Affichage des articles dont le libellé est Années 90. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Années 90. Afficher tous les articles

TOM TYKWER - COURS LOLA COURS (1998)

Fast & furious ?
« Cours Lola cours » aurait pu être le film de la génération X. Il est arrivé un peu tard (fin 1998), et de toutes façons après « Trainspotting ». N’empêche, il n’en reste pas moins un des films les plus novateurs de la décennie pré-motion capture.
Le maître d’œuvre du projet « Cours Lola cours », c’est Tom Tykwer. Touche à tout du cinéma indépendant allemand (il est crédité au générique de scénariste, réalisateur, producteur et compositeur de la BO, rien que ça …), il n’avait réalisé qu’une paire de films que personne avait vus. Et là, tout à coup, il va sortir un truc totalement hors normes, avec une mise en scène ultra speedée et un scénario totalement délirant.
Tom Tykwer
A la base, un couple de jeunes, Manni et Lola. Lui vivote et commence à s’engluer dans des trafics chelous, elle s’emmerde chez papa-maman dans un milieu bourgeois (une mère au foyer délaissée qui cherche le frisson amoureux dans l’horoscope, et un père directeur de banque qui se tape la sous-directrice et envisage très sérieusement le divorce). Après une première séquence euh … métaphysique ponctuée de mouvements délirants de caméra, les ressorts de l’intrigue se mettent en place. Un piqué vertigineux de caméra qui entre dans la maison de Lola pour finir sur un gros plan de téléphone qui sonne. A l’autre bout du fil, Manni. Mal barré. Un très gros paquet de pognon venant d’un trafic de bagnoles, qu’il doit remettre à un caïd qui rigole pas. Problème, il a connement perdu le pognon dans une rame de métro, et n’a plus que vingt minutes pour remettre le fric. Sinon il se fera buter. Lola ne sait pas quoi faire, mais veut à tout prix sauver son mec. Elle part au sprint le rejoindre, espérant trouver en route le bon plan qui va sauver son chéri.
Bon, ce genre de scénar, on l’a vu des milliards de fois. Sauf qu’ici il n’y a pas un film, mais trois. A partir du moment où Lola dévale les escaliers de sa baraque, un petit détail va survenir qui va perturber sa course folle. Et cette seconde gagnée ou perdue au démarrage va provoquer des réactions en chaîne, ses choix à elle, à Manni, vont être différents. Et au bout des vingt fatidiques minutes, l’issue aussi sera totalement différente… les trois séquences de vingt minutes sont quasiment filmées en temps réel, et les lumières se rallument dans la salle au bout d’une heure et quart. Autant dire que ça déménage à l’écran …
Lola & Manni
D’abord parce qu’il y a des « personnages », des gueules. La mignonne et plutôt glamour Franka Potente campe une Lola à cheveux rouges et Doc Martens, passant entre deux courses folles d’un calme olympien au milieu de situations qui partent en quenouille, à des montées d’adrénaline hurlantes (comme un autre héros de film allemand, Oskar, celui du « Tambour », et certainement pas par hasard, quand Lola s’énerve grave, elle crie dans les aigus jusqu’à casser les verres), et cette actrice pratiquement inconnue crève l’écran (et ne laissera pas insensible son réalisateur puisqu’ils formeront un couple à la ville). L’autre figure majeure du casting, c’est Manni (Moritz Bleibtreu), un peu paumé, qui fonce d’abord et réfléchit après, mais qui partage avec Lola une furieuse envie de se sortir de ce sac de nœuds dans lequel il s’est enlisé. Les seconds rôles forcent sur l’aspect caricatural de leur personnage et le rendent immédiatement mémorisable dans les différents scénarios qui s’enchaînent.
Techniquement, il n’y a rien de révolutionnaire, qui n’ait déjà été vu dans un film. Par contre, rarement les images collent aussi bien à l’histoire. Les sprints de Lola rythment la structure filmique. Et la tarte à la crème utilisée à toutes les sauces et plutôt à tort et à travers depuis vingt ans, à savoir le montage façon vidéo-clip épileptique, prend ici toute sa mesure et tombe sous l’évidence. D’autant plus que la musique (Tykwer aux machines et Potente pour quelques parties chantées) repose sur une techno survitaminée (genre Prodigy meets Chemical Brothers) qui renforce encore un peu plus l’aspect oppressant de ces courses contre la montre. Autre bonne idée de Tykwer, celle d’inclure à chaque « épisode » une séance d’animation représentant Lola descendant quatre à quatre les étages de sa maison. Certes pas une nouveauté dans un film « conventionnel », mais là aussi, cet intermède animé s’intègre parfaitement dans le rythme du scénario. Et puis, tant qu’à montrer trois déroulements d’histoire différents, Tykwer en faisant se succéder des polaroids à un rythme échevelé, nous évoque de façon tout juste perceptible à l’œil les destins différents des gens croisés par les protagonistes principaux.
Natural Born Killers ?
Et comme si ça ne suffisait pas dans ce crépitement d’images en mode rafale, Tykwer glisse des hommages au « A bout de souffle » (c’est tellement évident que personne ne semble s’en être aperçu). Le final du film de Godard est quasiment plagié dans une des fins de « Cours Lola cours », et entre les « épisodes », Manni et Lola discutent dans un lit de questions philosophiques, métaphysiques et existentielles just like Bebel et Jean Seberg dans la chambre de l’Hôtel de Suède. Sans compter évidemment tous les clichés et tics de réalisation pompés aux films d’action et aux polars de tout temps (ces gros plans récurrents sur le flingue de Manni qui dépasse de sa poche arrière quand il va braquer le supermarché, ou sur la boule d’ivoire dans le casino, le genre d’effets de caméra faciles qu’on a vu mille fois mais qui marchent toujours).

C’est bien simple, « Cours Lola cours » c’est aussi bon et évident qu’un titre de Chuck Berry … « Run Rudolph run » au hasard, évidemment…


JAD WIO - FLEUR DE METAL (1992)

Fleur du Mâle ?
Jad Wio est un groupe à part dans l’assez triste panorama du rock français. En même temps nostalgique et avant-gardiste, ne se rattachant à l’Hexagone que par un méticuleux travail sur les textes. Mais là, on est très loin du slogan chanté. Plus proche en fait des poètes symbolistes (Mallarmé, Apollinaire, Lautréamont, …), les paroles de Jad Wio, mixées « à l’anglaise » (c’est-à-dire pas mises en avant, on n’est pas chez Renaud ou Aznavour, thanks God), sont chiadées, ciselées, abordant parfois des thématiques chères à Gainsbourg comme l’addiction sexuelle mise en rimes. Pas un hasard si le premier titre (« Bienvenue ») fait beaucoup penser par sa diction et son rythme musical à « Melody Nelson » ou « L’Homme à tête de chou ». Pas de hasard non plus s’ils reprennent dans une version quasi méconnaissable le « Contact » composé par Gainsbourg pour Bardot. Faut aussi préciser que la production est assurée par Bertrand Burgalat, autre esthète sonore et littéraire, qui signe pratiquement là ses débuts derrière les consoles. Et ceux qui trouvent que pas mal de choses ressemblent des années avant au premier disque de Air n’ont pas tout à fait tort.
Bortek & K-Bye
Mais Jad Wio ont un terrain de jeux beaucoup plus vaste. Les deux piliers de l’édifice, le chanteur Denis Bortek et le guitariste K-Bye font aussi une petite fixette sur le glam-rock, ou plus exactement sur sa frange dite « décadente », représentée en des temps immémoriaux par des gens comme Bowie Stardust ou Ferry Music. Les Jad Wio poussant le bouchon aussi loin qu’il se peut (ou qu’ils peuvent financièrement se le permettre) lors de concerts-évènements où ils apparaissent fortement grimés dans une mise en scène théâtralisée parfois jusqu’à l’outrance.
Jad Wio, ce qui saute aux oreilles, c’est la voix et la guitare. La voix exsude tour à tour comme très peu y sont arrivés, sensualité, stupre, perversion. Jamais démonstrative (Bortek est pourtant un grand chanteur), parfois s’alanguissant dans le talk-over, ailleurs entraînant les titres dans une sarabande lubrique. La guitare n’écrase pas tout, des pans entiers de morceaux s’en passent mais quand elle surgit, elle se fait remarquer par son originalité et son inventivité, et ses apparitions parfois fugaces mais qui s’incrustent grave dans les oreilles ne sont pas sans rappeler les interventions de Robert Fripp dans le « Scary Monsters » de Bowie.
Le seul reproche qu’on puisse faire à « Fleur de métal » est de partir dans tellement de directions qu’on finit par ne plus très bien s’y retrouver, on vadrouille de classic glam T-Rexien (« Fleur de métal » le morceau), à une reprise plutôt funky de la légende mod française des 60’s Ronnie Bird (« SOS Mesdemoiselles »), à de la pop synthétique sous forte influence Taxi Girl – Elli & Jacno (« Automate » qui évoque un étrange jeu de séduction entre un homme et une machine, texte assez proche dans l’esprit de celui de « In every dream home a heartache » de Roxy Music, dans lequel Ferry faisait une déclaration d’amour à une poupée gonflable), à des mini-jams funky (« Le beatnik de l’espace ») qui rendent vaines l’écoute du piteux Sinclair, voire à des choses qui s’apparentent à ce qu’on l’on appellera bientôt le trip-hop (« Tsé-tsé », chanson d’amour à – forcément – une mouche), pour finir carrément jazzy (« Mystère »). Et les textes ne donnent guère de pistes, les mots ne sont parfois là que pour leur sonorité, d’autres fois on nage dans des concepts ésotériques relativement fumeux (le trip Bowie-Ziggy du « Beatnik … », l’imaginaire du Ridley Scott de « Blade runner », …)

« Fleur de métal », comme à peu prés tout ce qu’a produit Jad Wio est assez déroutant, mais d’une beauté formelle assez peu atteinte par des groupes de par ici …

Des mêmes sur ce blog :

FRANCIS FORD COPPOLA - DRACULA (1992)

Sang cinquante ...
Ou plutôt cent cinquante. C’est à peu près le nombre de versions filmées du mythe de Dracula (ou Nosferatu, quand les réalisateurs n’avaient pas les autorisations des ayant-droits de Stoker) déjà tournées quand est sortie celle de Coppola. Depuis les classiques de chez classique de Murnau ou Browning, en passant par les innombrables kitscheries de la Hammer, jusqu’aux parodies blaxploitation (« Blakula »), franchouillardes (« Les Charlots contre Dracula »), voire kung-fu (le très improbable « The seven brothers meet Dracula »).
Autrement dit, même quand on s’appelle Coppola, tourner une énième version, même si c’est celle qui se veut la plus fidèle au livre de Bram Stoker, constitue en soi un sacré challenge. Avec en filigrane quand Coppola débute le projet, l’ombre d’une des plus récentes, celle de l’allumé Werner Herzog avec dans le rôle de Nosferatu-Dracula rien de moins qu’un autre cramé notoire, Klaus Kinski.
Oldman et Reaves, ombres et lumières
Pour faire le grand film dont il rêve (hum, vraiment, n’est-ce pas plutôt un « divertissement » pour un Coppola qui n’a plus rien à prouver après les trois volets du « Parrain » et « Apocalypse now »), s’il a certes un scénario tout écrit depuis des décennies, se doit de trouver un casting qui tienne la route et de signer une mise en scène qui fasse date. A ce stade, il y a deux façons de juger ce film. Soit on fait abstraction de tous ceux d’avant, et le « Dracula » de Coppola est génial. Soit on  garde en tête tous ceux qui l’ont précédé, et là, ça coince quand même un peu (beaucoup ?).
Le casting de Coppola, c’est l’auberge espagnole, savant mélange de valeurs confirmées (Hopkins en professeur Van Helsing) et de jeunes premiers « dans le vent » (Winona Ryder et Keanu Reaves, en amoureux maudits). Pour le rôle-titre, un acteur-performer, l’Anglais Gary Oldman (Monsieur Uma Thurman à la ville à cette époque-là). Tous ayant eu les mois précédents des films qui ont cartonné au box-office (« Le silence des agneaux », « Edward aux mains d’argent », « My own private Idaho », « JFK »). Plus en guest la figure pittoresque de Tom Waits dans une de ses plus mauvaises performances, et une apparition tous tétons en avant d’une Italienne débutante, Monica Belucci ... Alors que ce n’était peut-être pas le but recherché, ce sont les anciens Oldman et Hopkins qui bouffent les minots Reaves et Ryder. Oldman est étonnant, livrant une performance très « maquillée », un moment multi centenaire, la scène d’après en aristo séducteur, plus tard un loup-garou ou une chauve-souris, voire même un nuage vert (non, là c’est pas lui …). Du coup Hopkins (qui d’après les bonus m’a l’air aussi allumé à cette époque qu’un Nicholson des grands jours) y va à fond et campe un Van Helsing possédé ( ! ) et truculent et crève littéralement l’écran, alors qu’il n’apparaît pour la première fois à l’image qu’au milieu du film. Les deux minots souffrent de la comparaison, surtout Keanu Reaves, que l’on sent bien en-dedans, bien transparent dans cette affaire. Quant à Winona Ryder, elle s’en sort un peu mieux, en beauté languide diaphane, même si cette performance à la  Blanche-Neige (voulue par Coppola ?) me semble un peu too much …
Winona Ryder
Malgré son talent, on sent quand même Coppola gêné aux entournures. Que montrer qui n’ait pas été vu des dizaines de fois par les cinéphiles et les Dracula fans ? Du gore à tous les étages ? Même si les jets d’hémoglobine ne le rebutent pas, c’est pas trop son truc à Coppola. Et puis, malgré cette adaptation qui se veut fidèle du roman, tout de la saga centenaire de Dracula est déjà connu, vu et revu. Sauf peut-être les origines de la légende, le combat du comte Dracula contre les envahisseurs Turcs au XVème siècle. Ce qui donne lieu à une intro de film très réussie et qui aide pas mal à faire passer la pilule du reste. D’autant que cette quête éternelle de l’amour perdu va constituer la trame essentielle du film de Coppola. Le Dracula de Coppola est un vampire amoureux, poursuivant de ses assiduités l’image de sa fiancée au travers des siècles, un immortel qui se meurt d’amour. Cet aspect du personnage, rarement mis en avant dans les films précédents, maintient la production Coppola à flot.
Visuellement, ce film est décevant. Non pas parce que c’est filmé avec les pieds (pas le genre de la maison), mais parce qu’il y a là un univers que Coppola ne maîtrise pas. Faire du gothique, ça marche quand c’est Tim Burton (ou Murnau) derrière la caméra, mais là on sent vraiment que c’est pas son univers. D’autant que Coppola reste le cul entre deux chaises, s’aventurant par moments dans des trucages tout numérique, le coup d’après utilisant des décors ultra cheap très Hammer style (c’est tellement grossier que c’est évidemment fait exprès), mais pourquoi ne pas avoir choisi, pourquoi alterner high tech et trompe-l’œil des années cinquante ? En fait, ce qui s’imprime le plus dans les rétines, ce sont les costumes (œuvre du créateur japonais Eiko Ishioka), tellement explosifs en couleurs qu’ils aident à masquer la faiblesse des décors (la première apparition de Dracula avec sa gigantesque cape rouge, on croirait qu’il arrive du carnaval de Venise …).
Anthony Hopkins
Le « Dracula » version Coppola me laisse une impression mitigée, comme une irruption dans un univers qui n’est pas le sien, dont il ne maîtrise pas tous les codes (un autre exemple, la chanson de générique par Annie Lennox, qui force sur le côté gothique théâtral, alors que c’est pas les « vrais » musicos gothiques qui manquaient à l’époque). Coppola passe son temps à reprendre les codes des autres (les ombres démesurées de Murnau, les décors de la Hammer, au milieu d’une surenchère de fumigènes et autres effets de brouillard…), et même si c’est forcément le personnage central du film, « sacrifie » son casting au profit de Dracula. Mais malgré ses efforts et son talent (et celui d’Oldman), je ne suis pas persuadé que le Dracula de Coppola fasse oublier les interprètes « historiques » du rôle, les Christopher Lee, Lon Chaney, Bela Lugosi, …
Perso, je vois ce film comme une récréation un peu bâclée.

Ça n’a pas été l’avis du public, qui en fait une des grandes réussites commerciales de Coppola …

Du même sur ce blog :
Le Parrain 2


TERRENCE MALICK - LA LIGNE ROUGE (1999)


Poetic War ...
Terrence Malick est un réalisateur unique, rare et précieux. Qui a réussi le challenge peu évident de faire l’unanimité de la critique et du public pour ses deux premiers films, « La balade sauvage » (« Badlands ») et « Les moissons du ciel » (« Days of heaven »). Deux films totalement, viscéralement américains et en même temps complètement universels. Deux films sortis au milieu des années 70, et puis plus rien. Silence radio pendant vingt ans, loin de toute agitation médiatique.
Terrence Malick
Et puis, alors que plus personne ne l’attendait ou ne l’espérait, circulent dans la seconde moitié des années 90 les rumeurs les plus folles et invraisemblables. Terrence Malick serait à nouveau derrière la caméra en Australie, tournant un film sur un épisode de la Seconde Guerre Mondiale. Malick ? Film de guerre ? Malick, le poète égaré derrière une caméra, le seul type au monde capable de filmer le vent et les rayons de soleil, mettant en scène des Marines ? Etrange, curieux, voire un non-sens total. C’était oublier le talent du bonhomme. « La ligne rouge » est un des plus fantastiques films de guerre jamais tournés, qui joue dans la même cour que « Apocalypse now », « Voyage au bout de l’enfer », « Requiem pour un massacre », … tous ces films atypiques et antithèses des superproductions grandioses et patriotiques à la « Le jour le plus long ».
« La ligne rouge » est un film de guerre poétique et écolo. Un paradoxe total en 24 images/secondes. Une fresque sur l’Homme, la guerre, la vie, la mort, la nature. Un film qui réussit l’exploit de partir dans tous les sens tout en restant fidèle à un scénario, tiré d’un bouquin d’un ancien Marine, James Jones, sur la bataille de Guadalcanal. Guadalcanal, c’est un (gros) caillou tropical de l’archipel des Îles Salomon, îles qui furent le siège de batailles décisives fin 1942, qui virent pour la première fois depuis Pearl Harbour, les troupes japonaises reculer devant les Américains. Trente sept mille morts (dont les trois-quarts de Japonais) en quatre mois. Malick n’esquive pas la partie « militaire » de l’affaire et enchaîne des séquences qui n’ont rien à envier au début de « Il faut sauver le soldat Ryan » la grand-fresque guerrière de Spielberg sortie six mois plus tôt.
Jim Caviezel
Quasiment la moitié du film nous montre l’assaut d’un régiment de Marines sur un bunker japonais situé tout en haut d’une colline envahie de plantes tropicales de la hauteur d’un homme (en réalité des cannes à sucre). La moitié du casting va laisser la peau dans la bagarre. Malick filme cet assaut d’une façon unique, jamais vue. Grâce à une caméra munie d’un bras télescopique de 25 mètres (la grue Akela), le spectateur est au cœur de la baston, rampe à côté des soldats, voit les types se faire mitrailler à ses côtés. Un résultat totalement immersif, obligeant à un déploiement technique et des répétitions interminables et millimétrées… un autre aspect de la façon de travailler de Malick, qui a épuisé tout le casting et tous les techniciens du tournage (cinq cent personnes tout de même). Parce que Malick lors du tournage ne fait pas un film, il enregistre des images. Pour à peine moins de trois heures de « director’s cut », cent fois plus dormiraient sur des bobines, auraient été mis au placard lors du montage.
Ce qui évidemment a donné lieu à quelques crispations. Des acteurs (et pas des débutants, plutôt des types reconnus à l’ego gros comme un porte-avions) ont sué sang et eau pendant des mois (180 jours de tournage), pour juste faire de la figuration dans la version finale alors qu’ils croyaient avoir signé pour un rôle majeur. Plus célèbre frustré de « La ligne rouge », Adrian Brody, présent au maximum cinq minutes en arrière-plan et qui a droit à deux lignes de dialogue. Egalement sous-utilisés lors du montage final des gens comme John Travolta ou George Clooney. Vainqueurs du jackpot, Nick Nolte, Elias Koteas et surtout le peu connu Jim Caviezel dont son personnage, le soldat Witt est peu ou prou le personnage central du film.
Nick Nolte & John Travolta
Malick est un perfectionniste. Les scènes « militaires » ont été tournées en Australie, où a été construit un véritable camp d’entraînement pour les acteurs. Des acteurs placés dans des conditions extrêmes, physiquement très éprouvantes, qui ont du conserver pour la véracité des scènes les mêmes tenues pendant des semaines sans les laver. Seul détail qui a échappé au staff technique, et dont s’amusent les intervenants dans la section bonus : les grenades fournies sont jaunes, or il n’y a jamais eu de grenades jaunes dans l’armée américaine. Malick était tellement perfectionniste qu’il a douté sur ses capacités à bien filmer les scènes d’action. Il a un moment songé à les faire tourner par la seconde équipe, alors que lui irait shooter des animaux, des arbres, des couchers de soleil, des villageois mélanésiens. Malgré tout, « La ligne rouge » est un film « à l’ancienne ». Aucune retouche numérique, sauf dans les scènes navales, quelques barges et quelques nuages « rajoutés ». Et la quasi-totalité des scènes filmées en lumière naturelle.
Mais Malick est surtout, comment dire, « ailleurs ». Les scènes de combat lui servent aussi à montrer « autre chose ». Dans les séquences purement militaires, lui continue de filmer là où les autres réalisateurs s’arrêtent. Il nous montre des « vainqueurs » hagards, hébétés, abattus, surpris d’être encore en vie, et des vaincus totalement désorientés, pleurant et priant à demi-nus … et puis, au milieu de cette pluie de fer, de feu, d’acier et de sang comme disait Prévert, la caméra de Malick s’attarde sur ces cannes à sucre qui ondulent sous le vent, cette lumière irisée par les frondaisons de la jungle, … Ce qui à un moment donne lieu à un plan fixe d’anthologie plus parlant que des centaines de milliers de  dollars claqués en effets pyrotechniques, ce rayon de soleil qui passe à travers ces feuilles d’arbuste criblées de mitraille … Malick filme les paysages comme personne, il trouve des cadrages d’une précision mathématique absolue et en même temps d’une poésie irréelle. Esthétiquement, « La ligne rouge » est un choc visuel total, où alternent sauvagerie des hommes (mais pas tous, on voit des enfants mélanésiens jouer, rire, se baigner) et beauté de la nature (mais pas dans le sens Yann Arthus Bertrand du terme, si vous voyez ce que je veux dire). C’est ce contraste qui se révèle totalement saisissant et fait de « La ligne rouge » un film totalement à part, un mix envoûtant de poésie et de bestialité, assez proche finalement dans l’esprit de « La nuit du chasseur » de Charles Laughton (lui aussi un « atypique » peu prolixe, puisqu’il n’a tourné que ce film).
Sean Penn
Malick fait de « La ligne rouge » une leçon dans l’art de jouer sur les contrastes. La nature et les paysages idylliques opposée à la folie meurtrière des hommes. Sans cependant tourner à la béatitude neuneu. La nature peut être dangereuse (le premier plan du film nous montre, allez savoir pourquoi, un crocodile partant se baigner dans une eau verdâtre, les acteurs qui rampent doivent en plus des faux-Japs, se méfier des vrais serpents), et les hommes ne sont pas tous mauvais. Ainsi, au début du film, Caviezel est un quasi déserteur, qui face au feu, se mue en samaritain, mettant sa vie en danger pour épargner celle des autres. Son supérieur (joué par Koteas), est un réserviste, juriste de formation, capable de s’opposer à sa hiérarchie quand il s’agit d’éviter un carnage inutile parmi ses hommes. L’occasion de souligner la fantastique composition d’un Nick Nolte en colonel va-t’en-guerre, obnibulé par les médailles et les conquêtes, au mépris de la vie de toute la chair à canon qu’il a sous ses ordres. Malick se paye le luxe de ne pas définir des personnages caricaturaux à la hache, dont la plupart des productions du genre se contentent. Ici, de multiples discussions sont là pour sonder l’âme de tous ces personnages et un des plus présents (et remarquables) dans ces scènes « de divan » est un sergent joué par Sean Penn (avec des répliques du genre : « dans ce monde, un homme seul ne vaut rien … et il n’y a pas d’autre monde ») … sans qu’on puisse pour autant parler de film psychologique, on est quand même assez loin de Bergman …
Et puis, il y a trois éléments du film qui renforcent son impact.
Des voix off, dont on se sait jamais avec certitude de qui elles reflètent les pensées (Malick lui-même ? les protagonistes du film ?), agissant parfois comme des pensées-slogans chères à Godard (« C’est quoi cette guerre au sein même de la nature ? », « La guerre ne rend pas les hommes plus nobles, elle en fait des chiens, elle empoisonne l’âme »).
Du silence, quand les images suffisent à parler d’elles-mêmes, notamment quand les beautés naturelles (oui, les femmes aussi) mélanésiennes sont mises à l’écran. Anecdote : on voit dans une scène Caviezel discuter avec une jeune femme qui tient un enfant dans ses bras, les deux ont l’air mal à l’aise, gênés, multiplient les silences. Cette scène a été tournée aux Îles Salomon, il s’agit d’un dialogue de politesse, la femme ne fait absolument pas partie du casting, la séquence est totalement improvisée et Malick ce fou du montage (celui de « La ligne rouge » a duré un an et demi), ce perfectionniste maniaque, capable d’imposer à son équipe des dizaines de prises exténuantes, a gardé ce dialogue spontané et imprévu au final.
La guerre vue par Malick
De la musique, qui a peu à voir avec les fanfares militaires. Des chants mélanésiens et le Requiem de Fauré en conclusion, ce qui relève somme toute de la logique. Mais surtout une partition exceptionnelle de Hans Zimmer, pourtant un habitué des B.O. de films à budget gigantesque, et qui des années plus tard, parle avec des trémolos dans la voix du challenge qu’a représenté pour lui de hisser sa musique au niveau des images qu’il voyait à l’écran (Malick, lui, pendant le montage, écoutait en boucle les punks d’opérette Green Day !). Il y a notamment lors de l’assaut final du campement japonais un accompagnement musical totalement inouï (au sens premier du terme) de Zimmer, renforcé par des bruitages électroniques d’une sorte d’anachronisme vivant, un vieux hippie qui vivait dans le coin au milieu de ses tonnes de synthés seventies, un type absolument pas prévu de quelque façon que ce soit au générique, et qui s’est retrouvé à bosser sur la musique du film…

Quand je vous disais que « La ligne rouge » est plus un poème qu’un film …



PIXIES - BOSSANOVA (1990)

Sitting on the top of the world ...
Y’en a pas beaucoup des groupes, peut-être une paire de poignées au maximum, qui à un moment se sont retrouvés dominant tout le reste du troupeau de la tête et des épaules. Pour moi, les Pixies ont fait partie de ces Elus, quelque part vers la fin des années 80 et le début des années 90. Les Pixies ont redonné à ceux qui les écoutaient … plein de choses et de sentiments diffus, des petits frissons le long de la colonne vertébrale, aussi l’espoir … que le rock pouvait se régénérer et non plus dégénérer en laissant le devant de la scène à de cyniques bateleurs juste là pour la thune, tous ces ersatz de chanteurs et de musiciens qui paradaient au sommet des fuckin’ Top 50 et passaient en heavy rotation sur MTV.
Black Francis
Mais les Pixies, c’est pas un conte de fées, l’histoire qui finit bien du vilain petit canard qui se transforme en cygne majestueux… Non, les Pixies, ils ont vendu des nèfles, et se sont sabordés dans une ambiance et une atmosphère délétères. Et ils ont jamais été glamour pour deux sous …  N’empêche … Ce « Bossanova », je vous le dis ma bonne dame, c’est quand même quelque chose, des skeuds comme on aurait aimé en entendre plus souvent …
Parce là, avec « Bossanova », les Pixies ont tout donné, sont allés aussi loin que possible. Certes, ce devait pas être leur label, 4AD, un des plus exigeants en termes de qualité artistique, qui leur foutait la pression pour faire du chiffre de vente. Les Pixies ils aimaient peut-être bien passer pour le groupe le plus cool de la Terre, mais bon, il serait rentré un peu de thune dans la lessiveuse, ils s’en seraient pas offusqués. Les réputations en béton, c’est bien joli, mais quand t’envisages de peser cent cinquante kilos comme Black Francis, faut aussi de quoi becqueter… Tout çà pour dire que quand « Bossanova » est sorti, et croyez-moi, j’y étais, certains prétendus fans ont fait la grimace, et lâché l’insulte suprême : « commercial »… Bande de sourds … Z’avez rien compris, ni aux Pixies, ni à la zique, ni au wokanwol … z’avez rien compris à rien, d’ailleurs, tas de nazes …
Kim Deal
Parce que je vais vous dire, les quatre premiers cons venus, ils foutent le museau dans le manche de la gratte et les potards de l’ampli sur onze, et ils feront du boucan. Y’aura juste un problème quand il faudra passer à l’écriture des chansons. Des frangins Bruitos tendance hard(core), c’en est plein les encyclopédies du rock. Au mieux sympathiques le temps de trois titres, au pire inécoutables. Les Pixies viennent pour une grande part de ce monde-là, le hardcore, Sonic Youth et Hüsker Dü. Les Pixies sont sortis du lot, parce que à l’instar des New-Yorkais arty et des défoncés de Minneapolis, ils ont été capables d’écrire des putains de grandes chansons, des trucs que tu les entends une fois et qui te restent à vie dans la tête. En plus les Pixies ils ont su faire ça quasiment d’entrée, sans passer par la case de la demi-douzaine de skeuds « difficiles » comme les deux autres.
Et là, avec « Bossanova », ils sont pour moi à leur sommet. La maîtrise totale du « quiet-loud » qui a fait la fortune de Nirvana et autres grungeux et indie-poppeux à guitares en avant, et dont beaucoup se seraient contentés. Mais les Pixies c’est beaucoup plus que çà. La voix lead ou les chœurs de Kim Deal confèrent à tous les titres sur lesquels elle intervient une douceur éthérée qui vient se fracasser sur les couinements et hurlements de goret de Black Francis ou sur les guitares tronçonneuse-perceuse du métèque Santiago (rappelons que ce basané, cofondateur du groupe avec le gros, tient toute l’architecture sonore des Pixies avec sa gratte). N’oublions pas non plus qu’un lustre avant les BO de Tarantino, les Pixies foutaient de la surf music partout sur leurs disques, et « Bossanova » n’échappe évidemment pas à la règle (l’instrumental « Cecilia Ann », un peu plus loin « Ana »).
Joey Santiago
Tout ça, perclus de gimmicks insensés (que ceux qui ne sont pas foutus de trouver un truc pour rendre intéressant un morceau s’envoient « Dig it for fire » il y a dans les arrangements hallucinants de ce seul titre matière à publier un double-album), de poussées de fièvre tachycardiques (le frénétique « Rock music », « Hang wire » passerelle entre hardcore 80’s et grunge 90’s), de mélodies dignes de la sunshine pop (« Velouria »), et surtout, surtout, de ces choses curieuses et inimitables qui n’appartiennent qu’aux Pixies.
« Is she weird » invente et définit l’indie-rock des décennies à venir, « All over the world » est une construction pop à deux voix qui semble venir en droite ligne des sixties mélodiques, « Stormy weather » m’a toujours fait penser aux Beatles du Double Blanc (pourtant pas une référence mise en avant par le gros et la toxico), en fait faudrait les citer quasiment tous tant ce disque part dans tous les sens, les merveilles succédant aux merveilles. Les grincheux auront beau jeu de noter que « Blown away » évoque fortement « Gouge away » (et pas seulement par son titre), ne manqueront pas de signaler que ce « Bossanova » a été, comme le reste de la disco du groupe, un flop commercial, et qu’on n’y trouve pas l’ombre d’un de ces immenses hits underground tardifs comme l’ont été « Where is my mind » ou « Monkey gone to heaven ».
David Lovering

Il n’empêche que des gens qui ont le bon goût de s’inspirer avant Cobain (décidément) du « The man who sold the world » de Bowie (sur « All around the world »), qui truffent les textes de références débiles de science-fiction bas de gamme, qui présentent le plus beau quarteron de moches jamais réunis dans un même groupe (oui, Kim Deal était « cool », mais assez loin physiquement de Debbie Harry, si vous voyez ce que je veux dire), ben ces gens-là, ils avaient tout pour se vautrer en beauté. Ce qu’ils ont évidemment fait. Mais en laissant derrière eux une poignée de disques cruciaux dont « Bossanova » constitue pour moi le fleuron.

Des mêmes sur ce blog :


LARS VON TRIER - BREAKING THE WAVES (1996)

Un mélo ?
Oui, si on s’en tient à la plupart des définitions reconnues du terme. Sauf que quand c’est signé Lars Von Trier, faut prendre quelques précautions avec ce terme.
Même si le Von Trier des années 90 ne l’ouvre pas encore à tout bout de champ pour dire des conneries (ou pire), il est déjà perçu comme quelqu’un de « difficile ». Le Dogme dont il est la figure de proue ne présente pas des œuvres à se taper sur le bide tellement c’est drôle, et les trois-quatre films que Von Trier a réalisés jusque-là n’ont guère fait tinter les caisses enregistreuses du box-office. En 1996, Von Trier, c’est dans le meilleur des cas assimilé à du film d’auteur (très) chiant.
« Breaking the waves » marquera un tournant dans sa carrière, dans la mesure où il sera globalement bien noté par la critique et touchera le « grand public ». Il va aussi entamer une sorte de cycle pour son auteur qui va dès lors symétriquement alterner films « faciles » (« Breaking … », « Dancer in the dark »), avec des choses beaucoup plus austères, rêches et agaçantes, voire dérangeantes (« Les idiots », « Dogville »).
Von Trier, Skarsgard & Watson
« Breaking … » n’est pas vraiment une rupture par rapport au Dogme. L’image est jaune, baveuse, à chier, et le meilleur lecteur de Dvd n’y pourra rien (d’ailleurs le film n’existe pas en BluRay, à quoi servirait une telle version ?). C’est la plupart du temps (toujours ?) filmé caméra à l’épaule, et Von Trier n’hésite pas à donner le rôle principal à une totale inconnue (Emily Watson). 
L’histoire principale, beaucoup en auraient fait un tire-larmes vite oublié. Une jeune fille coincée s’entiche d’un ouvrier qui travaille sur une plate-forme de forage. Mariage expédié, découverte de l’amour physique, et le mari se ramasse un trépan sur la tête qui le laisse dans un très sale état. L’amour et la foi de sa femme le sauveront-ils ? Un scénar tout juste bon à faire du sous Douglas Sirk…
Seulement Von Trier (co-auteur du scénar) fait de quasiment tous les protagonistes du film des gens un peu (ou beaucoup) sur le qui-vive mental. Emily Watson / Bess est issue d’un milieu religieux très strict (des Ecossais calvinistes ou un truc du genre, en gros des Mormons européens), elle a fait quelques séjours en hôpital psy (peut-être à cause de la mort de son frère), vit sous la tutelle d’un grand-père obnubilé par la religion, d’une mère qui ne la comprend absolument pas, et d’une belle-sœur, infirmière, veuve, asexuée et poursuivie par un besoin permanent de rédemption et de salut des autres. Son mari Jan (le peu connu Stellan Skarsgard), se sert de son infirmité (plus ou moins tétraplégique) après l’accident pour exercer un contrôle mental total sur sa femme et par ses ordres ou ses suggestions scabreuses lui fait gravir un chemin de croix où alternent phases de mysticisme aigu et prostitution de plus en plus glauque. Les autres personnages (ils sont nombreux, le film dure plus de deux heures et demie), bien que tous rattachés à l’histoire principale, présentent tous des tares plus ou moins apparentes qui les empêcheront de lui donner une issue favorable.

Parce que « Breaking the waves » est un film noir dans le propos, qui fait se succéder les situations dérangeantes dans une intrigue dont l’issue se révèlera inéluctable. Il y a un côté tragédie antique dans « Breaking … », la plupart des personnages se tracent un destin, un mode de vie et n’en dévient pas quoi qu’il puisse arriver. Même si tous sont finalement beaucoup plus pathétiques et minables que grandioses. « Breaking the waves » est un mélo qui assassine le mélo. C’est aussi un pamphlet antireligieux féroce, avec la multiplication des scènes de « prière » d’une Bess à la dérive mentalement qui dans l’église se fait les questions et les réponses pour trouver un justificatif à ses choix et ses actions, croyant qu’elle est en train de dialoguer avec Dieu, avec les visions de cette communauté religieuse coupée du monde réel, perdue dans son patriarcat mystique (ils bannissent Bess puis la proclament maudite une fois morte, pensant à sauver leur âme plutôt que de voir la responsabilité qu’ils portent). Les gens « normaux », censés représenter l’élite ne valent pour Von Trier guère mieux. Ils sont ici représentés par le milieu hospitalier (les débuts de Von Trier ont souvent un rapport avec ce milieu, il a commencé avec une série télévisée « L’hôpital et ses fantômes »), où travaillent la belle-sœur de Bess (qui voit, devine, comprend mais se tait) et un jeune médecin, lâche plus souvent qu’à son tour et qui finit par se liquéfier devant le tribunal.
« Breaking the waves » pourrait être un film génial. Pour moi, il n’est que bon (ou très bon, on va pas chipoter…). C’est le parti-pris de Von Trier d’en faire et d’en montrer trop sans beaucoup de discernement qui finissent par gêner. Sans cesse sur le métier il remet son ouvrage, avec des scènes, des situations, qui reviennent sempiternellement comme un mantra. On a parfois envie de lui dire que ouais, bon, ça va, on avait compris où tu voulais en venir, t’es juste un peu lourd, là, maintenant. Le pire est pour moi la dernière bobine, où après bien plus de deux heures noires, on bascule tout à coup dans l’allégorie à deux balles, avec ce cadavre dérobé qu’on immerge et ces cloches qui se mettent à sonner tout là-haut dans le ciel …

Oh, Lars, t’avais des regrets, quelque chose à te faire pardonner par avance ? Quand on va dans le noir, on fait comme les personnages de ton film, on y va jusqu’au bout, on n’esquive pas, on ne cherche pas la porte  de sortie mystique …
Parce que Von Trier pouvait s’appuyer sur des acteurs qui bien que peu connus ou débutants y vont à fond. On sent tout cela, cette implication, ces scènes et mimiques mûrement répétées, malgré le côté technique dilettante dans la réalisation. Les deux femmes se taillent la part du lion et crèvent l’écran dans des rôles que pour faire simple on qualifiera de compliqués. Si Emily Watson a recueilli les suffrages, la peu connue et trop vite disparue Katrin Cartlidge (sa belle-sœur dans le film) est d’une justesse et d’une sobriété remarquables dans un rôle pourtant ingrat de femme effacée et introvertie.
Bizarrement, alors que le film n’est pas vraiment rock’n’roll ni par le fond ni par la forme, ce sont de grands classiques rock de la fin des 60’s – début 70’s qui rythment le début des chapitres de l’histoire, qui servent autant à présenter les « époques » que de servir de stations au chemin de croix de Bess. Rappelons qu’à l’origine, la musique extérieure était bannie par le Dogme, la bande sonore  d’un film ne devant comporter que bruits extérieurs et dialogues des acteurs. Dans « Breaking the waves », on peut entendre des oldies signées Procol Harum, Deep Purple ou Elton John …
Lars Von Trier donne avec ce film l’impression de devenir conventionnel. Ce qui au vu de ce qui suivra, n’était pas forcément l’effet escompté …

Du même sur ce blog :



ERIC ROHMER - CONTE D'HIVER (1992)

Félicie aussi ?
Bon, Rohmer, c’est pas un joyeux … une sorte de Leonard Cohen a qui on aurait refilé une caméra if you know what I mean … Rohmer, à la louche, c’est triste et austère, et c’est pas ses films qu’une major du cinéma va remastériser en version 3D.
D’ailleurs, Rohmer, c’est un indépendant, dès qu’il a eu quatre ronds, il a monté sa propre maison de prod, nommée avec beaucoup d’imagination Compagnie Eric Rohmer. Rohmer, il est connoté Nouvelle Vague. Pour plein de raisons, généralement bonnes. Et même lorsqu’avec le temps, tous les tics chers aux Godard, Truffaut, Rivette, …, s’estomperont de son œuvre, il en restera toujours quelque chose. Comme dans ce « Conte d’hiver ».
Eric Rohmer 1992
Ce qui distingue Rohmer, c’est que toute sa vie il a essayé de mettre sur pied une filmographie structurée, mettant en place des thématiques qu’il développera sur plusieurs films (Contes moraux, Comédies et proverbes, Contes des quatre saisons). Rohmer veut dire des choses en images. Sans tomber dans le cinéma dit social. Rohmer, c’est pas du cinéma-vérité, et pour bien le faire comprendre, plusieurs de ses films ont dans leur titre « Conte ».
« Conte d’hiver », c’est l’histoire de Félicie et de ses amours. Une histoire totalement invraisemblable, mais « réaliste ». Elle commence de façon idyllique sur les plages bretonnes (quand je vous disais que Rohmer c’est pas un joyeux, qui, à part un bénéficiaire des minima sociaux déprimé a envie d’aller passer ses vacances sur un plage bretonne, hein ?), théâtre des amours adolescentes de Félicie et Charles. Très cons, les deux tourtereaux ne prennent pas le temps de se donner leur nom, et au moment de la séparation, Félicie se trompe en donnant son adresse ( !! ), confondant Courbevoie et Levallois (c’était avant les Balkany, les funestes Rapetou de banlieue, sinon, putain, tu risques pas de l’oublier que t’habites à Levallois …).
Levallois ou Courbevoie ?
Cinq ans plus tard, elle élève la fille née de cet amour, rêvant toujours de retrouver le père. Tiraillée entre deux types, Loïc, un bibliothécaire cérébral (avec la même tête que le dispensable Alexandre Jardin jeune) chez lequel elle vit, et Maxence, un amant coiffeur chez lequel elle travaille. C’est finalement avec le Figaro qu’elle partira bosser en province, à Nevers. Certainement pas un hasard, le choix de Nevers, c’est aussi le lieu du flashback du « Hiroshima mon amour » de Resnais. Cette escapade amoureuse provinciale ne durera guère, Félicie reviendra au bibliothécaire, avant, le soir du Nouvel An, de retrouver par hasard Charles dans un bus et de continuer avec lui son histoire d’amour interrompue …
Félicie et Maxence à Nevers ...
Autrement dit, le scénario est très con(te), mais c’est écrit dans le titre. Alors, pourquoi passer un peu plus d’une heure et demie à mater « Conte d’hiver » ? Parce que sous ses aspects j’menfoutiste (l’image est terne, froide, et les amateurs de grands mouvements de louma sont priés de passer leur chemin), Rohmer sait tenir une caméra qui va au fond des yeux et de l’âme de ses acteurs (pas non plus de scope en décors naturels grandioses, y’a une longue discussion filmée à l’intérieur d’une Renault 19 Chamade, c’est dire si c’est pas glamour). Rohmer s’en fout un peu de son histoire, ce sont les êtres qui la vivent qui l’intéressent. Même s’il n’en perd pas le fil (on n’est pas chez Godard), l’histoire ou le conte devrait-on dire, n’est que la trame, passant quelquefois au second plan du film. Rohmer nous « montre » ainsi une longue scène théâtrale du « Conte d’hiver » de Shakespeare (celle de l’être aimé que l’on croyait mort et qui renaît) et un long débat mystique sur l’immortalité de l’âme (dans la R 19). Manière de montrer que la marque de fabrique et l’esprit de la Nouvelle Vague ne l’ont pas quitté. Nouvelle Vague aussi, le jeu très théâtralisé des acteurs (la plupart des amateurs inconnus et qui le resteront) desquels ressort Charlotte Very (Félicie) qui a également peint l’affiche du film …

« Conte d’hiver » est une des œuvres les plus connues de Rohmer, « vivante » malgré son scénario amorphe, un peu trop « jolie » et tire-larmes dans son final téléphoné … Assez loin toutefois du film qui reste pour moi sa masterpiece « Ma nuit chez Maud », où là, il y avait de grands acteurs (Trintignant, Fabian, …).


JIMMY PAGE & ROBERT PLANT - NO QUARTER JIMMY PAGE & ROBERT PLANT UNLEDDED (1994)

Dead Zeppelin ?
Rarement disque aura été glissé aussi fébrilement dans le lecteur Cd. Putain, Jimmy Page et Robert Plant … Qui plus est ensemble … Les deux frontmen de Led Zep, paraît-il pas vraiment les meilleurs amis du monde. Mais Led Zep, enfin, Led Zep, merde quoi …
Led Zep, la plus sacrée des Vaches Sacrées, LE groupe des années 70. Celui qui les symbolise le mieux. Celui qui a poussé au paroxysme le rock’n’roll circus et tous les excès musicaux et extra-musicaux qui vont avec. Led Zep … le dernier groupe mythique de rock, tout simplement (et si quelqu’un me sort Mumuse ou Radiomachin, putain je lui arrache les yeux avec les doigts de pied …). Led Zep, disparu des écrans de contrôle à la fin des seventies, en pleine gloire et avant d’avoir été ridicule …

Alors pensez-donc tout ce qui peut passer dans la tête d’un mec dont le tout premier disque acheté est justement le 1er de Led Zep (non, pas quand il était sorti, mais trois-quatre ans plus tard, je ne suis pas aussi grabataire que çà, faut pas déconner quand même …) au moment où va commencer la lecture de la rondelle argentée …
Imaginez aussi sa tronche au bout d’une heure vingt … Putain mais c’est quoi ce bidule ? Ils se foutent de la gueule du monde les deux vieux chevelus avec leurs orchestres à cordes égyptiens, marocains, et le London Philarmonic Machin ou un truc de ce genre. Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre, de ces métèques gardiens de troupeaux de chèvres dans le désert et de leurs ouds, bendirs et je sais plus quoi ? ou des concertistes de violoncelle pour noblesse anglaise consanguine ?
Bon, il aurait convenu de raison garder, se méfier, parce que Plant se prenait depuis quelque temps pour le sosie de Peter Gabriel  et de sa world music, et que Page, empâté et embouffi tel un Elvis à Gibson ne faisait plus rêver avec ses derniers skeuds les apprentis branleurs de manche … Mais de là à revisiter le patrimoine sacré en mode bouzouki, y’avait des limites. Ce « No quarter … », c’est un peu un « Songs remains the same » bis, un truc que t’attends comme le Messi, et puis tu te retrouves avec Gignac … « No quarter … », il a été enregistré live … enfin, j’en sais rien, on dirait, en tout cas on entend des gens applaudir et …
Bon, faut quand même préciser avant que les torgnoles tombent de tous les côtés, qu’il est pas si mauvais que ce que ma prose agile pourrait faire croire. Assez digne même, et dans l’ensemble moins risible que ceux des contemporains de Page et Plant (Paulo, Mick, Keith, Roger et Pete, pourquoi vous toussez ?). Mais de là à me joindre à la secte des adorateurs béats qui ont tressé des couronnes à cette rondelle, faut pas pousser …
Plant, il a perdu au moins cinquante octaves, incapable de monter dans les aigus. Même Mylène Farmer ou Daho n’en voudraient pas comme choriste. Et Page, il est où, le guitar hero ultime des années 70 ? Quand il est le meilleur, c’est quand il joue de la mandoline sur « The battle of evermore », comme par hasard aussi le meilleur titre du Cd. Et même s’ils ont remplacé Sandy Denny (bon, ils ont quelques excuses, vu qu’elle était morte depuis bien vingt cinq ans) par une certaine Najma Akhtar qui s’en sort pas si mal que çà, dans cette ambiance nord-africaine qui se superpose et remplace à la fois l’atmosphère celtique originale.
Page & Plant 1994 : ils ne vont même pas saccager cette chambre d'hôtel ...
Evidemment, Page et Plant, c’est que la moitié la plus voyante du Zeppelin. Ils ont oublié d’inviter John Paul Jones, qui aurait quand même pu les aider pour les arrangements (quand on lit que « No quarter … » est produit par Page et Plant, dans une formule qui sent la diplomatie juridique, tant le dernier nommé s’était toujours par le passé prudemment éloigné des consoles). Et puis, fallait pas compter sur Bonzo Bonham, toujours aussi mort, et remplacé ( ??? ) par le dénommé Michael Lee, sessionman certes connu, mais d’un académisme mortifère. Signe ultime du malaise musical, Page est secondé (comme si quand on s’appelle Jimmy Page on a besoin d’un clampin à la guitare rythmique) par le sieur Porl Thompson, dont la seule ligne de gloire sur le CV était d’avoir été un temps dans l’ombre gothique du Cure de Robert Smith … Tout ça pour dire que la moitié de Led Zep, ça peut pas faire Led Zep … alors pourquoi diable sur quatorze titres, en reprendre dix du Dirigeable ? La relecture world ? Ouais, si on veut, même s’il y a des blasphèmes qu’il ne faut pas proférer …
Quand cette pléthorique bande de zicos s’attaque à « Kashmir » (LE titre majeur du Zep, avec un Bonham stratosphérique en VO), ils ont beau l’étirer sur plus de douze minutes, multiplier les arrangements tarabiscotés, rien n’y fait, il manque le drive infernal de Bonzo, et là l’hymne himalayen accouche d’un volcan érodé auvergnat …
Les quatre inédits sont des titres à la gomme (forcément arabique) perclus de sonorités nord-africaines, comme quoi quand tu choisis un fil rouge un peu lourdingue, il te plombe tout un skeud. Parfois ça marche, notamment sur « City don’t cry », où Plant n’essaie pas d’atteindre des aigus de toutes façon maintenant inaccessibles, et où le chœur de voix arabes donne une impression de gospel musulman. Quant aux reprises de quelques classiques (ou pas) zeppeliniens, deux pistes semblent suivies. Soit on se colle au plus près de l’original avec les moyens du bord (exemple type « Since I’ve been loving you », avec un Page quelconque pour un titre totalement dénué de feeling, un comble pour l’épitomé du blues frotti-frotta 70’s), soit un déconstruit « world » (« Nobody’s fault … » avec un Plant à la ramasse vocalement).

Alors, Page et Plant, c’est pas honteux, c’est juste deux (déjà) veilles gloires qui venaient faire le buzz au milieu des mortelles années 90, avec une rondelle certes pas indigne, mais tellement loin de leurs fulgurances passées … Etre et avoir été …


k.d. lang - INGENUE (1992)

Préjugés ...
Ouais, les préjugés, je sais, faut s’en méfier … Mais elle, k.d. lang, y’avait tellement de choses extra-musicales qui revenaient sempiternellement, que bof, ça me donnait pas envie de m’intéresser à son cas … Son blaze orthographié sans majuscules (pourquoi ? m’en fous), son physique comment dire, ingrat, son look androgyne, les riot grrrls, la folkeuse à la lesbianité proclamée, les combats pour la cause homosexuelle, la Canadienne qui vient la ramener aux States … Je subodorais les pensums sonores austères et militants, et comment dire, j’avais déjà cotisé pour les bonnes causes musicales dont on ne peut décemment pas dire de mal, mais qu’on s’emmerde quand même à écouter …

« Ingénue », c’est à force de lire ici où là que c’était son chef-d’œuvre atypique, que je l’ai écouté. Presque à reculons, je le sentais pas, ce truc… Ben, je vais vous dire, ce disque, il est vachement bien. Pas chiant pour deux sous. D’abord la donzelle, elle a une sacrée voix. Chante bien des mélodies pas simples, sans en faire des tonnes. Et puis « Ingénue », c’est pas du folk. C’est … j’en sais rien, en fait. Il y a plein de choses, d’arrangements venus d’horizons divers … Plein d’instruments « additionnels » (violoncelles, cordes, clarinette, marimbas, accordéon, …) dont les death metalleux ignorent l’existence, des musiciens dont j’avais jamais entendu causer.
Ça reste homogène dans la démarche, tout en partant dans tous les sens, ça évoque plein de noms sans jamais donner l’impression de copie ou de plagiat. On pense tour à tour à Suzanne Vega, aux Cowboy Junkies, aux productions de Lanois, aux U2 de « Joshua tree », aux disques « difficiles » de Scott Walker, à Dead Can Dance, Elvis Costello, Chris Isaak, Jeff Buclkey … Et pas souvent à Roy Orbison, auquel k.d. lang a souvent été comparée …
Les chansons (malgré le côté un peu précieux, on est bien dans le format chanson, tout est dit en moins de cinq minutes) sont apaisées, un peu tristes mais pas pleurnichardes, évitent le côté lyrique pompier dans lequel tombent trop facilement les « grandes » voix. Et puis, mis à part une paire, ces titres ne sont pas prévisibles, linéaires, ils ondulent, bougent, évoluent, multiplient les points d’accroche sans jamais être racoleurs … de la belle ouvrage …
Bizarrement, alors qu’il y a quand même un petit côté arty-élitiste, cet « Ingénue » a cartonné grave en Amérique, bien aidé par le succès en single du titre le plus « facile », le petit rock mid-tempo « Constant craving ». Mais des choses comme « Miss Chatelaine » et sa base salsa discrète, la ballade « Still thrives …» avec son ambiance femme fatale de film noir, ou la majesté tout en finesse de « Season of hollow soul » (pour moi le sommet du disque) sont d’une évidence immédiate …

Me donne bien envie d’aller jeter une oreille sur ses autres disques. Malgré mes préjugés …


THE BEATLES - FREE AS A BIRD (1995)

Kill 'em all ...
Ouais, flinguez-les tous, dans le tas y’aura forcément les bons … les responsables de cette mascarade sonore parue sous l’intitulé Beatles. Bon, soyons clair, j’en ai rien à foutre des Beatles. Z’ont suffisamment de fans béats all around the world pour trouver des armées d’avocats prêts à défendre ce « Free as a bird », ils peuvent se passer de moi...
Et à propos d’armées d’avocats, j’aimerais savoir combien ont été mobilisés, combien de tomes de contrats léonins ont été nécessaires avant que paraisse … cette chose.
Pensez, mettre sur le marché UN titre inédit des Beatles, le plus grand groupe du monde etc etc …  Faut choisir, après consultation de plusieurs mages et marabouts réputés, lecture dans de la tripaille de volaille, du sang de mouton et observation du vol des autruches l’instant propice. Le moment retenu sera donc avant les fêtes de Noël (le disque qui sent le sapin à mettre sous le sapin), au vague prétexte que tout, tout, tout sur les Beatles va être disponible (les très inutiles coffrets « Anthology » que même Laurent Voulzy a pas dû écouter plus d’une fois). Et là, miracle, Tata Yoyo Ono retrouve une K7 sur laquelle son mec, le totalement mort John Lennon, avait enregistré un soir de cuite ou de déprime une mélodie à deux balles sur un puissant concept philosophique (« Free as a bird », tu la sens la puissance, hein, tu la sens la puissance de la métaphore ?). La veuve noire du binoclard (elle est créditée nulle part sur le Cd 2 titres, qu’est-ce qu’ils ont du casquer pour que son blaze soit pas écrit en gros !) donne généreusement la K7 (combien vous l’avez raquée, EMI, ça doit faire cher le kilo de dioxyde de chrome) au label des Beatles. EMI en parle aux survivants (enfin, à leurs avocats), et ô miracle, tous ces gens qui se détestent assez furieusement décident que oui, juste pour la beauté du geste et celle de l’art, les trois non-morts vont ensemble (hum, vraiment ensemble ?) travailler cette ébauche foireuse du Dakota man pour en faire, 25 ans après la dissolution, un nouveau titre des Beatles.
McCartney, Starr, Lynne, Harrison : les quatre pas très fabuleux ...
Sir George Martin, le producteur historique des Quatre quand ils étaient dans le vent, ne peut malheureusement pas participer. Officiellement, parce qu’il est quasiment sourd. En fait, il a dû un peu écouter la version brute de « Free … » et taper en touche, parce que le soi-disant sourd passera plus tard des années à remixer les bandes des Beatles pour l’édition remastérisée de l’intégrale en 2009. On réquisitionne alors son second de l’époque, Geoff Emerick, ingé-son attitré des studios Abbey Road dans les sixties. Mais pour que la fête (ricanements) soit  complète, quelque gros cigare a la lumineuse idée de faire chapeauter l’opération par le énième cinquième Beatles, fan number one du quatuor, le sieur Jeff Lynne des absolutely pénibles ELO, producteur de trucs de vieux pour un public de vieux (les Traveling Wilburys) ayant à cette époque le vent du succès en poupe. Résultat des courses : « Free as a bird » sonne comme un titre d’ELO, certainement pas comme un titre des Beatles. Des rumeurs prétendent même que perdant tout sens de la mesure et de la réalité, le perfide Lynne aurait profité de l’occasion pour glisser sa voix dans les chœurs, assouvissant ce qui était pour lui l’ultime fantasme : faire partie des Beatles. Je sais pas si c’est vrai et si les trois autres s’en sont aperçu …
Faut dire qu’ils donnent l’impression de s’en foutre comme c’est pas permis, Macca, Ringo et Harrison. Quoi que ce dernier fasse l’effort de jouer une partie de slide point trop honteuse, quasiment concernée. Mais les deux autres, ils se hissent péniblement au niveau de la démo de Lennon, totalement en roue libre. Faut dire que le niveau affligeant de la base sur laquelle ils travaillent doit pas trop les motiver.
La version (l’aversion ?) du single comprend une autre merveille digne du niveau des années 90, un chant de Noël raclure de fonds de tiroir, enregistré à l’occasion pour un 45T à destination exclusive du fan-club il me semble bien (ça faisait partie des avantages du club des supporters des Fab Four dans les sixties, eux mais aussi plein d’autres étant coutumiers du (mé)fait à cette époque-là). Ce « Xmas time (is here again) » est basé sur une mélodie riche de bien trois notes, et les lyrics doivent contenir au moins quinze syllabes. Bon, c’était pour le fan-club en 1967, fallait pas non plus s’attendre à quelque chose du niveau de « Penny Lane »…

Remarquez, le fan-club de 1995 est pas plus exigeant. Y’a plein de gens qui l’ont trouvé très bien, ce disque à deux titres …

Des mêmes sur ce blog :
The Beatles Again