THE ROLLING STONES - BLUE & LONESOME (2016)

2120 South Michigan Avenue ...
… Qui en plus d’être un titre des Stones des early 60’s, est comme chacun sait (hormis les électeurs de Fillon, les sportifs, les jeunes de moins de soixante-cinq ans, et quelques autres…), l’adresse du label Chess à Chicago. Soit la référence du blues à son âge d’or, ou son apogée, comme on veut. Un label dont les parutions, comme chacun sait (hormis les électeurs etc, etc, …), ont fortement influencé quelques visages pâles anglais au début des 60’s. Y compris ceux au sujet desquels dont il va être question, j’ai nommé Ladies & Gentlemen, Mesdames et Messieurs et Autres, le plus grand groupe de rock de tous les temps (le meilleur étant comme chacun sait, Kyo, voire à la limite les Beatles), les ci-devant Rolling Stones. Cinquante deux ans et des brouettes de carrière. Dont les dernières quarante années, comment dire … passées à capitaliser sur le prestige des douze premières.
Car quel homo sapiens muni d’oreilles en état de fonctionnement, peut trouver intéressants, voire plus, les disques sortis par la Jagger & Co. Inc. depuis au mieux, « Black & Blue », au pire « Exile … ». D’ailleurs, conscients de leurs limites et d’une inspiration en cale sèche, les Vieux Cailloux n’avaient sorti que deux disques studio en 20 ans, « Voodoo Lounge » au milieu des 90’s et « A Bigger Bang » dix ans plus tard. Et que ceux qui ont en mémoire un seul titre de ces deux galettes se fassent connaître, ils gagnent une semaine de backstage pass pour les meetings chamaniques ( ? ) de Sœur Emmanuelle Micron. Par contre, les Stones ont beaucoup tourné, allant même jusqu’à racketter des Cubains ou des Chinois consentants ( ? ), faisant paraître des Cds, Dvds, Blu-Rays live à une cadence que même Pénélope F. n’arrive pas à suivre en matière de faux bulletins de salaire.
Souriez, c'est pour la promo ...
Et les Stones, qui se détestent cordialement (enfin, surtout Jagger et Richards, Ronnie servant d’interprète entre les deux, et Charlie entre deux cancers regardant tout ça d’un œil amusé), n’étaient qu’une multinationale engrangeant des millions de dollars au profit des quatre actionnaires majoritaires. On ne sait par quel miracle ou accident, lors d’un conseil d’administration de la holding Rolling Stones, en présence on s’en doute de dizaines d’avocats des différentes parties en présence, la conception et la mise en marché d’un nouveau disque studio furent mis à l’ordre du jour. Nom du produit : « Blue & Lonesome ».
Evidemment, les notes de la pochette de la chose nous parlent de jam bluesy en studio impromptue et improvisée en présence du producteur Don Was. Lequel aurait suggéré un disque de reprises de vieilleries blues plus ou moins inconnues. Tope là, marché conclu, affaire bâclée en trois jours de studio, tout le monde live, douze titres mis en boîte, zéro overdubs, etc, etc …, veuillez chers amis passer à la caisse avec le dernier skeud des Stones …
Ouais, … Hum … Je veux bien qu’on imprime la légende si elle est mieux que la réalité, mais bon … Pourquoi avoir attendu un an (douze mois), avant de sortir la chose, pourquoi ces titres extraordinairement bien en place ?
L’expérience, la magie de l’instant ? Ou le travail minutieux, milliseconde par milliseconde sur une batterie de Mac, de postproduction, comme on dit en cinéma ? Tout ça pour arriver à faire sonner les cymbales de Charlie Watts comme des casseroles sur lesquelles on cogne (sur « Just like I treat you » notamment) ?
Et vous avez vu ce qu’ils en disent dans la presse (la vraie, celle où on paye des gens pour écrire des phrases avec sujet, verbe, complément et accord du participe passé) ? « Blue & Lonesome » est une bouse terminale, jouée par des vieillards en bout de course. J’ai vu ça dans l’Express ou le Nouvel Obs, vous imaginez le sérieux et la compétence de l’analyse.
Y'a encore du monde pour nous voir ?
Ben moi je vais dire, ce « Blue & Lonesome », il est excellent, voire plus. Le meilleur disque des Stones depuis « Black & Blue », voire « Exile … », et meilleur même que bon nombre de rondelles sorties par le groupe entre 64 et 72 (quelqu’un pour défendre « Satanic Majesties » ?). Parce que peu importe que les prises aient été bidouillées et triturées par Was, Jagger et Richards, « Blue & Lonesome », il envoie le bois. Et signifie à tout un chacun que le blues, c’est pas forcément un truc tristos, monotone et chiant joué par un vieux Noir aveugle et cocu. Les Stones jouent dans ce disque comme si leur carrière en dépendait. Up tempo, le plus souvent. Avec une énergie punk. Oui, j’ai bien écrit punk, ce genre musical dont tous les acteurs se plaisaient à dire en 77 « fuck les vieux Stones » (enfin, pas tous, Strummer et Jones étaient beaucoup plus mesurés, sachant ce que le rock devait à la bande à Jagger et Richards). Quarante ans après les faits, les Stones envoient le bois comme Dr Feelgood. Un seul exemple, frappant au bout de quelques secondes sur n’importe quel titre : Jagger chante en laissant tous ses tics et afféteries vocaux au vestiaire, se fout le gosier minable. Et souffle à s’en faire exploser les carotides dans un harmonica, ce qui lui était pas arrivé depuis … pff, plus que ça, au moins.
Derrière, les deux siamois, le Keith et le Ronnie, riffent, chorussent et solotent comme s’ils voulaient se faire un nom dans le music business, Charlie Watts oublie Gene Krupa et sort des breaks et des roulements dévastateurs. Les larbins habituels, Darryl Jones, Chuck Leavell, Matt Clifford, sont discrètement efficaces. Même un autre vieux de la vieille, Eric Clapton, qui soi-disant par le plus grand des hasards enregistrait dans le studio à côté, qui a vu de la lumière et est rentré triturer sa vieille pelle slide sur « Everybody knows … », et sa Strat sur « I can’t quit you baby », oublie pour une fois de se prendre pour un vieux débris pénible.
Souriez, les mecs, on est censé être potes ...
Oui, vous avez bien lu, les Stones reprennent « I can’t quit you baby » de Willie Dixon certes, mais surtout pierre angulaire du 1er Led Zep. Hasard ? Tu parles, Balthazar … Moi je vois plutôt ça comme régler de façon définitive une vieille histoire de suprématie. Les Stones en 2016 viennent narguer le cadavre du Dirigeable. Leur version, quoique puissante et couillue ne vaut pas celle de Plant et Page, mais semble leur poser la question : « vous êtes où, les mecs aujourd’hui, à vous prendre le chou pour savoir si vous allez vous reformer, venez-y voir, vous êtes cuits, finis, nous on est toujours là et on vous emmerde … ».
Par le ton, le son, et la rage déployées, « Blue & Lonesome » renvoie cul par-dessus tête (ouais, même Neil Young) tous les collègues-concurrents, qui la soixantaine largement entamée, continuent de faire du rock ou du moins quelque chose qui y ressemble. Depuis combien de temps ZZ Top, par exemple, n’a pas sorti un boogie de la trempe de « Ride ‘em down » ? Qui après le lourd, lent et rustique « Hoodoo blues », ou la montée en puissance et en tempo de « Little rain » a envie de se réécouter une rondelle de S. R. Vaughan, ou pire, la dernière pleurnicherie bluesy de Bonamassa, Poppa Chubby, Warren Haynes ou qui sais-je encore. Et ne me parlez pas de Bertignac ou Paul Personne (deux types que j’aime bien, mais dont malgré de louables et répétés efforts, j’ai jamais pu écouter une rondelle jusqu’au bout), ou du groupe de belouze du copain auvergnat du cousin du neveu de votre collègue de bureau. Et j’aurais même une question idoine à poser (non pas aux Canned Heat, ils sont tous morts, Dieu merci), à Brian Setzer : depuis quand il a pas sorti un rockab du niveau de « Just  like I treat you ».
Et encore, j’ai pas cité les deux meilleurs du disque, « Blue & lonesome », le titre, et la tuerie blues-punk « I gotta go », qui va faire se gratter l’occiput au pourtant speedé Reverend Horton Heat soi-même (par charité chrétienne, je ne ferai aucune allusion malveillante au Jon Spencer Blues Explosion, vous savez, le groupe du type qui se prend pour un Elvis énervé de Prisunic …)
Bon, qu’est-ce que je pourrai encore vous dire… Que c’est Little Walter qui se taille la part du lion dans la tracklisting (quatre titres), mais à la limite on s’en fout.

Non, ce qui est essentiel, c’est que là, fin 2016, les Stones ont sorti la suite de « The Rolling Stones » ou « 12 x 5 ». Et qu’ils sont en nets progrès. Retour vers le futur … Va encore falloir passer à la caisse avec un grand disque des Stones sous le bras …

Des mêmes sur ce blog :



NEIL YOUNG - PEACE TRAIL (2016)

La dernière moisson ?
Bon, attention, je veux pas l’enterrer avant l’heure, le vieux Neil. Bien content qu’il soit encore là, rescapé de cette hécatombe (qui va pas s’arranger, les (ex)-fans des sixties ont l’âge de leurs artères, vont continuer à y passer …) de gloires plus ou moins décaties du wockanwoll …
Neil Young, c’est un peu le phénix du rock, capable de renaître de ses cendres quand on n’attend plus rien de lui. On l’a vu marquer son époque fin 60’s début 70’s, sombrer au début des années 80 (des histoires de maison de disques, l’inspiration en panne, tout ça …), se réinventer à la fin de cette même décennie en Parrain du grunge avec quelques albums toutes guitares stridentes en avant, et puis livrer de temps en temps, quand on le croyait fini, une galette qui le remettait sur le devant de la scène. Dernier coup d’éclat en date, l’année dernière, le pamphlet écolo-militant « The Monsanto Years », une de ses productions les plus abouties depuis … pff, au moins.
Un peu fatigué, genre le retour de Renaud ?
Et là, en cette fin 2016 qui a donné du boulot aux nécrologistes de tout poil, il fait s’emballer les rotatives de la presse musicale avec ce « Peace Trail ». Bon, si vous voulez mon avis, et même si vous le voulez pas je vous le donne quand même, « Peace Trail » est un bon disque du Canadien. Pas un de ceux qui restera, mais un de ses bons. Enregistré en trident, lui aux guitares et aux voix, deux pointures de studio (Paul Bushnell à la basse, Jim Keltner aux fûts), et juste quelques clampins additionnels de ci de là. Et forcément, dans cette configuration minimale, Young retrouve ce son boisé (le son du country-rock) qui a fait sa légende il y a près de cinquante ans.
On est dans l’esprit de « Everybody knows this is nowhere », « After the gold rush », « Harvest ». Sans toutefois atteindre le même niveau. Parce que … ben, plus tout Young, et que cette triplette-là avait placé la barre un poil trop haut pour les suivants.
« Peace trail » est un disque apaisé (plus de titres drivés par des empilages de larsens), bucolique, campagnard. Quasi un disque de plouc. Mais un plouc qui a du talent, et ça change bigrement la donne. Fil rouge, une vague thématique pro-indienne, parce que le Neil, baba un jour, baba toujours ne se refait pas et entend l’ouvrir sur des sujets qui le préoccupent (pour une fois, il a oublié de soutenir trop ouvertement le candidat Républicain, et de se couvrir de l’infâmant paletot artiste pro-Trump, même s’il lui trouve des idées « rafraîchissantes » ( ? ) et qu’il l’a autorisé à utiliser dans ses meetings « Rockin’ in the free world » ( ! ), le facho à moumoute étant paraît-il fan de longue date de Young).
Ben non, il a l'air en forme ...
« Peace trail » donc. Qui commence par le morceau éponyme. Totalement bluffant, le genre de merveilles comme on n’en écrit pas dix dans sa vie, et qui renvoie au Neil Young tutoyant les sommets. Tout y est, ce mid tempo country-rock, ces grilles d’accords immédiatement identifiables, même la si particulière voix fluette du Neil est de retour, d’une pureté et d’une clarté inattendues (à tel point qu’on peut se demander si elle a pas été bidouillée à la prod). Plus rien dans le disque n’atteindra de niveau, mais qu’importe. On en tient un de ces titres à se repasser en boucle le soir à la veillée. Attention, ce qui suit (format « ramassé », dix titres et moins de quarante minutes) est loin d’être indigne parce que Neil Young qui fait du Neil Young, moi je suis preneur. « Can’t stop workin’ » marche sur les traces de « Heart of gold », « Show me » est aussi feignasse qu’un bon JJ Cale, « Terrorist suicide … » et « Glass accident » auraient pu figurer sur n’importe lequel de ses disques des 70’s. Certaines choses sont plus quelconques, en pilotage automatique (on sent le skeud vite enregistré, genre « ouais, ça sonne pas mal, on touche plus rien »), comme « Texas rangers », « My pledge ».
Trois titres sortent des sentiers battus du Canadien, la mélopée linéaire « Indian givers » et sa batterie tribale, l’écolo-plouc « John Oaks » qui allez savoir pourquoi, me fait penser au « Bungalow Bill » des-qui-vous-savez, ou alors retournez réviser vos classiques. Et puis, comme Neil Young n’en fait qu’à sa tête et qu’il a pas que de bonnes idées, l’ultime « My new robot » commence bien, puis se voit parasitée par des bip-bip glou-glou et une voix synthétique du plus mauvais effet (n’est pas Kraftwerk qui veut), un titre tellement con qu’on dirait une chute de son funeste « Trans » des années 80.

En fait, Neil Young n’a pas grand-chose à dire et plus rien à prouver depuis des lustres. Il fait juste avec ce « Peace trail » du Neil Young d’un bon niveau. Que demander de plus ?


Du même sur ce blog :

THE LEMON TWIGS - DO HOLLYWOOD (2016)

Rain Men ?
Ou plutôt Rain Childs tant ces deux frères (Michael et Brian d’Addario, from N.Y.) semblent surdoués. Un peu trop pour être honnêtes ? J’en sais rien et je m’en cogne … Même si on m’empêchera pas de penser (fuck you Marine) que faire des trucs comme ça quand on a dix sept ans et dix neuf ans pour le plus « vieux » des deux, c’est quand même suspect. Y a t-il un Gepetto, habile marionnettiste qui tire les ficelles de ces deux ados, un papa Jackson (pour les cinq minots du même nom) ou un Kim Fowley (pour les Runaways) des années 2010 ? Apparemment non, et c’est le plus étonnant de cette affaire.
Mal habillés, les Lemon Twigs ?
Pourtant c’était pas gagné. Habillés avec un mauvais goût qui donnerait des sueurs froides à Gilbert Bécaud et Aznavour s’ils étaient pas morts, coiffé « mulet » pour un des deux (putain, qui à part l’ancien bassiste des Jam s’il est encore de ce monde se peigne de la sorte aujourd’hui ?), on imagine les cauchemars des attachés de presse pour vendre les Lemon Twigs …
Par contre, dès qu’on appuie sur « Play », il se passe un truc avec ce Cd. Le même genre d’émoi qu’à l’écoute du premier MGMT (des nouvelles de ces éphèbes disco-pop, quelqu’un ?), les bonnes références en plus. Faut bien sûr être fan des Beatles, des Beach Boys, des Kinks, du Band, des Bee Gees des débuts, des Zombies, ce qui devrait être le cas de tout humain normalement constitué et doté d’une paire d’oreilles en état de marche. En gros de la pop 60’s tarabiscotée de très haut niveau, faite à l’époque par des types aussi géniaux qu’inégalés. C’est dire si les Lemon Machin placent la barre très haut. Et le plus étonnant c’est qu’ils arrivent à la franchir souvent, en tout cas beaucoup plus souvent que les myriades de zozos qui s’y essayent depuis cinquante ans …
Pas besoin d’aller chercher loin. Dès le premier titre (« I wanna prove to you »), on se retrouve en plein trip McCartney-Beatles circa 68-69 plus vrai que nature. Le suivant (« Those days is comin’ soon ») c’est Ray Davies et les Kinks qui te sautent à la gueule, dans ce vaudeville suranné, cette mini comédie musicale, conclue par une fanfare New Orleans, le genre de titre que personne avait osé depuis – au hasard – les Reines de « Bohemian Rhapsody ». Bien sûr, on dira qu’il n’y a pas l’évidence indiscutable et instantanée de ces grands hits marmoréens de l’époque, mais qui aujourd’hui, à part Maître Gims, est capable de torcher des machins pareils ? Répondez pas tous en même temps …
Ben oui, mal habillés ...
Il y a dans tous les titres de ce « Do Hollywood » une exubérance instrumentale (ce sont les deux nourrissons qui jouent de tous les instruments, en plus d’harmoniser ou de chanter lead à tour de rôle), qui aurait même tendance, et c’est le plus gros défaut (enfin, défaut est dans ce cas un bien vilain mot) à quelquefois devenir trop démonstrative. Qui à part les derniers fans chauves des rouflaquettes géantes de Mungo Jerry, à envie de se fader un solo de kazoo sur le final de « As long as we’re together », titre par ailleurs pas rebutant notamment grâce à son début qui me fait furieusement penser au Bowie de « Memory of a free festival » (cherchez pas, c’est un titre assez quelconque de « Space oddity »).
Les Lemon Twigs flirtent avec toutes les limites, dans un spectre assez varié, taquinant le sublime ou manquant de se dissoudre dans le mauvais goût (exemple du titre foiré, « Frank », lyrique, pompier, quasi prog et son final symphonique boursouflé). Et puis pour marquer leur temps et leur terrain, ils nous font leur « Good vibrations » (à l’attention des fans de Slayer, je rappelle que « Good vibrations » est le meilleur morceau du siècle dernier et de ceux à venir). Ça s’appelle « A great snake », ça commence façon « All I wanna do » de Sheryl Crow, c’est un titre à tiroirs, sautant du coq à l’âne mélodique, et forcément et logiquement, ça ne vaut pas la merveille de Brian Wilson. Faut parfois avoir conscience de ses limites, les petits…

Surprenant, parfois excellent, « Do Hollywood » est à ranger pas très loin du « Vampiric way » des frenchies but chic Bewitched Hands sur l’étagère « c’était mieux avant, mais on va essayer de faire aussi bien » …