RICHARD HAWLEY - STANDING AT THE SKY'S EDGE (2012)

Qu'a fait Hawley ?

Ben ouais, quoi … quand on  a réussi à se faire un (petit) nom dans le music business, qu’on a son (petit) public, quand son patronyme est immédiatement assimilé à une forme d’expression musicale, faut pas chercher à comprendre, faut passer sa vie à refaire le même disque sous peine de retomber dans l’anonymat.
Mais voilà, Richard Hawley n’est pas – au hasard – Chris Isaak. Il aurait pu être ad vitam aeternam un crooner anglais triste, torchant des rondelles dont chacune serait la photocopie de la précédente ou de la suivante, avec comme seul point de différenciation un état de grâce dans la composition qu’on atteint parfois. Ses états de grâce à Hawley s’appelaient « Cole’s corner » qui lui valut le Mercury Prize (sorte de prix Goncourt british du rock-pop-machin) et « Truelove’s gutter » sur lequel sa recette patiemment mise en place touchait au sublime.
En train de raconter une histoire un peu Hawley Hawley ?
« Truelove’s gutter » est le disque précédant ce « Standing … ». Et Hawley qui ne doit être ni sourd ni con a dû se dire qu’il avait placé la barre tellement haut qu’il serait vain de vouloir la dépasser. Et des évènements extérieurs lui ont collé une sorte de rage, contenue, mais la rage quand même. Selon lui, ces idées noires lui seraient venues de la mort d’un ami proche et de l’exercice du pouvoir calamiteux (what else ?) des conservateurs revenus aux affaires en Angleterre. Parce que Hawley est Anglais, peut-être pas autant musicalement que Ray Davies, mais Anglais quand même, est originaire de Sheffield, vieux bastion industriel du Labour Party, à l’activité saccagée par les années Thatcher …
Hawley s’est aussi souvenu qu’il avait été guitariste en tournée et parfois en studio du Pulp de Jarvis Cocker et que ce dernier venait de le rappeler quelques mois plus tôt pour remonter une énième mouture de son groupe. Parce que Hawley, c’est un de ces guitar heroes anglais, reconnus par leur pairs (comme tous ces Chris Spedding, Albert Lee, Richard Thompson, Bert Jansch, liste infinie) mais condamnés à passer leur vie dans l’obscurité qu’ont posé sur leurs successeurs la Sainte Trinité des 60’s des Beck, Clapton et Page. Et Hawley oubliant sa trademark et sa petite notoriété publique, a fait un disque de guitariste. Pas même besoin d’écouter la rondelle, suffit de voir l’intérieur du (maigre) livret rempli de gros plans sur des détails de guitares qu’on suppose prestigieuses et vintage …
La plupart des habitués de la maison Hawley furent déçus par ce « Standing … » de rupture. Ils ont dû l’écouter en travers, cette rondelle. Qui si effectivement n’a que peu à voir avec les précédentes, vaut plus que largement le coup d’oreille. D’abord parce que Hawley n’est pas un guitariste brise burnes reléguant les autres musicos au fond du mix pour placer plein centre de la stéréo un solo que l’on imagine toutes grimaces en avant de douze mille milliards de notes à la seconde. Non, Hawley mixe sa guitare à un volume tout à fait déraisonnable tout le temps, et ne se hasarde que très rarement à des solos égomaniaques (les deux sur le premier titre « She brings the sunlight » étant l’exception qui confirme la règle), qui de toute façon misent tout sur le rendu sonore plutôt que sur l’agilité des doigts le long du manche. En gros, si vous aimez le Neil Young énervé et grand-père du grunge de la fin des 80’s, ce disque est pour vous. Dans un registre de chansons tout à fait différent de celles du canadien …
Je vous avais dit qu'il était guitariste ?
Le domaine de prédilection de Hawley, c’est la ballade down ou mid tempo. Dont il s’éloigne parfois pour faire des machins beaucoup plus rentre dedans. Ainsi « Down in the woods » dont le riff rappelle le « 1969 » des Stooges (pas besoin d’en dire davantage, le seul nom des Stooges vaut plus que de longs discours). Ou « Leave your body behind you », qui avec son gros riff qui dépote et sa voix aérienne ramène au shoegazing (Angleterre, quelques mois vers la fin du XXème siècle, avec My Bloody Valentine et Ride en tête de gondole, mais que sont ces gens devenus ?). On pense aussi de loin aux Jesus & Mary Chain pour ces mélodies pur sucre noyées sous des guitares toutes en reverb, feedback et larsens …
Ce qui nous amène à parler du chanteur Richard Hawley. On sent qu’il chante parce qu’il en faut bien un qui s’y colle et comme c’est son disque, c’est tombé sur lui. Faut être clair, dans le genre ballade triste, il se situe à des années lumière de l’expressivité d’un Roy Orbison, si vous voyez ce que je veux dire … Et quand les titres s’emballent, Hawley n’a pas le coffre pour accompagner la musique. C’est le seul gros reproche qu’on peut faire à cette rondelle, avec la faiblesse relative par rapport au reste du morceau « The wood collier’s grave ».  Parce que il y a dans « Standing … » de la matière. Hawley compose bien, évite le monolithisme donnant parfois dans l’ambiance floydienne (le crescendo de « Don’t stare at the sun » même si son jeu de guitare n’a rien à voir avec celui de Gilmour), l’alternance du quiet / loud sur le même tempo (la somptueuse ballade terminale « Before »), la prière incantatoire rageuse du titre d’ouverture (« She brings the sunlight »), quelques intros (longues et très travaillées chez Hawley) qui évoquent les ambiances sombres des Doors …
Tout à fait « logiquement », malgré de louables efforts de sa nouvelle maison de disques (Parlophone) qui a sorti quatre titres en singles, « Standing … » a été une gamelle commerciale …
Normal par les temps qui courent. C’est un bon disque …


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