on ne pourrait pas reprocher (éclats de rire) … aux Cramps ou à Canned Heat …

Les deux types, absolument indéfendables selon l’Evangile de Saint Johnny Thunders, savent cependant trouver des mélodies simples, simplettes et simplistes, qui devraient retenir l’attention de tout fan des Beatles et de Paul McCartney normalement constitué, enjolivées de textes au énième degré qui sont loin d’être aussi niais que ce que l’on pourrait croire de prime abord.

Pet Shop Boys live : les cubistes du disco ?
Les Pet Shop Boys ont trouvé une formule et s’y tiennent. Leurs disques, de loin, sonnent rigoureusement tous de la même façon, électro-pop synthétique et dansante copyright début des années 80. Même si avec leurs dizaines de millions de disques vendus, ils pourraient se payer les meilleurs sessionmen et les orchestres symphoniques, Tennant et Lowe continuent de donner dans le tout synthétique cheap. Cheap seulement en apparence, les dernières bécanes numériques qu’ils s’efforcent de faire sonner comme de vieux synthés analogiques sont là et bien là, les couches sonores sont innombrables, et les emprunts ou clins d’œil aux dernières « tendances » électroniques sont présentes (« Theatre », « Yesterday when I was mad »).

Leur truc de base, aux Pet Shop Boys, c’est donc la danse-disco des années 80 qui les a vu naître artistiquement, et enchaîner, mais pas à des fréquences de bagnards, des disques invariablement parsemés de singles qui se vendent par camions. Ces deux zigotos ont, mine de rien, toujours plusieurs mélodies imparables en réserve, et en inondent leurs galettes. Qu’est-ce que vous pouvez trouver à redire à des choses comme « Can you forgive her ? », « Liberation » ou « Yesterday, when I was mad » ? Rien, y’a rien à dire. Ce sont des choses qui se retiennent à la première écoute, même si les arrangements et les mélodies à tiroir de « Yesterday … » ont du laisser songeurs tous ceux qui s’escriment à l’écriture, leur montrant la différence entre une  chansonnette sympa et un morceau bien écrit…

Et puis, parce que les Pet Shop Boys savent flirter avec toutes les limites, même celles du ridicule, mais sans y sombrer toutefois, ils font un sort au « Go West », hymne disco-pedzouille des funestes Village People, rendant ce titre écoutable et encore plus dansant que l’original. Et comme rien n’est neutre chez les Pet Shop Boys, c’est évidemment un moyen pour eux de mettre, comme souvent dans leurs disques, la cause homosexuelle en avant, comme ils l’avaient fait quelques années auparavant, lorsqu’ils avaient fait chanter une Dusty Springfield en plein coming-out sur leur « What have I done to deserve this ? ».

De plus, contrairement à leurs collègues only synthés (tous ceux qui ont eu à endurer live les sinistres Portishead, Massive Attack et consorts comprendront), les Pet Shop Boys donnent des concerts absolument déments par le kitsch déployé, à faire passer Elvis à Las Vegas (tiens, et « Always on my mind », c’est pas géant comme reprise ?) pour un concile de franciscains, et inscrivant le duo anglais dans la droite lignée de gens comme les Sparks ou Queen…


TANGERINE DREAM - ATEM (1973)


 Ahem ...

Tangerine Dream est un groupe respectable et généralement respecté. Reconnu pour ses talents d’innovation expérimentale, et un des incontournables de cette vague de groupes allemands du début des années 70 qui a tant influencé la musique électronique des décennies suivantes.
Tangerine Dream a fait de beaux disques réussis. D’autres beaucoup moins. « Atem » fait pour moi partie de la seconde catégorie.
Pas vraiment rebutant (Tangerine Dream sait créer des « ambiances ») mais bâillements tout de même assurés. Pour un peu plus de « matière », allez plutôt voir du côté de « Rubycon » ou « Phaedra » …
Qui a dit Led Zeppelin ?
Il a bien raison …


NINE INCH NAILS - PRETTY HATE MACHINE (1989)


 Sound Machine

Nine Inch Nails, c’est Trent Reznor. Point Barre. C’est d’ailleurs écrit dans le livret de « Pretty Hate Machine », premier disque paru à la toute fin des 80’s. Un disque qui ne sera pas un gros succès, sorti sur un label indépendant… il faut dire que la musique proposée et les thèmes abordés avaient de quoi faire fuir les directeurs artistiques des majors.
Nine Inch Nails au grand complet
Reznor n’est pas un joyeux (drogues et dépressions semblent être ses seuls amis durables), son univers musical non plus. Tout est fait pour choquer, agresser, dérouter. Le matériau de base, c’est une techno industrielle (beaucoup de choses ressemblent aux Belges radicaux de Front 242) lacérée de gros riffs de guitare. Assez proche également de ce que produisent les héroïnomanes déjantés de Ministry, le côté rock’n’roll circus en moins. Nine Inch Nails est beaucoup plus sombre, plus glauque, sans la moindre trace d’humour ou de second degré qui caractérisent le « groupe » de Jourgensen …
Mais Reznor est très fort en studio. Il va mettre en place un design sonore qui va durablement marquer la décennie des 90’s et faire la fortune de son plus célèbre « disciple » Marylin Manson, dont il produira les premiers disques avant une série de brouilles, embrouilles, carambouilles et réconciliations …
Dans « Pretty Hate Machine », de l’électricité sale gicle de partout, lézardée d’interférences électriques, de sons distordus et parasités. Une masse sonore inquiétante, brouillonne en apparence, déstabilisante … La voix de Reznor, toute en plaintes, gémissements et hurlements contribue également pour beaucoup à la noirceur des titres. En fait, ce qui est le plus gênant dans ce premier disque, et d’ailleurs comme dans la plupart de ceux qui suivront, c’est l’absence ou du moins la rareté de titres construits. De chansons pour dire les choses simplement. On suppose que c’est un parti pris volontaire car « Head like a hole » (de la mélodie, des machines, des guitares, que demande le peuple ?) ici, « Closer » ou « We’re in this together » plus tard, montrent que Reznor est capable d’écrire de grands morceaux de structure classique.
Il y a d’autres bonnes choses dans ce disque, « Something I can never have » avec son piano triste et sa touche lyrique, « Sin », débuté comme du Depeche Mode avant de s’abîmer dans du metal chauffé à blanc, le noir « Sanctified » avec son passage bien trouvé de chant grégorien … Il y aussi pas mal de titres qui marquent moins les esprits, englués dans des effets sonores quelque peu foire à la ferraille et bugs électriques divers … Ce disque doit cependant être considéré comme un tout, et plutôt qu’une succession de « chansons »,  comme une porte d’entrée intéressante mais pas exceptionnelle pour l’univers très particulier de Nine Inch Nails …

Des mêmes sur ce blog : 
The Fragile

NIGHTMARES ON WAX - SMOKERS DELIGHT (1995)


 Enfumage ?

Bon, va falloir faire gaffe à ce que j’écris. Ce Cd est paru sous étiquette WARP, et un blog voisin étant le repaire du fan-club du label… Alors, ce « Smokers delight », d’abord il est long (une heure et quart), je veux dire …vraiment long … Trop long, même, avec des titres où il ne se passe rien étirés au-delà du bon goût et du raisonnable. Faire tourner en boucle une structure rythmique, faut savoir s’arrêter, ou la faire évoluer … quoique faire tourner  quand le disque s’appelle « Smokers delight », ça peut sembler logique, enfin bon …
Allez George, quoi, fais tourner le oinj ...
Nightmares On Wax est le pseudo d’un DJ – joueur de disquettes du nom de George Evelyn ou DJ Ease selon les jours (c’est quoi, cette manie d’utiliser des pseudos dans la techno, ils peuvent pas s’appeler Lester Gangbangs comme tout le monde ?). Le susnommé George a apparemment tiré sur le joint plus que de raison et l’essentiel du disque repose sur de grosses basses dub. Soit. Ça tombe pas trop mal, j’aime bien le dub. Sauf que s’il est venu à l’idée de quelque rude boy de Trenchtown d’écouter cette chose, ça a du le faire rire sous ses dreadlocks. En clair, George Machin n’est pas Lee Perry et on s’en rend très vite compte. Ça mouline mécaniquement de la rythmique, mais les breaks, les aérations, les arrangements, il connaît pas vraiment …
Y’a pas que du dub, quand même. En gros, en faisant fonctionner mes puissantes capacités d’analyse au maximum, je dirais qu’on arrive à discerner plusieurs « orientations » dans ce Cd, comme s’il était construit comme les doubles 33T de l’époque (que ceux qui écoutent Nightmares On Machin n’ont pas connue). Un thème par face, en gros. Du dub au début donc (« Dreddoverboard », « Pipes honour », rien que les titres …). Ensuite quelques titres tirant sur le jazz-rock d’Herbie Hancock (« Groove Str. ») ou la techno préhistorique des 80’s (« Stars », un bon morceau).
Plus accessibles au commun des mortels l’enchaînement « (Man) The Journey » très latino,  « Bless my soul » (pour moi le meilleur titre du disque, rythmique pour une fois syncopée et chaloupée copyright Madchester, ambiance presque « rock ») laissent augurer d’un bon final, que vient de suite gâcher le funky mais trop surchargé « Cruise (Don’t stop) ». Ensuite curieusement jetés à la fin, un ramassis hétéroclite des morceaux les plus courts, un autre machin inutile dub, « Rise », une pochade rétro marrante (« Mission Venice ») qui ressemble à la musique de « The Party » de Blake Edwards ou à la B.O. d’un vieil OSS 117, et des percus africaines « Gambia via … », le genre de truc qu’on a déjà entendu des milliards de fois ailleurs …
Verdict impartial et indiscutable : élève Nightmares On Wax, vous avez quelques bonnes idées, mais vous manquez de concision. Et puis, fumer des pétards, ça fait pas sérieux, faut pas s’en vanter