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STRAY CATS - STRAY CATS (1981)

Rebirth of cool ...
Les Stray Cats, c’est la success story la plus improbable qui soit. Personne n’avait vu venir ça, personne n’y croyait. Même pas les Américains. Pourtant, plus américains que les Stray Cats et la musique qu’ils jouent, y’a pas. C’est le conte de fées de trois minots new-yorkais fans de rockabilly, qui en l’espace de quelques mois passent de l’anonymat total au statut de superstars en Europe et à la tournée des stades US en première partie des Stones.
Les Stray Cats procèdent de la même démarche que les punks. Halte à la sophistication, la surenchère technique, et aux budgets exponentiels de studio. Le truc des Stray Cats, c’est le retour-revival aux années 50 dans leur versant rock’n’roll. Ils ne proposent guère mieux que des gens comme Robert Gordon à New York (pourtant associé à l’ébouriffant guitar-hero Link Wray), ou Crazy Cavan en Angleterre, dont l’audience est confinée à une poignée de nostalgiques. Les têtes d’affiche punk elles-mêmes ont remis au goût du jour les classiques des pionniers, les Pistols reprennent Chuck Berry, Sid Vicious maltraite Eddie Cochran, le Clash revisite Vince Taylor, tout cela ne va pas plus loin que la citation, l’hommage référencé, et puis dans la plage suivante de leurs disques, ils passent à autre chose … Les Stray Cats, eux, vont sortir un disque totalement vintage dans l’esprit, entièrement dédié à la « cause » 50’s.

Les Stray Cats sont à fond dans le truc, pas un groupe formaté et préfabriqué. Leur leader évident, c’est le mignon guitariste ( il joue sur une Grestch, presque une évidence) Brian Setzer, que les plus érudits avaient remarqué sur une cassette-compilation « 5 X 2 » (allusion à un des premiers disques des Stones) publiée sur le petit label Red Star de Marty Thau (manager et patron de label de la fin de parcours des New York Dolls et du premier Suicide, on reste dans la « famille ») avec son groupe les Bloodless Pharaohs. Un groupe éphémère, mais qui sera la matrice après moult changements de noms et de line-ups des Stray Cats. Feront partie de l’aventure deux copains d’enfance de Setzer le batteur Slim Jim Phantom (kit minimaliste, il joue debout, non pas comme Moe Tucker du Velvet, mais comme le batteur des Blue Caps de Gene Vincent), et le contrebassiste (toujours le souci de l’instrumentation originelle du rock) Lee Rocker.
Chez eux à New York les Stray Cats jouent dans les bouges « historiques » du punk (CBGB, Max’s Kansas City), enchaînant les bides. Sur la foi de rumeurs (infondées) qui présentent l’Angleterre mûre pour un revival teddy boy, ils traversent l’Atlantique. Un parcours étrangement voisin de celui de Hendrix. L’homme de la situation à Londres pour le gaucher de Seatlle avait été Chas Chandler, bassiste des Animals devenu son manager et qui lui avait ouvert les portes des clubs du Swingin’ London. Pour les Cats, ce sera Dave Edmunds, guitariste des classic rockeux Rockpile. C’est lui qui produira en partie ce « Stray Cats ».
Le succès dépassera les espoirs les plus fous. Pas forcément grâce à la musique. Les Stray Cats bénéficieront essentiellement d’un look totalement inédit à cette époque où se multiplient en Europe les émissions télévisées sur le rock (par ici, Chorus présenté par Antoine de Caunes). Difficile de ne pas se faire remarquer quand on arbore bananes démesurées, Perfectos ou fringues vintage 50’s, creepers, … Toute une panoplie visuelle forte à une époque où l’image et l’apparence sont essentielles, et ce n’est pas pour rien que la mignonne frimousse de Setzer est souvent mise en avant. Les Stray Cats sont photogéniques, télégéniques. On les remarque, on parle d’eux, ils deviennent en Angleterre et en France une attraction branchée. Certains vont même écouter leur disque. Et s’apercevoir qu’il est très bon.
Savant mélange de reprises et de compositions originales qu’on a du mal à distinguer, et ça c’est déjà un exploit (mettez une reprise d’un oldies dans un skeud, il y a de bonnes chances qu’on ne retienne qu’elle). Mieux, les titres les plus connus de ce disque, ceux qui grimperont dans les hit parades européens (« Stray Cats » sera un bide colossal aux States) sont tous des originaux, qu’il s’agisse des deux locomotives du revival rockabilly (« Runaway boys » et « Rock this town ») ou de la ballade doo-wop jazzy « Stray Cat strut ». « Stray Cats » est un disque courageux, entièrement tourné vers la célébration de temps et de rythmes à la mode alors que Setzer et sa bande n’étaient pas encore ou tout juste nés. Douze titres, douze hymnes fifties. Pas de demi-mesure, aucun compromis, ça passe ou ça casse.

Setzer est un passionné de cette époque-là, un fonceur avec toute sa candeur quasi-adolescente. Il trouve en Edmunds un alter ego plus posé, plus méthodique. L’énergie débordante du groupe est superbement canalisée, le son n’est pas archaïque, ne copie pas Eddie Cochran, Carl Perkins ou le Johnny Burnette Trio. Les reprises ne sont pas des standards incontournables ( « Ubangi stomp » du second couteau de chez Sun Warren Smith doit être la plus « connue »). Mieux, les deux dernières présentes à la fin du disque ouvrent grand les portes vers d’autres espaces sonores. « My own desire » est une ballade up-tempo, qui permettra plus tard à Setzer d’exprimer ses talents de crooner. « Wild saxophone » annonce elle l’armada instrumentale swing du Brian Setzer Orchestra dans les années 90. Un Brian Setzer qui se révèle d’entrée comme un grand chanteur et qui laisse par moments filtrer tout son potentiel guitaristique dans des solos concis mais marquants.
Il y a juste dans ce disque une bêtise qu’on ne peut décemment pas passer sous silence, les paroles crétines, militaristes et réacs de « Storm the Embassy », titre inspiré à Setzer par l’affaire de la prise de l’Ambassade des Etats-Unis en Iran par une foule d’intégristes religieux (l’événement qui sert aussi de point de départ à l’excellent film « Argo » de et avec Ben Affleck).

Les Stray Cats vont très vite devenir un phénomène, entraînant dans leur sillage une multitude de groupes les copiant. Tous ces suiveurs disparaîtront aussi vite qu’ils étaient apparus. Les Stray Cats, eux, resteront. Même si l’existence du groupe sera brève (deux-trois ans), chacune de ses nombreuses reformations sera un succès populaire, preuve qu’ils avaient du talent et étaient bien plus qu’un phénomène de mode …

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MARTIN L.GORE - COUNTERFEIT E.P (1989)

En Mode solo ...
Durant les années 80, Depeche Mode a sans doute été le groupe le plus moqué. Vu de loin, ils le méritaient bien. Sauf que derrière les présumées marionnettes falotes à synthés, il y avait de la substance. Trente ans plus tard, Depeche Mode joue dans des stades ses titres des années 80 avec moins de synthés que, au hasard, le E-Street Band…
Depeche Mode s’organisait derrière deux figures de proue. Le chanteur Dave Gahan, souvent mis en avant, cache derrière une exubérance de façade un héroïnomane dépressif. Martin Gore, le compositeur exclusif du groupe dissimule derrière une extravagance très gay-SM, une serial buveur et serial niqueur hétéro. La pression sur Gore devient proportionnelle aux premiers gigantesques succès (l’album « Music for the masses » et sa ribambelle de singles). A la première occasion, un break dans les cadences infernales studio-promo-tournées, Gore va enregistrer, manière de décompresser, quelques titres en solo, réunis sur ce « Counterfeit E.P », et le moins que l’on puisse dire, assez éloignés de l’univers Depeche Mode.

D’abord, et sûrement pour ménager les susceptibilités diverses au sein de Depeche Mode (malgré une façade de groupe lisse et propre, le relationnel interne a toujours été chaotique), Gore ne va rien composer, ne tenant sans doute pas à se voir accuser de garder les meilleures compos pour lui. « Counterfeit E.P » sera un disque de reprises et comme son titre l’indique, plutôt court (25 minutes). Gore ne va pas choisir la facilité, la reprise de hits consensuels.
« Counterfeit E.P » propose un des tracklisting les plus bizarres qui se puissent concocter. A la place des attendus Bowie ou Roxy Music, faut s’accrocher, on n’a pas ici de relecture de hits certifiés. Les deux titres les plus « connus » sont le traditionnel « Motherless child », jusque-là plutôt chasse gardée des souleux-folkeux-rockeux (profil type du client : Van Morrison) et le « Never turn you back … »  des Sparks (pas un de leurs célèbres quand même). Pour le reste, on a droit à des covers de quelques groupes pas réputés pour être un conglomérat de joyeux lurons (Tuxedomoon, Durutti Column, Comsat Angels), ou de l’inconnu (en tout cas pour moi) Joe Crow. C’est ce dernier qui fournit l’introductif « Compulsion », peut-être bien le meilleur titre du lot.
« Counterfeit E.P » est un disque sobre, presque austère. Martin Gore, déjà bien à l’abri du besoin, ne se la pète pas, n’invite personne du gotha musical à l’accompagner dans son trip individualiste. Il joue ou programme tout, et assure tous les vocaux. Même s’il lui arrivait de chanter quelques titres sur les albums de Depeche Mode (pas les plus connus), ce n’est pas un grand interprète. Il s’en fout un peu, essaie ici de chanter juste, sans trop vouloir masquer ses évidentes limites vocales (sauf sur la reprise des Sparks, à la mélodie comme d’habitude chez les frangins Mael assez tarabiscotée, où là Gore double sa voix pour lui donner un peu plus d’ampleur). Musicalement, on est dans un truc évidemment synthétique, assez sombre mais pas sinistre, le plus souvent voisin de la cold wave, à des lieues des mélodies sautillantes qu’il débite alors à la chaîne pour Depeche Mode (seule exception à mon sens, « Gone » des Comsat Angels où à grands coups de synthés martiaux, on navigue en territoire à peu près connu).

Ceux qui auront eu la curiosité d’écouter ce petit disque sans ambition (très peu de promo, pas de tournée) seront surpris par sa maturité et son originalité. Dès lors, l’année suivante, la qualité exceptionnelle de la nouvelle livraison depechemodienne « Violator » coulera presque de source après cet excellent intermède solo …


XTC - ENGLISH SETTLEMENT (1982)

Les Steely Dan de la pop ?
Pour le côté duo de perfectionnistes maniaques … pour le reste, XTC sont aussi Anglais que faire se peut, sont un vrai groupe, n’ont pas vraiment laissé le souvenir de sessions de studio sous des montagnes de coke …
Les XTC sont apparus en même temps que les punks dont le remuant boucan désorganisé a dû les laisser dubitatifs. XTC, c’est tout le contraire des punks, ils ne rêvent que de pop sophistiquée. Le problème de la pop, c’est que par essence, elle se nourrit de succès populaires. De singles, de hits, de titres classés dans les charts. Oh certes des hits, XTC vont en avoir un de balèze, « Making plans for Nigel », issu de leur déjà troisième album. Et les XTC vont s’accrocher, « jouer le jeu », multiplier disques, promos et tournées. « Making plans … », malgré leurs efforts, n’aura pas de suite. Non pas que les XTC n’aient pas été capables d’écrire de bons titres, mais parce qu’aucun ne retrouvera le haut des charts.
XTC 1982
« English settlement » est leur cinquième disque. Celui sur lequel les XTC ont tout donné. Double vinyle, quinze titres, plus de 70 minutes. Le disque du « ça passe ou ça casse ». Ça va casser, mais pour d’étranges et imprévisibles raisons… XTC sont quatre, plus ou moins multi-instrumentistes en studio. Deux seuls écrivent, Colin Moulding et Andy Partridge. Ce dernier commence à prendre une part prépondérante, sur « English settlement », les deux tiers des titres sont de lui. Autrement dit, il a la pression, celle de la maison de disques (Virgin) qui aimerait que le groupe concrétise en terme de succès son potentiel. Et celle qu’il se met tout seul. Maniaque pointilleux en studio, hyper-stressé dès qu’il s’agit de monter sur scène. Andy Partridge va littéralement exploser lors d’un concert à Paris, au Palace, pour la promotion de l’album dont le premier single extrait « Senses working overtime » commence à « frissonner » dans les hit-parades. Partridge, paralysé par le trac, quitte la scène au bout de quelques minutes, fait un malaise, est évacué par le SAMU. La version officielle sera une crise d’hépatite. Toujours est-il que le reste de la tournée est annulé, et plus jamais Partridge et XTC ne se produiront sur scène. Faute de promotion, « English settlement » deviendra un « succès d’estime », dans les faits un quasi bide commercial. Très vite, Virgin lâchera le groupe, qui va errer deux décennies dans un circuit indépendant confidentiel, publiant de loin en loin des disques le plus souvent fantastiques qui passeront inaperçus. XTC deviendra un duo (Moulding – Partridge). Moulding aurait semble t-il jeté l’éponge, en tout cas le dernier disque de XTC date de 2000 …
« English settlement » dans un contexte « normal » aurait-il été le disque de la consécration ? Même pas sûr, ce n’est pas un disque « facile ». Il y a une telle sophistication, un refus de tous les instants de toute forme de simplicité (hormis peut-être « Senses … », le plus évident du lot) qu’on voit mal ce genre de galettes se vendre par millions. « English settlement » s’adresse à la « famille », ceux qui de Buddy Holly à Badfinger, ont disséqué toute la culture pop. Sans pour autant négliger les dernières trouvailles techniques (beaucoup de claviers et synthés) ou les structures rythmiques complexes (Peter Gabriel était à cette époque-là dans la même démarche). Suffisamment doués pour ne pas faire des copier-coller de choses déjà entendues, les XTC innovent à chaque titre. La seule comparaison qui me vienne à l’esprit, c’est le Blur des disques d’après le méga-succès (« Blur », « 13 », « Think Thank ») quand Damon Albarn s’appliquait à détruire méticuleusement cette image de britpop pour minettes dont il ne voulait plus …
Andy Partridge, la tête ailleurs ?
« English settlement » part dans tous les sens tout en restant homogène. Il y a une base commune à tous les titres, la recherche de la mélodie, la construction même sophistiquée en couplet-refrain, un gros son de batterie mis en avant. Ensuite, une ou plusieurs trouvailles, gimmicks, arrangements confèrent à chaque titre son originalité. Les polyrythmies africaines mènent la danse sur le bien nommé « It’s nearly Africa », la guitare classique imprègne « Yacht dance », on distingue des influences celtiques et orientales sur l’introductif « Runaways », des choses chaloupées de la famille reggae sur « Down in the cockpit ». Les singles auraient pu être là ( la fausse pop bubblegum de « Ball and chain », la fabuleuse ritournelle de « Knuckle down »). Bon, faut pas se la jouer non plus, genre je vous cause de la supra-hypra merveille méconnue, il y a dans le lot des morceaux moins réussis. « Melt the guns » ne ravira que les adeptes du King Crimson des 80’s ce qui doit pas faire grand-monde, « Fly on the wall » veut coller au plus près au détestable son tendance du début des 80’s et fait donc aujourd’hui très daté, l’ultime « Snowman » comme du Talking Heads en pilotage automatique me semble le plus faible du disque…

Il n’empêche que « English settlement » qui clôt le premier chapitre de l’histoire de XTC est le meilleur de leurs débuts, et qu’il survole assez facilement la concurrence de l’époque (pas grand-monde de toutes façons, Squeeze, Madness, le tour du proprio pop circa 82 est vite fait …).

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THE POLICE - GHOST IN THE MACHINE (1981)

Mais que fait la Police ?
C’est vrai, quoi, qu’est-ce qu’il leur a pris sur ce disque ? Parce que Police, c’était deux premiers disques de reggae-punk-pop excellents voire plus, et un troisième « Zenyatta Machin » un peu trop présomptueux, oh tout joli, tout plein de technique tout çà, mais assez emmerdant …
The Police au paradis (fiscal) des studios Air ...
Et là, on croyait qu’ils allaient arrêter les bavures, rectifier le tir … tu parles … Ils se sont cassés enregistrer aux studios Air de Montserrat. Officiellement, quand tu vas là, tu dis que c’est pour le calme, décompresser, la haute technicité du studio, que sais-je encore … En fait, t’y vas pour bronzer sur les plages de sable blanc et accessoirement enregistrer un skeud, mais surtout pour que les recettes générées par ton disque, elles soient pas imposées en Angleterre, et que quand t’as l’habitude d’en vendre des millions, c’est ton banquier et ton avocat fiscaliste qui sont contents. Les studios Air de Montserrat, c’est pour les riches zicos qui veulent frauder le fisc, c’est tout …
Résultat, « Ghost in the machine » est le plus mauvais disque de Police, et un mauvais disque tout court … Sting ( au moins 80% des compos sont entièrement de lui dans Police) est un peu en panne d’inspiration. Pas trop d’imagination non plus, il y a une sorte de vague concept « sérieux » dans « Ghost … », en liaison avec la bigbrotherisation, l’univers orwellien, … Faut dire que 1984 s’approche, ce genre de thèmes deviennent récurrents dans le rock … Et puis, en fouinant dans le studio, le trio est tombé sur plein de synthés. Et les synthés, en plus de tout le mal qu’on pourrait en dire, c’est comme la guitare, la basse et la batterie, ça s’apprend … Les trois ont appuyé un peu au hasard sur les touches, y’en a un qui est tombé sur le programme « section de cuivres » et ces corniauds n’ont rien trouvé de mieux que de foutre des faux cuivres sur quasiment tous les titres. Le résultat au niveau des arrangements est systématiquement assez calamiteux. La preuve, c’est que quand un cador des claviers (Jean Roussel, sessionman peu connu mais très présent sur quantité de disques) se pointe sur un morceau, ça a quand même une autre gueule et ça donne le seul single de l’album, « Every little things … », accessoirement son meilleur titre.
Police a toujours été un groupe mainstream. Qui a ses débuts a collé à l’air du temps (de l’énergie « punk », de la pop, du reggae). Quand paraît « Ghost … », les masques sont tombés depuis longtemps. Police, hormis l’épisode initial avec Henri Padovani, n’a rien à voir avec le punk. Un (excellent) batteur venu du jazz-rock progressif, un vieux guitariste ayant commencé dans les sixties avec Zoot Money et une énième mouture des Animals sans Burdon, et un instit défroqué à la basse, c’est pas très dans l’esprit 77 … Le reggae, même en enregistrant dans les Caraïbes, il est passé à la trappe, et la pop, là, elle est bas de gamme. Logiquement, le seul titre vraiment à sauver, « One world », reggae mélodique speedé avec arrangements tirant vers le dub, rappelle les titres de l’époque « Outlandos … » - « Reggata … ».
Police 81 : fatigués et fatigants ...
Le reste, noyé dans les simili-cuivres grotesques, alterne morceaux insignifiants et rengaines bas de gamme. La palme du ridicule revenant à « Too much information », sorte de salsa pour paraplégiques tellement ça groove pas … Un titre (« Hungry for you ») est chanté dans un français de contrebande qui te force à essayer de comprendre quelque chose à ta propre langue dans la lignée du « Heroes » de Bowie ou du « Song for Europe » de Roxy Music. Un autre, « Demolition man », fera le bonheur ( ? ) de Grace Jones, grande artiste rock comme chacun sait … Et pour en terminer avec ce piètre catalogue, « Omegaman » sera quasiment recopié pour le disque suivant où il s’appellera « Synchronicity Part II » …
Ce « Ghost … » signe de fait la fin de Police, officiellement pour cause de « divergences artistiques », en fait parce que Sting commence à prendre le melon et que ça gave Copeland et Summers. Mais … quels sont ces cris d’orfraie que j’entends ? Police aurait sorti un autre disque après celui-ci, et il s’appellerait « Synchronicity » ? Oui, je sais, mais « Synchronicity » n’a plus rien à voir avec le Police des débuts, c’est encore plus que les précédents un disque solo de Sting … C’est con, s’il l’avait paraître sous son nom, ça aurait été son meilleur … parce que la carrière solo de Sting, je vous dis pas …

Enfin, si, je vous dirai peut-être un jour …


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THE STRANGLERS - FELINE (1982)

Trans Europe Music ...
« Feline » c’est une énigme musicale pas encore résolue. En gros, le disque après lequel vont courir tous les petits barons de la pop à synthés des années 80, sans réussir à s’en approcher. Plus étonnant encore, le fait que ce disque soit signé par les Stranglers. La plupart de leurs fans ne s’en sont pas encore remis.
The Stranglers
Pensez, le disque le plus raffiné de la décennie mis en rayon par le groupe le plus destroy de l’époque n’a pas encore fini de susciter des controverses. Musicalement, les Stranglers ont fait avec « Feline » de la dentelle sonore, de quoi décontenancer leurs fans punks de base, déjà passablement interloqués à l’écoute de leur dernier single, la comptine « Golden brown » réminiscente de la musique classique. « Golden brown », à côté de « Feline », c’est une maquette craspec. Les Doors du punk (c’est comme ça qu’on résumait un peu stupidement le groupe à ses débuts) se transforment en Kraftwerk new wave. Totalement incompréhensible. Sauf que les Stranglers, ce sont les rois de l’équivoque, du malentendu, de la provoc, du concept (souvent fumeux, voir les « Men in black »), mais du concept quand même.
« Feline » est un concept, poussé à l’extrême. Un rejet d’une culture et d’une musique anglo-saxonne hégémoniques en Europe. Les Stranglers, bien avant que la notion d’Europe (communautaire ou pas) soit à la mode, en faisaient le cœur de leur disque. Burnel, le bassiste du groupe, est le théoricien de cette époque. Evidemment, comme tout ce qui touche aux Stranglers à l’époque, il faut faire le tri, laisser de côté les provocations, les poses totalitaires qui étaient le quotidien du groupe. « Feline » est de fait le successeur spirituel de « Euroman cometh », le premier disque du bassiste karateka, une œuvre insécable à donc appréhender comme un tout qui veut poser les fondations d’une musique contemporaine européenne. Et qui passe dès lors obligatoirement par la mise à l’écart de tout ce qui a trait au rock (par définition américain) au sens large du terme.
Les Stranglers : Noir Mécanique ?
Il y a dans « Feline » toutes ces guitares acoustiques venues de la culture ibérique, toute cette langueur automnale de l’Europe centrale (l’influence du krautrock, lui aussi rejetant en son temps le rock (‘n’roll) est partout palpable, évidente). Difficile de savoir où les Stranglers veulent en venir, les paroles sont comme toujours cryptiques à souhait, le disque ne contient aucune information (sur le lieu d’enregistrement, les techniques utilisées, la production). Et il fallait pas compter sur les quatre de Guilford pour donner les clés de leur démarche … Tout dans « Feline » est à prendre au énième degré (mais lequel ?), multiplie les double-sens ou les sous-entendus. Des exemples : la typographie du titre évoque un acronyme, mais que signifie t-il ? Mais d’abord est-ce un acronyme ? Rien n’est moins sûr. Un titre comme « Let’s tango in Paris », c’est une blague salace, oui, mais c’est vraiment un tango qui sert de base musicale au morceau. « All roads lead to Rome » qui succède à « Paradise », religion or not ? On pourrait continuer longtemps …
Mais la musique, elle a tellement surpris que certains ont même accusé les Stranglers de ne pas jouer, d’être remplacés par des échantillonneurs, des samplers et des claviers. Sauf que non, le groupe a tout joué, mais tout a été repassé par des synthés pour donner cet aspect clinique, désincarné, cette ambiance de braises qui couvent sous la glace, cette musique qui sonne électronique sans en être. Si la partie cérébrale doit beaucoup à Burnel, pour la partie sonore, c’est Dave Greenfield qui a pris les commandes. Et permettez-moi de vous dire que quand un pianiste de formation (il me semble qu’il a même tâté du Conservatoire) se met en tête de créer des mélodies, ça place la barre haut. Trop en tout cas pour tous les new-waveux et techno-poppeux de l’époque (« All roads lead to Rome » est en Décembre 82 quand paraît « Feline » le meilleur titre de New Order que les New order n’écriront jamais … les Depeche Mode, ou OMD non plus, d’ailleurs …).
Stranglers live 1983
Des synthés, dans « Feline », il y en a partout. Et en grosses quantités. Mais utilisés avec un sens de la mesure, du discernement, dont bien peu (hors Kraftwerk) ont été capables. Des synthés qui jouent sans arrêt les proverbiales madeleines de Proust, jonglant finement avec musiques traditionnelles, folkloriques, baroques, classiques. Toutes les intros sont longues, lentes, aériennes (mention particulière à celle de « Midnight summer dream », chef-d’œuvre de finesse absolue). Cornwell, qui n’est pas de ceux que l’on qualifie généralement de grand chanteur trouve dans ces ambiances vaporeuses un écrin unique, oubliant parfois de chanter pour parler (« Midnight summer dream » encore) et allant souvent chercher un registre loureedien qui fait l’évidence. Souvent secondé dans les chœurs par Burnel (c’est Burnel qui chante lead sur le plus gros succès du disque « European female »), exceptionnellement par des voix féminines forcément angéliques sur le refrain de « Paradise » …
« Feline » est un bloc, réussit l’exploit de répéter à chaque titre les mêmes bases, les mêmes recettes, sans qu’on ait l’impression de copier-coller (c’est la mélodie, ça change tout, une mélodie …). Le public des premiers jours boudera le disque, mais le groupe, qui à partir de ce moment mettra pas mal d’eau dans son vin provocateur, commencera à « vendre du disque ». Et pas mal en France (patrie de naissance de Burnel, mais surtout lieu du « dérapage » le plus célèbre, avec son concert incendiaire dans tous les sens du terme à la fac de Nice, chez le truand-maire Jacques Médecin). « Feline » est un disque de rupture, qui restera sans suite et sans équivalent dans la discographie conséquente du groupe qui publie et tourne encore (même s’il manque la moitié du quatuor original).

J’adore ce « Feline », pour moi sans conteste l’œuvre majeure du groupe. Alors quand il est sorti une version Cd avec six inédits, pensez si je me suis précipité … Las, rien dans ces bonus ne présente le moindre intérêt, quatre titres grossiers avec synthés et arrangements vulgaires, un sabotage (y’a pas d’autre mot) de deux titres live enchaînés de « Feline » (à ce niveau de nullité, soit les Stranglers sont allés tellement loin en studio que c’est injouable sur scène, soit c’est du total foutage de gueule ce qui n’aurait rien de surprenant quand on les connaît un peu). Le dernier titre bonus, un machin déclamatoire prétentieux et pédant au possible fait le lien avec le disque studio suivant, l’assez minable « Aural scuplture ».

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Rattus Norvegicus

BEASTIE BOYS - LICENSED TO ILL (1986)

Nu-rap
Le disque qui m’a fait gratter l’occiput. Jusque là, les choses étaient simples. Les rockeux, folkeux et souleux d’un côté (le bon), tout le reste (la pop à synthés, le prog, le disco, le rap) de la daube. Tu choisissais ton camp, mettais des œillères triple épaisseur, te gavais de tes certitudes, et t’avais ta ligne de conduite musicale pour la vie …
Bon, on avait déjà entendu partout « Walk this way », le mega-hit fruit de l’improbable association Aerosmith – Run DMC. Mais ça s’expliquait, les deux faisaient partie du monde des majors de la musique, c’était un coup commercial réussi, mais un coup commercial quand même, destiné à booster la carrière des uns et relancer celle des autres.
Mais là, avec « Licensed to Ill », les Beastie Boys allaient plus loin. En gros, ils mélangeaient des guitares et des rythmiques (hard) rock avec du rap sur un disque entier. Trois gosses de Brooklyn, fils de bonnes voire de très bonnes familles blanches, punks dans l’âme, se lançaient tête baissée dans un genre jusque-là ghettoïsé et réservé aux Noirs du Queens ou du Bronx. So what ? des visages pâles dans un joyeux foutoir vocal, fait d’invectives, de chœurs débiles, de refrains hooliganesques … les niggaz criaient à l’imposture. De l’autre côté les hardeux poussaient des cris d’orfraie en voyant tous leurs gimmicks utilisés pour faire du fuckin’ rap …
Vous avez dit potaches ?
Ce sont finalement les nerds américains white trash, qui en achetant ce disque par millions, allaient mettre tout le monde d’accord et faire un triomphe à « Licensed to Ill ». Cette rondelle promise au pilori devenait la bande son de l’année. Les sceptiques ont eu beau jeu de railler les apparitions live de Beastie Boys rétamés à la Bud tiède, scandant dans un immense bordel potache leurs hymnes crétins, rien n’y ferait. Le rap naissant venait déjà de rentrer dans une autre dimension, vivant sa première mutation, brouillant toutes les cartes et idées reçues …
Les Beastie Boys, au départ, c’est l’arme secrète du label Def Jam, tout juste porté sur les fonds baptismaux par Russell Simmons (frère d’un des trois Run DMC) et le jeune producteur Rick Rubin, fan à la fois de rap et de heavy metal. Les deux étaient dans le coup « Walk this way ». « Licensed to Ill » va enfoncer le même clou. On sait aujourd’hui ce que sont devenus les protagonistes de cette affaire. D’un côté un groupe de rap qui allait devenir totalement novateur (« Paul’s Boutique », le suivant se verra attribuer l’étiquette de « Sgt Pepper’s » du rap, ce qui n’est pas rien) avec trois types impliqués dans tout un tas de causes et de combats plus ou moins humanitaires, sociaux, etc ... Quant à Rick Rubin, c’est tout simplement le Spector, Martin, Dr. Dre ou Perry de sa génération, une sommité des consoles à l’éclectisme stupéfiant …
« Licensed to Ill », pour moi il ne vaut que pour son concept. Ça suffit pour en faire un grand disque qui compte, mais faut reconnaître que malgré son aspect plombé, il fait souvent un peu léger. Ce n’est que l’esquisse assez rudimentaire de ce que feront plus tard les Beasties ou Rubin. Et ça tourne vite en rond. Trois-quatre titres déchirent leur race, la majorité des autres fait figure de copier-coller bâclés, et deux-trois pochades assez problématiques ne semblent là que pour garnir à peu de frais et d’idées les deux faces du vinyle.
Beastie Boys & Rick Rubin
Recette de base, du gros riff qui tache. Pas moins de quatre titres de Led Zeppelin sont samplés, ils y côtoient ceux de Black Sabbath, AC/DC, Creedence ou le Clash. Sur tout un titre (« No sleep till Brooklyn »), Rubin fait intervenir un dénommé Kerry King, guitariste des jusque-là obscurs trasheux de Slayer, dont il est en train de produire un certain « Reign in blood » … là aussi, on connaît la suite. L’attaque de « Licensed to Ill » (« Rhymin’ and stealin’ ») prend d’entrée à l’estomac. C’est brutal, syncopé, trash, avec ses slogans crétins braillés à trois voix. « The new style » qui suit port bien son nom et enfonce la même porte,  le braillard « She’s crafty » confirme.
Et puis, le disque semble partir en vrille, le gag ( ? ) du truc salsa-rap (« Slow ride »), la pitrerie de « Girls » et son Farfisa à un doigt. On n’en est pas à la moitié du disque, on commence déjà à regarder sa montre et à trouver la farce douteuse.
Et puis, blam, sans prévenir, deux tueries totales enchaînés, « Fight for your right » l’hymne majuscule des Beastie Boys, appel à l’hédonisme forcené (« Fight for your right … to party », vous vous attendiez à quoi, à un pensum johnlennonesque ?), et le « No sleep … » déjà évoqué. Logiquement, après ces deux déflagrations, le final du disque fait quelque peu anodin, tout juste faut-il signaler un arrangement de cuivres sur le bien ( ? ) nommé « Brass monkey » ; tout le reste reproduit des gimmicks déjà entendus auparavant, on s’en cogne un peu.
Malgré son aspect (volontairement) imbécile et enfantin, ce disque se pose là et pas qu’un peu en terme d’influence sonore pour les années suivantes.

Toute la cohorte des nu-metalleux du mitan des années 90 (tous ces Korn, Blink Truc, Sum Machin) a tout piqué à « Licensed to Ill », les marxistes d’opérette RATM aussi, du moins pour la partie musicale. En faisant ça de façon ultra-sérieuse, concernée … Alors que pour les Beastie Boys (du moins à cette époque-là), leur musique n’était qu’une vaste rigolade, une façon de boire des coups à l’œil, et de mater les nibards des gonzesses …

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RON SHELTON - DUO A TROIS (1988)

Tout ça pour ça ?
Y’a pourtant du lourd au casting … Deux stars confirmées (Kevin Costner et Susan Sarandon), et une star en devenir (Tim Robbins). Le réalisateur, par contre, faut chercher, son nom est écrit en tout petit au verso du Dvd. Un certain Ron Shelton, dont c’est le premier film. Et dont la spécialité se révèlera être le film « sportif », et le sport de prédilection le base-ball.
Ron Shelton
Oh putain le base-ball … faut vraiment être américain profond pour s’intéresser et comprendre quelque chose à ce machin, aux règles aussi simples qu’une notice de montage d’un meuble en kit (pléonasme) Ikea. Autant dire que « Bull Durham » (le titre original, du nom des Bulls, l’équipe locale de Durham, Caroline du Nord) ne cherche pas à être apprécié ailleurs qu’aux States.
L’intrigue sportive est cousue de fil blanc. L’équipe de Durham prend branlée sur branlée, mais possède dans ses rangs un jeune surdoué simplet et chien fou (Calvin LaLoosh / Robbins). L’équipe recrute un ancien joueur de haut niveau (Crash Davis / Costner) pour l’associer à sa présumée future star, l’encadrer et la former. Les deux ne s’apprécient guère, vont finir par devenir potes, et la litanie de défaites se transformera en série de victoires. Parallèlement, les deux seront en concurrence pour se taper une enseignante groupie de l’équipe (Annie Savoy / Sarandon). En principe, le résultat se doit d’être une comédie romantique peu consommatrice de neurones pour public familial …
Dans les faits, c’est un peu moins pire que prévu. Derrière les grosses ficelles et grimaces de seconds rôles aussi prévisibles que des vacances pluvieuses en Bretagne, les trois têtes d’affiche se livrent à quelques numéros d’acteurs en roue libre (le dénommé Shelton n’est pas du genre à imprimer son style, si tant est qu’il en ait un). On voit donc Costner faire sa mine sérieuse de cocker triste, Sarandon écarquiller ses yeux de biche - daurade (rayer la mention inutile) dans quelques scènes (volontairement) assez drôles. Tim Robbins, dans son rôle de baraqué idiot s’en donne à cœur-joie, et c’est marrant de le voir avec son brushing (on est dans les années 80, ça se voit), ses tee-shirts Iron Maiden ou Motley Crue, massacrer à la guitare acoustique « Try a little tenderness », ou qualifier Edith Piaf de « putain de chanteuse mexicaine à la con ». Sans compter une apparition en slip et porte-jaretelles et son air ébahi quand Sarandon lui cite du William Blake (moi j’ai vu « Dead man » de Jarmusch et je sais qui est William Blake).
Sarandon, Robbins & Costner
Curieusement, alors que Shelton est un débutant et que même la MGM qui produit ne devait pas trop se faire d’illusions sur le rendu final, le scénario et les dialogues ont été travaillés (le film a reçu de nombreuses récompenses de seconde zone pour ces deux aspects), et on a droit notamment à des cours de communication pour les interviews de sportifs, avec réponses lénifiantes en triple langue de bois que ne renieraient pas nos sportifs de « haut niveau » … un ange passe, balafré et lunaire tel Frank Ribéry …
Signalons aussi que côté bruits de plumard, si dans le film Sarandon hésite entre Costner et Robbins, dans la vraie vie, Robbins et Sarandon se sont rencontrés sur ce film, se sont mariés et ont eu beaucoup d’enfants (enfin, deux, semble t-il)
Enfin, la B.O. est pas mal, normal on y entend (en plus de la crécelle Piaf) Creedence et Ike & Tina Turner …

P.S. Ce film n’a rien à voir avec « Duo à trois », autre comédie romantique sortie en 2011.


MORRISSEY - VIVA HATE (1988)

L'héritier ?
Pas laisser les braises refroidir … c’est ce qui devait être le leitmotiv de Steven Patrick Morrissey, dont le nom de famille lui servait de nom de scène en tant que chanteur des Smiths. Les Smiths, par ici, c’est quelque chose de totalement incompréhensible. Un groupe hors-norme en terme de succès entre 1984 et 1988. Un succès colossal mais qui n’a jamais dépassé le cadre de la perfide Albion. Anecdote archi-connue : une bande de fans révoltés par le silence et l’indifférence entourant en France leur groupe favori, se lance dans la publication d’un fanzine étoffé pour chanter ses louanges, et ainsi naîtront Les Inrocks …
Morrissey 1988
La séparation des Smiths en pleine gloire sera pour la jeunesse anglaise  un traumatisme comme celle des Beatles l’avait été pour leurs parents. Le premier à reparaître (six mois après la fin des Smiths) sera leur emblématique chanteur, icône plus ou moins cryptique (bien qu’il ne mâche parfois pas ses mots, voir plus bas) et équivoque (gay ? hétéro ? autre ? le mystère et les supputations iront bon train pendant des années).
Evidemment, la rupture est trop fraîche pour qu’il n’en reste pas des traces un peu partout sur ce « Viva hate ». Dans les paroles, peut-être, mais Morrissey n’a jamais été très « lisible ». Dans la musique aussi, il y a des traits qui ne se gomment pas facilement  (particulièrement flagrant sur les très smithiens « Bangali in platform » et « Late night, Mudlin Street »). Et puis, il y a cette voix, entre détachement et arrogance, brumeuse et claire à la fois, si facilement identifiable …
Pour son « émancipation », Morrissey a choisi une configuration réduite. Il laisse une grande place (des instruments, la co-écriture, et la production, rien que çà …) à Stephen Street, les deux hommes se connaissent, Street a produit les trois derniers disques des Smiths (avant d’être aux manettes de la plupart des galettes de Blur). Une collaboration qui est aussi une façon de marquer la « continuité » de la trademark Smiths. Mais les Smiths, c’était aussi la guitare « ligne claire » de Johnny Marr, et là Morrissey va partir dans une direction sonore très différente, en embauchant Viny Reilly, l’assez strident gratteux des Durutti Column. Assumer l’héritage et marquer sa différence (les bisbilles, les rancœurs et les haines s’avèreront multiples et tenaces entre les anciens Smiths), tel est le challenge de Morrissey.
Stephen Street & Morrissey
En partie réussi, parce que c’est malgré tout dans la continuité. En partie raté pour la même raison. Malgré deux hits (« Suedehead », qui deviendra un des surnoms de Morrissey, son plus connu demeurant quand même Mozz, et le très kinksien « Everyday is like Sunday »), il n’y a pas dans ce « Viva hate » de titres aussi fulgurants que ceux que l’on trouvait chez les Smiths. Les Smiths, difficile de faire plus anglais, et Morrissey en solo est foncièrement dans la même veine. Alors les brouillages de cartes du début du disque laissent une impression mitigée on n’y croit pas trop aux breaks de batterie, aux guitares plaintives et aux ambiances hindouisantes de l’inaugural « Alsatian cousin », pas plus qu’à la rythmique tournoyante et très psyché de « Little mann what now ? » qui a parfois des faux airs du « White rabbit » de l’Airplane.
Par contre, c’est quand Morrissey fait ce qu’on l’on attend de lui, et finalement ce qu’il sait faire le mieux, qu’il est le plus convaincant, toutes ces ballades brumeuses et automnales qui constituent l’ossature du disque et auxquelles son timbre vocal convient parfaitement. Et puis, comme un signe de la direction qu’il va prendre (il va s’acoquiner avec Mick Ronson, oui, oui, celui des Spiders de Bowie, et sortir avec lui une paire de disques de revival glam), un morceau envoie le bois tout en guitares rageuses et up-tempo (« I don’t mind … »). Mais c’est finalement le dernier titre du disque qui fera couler le plus d’encre, le très direct « Margaret on the guillotine ». Rappelons que la funeste Thatcher était encore Premier Ministre en 1988, et que ce titre n’a rien à voir avec le poétique « The Queen is dead » des Smiths. « Margaret … » c’est frontal, brut et sans fioritures sur un fond très dépouillé. Morrissey montre qu’il se souvient de ses origines populaires et que son public, cette jeunesse qui adule le chanteur des Smiths en a aussi pris plein la gueule pendant une décennie. Morrissey paiera cher ce titre, et quelques années plus tard, quand il se perdra dans une syntaxe équivoque (« National Front Disco »), la presse conservatrice le massacrera et brisera quasiment sa carrière …
La pochette de 1988
Il n’empêche que pendant quelques années, Morrissey récupèrera seul une partie de l’ancien succès des Smiths (Marr sera beaucoup plus discret et sa médiatisée collaboration avec Sumner de New Order dans Electronic sera un fiasco artistique et commercial, quand à Rourke et Joyce, ils seront encore plus discrets et oubliés).

Sur la réédition de 1997 (la pochette en haut, l’originale de 1988 est différente) huit morceaux ont été rajoutés en un vaste foutoir (des époques différentes, à dominante de ballades pas toujours transcendantes et malgré une paire de courts titres toutes guitares en avant produits par Ronson) et plutôt que de bonus, on pourrait les qualifier de titres malus …

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SIMPLE MINDS - NEW GOLD DREAM (81-82-83-84) (1982)

Stars des années 80 ...
Je l’écris en tout petit, mais bon, à l’époque, j’ai écouté les Simple Minds. Je trouvais même ça pas trop mal. Pas aussi bien, loin de là, que les Cramps, le Gun Club, les Fleshtones et d’autres cohortes d’obscurs garage bands. Mais nettement mieux que tout un tas de daubes qui commençaient à pulluler.
Simple Minds 82
Mais voilà, trente après, ça fait quand même mal aux oreilles les Simples d’Esprit. Et encore, là, avec ce « New gold dream », ils faisaient un grand bond qualitatif en avant. Faut dire qu’ils (re)venaient de loin, du trouble marigot où s’ébrouaient des contingents de new-waveux cold-waveux. Mais là, tout d’un coup, avec quelques autres dont leurs potes de U2, ils allaient se retrouver en haut de l’affiche. A coups de grandes chansons conçues comme des hymnes, de messages « positifs », de refrains à reprendre en chœur dans les stades, parce que in fine, c’est de çà qu’ils rêvaient (et les majors derrière eux), ces vastes communions dans des endroits de plus en plus gigantesques, où toutes les stars de la décennie allaient finir. Le retour aux grands raouts sixties, alors que depuis quelques années, grâce au pub-rock et au punk, la musique était revenue dans les petites salles conviviales, seules quelques superstars vieillissantes (les Who, les Stones, Queen, …) se produisaient dans les stades.
Les Simple Minds de « New gold dream », c’est un peu l’avènement du « gros son », ce mirage du message qui passe mieux quand c’est joué plus fort, et dans lequel tous (de Springsteen à Tears for Fears, de Bowie à Cyndi Lauper) allaient se fourvoyer dans cette maudite décennie, toutes grosses caisses de batterie en avant et pléthore d’arrangements pompiers. Simple Minds, ça cogne. Enfin, ça commence, ce sera pire sur le suivant « Once upon a time ». Ici, le groupe hésite encore, le cul entre deux chaises, entre new wave à synthés (y’en a partout, en « nappes », comme on disait à l’époque, ils sont aussi en avant que la batterie et la voix comme il se doit de stentor du chanteur), et rythmiques rentre-dedans beaucoup plus « rock ». Curieux de voir, au vu de l’évolution future du groupe, qui deviendra un duo avec des sessionmen, que l’un des deux leaders en puissance, le guitariste Charlie Burchill, est quasiment inaudible tout au long du disque. Ce sont des accords de synthé et pas des riffs de guitare qui font monter la température dans les morceaux.
Jim Kerr 1982
Lesquels morceaux commencent à s’allonger, comme une répétition ad lib d’un message. Quasi tous dépassent les cinq minutes. Le frontman du groupe, le chanteur Jim Kerr, à grands coups de brailleries « concernées » et de poses christiques, va devenir une des superstars de la décennie. Trois hits, et pas des petits, de ceux qu’on entendait vraiment à la radio, seront extraits du disque, « Someone somewhere in Summertime », « Glittering prize », et le gros carton « Promised you a miracle ». Aujourd’hui, ça me donne l’impression d’hymnes pompiers renforcés par de gros gimmicks vulgaires de synthé ou de batterie, avec des montées tout en puissance vers le refrain braillé comme un slogan. Le problème vient tout autant des autres titres, bâtis sur le même modèle, bien résumé par « Big sleep », on ne peut mieux nommé.
Le genre de skeud tout juste intéressant pour une soirée à thème sur les « fabuleuses » années 80 dont quelques sourds quadra-quinqua se délectent encore.
Enfin, une question essentielle me turlupine. Comment Chrissie Hynde (putain, Chrissie Hynde, quand même) a t-elle pu divorcer de Ray Davies (putain le Ray Davies des Kinks, le meilleur auteur anglais des cinquante dernières années) pour aller épouser ce tocard de Jim Kerr ?
Ouais, Chrissie, pourquoi t’as fait ça ?

MADNESS - COMPLETE MADNESS (1982)

Juste un petit grain de folie ...
Pour quasiment tout le monde, Madness se résume à un titre, « One step beyond ». Rabâché, et même encore de nos jours, jusqu’à l’écœurement. Symbole du ska dit festif, avec en filigrane la vision de ces horribles multitudes de groupes du genre qui squattent les après-midi de festivals provinciaux, aussi vite chiants que les fuckin’ bandas du Sud-Ouest …
Madness, c’est pas que « One step beyond ». Le groupe, après quelques années de mise en sommeil s’est reformé quasiment dans son line-up original et demeure une institution. En Angleterre uniquement. Parce que Madness est un groupe typiquement anglais, autant qu’avait pu l’être à la même époque de leurs débuts le trépassé Ian Dury et ses Blockheads. Madness viennent d’un quartier populaire de Londres (Camden Town), et ont savamment entretenu cet aspect cockney-potache-loufoque inné chez eux.

Madness, c’est en 79 la tête d’affiche commerciale du ska, ceux qui ont fait exploser la reconnaissance commerciale du mouvement (« One step … » donc, leur second 45T). Laissant aux Specials le meilleur disque du genre, mais entamant pour leur part à coups de singles malins la conquête régulière des charts. Au bout de deux ans, le ska revival aura fait long feu, faute de combattants (l’essentiel des groupes de la mouvance, y compris les Specials, ont disparu), et la mode est passée à autre chose (les gothiques, la synth-pop, le post-tout-ce-qu’on-veut, …). Madness vont perdurer, en gros une décennie, grâce à un virage pop. Sans se « vendre ». Le groupe a eu la chance de compter en son sein trois, voire quatre auteurs capables de pondre des rengaines putes juste ce qu’il faut pour avoir du succès, mais sacrément efficaces.
Ce « Complete Madness » est paru en 1982, soit trois ans et trois disques après leurs débuts. Ce qui est un timing rapide, mais il faut battre le fer etc …, n’est-ce pas Messieurs les comptables de chez Warner ? Pas de bol, mais personne pouvait savoir, juste avant leur meilleur disque « The rise and fall ». Pas malin non plus, le tracklisting, qui mêle les titres sans tenir compte de la chronologie, et vu que Madness est un groupe qui a évolué dans le bon sens du terme, c’est vraiment pas une bonne idée. Démago, le sous-titre d’origine « 16 hit tracks » (judicieusement supprimé des rééditions) est bien évidemment plus qu’optimiste par rapport à la réalité, d’ailleurs certains titres sont même pas sortis en single.
On trouve donc du ska. Plus exactement ce qu’on appelait du ska en Angleterre et par extension ailleurs dans le monde civilisé, à savoir des choses s’inspirant certes du ska jamaïcain fin 60’s – début 70’s, mais couplé à du reggae, du dub, du toasting, de l’accélération du tempo liée à l’énergie plus ou moins punk de l’époque, le tout dans un format concis (3 minutes maxi). Sont donc de la revue outre l’incontournable « One step beyond », des choses comme « Baggy trousers », « Night boat to Cairo », « The Prince », « Madness », ce qui permet de noter que les Madness sont vraiment des fans ultimes d’une des grandes figures du ska jamaïcain, Prince Buster, puisqu’un titre lui est dédié (« The Prince ») et qu’ils en reprennent deux autres ( « Madness », qui leur donnera leur nom de scène, et « One step beyond », ben oui, c’est pas d’eux).
Ensuite, c’est un peu tout, et aussi n’importe quoi. Du plus ou moins second degré (« The return of the Las Palmas 7 », improbable hybride instrumental entre merengue et calypso), de l’humour macabre (« Cardiac arrest », un des titres les plus enjoués, parle d’un type en train de claquer d’un infarctus), de la pochade fainéante (« In the city » est extrapolé à partir d’un jingle de pub qu’ils avaient écrit pour une bagnole japonaise), de l’hommage certainement sincère à un méconnu poète et musicien anglais d’origine nigériane Labbi Siffre à travers la reprise de son « It must be love » (bonne cover, truffée d’arrangements intéressants de classique et de big band jazz). Cette compile montre aussi la lucidité de gars qui se sentent enfermés dans un style qu’ils pressentent éphémères et qui se retournent vers les bases de la musique anglaise, la pop de qualité. Même si le propos est parfois encore un peu gauche quand ils créent eux-mêmes (« Embarassment », « Shut up »), les choses sont bien meilleures quand ils « s’inspirent » pour pas dire plus (ils sont honnêtes les gars de Madness, ils le reconnaissent dans les courtes mais intéressantes notes du livret) de choses existantes. Ainsi le meilleur titre du disque, « My girl » doit beaucoup au « Watching the detectives » d’Elvis Costello et « Grey day » au schéma rythmique du « Bogus man » de Roxy Music.

On l’aura compris, cette compile d’époque n’a qu’un intérêt somme toute limité, présentant un bon point de vue de leurs premières années, qui sans être à renier ou à rejeter, ne sont pas forcément leurs meilleures. Leurs masterpieces sont encore à venir, même si leur discographie des années 80 est à envisager avec circonspection, beaucoup de choses étant sacrifiées à l’air sonore du temps pour pérenniser un succès qui ne se démentira pas chez leurs compatriotes …


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NEW ORDER - BROTHERHOOD (1986)

Danse et décadence ...
A quoi sert un Cd de New Order ? A rien si on suit le groupe au pied de la lettre. New Order c’est les champions du vinyle maxi 45T. Enfin les champions anglais, le reste du monde, pas con, s’étant prudemment tenu à l’écart des rengaines molles des Mancuniens.
Grosse fatigue ...
New Order, c’est les Doors sans Jim Morrison, plus exactement Joy Division sans le pendu Ian Curtis. Ça boxe pas dans la même catégorie. Bon, ils ont changé le nom, y’a pas matière à procès, même pas d’intention. Et comme je crois pas du tout aux bonnes étoiles et pas trop au hasard, s’ils ont fait partie des plus gros vendeurs de disques des 80’s, ça prouve que des gens les ont achetés (suivez la puissance du raisonnement), et que le groupe a su être au bon endroit au bon moment.
L’endroit et le moment, c’était le milieu des années 80 dans leur club l’Hacienda à Manchester. Une boîte ouverte en investissant l’argent de leurs disques, où se sont succédé aux platines le gotha des DJ’s mondiaux, et dont les clients assidus ont fondé les groupes et sorti les disques les plus intéressants de la fin de la décennie, la fameuse vague Madchester. L’Hacienda était également un repaire de toxicos et de dealers, et de fermetures administratives en amendes, a fini par faire faillite, tout comme le courant électro-dance-machin dont elle était à l’origine.
Grosse fatigue (bis) ...
C’est dans l’Hacienda que les New Order ont trouvé la matière essentielle de leur son, habile recyclage de tous les bruits étranges et novateurs qui sortaient de la sono du lieu. Les maxis de New Order ont engendré bien des vocations, avec des suiveurs qui se sont bien souvent révélés supérieurs à leur modèle.

Tout ça pour en revenir à ce « Brotherhood » qui casse pas des briques. Certes, il y a le petit hit « Bizarre Love Triangle » (joke à multiples niveaux), mais en version courte, radiophonique et « familiale », celle du maxi (sur la compile « Substance ») est meilleure. Pour le reste, « Botherhood » est un disque de synth-pop tout ce qu’il y a de conventionnel, typique des New Order et de leur « âge d’or ». A savoir ces rythmes dansants de constipés, fais pour bouger les bras et pas le bassin, ce qui change tout. Des titres comme « Weirdo » (plus enlevé et mélodique que la moyenne), « Broken promise » et ses gimmicks accrocheurs, l’amusant « All day long » avec sa guitare surf au ralenti, surnagent pour moi du lot. Le reste (une grosse moitié du Cd) se situe dans la moyenne générale des productions du genre à cette époque-là, pas de quoi se relever la nuit. Enfin, une question que je me pose, comment les New Order ont-ils fait pour éviter le procès, tant le dernier titre « Every little counts » est entièrement pompé (ligne de basse, mélodie fredonnée) sur le « Walk on the wild side »  de Lou Reed ?

Des mêmes sur ce blog :
Substance