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JACKIE WILSON - Mr EXCITEMENT ! (1992)


Jackie Wilson said ...

J’ai des disques dont je ne sais pas ou je ne sais plus pourquoi je les ai achetés. Celui-là, j’ai la traçabilité totale …
Ça a commencé en 82 avec une chanson sur « Too-Rye-Ay » des Dexys Midnight Runners qui s’appelait « Jackie Wilson said », festive et entraînante, que j’écoutais souvent. Et comme y’avait pas Google, je me demandais si ce Jackie Wilson était quelqu’un de réel. J’ai tout juste réussi à atterrir sur Van Morrison qui avait écrit ce titre, et à claquer des billets de cent balles pour acheter ses disques, parce que Van the Man quand on prend ça en pleine poire sans être averti, c’est quand même quelque chose … Puis j’ai appris que Jackie Wilson, c’était un truc phénoménal, mais pas moyen de foutre la main sur un de ses disques dans ma cambrousse …
Et puis, le Jackie Wilson, il a claqué, un de ses titres avec un clip tout en pâte à modeler passait partout, et il sortait des compiles vite faites et mal foutues, tout juste assez bonnes pour se faire une idée du bonhomme. Et je me suis promis, tant les listes de disques à acquérir en priorité devenaient exponentielles, qu’une fois fortune faite, j’achèterais des trucs qui tiennent la route de lui …
Et donc, une fois fortune faite (rire grinçant), j’ai un jour craqué sur un coffret de trois Cds du Jackie Wilson. Et euh, comment dire … j’aurais peut-être dû y réfléchir à deux fois avant de faire chauffer la carte bleue … Pour des raisons communes à tous, d’abord. Un coffret qui se veut rétrospectif et exhaustif, ça laisse forcément passer des choses plus ou moins anodines. Et pour une raison particulière à Jackie Wilson, c’est que plus qu’un autre, il a fait n’importe quoi plus souvent qu’à son tour.
Pas forcément sa faute. Dans la grande tradition des artistes noirs truandés par des managers et un show-biz véreux, il peut viser le podium. A tel point que quand il sera fusillé sur scène par un AVC ou un truc de ce genre en 1975, qui le laissera pendant dix ans dans un état végétatif, sa famille n’aura pas les moyens de payer les soins, alors que sans être quelqu’un qui avait monopolisé les sommets des charts, il avait eu des hits significatifs aux States. Ses soins, c’est Elvis (et ensuite Priscilla, parce que Elvis va mourir avant Wilson) qui les payera. Et pourquoi le King, qui n’est pas vraiment considéré comme un des philanthropes du rock a raqué ? Ben, parce que le King, que certains considèrent un peu trop facilement comme le plus grand chanteur de rock de tous les temps, il avait un jour vu Jackie Wilson sur scène, et comment dire, ne s’en était jamais remis …
Jackie Wilson et un fan de Graceland, Memphis, Tennessee
Parce que techniquement parlant, Jackie Wilson, ce doit être la voix la plus impressionnante à s’être aventurée dans le monde, au sens large, du rock. A tel point qu’il a envisagé à plusieurs reprises durant sa carrière de se réorienter vers le chant lyrique ou l’opéra (figurent sur cette compile quelques titres, airs de classique revisités soul, sur lesquels la démonstration en est faite, mais ce sont loin d’être les plus intéressants). Et quand on sait qu’au début des années 60, James Brown a été poussé sur scène dans ses derniers retranchements et a vu sa suprématie menacée par un Jackie Wilson explosif, grand adepte aussi d’agenouillements, génuflexions et déchiquetant devant des fans transis sa veste trempée de sueur, il faut reconnaître, qu’en plus de la meilleure voix, Jackie Wilson, c’est aussi le meilleur gâchis de carrière jamais vu …
Une carrière entamée adolescent comme lead singer du band jazzy et doo-wop des Dominos de Billy Ward, puis une carrière solo débutée sur les chapeaux de roue avec « Reet petite » (1957), petit hit franchement orienté vers le rock’n’roll, sur lequel il rivalise, juste avec sa technique pure avec l’hystérie d’un Little Richard. Wilson gravite alors dans le sillage de Berry Gordy, co-auteur du titre, un Gordy dont Wilson s’éloignera alors que celui-ci commence à monter Motown, inaugurant par là une série de mauvais choix qui s’avèreront chroniques tout du long de sa carrière.
Wilson cherchera le hit, il en obtiendra bien un sans suite (« Lonely teardrop »), avant de se laisser trimballer, au gré de managers roublards et incompétents, vers du doo-wop lourdement orchestré, des ballades lacrymales pré-soul, du rhythm’n’blues aux orchestrations pharaoniques, tentant de se raccrocher à toutes les tendances, tous les sons à la mode, faisant des duos avec d’éphémères chartbusters ou des gloires sur le retour (Linda Hopkins, LaVern Baker, …), incendiant le temps de quelques titres avec un  orchestre de Count Basie sur la pente descendante des classiques soul (« Chain gang » mais la version de Wilson ne vaut pas l’originale de Sam Cooke), se contentant de prestations vocales irréprochables servies par un cadre musical ultra-prévisible et sans originalité.
Alors que dans le même temps (les années 60) un James Brown radicalisait à chaque disque un peu plus son propos musical, Jackie Wilson se laissait imposer un cadre sonore centriste.
Donc forcément, sur les 72 titres de cette compilation, y’a à boire et à manger, et aussi beaucoup de choses à pousser sur le côté de l’assiette. Ne surnage que la voix de Wilson, comme on n’en trouve qu’une petite poignée par siècle, capable de chanter n’importe quoi. Ce qu’il ne s’est malheureusement pas privé de faire …

GRAND FUNK (RAILROAD) - GREAT ! (1992)


Du grand bruit ... pour pas grand-chose ?

Difficile de s’imaginer en écoutant cette compile foireuse que Grand Funk (initialement Grand Funk Railroad) fut un groupe qui mettait l’Amérique du début des 70’s à genoux à coups d’incessantes tournées triomphales. Difficile de croire, et c’est pourtant vrai, qu’en 1970, ils furent ceux qui vendirent le plus de disques, plus par exemple que la formidable machine à singles qu’était Creedence Clearwater Revival.
Grand Funk, c’est le groupe quelconque de tous les excès. Il me semble qu’ils furent un jour désignés par le Guiness Book comme le groupe le plus bruyant de tous les temps, avant que d’autres fassent mieux, ou tout au moins plus fort. Dans un monde où le rock de plus en plus heavy convertissait chaque jour des cohortes de nouveaux adeptes, Grand Funk a poussé le volume des amplis à onze, devenant à lui seul le Spinal Tap band originel.
Une carrière commencée sous les auspices des Marshall bourdonnants, dans le sillage de Blue Cheer, Vanilla Fudge et autres Iron Butterfly. Et là où tous les ancêtres du métal hurlant se sont cramés dans la drogue et son corollaire (les interminables jams bluesy auto-complaisantes), les Grand Funk, certes d’une hygiène de vie qui sans être irréprochable était moins destroy, sont devenus une redoutable machine à enquiller des morceaux de trois minutes avec un « gros son ». Méprisés par tous ceux qui voulaient d’un rock « engagé » ou du moins signifiant, ils ont rempli toutes les arènes du Midwest, en agitant tous les plus gros colifichets d’un patriotisme assez rance mais populairement (très) porteur.
Face aux Anglais, qu’ils soient maquillés glam (T.Rex, Bowie, Roxy), ou oeuvrant dans un registre beaucoup plus heavy (Led Zep, qui tournait triomphalement et sans relâche aux States), les Grand Funk se sont posés en héros, le groupe de « vrais américains » qui font du rock. Pas un hasard si leur titre le plus connu est « (We’re an) American band »), scandaleusement absent de cette compile, tout comme leur bonne reprise du « Locomotion » de Little Eva.
Parce que justement, cette compile, elle est très moche. Parue en 1992, à l’heure où le Cd commençait à dépasser le vinyle en termes de ventes, elle est dotée d’un son catastrophique, d’un visuel comment dire … ignoble (insistant sur le fait qu’il y a sur cette curieuse galette aux reflets d’argent 2 fois plus, oui vous avez bien lu, Mesdames et messieurs, 2 fois plus de musique que sur un 33T) ; elle est dotée également de pas de livret, et oublie des titres essentiels, tout en alignant les autres dans un joyeux bordel non chronologique.
Bon, il faut quand même reconnaître que dans le lot il y a des choses très écoutables. Même si Grand Funk, c’est pas l’imagination au pouvoir, c’est tout juste plus imaginatif que Canned Heat ou Status Quo (oui, je sais, je place pas la barre très haut), et le groupe (au départ un trio basique, maintenant ils sont cinq ou six) a pu s’appuyer un temps sur le gros boulot du guitariste-claviers-chanteur-compositeur Mark Farner, capable de trousser quelques hymnes de heavy boogie bien foutus (« Upsetter », « High on a horse », « Are you ready »). Pas toujours très nuancés, les gaillards, quand ils mettent au bout de quelques disques des claviers (« Footstompin’ music »), ils en tartinent carrément leurs titres. Et puis, quand l’inspiration manque, reste toujours les reprises (des Anglais), avec des résultats variables (« Feelin’ alright », déjà entendu chez Traffic et Joe Cocker, ne vaut pas tripette chez Grand Funk) … Ces lourdauds se sont même aventurés dans une version « bizarre » de « Gimme shelter », un des « intouchables » des Stones, et ça sonne comme si Steppenwolf reprenait du gospel. C’est assez déstabilisant, pour le moins curieux et étrange, sans être pour autant à fuir. Le meilleur titre de ce skeud restant quand même la ballade seventies qui s’énerve, et dans ce genre moultes fois célébré, c’est « Mean mistreater » qui s’y colle et ça le fait bien … très bien même.
Le succès énorme de Grand Funk aux Etats-Unis, alors que le groupe était pratiquement inconnu ailleurs a perduré toute la première moitié des seventies, passant de la rusticité sauvage des débuts à une sorte de power rock technique et bruyant, défrichant le terrain pour toutes ces horreurs qui ont vendu par la suite des camions de disques dans le Midwest, tous ces Rush, Nazareth, Kansas, …
Le départ de Farner que l’on croyait l’âme de Grand Funk, ne sera finalement qu’un épisode dans la carrière de ce groupe, qui tourne encore épisodiquement aujourd’hui, seulement la batteur original Don Brewer faisant partie (et encore pas toujours il me semble) du trio originel …

DEATH - FATE / THE BEST OF DEATH (1992)


Killed by Death

Aujourd’hui, jour des Morts, plutôt que le sempiternel vase de chrysanthèmes sur la tombe des aïeux, déposez sur le marbre cette compile de Death, c’est de circonstance … sait-on jamais, ça pourra peut-être les réveiller (les morts).
Amateurs d’ambient en général et de Brian Eno en particulier, passez votre chemin, cette rondelle n’est pas faite pour vos oreilles habituées à la musique d’aéroports. Ou alors la musique d’aéroports au décollage d’une escadrille d’Airbus. Parce que Death, comment dire … c’est bête comme chou (plus con que ce genre de musique, malgré les efforts louables de quelques-uns, y’a pas), mais ça déménage.
Les gentils à l’air tout méchant qui écoutent ce genre de choses avancent même que cette bande de chevelus floridiens seraient les pionniers du death metal (vu leur blaze, ça semble logique) et du grindcore (ah bon, moi à l’école on m’avait dit que le grindcore c’était Napalm Death). Foin de ces considérations paléontologiques …
L’âme (morte ? comme dirait Gogol, non pas celui de La Horde, le Russe, l’écrivain) du band, c’est un certain Chuck Schuldiner, guitariste, chanteur, auteur ou co-auteur de tous les titres, et même responsable (c’est le mot) du logo du groupe. Le genre de gars qui a du écouter les 33T de Black Sabbath en 78T et qui a essayé de faire pareil. Ça joue vite, très vite (trop vite, d’ailleurs, ils sont obligés de faire des breaks, pour que le batteur ait le temps de se reposer les avant-bras), ça chante ( ? ) avec la voix d’un type en train de se faire étrangler, et les textes sanguinolents sont pas inspirés par la Comtesse de Ségur (« Zombie ritual », « Suicide machine », « Baptized in blood », « Left to die »).
Bizarrement, on trouve plein de guitares surf au milieu du baston sonique, et puis, horreur malheur, quand ils ont commencé à devenir « techniques », des ponts venus en droite ligne des funestes Yes (flagrant sur « Suicide machine »), ou des repiquages de riffs de hard FM (celui de « Eye of the tyger » à la fin de « Baptized in blood »).
Apparus sur la mauvaise côte américaine (ce sont les trashers de la Bay Area californienne qui allaient toucher le jackpot), la notoriété toute relative de Death a eu du mal à s’exporter, le groupe s’engluant dans des changements incessants de personnel, et la mort de Schuldiner il y a une dizaine d’années mettant un terme à l’aventure. 

NEW ORDER - SUBSTANCE (1987)


Je dirais en substance ceci ...

Que presque deux heures et demie pour un Best of des cinq premières années du groupe, c’est juste … un peu beaucoup. L’on me dira que les cinq premières années du groupe sont les meilleures et l’on aura raison. L’on me rétorquera aussi qu’il s’agit là de documents sonores essentiels, puisque la plupart des choses présentes sur ces deux rondelles ne figurent pas sur les albums officiels du groupe. Oui, mais voilà, New Order est-il un groupe essentiel ? A mon humble avis, …
J’en sais rien, et de toutes façons, je m’en tape de New Order. Ces types-là, personne aurait misé un kopeck sur eux. Charisme d’endives blettes, joyeux comme un discours de Jean-Marc Ayrault. Et ceux qui avaient suivi (ils avaient pas perdu trop de temps, l’aventure avait été brève) Joy Division, savaient que Summer, Hook et Morris, n’étaient que des comparse sans intérêt. Joy Div, c’était les nerfs à fleur de peau de Curtis,  le son d’Hannet et la débrouille de Wilson. Point barre …
D’ailleurs New Order n’en a pas rajouté sur la « filiation », se contentant juste de s’approprier à leurs débuts quelques titres non finalisés de Joy Div comme « Ceremony », leur premier single qui ouvre cette compile (et même si maintenant ils ne se privent pas, en bons rentiers de la chose pop, de reprendre du Joy Div au rappel, si j’en crois le live report d’un de leurs fans marseillais). Et bizarrement, New Order, qui s’est très vite tourné vers un genre passablement encombré et encombrant (l’electro-pop), a réussi à traverser les décennies sans que l’évocation de son nom provoque quolibets et franche hilarité (quoique …).
Et dans ce genre-là, des gens comme Depeche Mode ou les Pet Shop Boys sont infiniment plus talentueux, Bronski Beat ou les Communards beaucoup plus concernés, et Frankie Goes to Hollywood et Culture Club nettement plus rigolos. Mais aucun de ceux-là ne s’est trouvé dans l’œil du cyclone. Les New Order si. Plus ou moins accidentellement d’ailleurs, ayant investi leurs royalties dans la co-propriété d’un club, l’Hacienda à Manchester, duquel allait à peu près surgir tout le rock indie anglais des 90’s. New Order ont laissé traîner les oreilles, et fait leurs tous les sons des white labels que l’élite des DJ’s mondiaux poussait sur les platines de l’Hacienda …
Avec plus ou moins de bonheur, cette compilation est là pour le rappeler. Passons sur le second Cd, qui contient les faces B des singles ou maxis du premier. Chacun sait qu’une face B de 45T n’a aucun intérêt (tout le monde peut sortir un double blanc – la preuve – mais pas un single « Penny Lane » / « Strawberry fields forever », la preuve ici aussi). Passons aussi sur les claviers à un doigt de la transparente Gillian Gilbert. Passons sur le pénible Hook et ses tentatives de revival du bass-hero, comme si ça n’avait pas suffi avec les funestes Jack Bruce, Chris Squire et Jannick Top. A titre perso, je passe aussi sur « Blue Monday », un titre que j’ai toujours trouvé pénible (c’est le maxi anglais le plus vendu de tous les temps, en France c’est celui de Début de Soirée, cherchez pas l’erreur, y’en a pas …), et je zappe le final du premier Cd (à partir du grossier « Subculture ») …
Reste une demi-douzaine de titres qui, il faut le reconnaître sont meilleurs que ceux d’OMD ou Human League. Qui nous montrent l’évolution de New Order, de la new wave martiale de « Ceremony » à la pop discoïde de « Perfect kiss ». Et même si je sais bien que c’est pas dans l’«esprit » du groupe, qui raisonnait en termes de singles beaucoup plus que d’albums, plutôt que ce pavé de « Substance », je conseillerais bien volontiers la réédition 2008 de « Power, corruption & lies », qui avec ses nombreux bonus, est pour moi d’assez loin le disque de New Order le plus intéressant…

Des mêmes sur ce blog :
Power, Corruption & Lies

WANDA JACKSON - QUEEN OF ROCKABILLY (2000)


Little Wanda ...

Appeler une compilation « Queen of rockabilly », ça peut paraître gonflé … d’un autre côté, la concurrence est pas énorme … Mamie Van Doren ? Mis à part sa forte capacité pulmonaire, elle avait pas trop marqué les esprits. Janis Martin, « The Female Elvis » ? Ouais, bof … Brenda « Miss Dynamite » Lee, ses jupes plissées et ses gros mollets ? Euh, soyons sérieux, là … Donc, titre mérité pour Wanda Jackson. Et pas par défaut …
Wanda Jackson et le jumeau de Jesse Garon
Car ce petit bout de femme impressionna tout le monde à ses débuts dans le rock’n’roll en 1956, y compris le King lui-même qui la prit souvent en première partie. La rumeur (et pas seulement légendaire) prétend même que Wanda Jackson aurait partagé la couche royale, c’est dire si elle était au cœur de la tourmente rock’n’roll qui mettait l’Amérique à ses pieds.
Le rock (accessoirement ’n’roll), n’étant pas un milieu à l’ouverture d’esprit renommée, Wanda Jackson est beaucoup moins célèbre et célébrée que la plupart de ses contemporains masculins. Et pourtant, believe me, Wanda Jackson, ça déménage. Il se dégage de cette miniature (sur la – sublime, ce regard, cette attitude – photo de pochette de cette compilation, la guitare est « normale », c’est vraiment elle qui est petite) une voix d’une animalité, d’une sauvagerie peu commune, mais qui sait rester au plus près de la mélodie, de la chanson. L’égale, ni plus ni moins, d’un Little Richard (qui est, je le rappelle pour ceux qui ont des déficiences auditives, le plus grand chanteur de rock’n’roll de tous les temps). D’ailleurs il n’est qu’à écouter les reprises qu’elle fait de titres figurant au répertoire de Petit Richard (« Rip it up », « Whole lotta shakin’ goin’ on », « Slippin’ & slidin’ », et une phénoménale version de « Long tall Sally ») pour voir qu’on a là affaire à un gosier d’exception.
Wanda Jackson n’a qu’un point faible. Elle écrit peu, et se « contente » de reprises ou de morceaux écrits sur mesure pour elle. Dommage, serait-on tenté de lire, car un des rares titres dont elle est l’auteur (« Mean mean man ») est une tuerie totale, qui par bien des sonorités annonce les Cramps, et le plus sauvage d’un tracklisting dans lequel la ballade n’est pas de mise.
Les deux titres les plus connus de la dame sont bien là (« Fujiyama Mama » et « Let’s have a party ») dans cette compilation irréprochable, et le second qui reviendra comme un leitmotiv dans sa carrière décliné-décalqué-dupliqué (« There’s a party goin’ on », « Man, we had a party », …). Wanda Jackson avait, comme bien d’autres de son époque (Perkins, Lewis), débuté dans la country, et le premier morceau qui l’a fait connaître dans le monde du rock’n’roll est un curieux et unique mix de country et de rockabilly (« I gotta know »). Pour le reste, dans les trente titres de ce disque, on trouve des classiques 50’s (« Searchin’ », « Kansas City », « My baby left me », « Brown eyed handsome man », « Honey don’t »), certains dans des versions incroyablement furieuses et violentes (« Riot in cell block #9 », « Tongue tied »).
Wanda Jackson ne réussira pas à se hisser au niveau des plus grands (en terme de notoriété) dans le monde macho du rock’n’roll et retournera dès le début des années 60 à une carrière strictement country, avant, comme également beaucoup d’autres, de se vautrer dans la religion (elle est christian reborn il me semble) et de se consacrer au gospel à partir des années 70. A peu près disparue de la circulation depuis longtemps, elle a effectué un come-back assez étonnant (et également assez surestimé, mais la dame a bien plus de soixante dix ans, faut pas trop en attendre non plus), avec Jack White (qui d’autre ?) comme Pygmalion, et l’album s’appelle évidemment … « The party ain’t over », comme quoi c’est bien la période rockabilly de Wanda Jackson qui est à retenir …

EDDIE & THE HOT RODS - THE END OF THE BEGINING (1994)


Question de timing ...

Eddie & the Hot Rods, c’est un peu l’histoire de la lose made in Angleterre. Apparus trop tard pour être Dr Feelgood et trop tôt pour être les Pistols ou les Clash, Eddie & the Hot Rods seront dans le ventre mou (comprenez les oubliés) du pub-rock, aux côtés des Ducks Deluxe, Mickey Jupp ou Graham Parker.
Les Hot Rods, c’est une bande de prolos soudards et fêtards, grands fans de rock, et d’autant plus fans que ce rock est anglais. Eddie, c’est Barrie Masters, grande gueule et pilier de bar, shouter énergique rarement braillard, en résumé un bon chanteur.
Apparus donc dans la seconde moitié des seventies, on les croira promis à un bel avenir quand un de leurs premiers simples en forme d’hymne, « Do anything you wanna do » tutoiera en 77 les sommets des hit-parades britons. Las, l’(excellent) album dont il est extrait (« Life on the line ») vendra peu, le suivant (pourtant nommé « Thriller », quand je vous parlais de losers …) encore moins, la major qui les avait signés (Island) les lâchera, ils s’accrocheront pourtant, sortiront une paire de disques de plus, mais trop tard, la vague punk était passée par là, les Hot Rods sont déjà des has-been, la séparation aura lieu au début des 80’s, Barrie Masters ira rejoindre les excellents et également peu reconnus Inmates, avant ces dernières années l’obligatoire reformation …
« The end of the beginning » est une compilation copieuse (un Cd plein à la gueule) des premières (et meilleures) années du groupe. Qui s’ouvre évidemment par « Do anything … » et quelques autres demi-classiques. Ça se complique dès le cinquième titre (… sur vingt), une version live sympathique sans plus du classique des Who « The kids are alright », à laquelle est enchaînée celle du « Get out of Denver » de Bob Seger, avec un traitement qui n’est pas sans rappeler le « Johnny B Goode » de Chuck Berry. Un peu comme un refus de tracer sa propre route. Dorénavant, les Hot Rods vont peu à peu, et de façon de plus en plus pathétique au fil des plages, essayer d’être « dans le coup », le son qui marche … en misant sur les mauvais canassons, alors que l’heure est au simplisme musical punk, eux vont partir dans un rock assez heavy, quelquefois même carrément lourdingue, s’entêtant à mettre en avant gros son, grosses guitares, et une technique assez grossière de working class hero qui a bossé ses gammes.
Forcément, quand on n’est pas capable de faire du AC/DC (ils ont tourné en première partie des Australopithèques, ça a du leur donner des idées), on essaye de faire du Canned Heat, ou pire, du Status Quo. Quelques boogies lourdingues (surtout en live) sont donc de la revue, certains tutoyant les dix minutes ( ! ). Et les Hot Rods finissent par jouer correctement un genre musical qui n’intéresse plus personne en cette fin des années 70.
On en arrive même à regretter leur incompétence technique, criante sur un medley live « Gloria / Satisfaction » de leurs débuts, placé en dépit de tout bon sens chronologique à la fin de cette compilation.
Les inconditionnels du pub-rock vont hurler à la profanation des statuettes sacrées, mais bon, cette compile en forme de Best of ne vaut pas un disque quelconque de Dr Feelgood (il y en a eu, et comment ça, j’aggrave mon cas ?). Réservée aux amateurs du genre et aux curieux …

LE ROCK D'ICI A L'OLYMPIA - LA NUIT PUNK DE L'OLYMPIA (1978)


216 fauteuils cassés pendant les 3 nuits ...

C’est ce qu’il y a écrit sur la pochette, preuve photographique à l’appui … et ça en dit long, bien long, sur l’état du rock français à l’époque… être « obligé » de saccager l’Olympia pour faire parler de soi.
Parce que sinon, les punks français … hum, on peut pas dire que le monde entier nous les ait enviés et qu’ils sont souvent cités de nos jours (sauf quelques fois Metal Urbain, par des groupes noisy ou hardcore américains). D’ailleurs même si la légende savamment entretenue par quelques-uns fait état d’un vaste mouvement punk hexagonal, elle englobe des gens qui n’ont rien ou pas grand-chose à voir entre eux, contrairement à la scène punk londonienne ou new-yorkaise.
Stinky Toys
Il y a d’ailleurs dans le livret une déclaration assez édifiante, honnête et réaliste de Jacno, sur ces soirées à l’Olympia, qui met l’accent sur le fait que les différents groupes « ne s’aiment pas », et que jalousies mesquines et attitudes méprisantes entre Parisiens et provinciaux, entre groupes signés sur un label ou non, sont monnaie courante. En fait sous le terme « punk » sont répertoriés des gens qui n’ont comme seul point commun que de se lancer dans la musique circa 77, avec leurs propres moyens et à l’arrache. L’esprit « do it yourself » doit être le seul dénominateur commun  aux groupes présents ici, au moins à leurs débuts, aucun n’étant né avec une cuillère d’argent gentiment tendue par les majors ou le show-biz.
A leur décharge, les groupes « made in 77 » arrivent dans un pays où le rock n’existe pas, ou sinon représenté par le prog champêtre de Ange, ce qui revient au même … 
Asphalt Jungle
Les hostilités sont ouvertes, en tout cas sur le Cd, par les Lyonnais de Marie et les Garçons (Marie est la batteuse du groupe), sous forte influence américaine Televison – Talking Heads, et qui recueillent les sifflets du public (le public punk parisien de l’époque manquerait-il d’humour ?) lorsqu’à la fin de leur titre, ils embrayent sur une reprise de « Macho man » des Village People. Les Stinky Toys sont eux totalement dans « l’esprit », autour de Jacno et d’une Elli (pas encore Medeiros) qui chante faux comme ça devrait pas être permis. Mais c’est très bien … Un autre qui chante aussi très faux c’est Patrick Eudeline, et son « classique » « Asphalt Jungle » avec le groupe du même nom qui n’oublie pas de se prendre pour Johnny Thunders et ses Heartbreakers. Punk attitude irréprochable, intérêt musical très anecdotique … C’est pas les seuls à avoir un intérêt musical anecdotique … Diesel auraient été rouges de honte si on leur avait dit que leur truc, c’est juste du classic rock tendance heavy blues ; les Lou’s, rien que des filles, difficile d’en dire du mal sans se faire traiter de sexisme ou de machisme, donc motus et bouche cousue ; Starshooter, qui ne vaut que pour quelques 45T rigolos, confirme avec un de ses classiques dispensables (« 35 Tonnes ») que s’ils savent à peu près jouer correctement, ce n’est que du rock très mainstream.
En fait, en plus des Stinky Toys, les trois autres vrais bons de cette compilation sont pour moi Bijou (pas exactement des punks), précis, carrés et très énergiques qui boostent « OK Carole », et réussissent même à se faire ovationner avec un instrumental pourtant technique bien que très énergique. Les banlieusards parisiens sont très nettement au-dessus du lot, et pas par hasard, ils feront aussi un triomphe aux deux festivals punks de Mont-de-Marsan en 77 et 78. Les Lyonnais d’Electric Callas s’en sortent plutôt bien avec une version ralentie et originale du classique des Stooges « I wanna be your dog ». Egalement sur le podium les Parisiens de Guilty Razors, avec son chanteur au phrasé arrogant et méprisant, pour un titre titubant mais au moins parfaitement dans l’esprit …
Cette compilation est parue en 1978, et rééditée en Cd en 1999 sur le label Jurassic Punk (bonne vanne !). Totalement fidèle au 33T initial, c’est-à-dire sans bonus et en conservant le son pourri (on dirait que c’est enregistré avec un dictaphone dans la rue devant l’Olympia). En fait c’est pas un disque pour les amateurs de musique, c’est un disque pour les amateurs de rock, ce qui n’est pas exactement la même chose …

THE REBIRTH OF COOL - VOLUME 3 (1995)



Recyclage of cool, volume 1756896584 …
Bon, là je suis chaud, Earhtling, Basement Machin… et comme le seul blog de ce pays consacré aux musiques électroniques (oxymore) a mis la clef sous le paillasson, manière d’aider à la représentation des minorités visibles (et surtout bruyantes), une ch’tite compile electro-machin-bidule …

A cette époque-là (le milieu des années 90), il en pleuvait littéralement des compiles plus ou moins techno, toutes les maisons de disques, y compris certaines crées pour l’occasion y allant de leur florilège de machins électroniques, généralement très mauvais. Le label Fourth & Bway (??) responsable de celle-ci se signale à l’attention des auditeurs potentiels en évitant les grosses daubes, affichant au générique valeurs sûres et buzz plus ou moins underground.
Leena Conquest
La chose est cependant rendue plus ardue par les versions anglaises et américaines de ces compilations, parfois aux pochettes identiques et aux contenus différents (ou le contraire), les versions anglaises contenant généralement plus de titres… bref, un vrai bordel pour s’y retrouver … Les plus perspicaces auront remarqué que les genres abordés (« The birth of cool » est le titre d’un disque de Miles Davis) s’inspirent, samplent, échantillonnent, de la musique venant du jazz, du blues, de la soul, en gros des musiques noires du paléolithique supérieur (début de la seconde moitié du XXème siècle). Les érudits diront que ça ressemble étrangement aussi aux compiles de la série « Jazzmatazz » fomentées par Guru, le rappeur de Gang Starr…
Donc sur celle-ci, y’a du lourd, du connu, du célèbre et célébré. Des titres parfois sous forme de versions alternatives, extended, single-edit, remixed, … tous ces colifichets sonores sans aucun intérêt mais qui ravissent les amateurs de la chose électronique, nique, nique (ton portefeuille) …
Pourtant d’entrée y’a de quoi retourner fissa aux Cramps. Une dénommée Jhelisa mélange house, jazz, soul et rap, l’objet du délit s’appelle « Friendly pressure » et y’a vraiment pas de quoi se relever la nuit pour l’écouter. Dans le même genre, Leena Conquest fait beaucoup mieux, allez savoir pourquoi, « Boundaries » ça s’appelle, et ça avait bien marché en son temps.
On peut zapper aussi, les ci-devant autrichiens très chiants Kruder & Dorfmeister, qui, ach, kolossale daube, testent plein de plug-in sur un machin tribal drum’n’bass totalement dépourvu d’intérêt. Ça s’appelle « Deep shit » et ça porte bien son nom … Y’a aussi un vieux funk très seventies de Freak Power, sympathique sans plus, mais un peu hors-sujet. Hors-sujet aussi, un titre de Tricky, très bon lui, mais totalement trip-hop et qui n’a rien de cool (d’ailleurs Tricky n’a jamais rien fait de vraiment cool, c’est un vrai méchant, lui …).
Portishead en pleine crise de fou rire
Bomb The Bass, avec un titre remixé et le featuring d’un rappeur jazzy est juste passable … Coldcut  fait avec ses boucles groovy intéressantes beaucoup mieux que ce que le teuton titre « Eine kleine hed music » laisse présager…
Reste quand même en plus de Leena Conquest, un bon titre peu connu de Portishead plus « léger » et moins oppressant que ceux qu’ils livraient à cette époque-là (« Revenge of the number »), un Beastie Boys de leur meilleure période (« Get it together » extrait de l’album « Ill communication »), et cocorico, MC Solaar, habitué de ce genre de compiles (il est aussi sur les Jazzmatazz), avec une version courte (single ?) de son « Nouveau western » qui sample davantage le « Bonnie & Clyde » de Gainsbourg que du jazz, mais qui bénéficie comme presque toujours à ses débuts des textes travaillés de Solaar …
En conclusion, une compile dans la norme de toutes celles qui regroupent autour d’un genre musical identique des artistes différents : les « stars » ressortent forcément du lot et les « inconnus » démontrent pourquoi ils le sont …


ROBERT JOHNSON - KING OF THE DELTA BLUES SINGERS (1961)


Genesis

Sans lui, il n’y aurait pas eu … tous les autres en fait. Et pas seulement les bluesmen. Les gens qui l’ont cité ou ont revendiqué son influence ne se comptent plus, tous ceux qui ont fait du rock à guitares sont ses plus ou moins lointains descendants.
Robert Johnson est une légende, dans tous les sens du terme. Pratiquement inconnu de son vivant, et révélé par des enregistrements qui ne seront compilés que plus de vingt ans après sa mort. Ce « King of the Delta blues singers » est son « premier » 33T sorti en 1961 et sera un choc immédiat, notamment pour tous les Britishs blues boomers, Keith Richards et Eric Clapton en tête…
De Robert Johnson, on sait plein de choses, tant la littérature qui lui a été consacrée est abondante … sauf que en fait, on n’est sûr de pratiquement rien. Juste des bribes d’anecdotes transmises de bouche à oreille par des gens qui l’ont connu, ou qui prétendent l’avoir connu, dans la tradition des chansons de geste médiévales, et comme elles sujettes à moultes enjolivures. Et depuis des décennies, de nouvelles « révélations » voient le jour. De Johnson, il ne resterait que trois photos (peut-être quatre) et quarante-deux enregistrements provenant de quatre sessions et vingt-neuf titres joués. Sauf que tout ceci est battu en brèche et sujet à controverses. Certains remettent même en cause son existence, d’autres affirment que (comme pour un de ses contemporains Sonny Boy Williamson), il y a eu un ou plusieurs usurpateurs-imitateurs se faisant passer pour lui, que les enregistrements qui nous sont parvenus ont été « pitchés » (c’est-à-dire légèrement accélérés, rendant la voix beaucoup plus aiguë, et le jeu de guitare plus rapide). Les causes de sa mort (à vingt-sept ans, Johnson a inauguré le fameux « Club des 27 ») sont à peu près inconnues, l’empoisonnement par un mari jaloux faisant office de thèse officielle.
Mais malgré tout, l’œuvre attribuée à Robert Johnson a révolutionné les blues et par effet de domino, toute la musique populaire du siècle. L’approche instrumentale est inédite par la place accordée à la guitare, dont Robert Johnson est devenue un des premiers et plus célébrés « heroes ». Les thèmes des chansons marquent une rupture et un démarquage total d’avec les origines du blues par le rejet ou au moins l’ambiguïté du rapport avec la religion. Johnson est le premier musicien « diabolique », celui qui a conclu le pacte faustien avec le Malin au fameux Crossroad (son âme en échange du jeu de guitare révolutionnaire qui sera le sien).
Ce « King of the Delta blues singers » (Johnson est originaire du Mississippi et sera un musicien nomade, perpétuant une tradition déjà établie, et poursuivie par la suite, Chicago devenant au fil des décennies le terminus du périple, l’Eldorado mythique des bluesmen du Sud) réunit un peu plus de la moitié des titres de Johnson, avec le seul « Travelling riverside blues » sous ses deux versions. Compilation non respectueuse de ce que l’on pense savoir de la chronologie des enregistrements, mais qui présente à peu près tous les titres liés à son pacte « diabolique » (« Cross road blues », « Walking blues », « Preaching blues », « Me and the Devil blues », …).
Un « Volume 2 » suivra à la fin des années 60, avant que soit réunis sur un double Cd (« Complete recordings ») en 1990 l’ensemble des titres de Robert Johnson.
Des titres tellement connus et repris que si Johnson avait eu une descendance ou des héritiers, ils seraient à l’abri du besoin pour plusieurs siècles.
La pierre angulaire obligatoire de toute discothèque …

Du même sur ce blog :


DONNA SUMMER - THE BEST OF DONNA SUMMER (2001)


Voilà l'été, it's Summer time ...

Finalement, de toutes ces divas disco américaines de la fin des 70’s, il n’en reste pas beaucoup dont le souvenir a résisté à l’outrage des ans. Il n’y a même que le nom de Donna Summer qui éveille encore quelques souvenirs chez les amateurs de boules à facettes. Parce que déjà à l’époque, tout le monde n’avait d’yeux (surtout) et d’oreilles (un peu) que pour elle.
Elle avait de bien beaux ... chapeaux, Donna Summer
Déjà, et c’est pas rien de le dire, elle était mieux balancée que Thelma « Don’t leave me this way » Houston ou Gloria « I will survive » Gaynor. Y’avait guère qu’Amii Stewart qui pouvait par sa silhouette rivaliser, mais elle sortait des trucs vraiment pourris. Tandis que la Summer, elle a aligné une série de hits qui ont marqué l’âge d’or du disco. Elle avait en plus une bonne voix, et derrière elle le malin moustachu italo-allemand Giorgio Moroder qui écrivait et produisait tous ses titres. Un Moroder que certains ont pris pour un génie (les mêmes qui croient que Cerrone a du talent), alors qu’il n’est qu’un laborieux rat de studio, ayant eu la chance d’être au bon endroit au bon moment.
Le bon endroit, c’était le New York de la seconde moitié des seventies, dans lequel une jeunesse toute urbaine commençait à être gavée sévère par tous les ploucs à chemise à carreaux sévissant dans la country, le folk, ou le futur du rock comme disait l’autre. C’est par et dans la réaction que naissent d’autres courants musicaux. Deux endroits devenus mythiques ont canalisé cette réaction musicale. Le CBGB d’où sortira le mouvement punk de la côte Est et le Studio 54, temple du disco… Et le côté destroy de l’affaire n’était pas forcément où on l’imagine. D’un côté les prolos, la colle à rustine, la bière tiède et les putes décaties, de l’autre les friqués, les saladiers de coke, les cocktails aphrodisiaques et les partouzes avec les top models. Sodome et Gomorrhe sur fond de « tchac-poum » …
Donna Summer fut la reine sonore des nuits du Studio 54, avant que les premiers séropos et l’hécatombe qui a suivi ne sifflent la fin de la récréation au milieu des années 80. Et pendant une poignée d’années autour de 1980, elle a accumulé les hits. Dont la plupart sont présents sur ce « Best of ». La plupart car il manque quand même le tardif  et bien-pensant « She works hard for the money », mais plus ennuyeux, « Love to love you baby », un de ses plus connus. Et comme il faut préciser que son morceau emblématique « I feel love » n’y est pas en version originale, mais en version « expended » et plus ou moins remixée, ce « Best of » n’en est pas tout à fait un  …
Restent quelques monuments disco des années 77-78-79 comme « McArthur Park », « Hot stuff » (pour moi son meilleur titre, LE titre disco de l’époque, avec l’énorme « tchac-poum » rythmique, la basse slappée, les chœurs de jeunes ( ? ) vierges ( ?? ) et tout le tremblement), « The Wanderer » … Assez vite, Donna Summer se démarquera du disco pur et dur pour s’orienter vers la variété dansante (« Love’s unkind », plus ou moins plagiat d’ABBA, le génie de l’arrangement des Suédois en moins), voire la variété « de qualité » ( ? ), avec tous ces titres centristes, radiophoniques et souvent pathétiques comme « On the radio », « Breakaway », « Love is on control », et à partir des années 80 des machins qu’il vaut mieux oublier …
Conclusion évidente, un « Best of » de Donna Summer, ça vaut pas un disque moyen de Chic …

GENE VINCENT - BE BOP A LULA (2001)


Une arnaque ...

« Be bop a Lula »… C’est écrit en grosses lettres flashy et racoleuses sur la pochette. De toutes façons, pour attirer le chaland, y’a pas trop le choix, c’est le seul titre vraiment passé à la postérité de Gene Vincent et un des plus grands classiques du rock des années cinquante. Lorsque Gene Vincent et ses Blue Caps avaient le vent en poupe, et étaient soutenus par une major, Capitol …
Gene Vincent Paris 1967
Sauf que là, cette compile est faite de titres enregistrés au milieu des années 60, alors que Gene Vincent erre de petits labels en studios minables avec qui veut bien jouer avec lui, pantin manipulé par quelques escrocs de troisième zone. Gene Vincent, ingérable tête de lard, a fusillé sa carrière depuis longtemps déjà. Ne lui reste que sa voix, pas encore trop abîmée par ses excès, la meilleure voix blanche des « pionniers ».
Alors, certes, il y a bien « Be bop a lula » sur ce disque, mais pas la version originale, une réenregistrée avec section de cuivres et rythme accéléré. De toutes façons déjà présente sur le Cd français de chez Musidisc « Mr Gene Vincent », comme d’ailleurs les deux tiers des titres de cette compilation. Celle-ci est parue sur un label interlope, Castle Pulse (rien à voir avec Castle Music, spécialisé lui dans les rééditions de qualité), qui semble avoir mieux traité  le son que Musidisc, mais se montre aussi chiche en précisions sur les lieux et musiciens qui ont participé aux séances.
Au milieu de choses incongrues de la part de Gene Vincent (du rhythm’n’blues, de la soul, de la variété bas de gamme), on peut quand même trouver une paire de quasi-classiques tardifs (« Love is a bird », « Say Mama » et surtout le phénoménal « Bird doggin’ »), ou des choses « exotiques » pour lui mais bien faites, comme le très Tamla-Motown « Hurtin’ for you » ou la country en cinémascope de « I’m a lonesome fugitive » …
Bon, sinon, pour avoir une bonne compile de Gene Vincent, il faut aller voir ailleurs, parmi la multitude de celles sorties chez Capitol …

Du même sur ce blog : 
Bluejean Bop !


GRANDMASTER FLASH, MELLE MEL & THE FURIOUS FIVE - THE GREATEST HITS (1993)


Les premiers Maîtres ...

Des érudits font remonter l’origine du rap aux Last Poets dans les années 70, voire aux talking blues du début du siècle dernier. Bon, on va pas pinailler, c’est pas Wikipedia ici. Pour moi, c’est à New York au tout début des années 80 que tout a commencé et que s’est révélée au monde entier cette nouvelle forme d’expression musicale.
Culture de la rue, associant graphistes, danseurs, producteurs, musiciens et chanteurs, le rap, tel qu’on le connaît aujourd’hui vient de là. Et ses premières stars furent Flash, Melle Mel et les Furious Five. Avec trois de bouts de ficelle (un radiocassette, le sens de la rime et du rythme), toute une génération de laissés-pour-compte par toutes les chapelles et courants musicaux va prendre la parole. Le son de la misère, des ghettos noirs, ceux décrits par Marvin Gaye dans son « Inner City blues » va exploser à la face du monde et se répandre comme une traînée de poudre. Le rap, c’est le blues de la fin du XXème siècle, le genre le plus proche d’une classe sociale et de ses aspirations et préoccupations…
Tout ce qu’a développé depuis le rap est tout entier en germe dans ce « Greatest Hits » : les samples, les boucles rythmiques avec basses en avant, le phrasé si étonnant à l’époque (on ne disait pas encore le flow), les revendications militantes, politiques et sociales …
Ce « Greatest Hits » est une plongée dans le passé où l’on retrouve avec plaisir les premiers hits (« The Message », 1er morceau de rap dans les charts US) d’un genre musical appelé à devenir le plus populaire et le plus important de la fin du XXème siècle, au prix cependant de contorsions, renoncements, asservissements et avilissements lui ayant fait perdre à peu près toute sa substance originelle.
Là, avec Grandmaster Flash et ses potes, on est dans un truc austère, sec, tranchant, terriblement urbain, encore influencé par les autres genres de musique noire (le funk, la soul, le blues, le disco). Le « rap old school », tel qu’il est défini dans les manuels commence avec ces pionniers, pour se terminer à la fin de la décennie avec l’apogée de Public Enemy.
Compilation pour grabataires mais compilation essentielle …

RAY CHARLES - ULTIMATE HITS COLLECTION (1999)


Génial, oui ... mais pas toujours ...

Ray Charles, c’est le Genius. Et si plein d’autres contemporains, dotés d’un talent certain et d’un ego démesuré (James Brown, Sinatra, Elvis, Miles Davis, Coltrane, …), ne lui ont pas contesté ce titre, c’est peut-être bien que Charles le méritait.
En une décennie magique (en gros de 1955 à 1965), il allait faire la synthèse de tous les genres de musique populaire existants et jeter les bases de nouveaux. Venu du gospel et du jazz, il va s’approprier le rock’n’roll naissant, le blues, la country et graver la définition du  rythm’n’blues et de la soul, laissant à chaque fois au passage quelques classiques imputrescibles.
Dresser la liste de ceux qui l’ont repris ou qu’il a directement influencés est totalement impossible tant cette liste est démesurée. Tous ceux qui se sont inspirés ou servis de la musique noire pour créer la leur lui doivent quelque chose. Et des morceaux géniaux de Ray Charles (je ne suis pas un grand connaisseur du bonhomme), il doit y en avoir de quoi remplir des coffrets de plusieurs Cds.
Le problème de ce « Ultimate Hits Collection » en deux Cds et trois douzaines de titres, c’est qu’il s’agit d’une « compile de supermarché » (c’est là que je l’ai achetée d’ailleurs il y a bien longtemps quand je voulais les versions originales  de tous ces morceaux que je connaissais repris par d’autres. Et même si c’est édité par Rhino, gage de qualité sonore, de travail sérieux et de notes de livret intéressantes). Une jolie ( ? ) photo consensuelle, un intitulé ronflant, et au final les 2/3 du second Cd qui, comment dire, … ne sont pas géniaux. Des titres des années 70 et 80 avec de grandes orchestrations, des cascades de violons, des roucoulades d’armées de choristes, des morceaux avec Willie Nelson, Chaka Khan, Quincy Jones, … eux aussi pas dans leurs meilleures périodes.
La faute aux clopes et au bourbon qui ont amoché la voix de Charles. A l’héroïne qu’il a consommé en quantités industrielles et qui, comme chez tous les autres, a fini par lui bouffer la créativité et l’inspiration. Ray Charles, comme tous les autres artistes noirs de sa génération, a été copieusement détroussé au début de sa carrière par l’ « industrie musicale ». Et parce qu’il faut payer les croquettes du chien et l’eau de la piscine, comme tous les autres, il a fini par faire de l’ « alimentaire » … même si sa soupe à lui est quand même meilleure que celle de beaucoup d’autres …
Un premier Cd fabuleux, l’autre dispensable …

Du même sur ce blog:
The Genius Of Ray Charles

TOM WAITS - ASYLUM YEARS (1986)


Tom Waits première époque

Tiens, que voilà une compilation maline, comme on aimerait en trouver plus souvent.
Maline par le timing. Parue en 1986, quand Tom Waits était à son sommet artistique, elle est publiée par son premier label, Asylum (ce qui donne l’occasion d’une bonne joke pour le titre), qui l’a hébergé pendant presque dix ans sans vraiment que s’envolent les courbes de vente, et qui là, espère bien récolter quelques chalands fraîchement séduits par le nouveau pote de Keith Richards.
Maline par le contenu. Cette compilation correspond également à une période artistique bien définie et terminée de Tom Waits, celle qui lui a apporté ses premiers fans, et qui a, à grands renforts de rumeurs, anecdotes et histoires croustillantes, contribué à mettre en place la « légende » de Tom Waits, sorte de Bukowski musical, déblatérant de sa voix rauque d’ivrogne ses histoires tordues, bizarres, abracadabrantes …
Tom Waits, Bette Middler, et un Anglais de passage ...
Et ce, même s’il faut reconnaître que tout dans cette période initiale n’a pas été prodigieux. Sans même parler du très ennuyeux live « Nightwhaks at the Diner », le grand Tom n’a pas toujours su faire preuve de cette originalité baroque et déglinguée qui a fait son succès et ses meilleurs disques.
Il y a sur cet « Asylum years » des choses pénibles de piano-bar jazzy (« Diamonds on my windshield », « The ghosts of Saturday night »), des ballades piano-voix connues d’avance (« Kentucky Avenue »), des dérives assez risibles vers la musique classique avec les violons, les cordes et tout le tremblement (« Ruby’s arms »), une reprise navrante du « Somewhere » de Leonard Bernstein qui fait regretter les brushings de George Chakiris, l’ interminable mini-opéra baroque « Potter’s fields ». Les premiers disques de Tom Waits, même si je les connais pas tous, sont tout de même assez conventionnels, avec des influences jazz et musique baroque assez (trop ?) marquées. Et lorsque la musique reste dans ces chemins bien balisés, tout sonne comme si on l’avait déjà entendue mille fois …
Heureusement, le reste du disque est beaucoup plus comestible, un gros paquet de titres pas forcément transcendants mais bien vus, commençant à mettre en avant l’influence qui deviendra obsessionnelle du Captain Beefheart, mêlant habilement justesse sonore et sobriété instrumentale, et montrant par là même, une fois qu’ils auront subi concision drastique et arrangements baroques, ce que seront les chef-d’œuvre à venir des années 80. Et dans ce cadre-là, ressortent particulièrement « Looking for the heart of the Saturday night », ballade urbaine dévastée et lyrique, la toute piano « Burma Shave » qui donnera son nom à un groupe de chevelus ( !?) metal-funk, l’incantation beefheartienne « Small change », la sympathiquement bluesy et jazzy « Blue Valentines »,  l’improbable mais concerné duo « I never talk to strangers » (avec Bette Midler et qui vaudra à Waits son premier hit), et l’épique « Tom Traubert’s blues », pour moi la meilleure du disque …
Finalement, comme aucun des disques des débuts de Tom Waits ne semble se détacher du lot (moi je citerais bien « Blue Valentine », mais il ne fait pas l’unanimité des fans), cette compilation peut s’avérer le bon choix pour avoir un aperçu d’une période certes pas cruciale de son auteur, mais qui contient en germe toutes les bonnes choses à venir …

Du même sur ce blog:
Closing Time
Nighthawks At The Diner

THE SHADOWS - MORE HITS ! (1965)


Encore de beaux restes ...

Cette compilation concerne la période 1963 – 1966 et n’est en aucune façon un Best of du groupe.
1963. Quelques mois plus tôt, les Shadows étaient les maîtres incontestés des hit-parades anglais, proposant au public des instrumentaux devenus légendaires dont aucun n’est présent ici (« Apache », « FBI », « Kon Tiki », …) portés par le jeu de guitare immédiatement reconnaissable de Hank Marvin. Et puis, un groupe de jeunes de Liverpool a débarqué, trustant le haut des charts et révolutionnant totalement la musique populaire.
Les Shadows entamèrent dès lors un lent mais sûr déclin, que cette compilation saisit bien. Non pas que les titres qui la composent soient mauvais. On ne change pas une formule qui a fait ses preuves, et les dernières pépites du groupe (le sophistiqué « Atlantis », les plus classiques « Shazam » et « Shinding ») n’ont pas grand chose à envier à leurs illustres prédécesseurs. Mais les Shadows n’étaient plus à la « mode » tout simplement et ces titres de « More Hits » sont aujourd’hui à peu près ignorés par tous.
Les Shadows ont bien essayé de s’adapter, allant même jusqu’à chanter sur quelques titres, eux le prototype même du groupe instrumental. Du coup le résultat devient involontairement comique, car ils n’ont pas le talent vocal des Beatles, c’est le moins que l’on puisse dire.
Superbe réédition avec section bonus gargantuesque, puisque à tous les titres à l’origine en mono est rajouté ici la version stéréo. Stéréo qui n’était pas la préoccupation majeure de l’époque (au moins en 1963), car une écoute au casque met en valeur (?) une mise en place quelquefois surprenante des pistes stéréo. Beau témoignage cependant (son remastérisé) d’une période relativement peu connue du groupe.
Et de toutes façons resteront toujours de superbes parties de six cordes de Hank Marvin, de loin le meilleur guitariste anglais du tout début des 60’s.