Affichage des articles dont le libellé est Documentaire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Documentaire. Afficher tous les articles

AGNES VARDA - LES GLANEURS ET LA GLANEUSE (2000)

 

Poubelles, la vie ...

Agnès Varda fait partie des grandes (ouais, pas par la taille, elle doit culminer à un mètre cinquante) du cinéma made in France. Quand elle a commencé à tourner (en 1955, « La Pointe Courte »), ses prédécesseuses dans le métier étaient vite comptées : l’oubliée Germaine Dulac et l’encore plus oubliée Alice Guy (toutes les deux à l’époque du muet), plus peut-être quelques autres encore plus obscures …

Bon, Agnès Varda, c’est pas une forcenée des plateaux de tournage. Peu de films à son actif, et à la louche un peu plus de documentaires, genre qu’elle semble préférer. Une grande dame quand même. Niveau films, une des merveilles absolues de la Nouvelle Vague, « Cléo de 5 à 7 », et le meilleur film de Ken Loach qu’il n’a pas tourné (« Sans toit ni loi »).

Agnès Varda, la glaneuse

Sans être une stakhanoviste de la caméra, Varda est un nom qui compte. Et pas seulement parce qu’elle est l’épouse de Jacques Demy. Mais aussi parce que c’est à peu près la seule de la Nouvelle Vague à avoir évolué dans la vraie vie et à être vraiment partie prenante de la culture et de la contre-culture de l’époque. Elle a presque quarante ans quand elle va vivre avec les hippies de San Francisco, filme les Black Panthers (de manière moins fantasmée que le Godard de « One + One »), et de retour à Paris voit son nom lié au Rock’N’Roll Circus, la boîte où Jim Morrison avait ses habitudes (et où il serait mort, Agnès Varda ayant participé à « l’expédition » qui a ramené le corps chez lui dans sa baignoire selon la version « alternative » de la mort du King Lizard).

Agnès Varda est une engagée, une militante au sens noble de ces deux termes, et un modèle, avoué ou pas, pour nombre de réalisatrices françaises.

Un glaneur

« Les glaneurs et la glaneuse » est son film documentaire le plus connu (et le plus reconnu, un grand nombre de récompenses dans des festivals all around the world). Un petit truc approximatif et sans prétention … Approximatif parce que l’on s’éloigne bien souvent du thème du film (le glanage) et sans prétention, parce que filmé avec un caméscope numérique au poignet, avec juste un assistant pour conduire la bagnole un peu partout en France et accrocher le micro aux gens « interviewés » (ou du moins qui s’expriment face à l’objectif, c’est pas du question-réponse journalistique).

Le point de départ, c’est une quête des glaneurs d’aujourd’hui, et une mise en parallèle avec le célèbre tableau de Millet. Le glanage, c’est en gros l’autorisation accordée aux indigents et nécessiteux de récolter une parcelle après la récolte par son propriétaire. Pratique ancestrale qui trouve ses origines réglementées au Moyen-Âge. Depuis ses origines concernant exclusivement les productions agricoles, Varda étend considérablement sa définition, puisqu’en plus de glaneurs de patates, de pommes, de tomates, de raisins, elle nous montre des artistes récupérateurs de déchets, des gens qui se nourrissent en faisant les poubelles ou les invendus des marchés …

De l'art avec de la récup ...

Point commun de ces glaneurs, un maximum de gueules cassées, de sans-dents comme disait l’autre, de types en marge (volontairement ou pas) de la société de production et de consommation. Le glanage de la fin du XXème siècle n’a plus rien à voir avec le glanage du Moyen-Âge. La récolte agricole est énormément mécanisée et seuls les rebuts des tables de tri sont ramenés aux champs. Particulièrement flagrant pour les patates (la calibration, la normalisation obligatoires pour que le produit soit « vendable »), où des gars suivent les tracteurs et leurs remorques qui déversent dans les champs toutes les patates récoltées rejetées par les calibreuses. Des patates trop petites, trop grosses, déformées. C’est là que Varda repère des patates en forme de cœur qu’elle ramène chez elle et expose comme une œuvre d’art jusqu’à leur décomposition (revers de la médaille, comme le docu a eu du succès, plein de gens lui ont envoyé des patates en forme de cœur). Varda s’intéresse à un glaneur en particulier (il vit dans une caravane à côté d’un robinet d’eau potable à cause d’un parcours « classique », divorce, perte du boulot, noyade dans les canettes de bière, …).

Le glanage stricto sensu n’est cependant qu’un prétexte. Varda nous montre une société de consommation (sa fascination pour les files de poids lourds sur les autoroutes) et ses rebuts (les gars qui récupèrent des télés jetées sur le trottoir pour les retaper ou au pire les désosser pour en extraire les composants et le cuivre). Une société qui ne vaut que pour ceux qui consomment « réglementairement » la séquence avec les jeunes marginaux perpignanais condamnés au tribunal pour avoir escaladé (sans casse ni effraction) les grillages d’un supermarché pour faire ses poubelles. Explication gênée de la juge, un peu moins du gérant qui dit tout fier que maintenant il est obligatoire de javelliser ce qui est jeté dans les poubelles pour que ce soit impropre à la consommation …

Deux des types rencontrés par Varda ressortent du lot.

Un spécialiste des poubelles à Aix-en-Provence qui y trouve absolument toute sa nourriture et a construit toute une théorie politico-sociale sur sa ville dont il se considère comme le seigneur, toujours affublé de ses bottes en plastoc. Et comme « Les glaneurs et la glaneuse » a eu une suite « Deux ans après », dans laquelle Varda part retrouver ceux qu’elle avait filmés (et qui sont encore en vie, un petit vieux pittoresque qui squattait une cabane de jardin est mort), et assez logiquement c’est en hôpital psychiatrique qu’elle retrouve le « seigneur d’Aix-en-Provence », plutôt simplet et sympa que dangereux …

Bac+4 en biologie ...

L’autre figure marquante est un type Bac+4 en biologie qui a choisi pleinement sa marginalisation. Végétarien crudivore, il se nourrit en faisant les rebuts des étals de marché et crèche dans un foyer Sonacotra où tous les soirs il donne bénévolement des cours d’alphabétisation aux immigrés du foyer. Une leçon de désintéressement et d’efficacité, il semblerait que nos ministres de l’Education et de l’Intégration pourraient s’inspirer de cet exemple. Deux ans après, le gars vit toujours de la même façon et participe au marathon de Paris dans ses baskets de récup …

Et puis Varda se met en scène (ceux qui n’ont rien compris le lui ont reproché). Elle se filme avec des gros plans sur ses racines de cheveux blanches qui deviennent rares, ses rides, ses mains flétries et piquées de taches. Parce que pendant une bonne partie du film, elle nous montre le destin de tous ces objets qui ont vieilli et qu’on met au rebut. On était en 2000 encore loin des révélations sur le fonctionnement des EHPAD, mais là elle nous interroge sur « l’utilité » de ce qui vieillit en se mettant en abîme …Tout ce qui en quelque sorte n’est plus consommable …

En fait sous ses allures de reportage France 3 Régions, « Les glaneurs et la glaneuse » nous interroge sur l’évolution de notre société, et est éminemment politique. Depuis les modes de production et de consommation jusqu’à la mise à l’écart de tout (produits, objets, humains, …) ce qui ne passe pas dans la calibreuse …


PETER WATKINS - LA BOMBE (1964)

Apocalypse now ...

« La Bombe » n’est pas un film (et encore moins sexuelle). Bon, faut pas déconner, c’est un truc sérieux, « La Bombe ». Et dans une époque où ça rigolait pas tous les jours (le milieu des années 60 dans l’Angleterre), où la vie était comme les images dans les salles de cinéma, plutôt en noir et blanc … On n’en était pas encore à serrer les fesses à cause de peurs millénaristes (qui se souvient encore du risible bug de l’an 2000 et des prophéties apocalyptiques de Paco Rabanne ?). Non, dans les années 60, et les quelques-unes qui ont suivi (et d’ailleurs sont elles terminées …), ce qui faisait flipper grave, c’était la guerre froide (rien que l’intitulé du truc, ça file des frissons). Et les agitateurs de peurs avaient beau jeu de se répandre en scénarios catastrophes (à cause des cocos évidemment, le monde était alors d’une effrayante simplicité dichotomique). Et des choses comme le scénario de « Docteur Folamour » faisaient rire jaune, surtout dans les élites censées nous gouverner.
Peter Watkins crispé sur le tournage ...
Peter Watkins n’est pas Stanley Kubrick. A la limite, il en serait l’exact contraire. Un inconnu sans moyens derrière la caméra. « La Bombe » (« The war game » en V.O.) dure 46 minutes. Financées par la BBC (on en reparlera de la Beeb …). « La Bombe » est un documentaire. De fiction, on a appelé ce genre les documenteurs. Sauf qu’ici, pas de mensonges, hormis le point de départ.
1964. Les deux blocs, comme on disait, se regardent en chiens de faïence. Chacun dans son pré carré faisant sentir toute sa puissance. Les Russes prompts à dégainer les chars en Europe de l’Est, les Ricains s’embourbant au Vietnam. Tensions à Berlin. Emeutes. Répression sanglante. Montée des tensions internationales. Et de fil en aiguille, une bombe nucléaire « tactique » (tu parles d’une tactique) est lâchée par l’OTAN. Riposte des Russkofs. Et où ça donc ? En Angleterre (beaucoup d’aéroports, de bases militaires, et de fortes densités de population). Les bombes thermonucléaires tombent sur le sol anglais … tel est le pitch, mêlant images d’archives fictives, de « La Bombe ».
Maquillage à la suie ?
Tout ce qu’il y a de sérieux dans son sujet et son propos. Un propos étayé par des assertions scientifiques. Et Watkins nous montre ce qu’est une région, ce que deviennent ses habitants une fois qu’ils ont ramassé une bombinette nucléaire sur la tronche. Destructions totales matérielles et humaines autour de l’épicentre, effet de blast, onde de choc, radiations immédiates. Organisation des survivants et création de nouveaux rapports politiques et sociaux dans les semaines qui suivent. Plus que l’effet dévastateur instantané (des effets spéciaux à trois shillings mais très « parlants »), c’est l’après qui est censé interpeller le plus. Et Watkins n’y va pas avec le dos de la cuillère, nous montrant une population zombifiée en état de choc, effrayée, dont la préoccupation principale devient de manger tout simplement. La situation médicalement ingérable (les cadavres brûlés, les blessés achevés), les émeutes de la faim, la police devenant une milice paramilitaire, armée et flinguant du civil affamé, le tout conduisant à une désintégration totale de ce qu’il reste de rapports humains dans une société jusque-là savamment organisée.
Les images, filmées caméra sur l’épaule, genre reportage, entrecoupées d’explications scientifiques en voix off, d’interviews des protagonistes et de véritables déclarations (celle de l’évêque plus terrifiante que si elle avait été mise en scène) sont d’un noir et blanc austère. Ça coûte moins cher et les maquillages excessifs à grands coups de peinture sombre passent comme une lettre à la poste. Le plus effrayant n’est pas ce qu’on voit, mais ce qu’on comprend. Pas besoin d’être devin pour anticiper les enchaînements de situations de plus en plus noires et glauques qui se profilent. « La Bombe » est d’un réalisme terrifiant. Et bien évidemment sans aucune star qui vient nous faire un numéro d’Actors Studio. Les acteurs de « La Bombe » ne sont même pas des amateurs, juste des locaux (les images ont été tournées dans quatre bleds du duché de Kent) qui sonnent encore plus vrai que tous les Brando de la Terre pour le coup parce qu’ils y vont à fond, on est persuadé en les voyant en faire des tonnes qu’ils viennent réellement de s’en ramasser une de bombe atomique, sur le coin de la gueule … Et pour secouer encore plus les consciences, beaucoup d’enfants participent au tournage et s’en donnent à cœur-joie (enfin, façon de parler …).
Emeutes de la faim
Rien de ce scénario catastrophe n’est laissé de côté, ignoré. Watkins n’évite aucune extrapolation terrifiante. Pas un hasard si le tournage s’est fait en 1964, qui voyait déjà les espoirs fondés en Harold Wilson (premier d’une longue série de politiques de gauche qui ont trahi leurs électeurs, comme quoi y’a pas que chez nous, hein, …) se déliter à grande vitesse. Et nombreux sont ceux à voir en Watkins un précurseur de tous les Ken Loach à venir …
« La Bombe », il a bien fallu une fois le montage terminé, montrer ça à la BBC, puisque c’est elle qui finançait. La vénérable institution, qui était censée n’avoir de compte à rendre à personne prit peur. Ses cadres organisèrent des projections secrètes à des membres de différents cabinets ministériels, qui goûtèrent fort peu la vision décadente post apocalyptique qu’ils voyaient à l’écran. Et la BBC qui s’était engagée à diffuser « La Bombe » à la télévision fit marche arrière. Du coup, le court-métrage sortit en salles de cinéma. Le public le bouda, la critique s’étripa comme prévisible à son sujet, et « La Bombe » remporta l’Oscar (trois ans après sa sortie, les Américains ont parfois de l’humour) du meilleur « documentaire » (les Américains ont parfois de l’humour, bis …).
« La Bombe » mérite parfaitement sa réputation d’électrochoc en images. Ça secoue effectivement très fort et ça fait réfléchir …
Evidemment, un truc de 46 minutes, ça laisse de la place sur un Dvd. Et là, putain de bonne pioche, les gens de chez Doriane Video ont eu la bonne idée de coupler à « La Bombe » l’œuvre précédente de Watkins, « Culloden ». Que je connaissais pas du tout et qui est un autre très gros choc en images. Autour de la bataille de Culloden, dans les Highlands, qui a vu s’affronter en 1746 des Ecossais à velléités indépendantistes avec une armée de mercenaires royalistes anglais. Ça peut paraître grotesque a priori, parce que filmé avec encore moins de moyens que « La Bombe », toujours avec des acteurs amateurs complets, et toujours façon reportage TV (les belligérants qui parlent dans le feu de l’action à un journaliste qu’on ne voit pas, totalement surréaliste). Et bien croyez-moi, c’est encore plus fort que « Les sentiers de la gloire », « Braveheart » et « Barry Lyndon » réunis. A se demander si ces deux derniers ne s’en sont pas fortement inspirés …
Malheureusement, bon courage pour essayer de voir ça … faudra scruter attentivement les programmes des tréfonds du câble, ou dégotter le Dvd sous-titré en français, plutôt rare …



MICHAEL MOORE - FAHRENHEIT 9/11 (2004)


Le Moore, pas la guerre ...

« Fahrenheit  9/11 » a reçu la Palme d’Or au festival de Cannes 2004 (jury présidé par Quentin Tarantino, américain controversé dans son pays, tout comme Michael Moore, et donc pas vraiment un hasard). « Fahrenheit  9/11 » est construit autour de la seconde guerre en Irak qui a succédé aux attentats du 11 septembre 2001. Mais « Fahrenheit 9/11 » est un film qui pose finalement plus de questions qu’il n’apporte de réponses … de par sa nature même, ce n’est pas un exposé ex cathedra, c’est plutôt une succession de vignettes plus ou moins édifiantes.
On vient de lui annoncer que "la Nation est attaquée"
Mais est-ce un film ou un documentaire ? Un peu des deux mon général … Il y a un procédé narratif, des personnages que l’on suit, et sinon une mise en scène (dans tous les sens du terme), du moins des séquences préparées, qui peuvent rattacher « Fahrenheit …» au cinéma. Mais c’est surtout l’aspect documentaire (ou documenteur, on y reviendra) qui ressort, par le montage d’images d’archives, d’extraits de journaux télévisés, par l’aspect d’investigation de bien des séquences, par la non-utilisation de comédiens (sauf Moore, on y reviendra aussi). De toute façon, ce que tout le monde a retenu, c’est un des plus violents pamphlets en images adressés à un pouvoir en place. En l’occurrence, le premier mandat de George Bush (W., ou Junior, comme on veut, mais le paternel valait pas mieux, l’Histoire – et le film – l’ont montré) et de son administration. L’existence même de « Fahrenheit … » fait d’ailleurs partie des paradoxes que le peuple américain se plaît à cultiver. Capable de se faire confisquer une élection présidentielle, et ensuite de réagir culturellement à chaud pendant ou juste après des guerres ou des évènements politiques majeurs (voir par comparaison ce qu’on est capable de faire, ou plutôt de ne pas faire, en Europe en général et en France en particulier).
« Fahrenheit » commence par la victoire suspecte de Bush à l’élection présidentielle de 2000, entachée par de nombreuses irrégularités dans l’Etat (crucial pour le résultat) de Floride, gouverné par le propre frère de Bush. Nous est présenté un début de mandat ridiculement calamiteux, avant qu’arrive le générique du film. Ensuite écran noir, bruit de fond des avions qui s’encastrent dans les Twin Towers, et visions de New Yorkais effarés après l’effondrement des tours, au milieu de papiers calcinés qui volent (d’où le titre du film, en référence au livre de Bradbury « Fahrenheit 451 » dans lequel un pouvoir totalitaire procède à des autodafés de livres). On voit aussi la fameuse scène de l’école de Floride, dans laquelle un Bush en visite feuillette un livre pour enfants alors qu’on lui a annoncé que « la Nation est attaquée ». Révélation manifeste du désarroi d’un incompétent face à cette situation inédite et inimaginable.
Michael Moore et une femme dont le fils soldat sera tué en Irak
D’entrée, et c’est un peu là que le bât blesse, on voit qu’on a une charge ad hominem contre Bush. Suivent ensuite les relations ambiguës, tant politiques que commerciales à travers leurs sociétés, entretenues par les Bush père et fils avec l’Arabie Saoudite, patrie de la famille Ben Laden, et le lent mais calculé lavage de cerveaux d’une population pour la préparer (entretien d’une peur à l’attentat par des médias pro-Bush, vote à la sauvette du liberticide « Patriot Act », mensonges sur les armes irakiennes de destruction massive, …) à la seconde guerre contre l’Irak. Tout mettre sur le dos de Bush est un peu facile, c’est quand même négliger le rôle de ses proches (Powell, Rumsfeld, Cheney, Rice) aux postes essentiels du gouvernement, et la pression du lobby militaro-industriel et de ses va-t-en-guerre. Une guerre qui sera sale, longue, et meurtrière (comme si des guerres sans victimes et sans horreurs ça pouvait exister) et son impact sur la société américaine, bravache et patriote au début, de plus en plus gagnée par le doute, y compris parmi les soldats eux-mêmes ou leurs familles). Hasard tragique, Moore dans sa ville natale de Flint (ville industrielle automobile sinistrée, et lieu de son premier film, « Roger & me ») suit le quotidien d’une famille, les Pedersen, qui va par la suite perdre un des ses enfants en Irak. Pendant que déjà, dans l’ombre, des colloques et réunions de grosses entreprises gèrent la fin future de la guerre et se préparent à se partager les énormes bénéfices de la « reconstruction » irakienne.
Séance de micro-trottoir pour pièger un membre du Congrès
« Fahrenheit » est une œuvre partiale. Assumée comme telle, certes. Dont le but est d’empêcher la réélection de Bush en Novembre 2004. En triturant des vérités. Curieux paradoxe, quand on voit que le film dénonce cette désinformation par l’administration Bush. Certes tous les faits et éléments rapportés dans « Fahrenheit » sont probables (24 procès ont eu lieu, tous gagnés par Moore, ce qui ne veut pas pour autant dire que la vérité est toujours de son côté, d’ailleurs des historiens ou des journalistes spécialisés remettent en cause dans les bonus du Dvd certains points avancés par Moore), mais certaines grosses ficelles démago sont pour moi inexcusables. Comment peut-on oser présenter l’Irak d’avant « l’intervention » US comme une sorte de paradis sur Terre, peuplé d’enfants joyeux et d’une population accueillante et bon enfant ? Alors que le pays est sinistré par une guerre (la première du Golfe) perdue, en proie à un embargo terrible de la part des vainqueurs, et sous la coupe d’un Saddam Hussein, dans le Top 10 des plus sanglants dictateurs du siècle … Comment laisser croire que seuls les Républicains peuvent se compromettre avec des lobbyistes belliqueux (Lyndon Johnson a entamé la guerre du Vietnam, il était Démocrate) quand ces lobbies  arrosent copieusement les deux camps lors des levées de fonds pour les campagnes présidentielles ? Comment croire que les quelques témoignages de soldats US seraient représentatifs et majoritaires parmi les militaires déployés en Irak ? Quels sont les liens (les contrats ?) unissant Moore et le prétendu réfractaire caporal Henderson, accompagnant Moore lors des avant-première du film et auteur de bouquins-témoignages sur son histoire personnelle, sans jamais avoir été inquiété par sa hiérarchie militaire ? …
N’en reste pas moins que « Fahrenheit 9/11 » est à regarder, au moins pour avoir une vision alternative de l’Histoire officielle. Même si l’on peut regretter quelques effets faciles (la multiplication de séquences de guerre gore), quelques digressions plus ou moins hors-sujet (les garde-côtes de l’Oregon, les vieux babas-cool pacifistes, …), et une tendance insistante de Moore à se mettre en scène (lors d’interviews, de séances de micro-trottoirs). Pas étonnant que son clone français Karl Zero (même manque d’humilité et même façon de ne regarder l’actualité et la société que par le petit bout de sa propre lorgnette) soit en extase devant le film dans les bonus DVd. Un Michael Moore, qui a tout de la caricature de l’Américain moyen, avec sa casquette de base-ball, ses sweat-shirts pourris et sa bedaine de bouffeur de Big Macs et autre junk-food … mais qui n’en perd pas le sens des affaires pour autant, c’est un businessman, pas un philanthrope, et qui a fait fortune avec « Fahrenheit 9/11 ». Sorti judicieusement, du moins le croyait-il, au moment de la campagne électorale présidentielle de 2004, assorti à la fin de chaque présentation par des appels à voter (sans préciser pour qui, mais quand on a vu le film on sait contre qui), « Fahrenheit » a suscité un buzz énorme (aidé par la Palme d’Or de Cannes), a été vu par des millions d’américains, a déchaîné les passions …
Résultat : Bush a été plébiscité pour un second mandat …
Conclusion : faut pas prendre les électeurs américains pour des cons, ils le sont encore plus que ce qu’on croit  …