ALAN J PAKULA - KLUTE (1971)

Whiteploitation ?
« Klute », c’est un des deux films qui ont fait passer son réalisateur Alan J Pakula à la postérité (l’autre, c’est évidemment « Les hommes du Président » sorti cinq ans plus tard et qui traite du scandale du Watergate). Entre temps, Pakula se sera intéressé à la fin de Kennedy (« A cause d’un assassinat »), et gagnera une réputation de type « engagé ». Qu’il ne fera guère fructifier, il fait partie de ces metteurs en scène aujourd’hui quelque peu oubliés.
Pakula, Sutherland & Fonda
« Klute » est un polar. Un peu bancal, car on devine très aisément assez vite qui est le coupable. Ce qui niveau suspense et tension est pas vraiment le top. En fait, cette histoire de traque de prostituée par un homme d’affaires psychopathe qui veut la buter tout comme ses connaissances à elle qui pourraient parler, est assez convenue, tout juste bonne pour servir de trame à un épisode de « Castle ».
Ce qui sauve le film, c’est un duo d’acteurs qui crève l’écran, Donald Sutherland et Jane Fonda. Lui, c’est John Klute, détective assez coincé voire rigide de province « monté » à New York pour enquêter sur la disparition d’un homme d’affaires de ses amis. Elle, c’est Bree Daniels, pute occasionnelle, qui serait une des dernières à avoir vu le disparu avec qui elle entretenait une liaison lorsqu’il allait en ville. La ville, justement, est aussi au cœur du film. Un New York sordide, un peu l’envers du décor de la carte postale. L’essentiel du film se passe à Harlem où vit Bree dans un appart assez minable. Ses fréquentations, ses connaissances, sont plus ou moins des paumés, des toxicos, des petits macs sans envergure qui croupissent dans un milieu plutôt sordide. En fait, par bien des aspects (Harlem, la dope, les putes, et la violence qui va avec tout ça), « Klute » est une version « blanche » de « Shaft », le film-type de la blaxploitation sorti quelques mois plus tôt. Avec Sutherland nettement moins funky que Richard Roundtree ou Ron O’Neal dans « Superfly », bon, il a des excuses, la B.O. est pas signée Mayfield ou Hayes… Tiens, et puisqu’on parle son et musique, il y a dans « Klute » une musique souvent électronique assez glaciale (comme celle de Carpenter dans « Halloween »), et des sonneries de téléphone flippantes et obsédantes (c’est le tueur qui appelle, souvent sans dire un mot).
Sutherland & Fonda
John Klute n’est pas dans son élément à New York. Et on le sent peu à l’aise lors de ses premières rencontres avec Bree, très professionnel, limite asexué. Alors que Bree, c’est de la bombe, Jane Fonda a la trentaine rayonnante et joue un rôle pas simple, le personnage le plus complexe du film. Putain « classe » (elle fait pas le trottoir, trouve ses rendez-vous par téléphone), mais qui fait des passes tarifées par défaut. Ce qu’elle voudrait être, c’est mannequin ou actrice (elle fait des jeux de rôle dans son taf, c’est d’ailleurs dans l’atelier de couture d’un pépère pervers et cool qu’a lieu le dénouement de l’enquête policière), et elle claque toutes ses économies en séances de psychanalyse.
Jane Fonda
Bree entretient avec Klute des relations ambigües. Elle le rejette d’abord, essaie ensuite de vamper ce glaçon ambulant, pour finalement se jeter dans ses bras quand le danger se précise. Tout en gardant son autonomie, elle passe pas ses jours à ses pieds. Sans qu’on sache trop si Klute est tombé amoureux, jusqu’à la scène finale. Fonda / Daniels focalise l’attention dès qu’elle est à l’image. Faut dire qu’elle est vêtue très près du corps, qu’elle ne porte pas de soutien-gorge et qu’il fait froid dans son appartement ou dans les rues de New York, si vous voyez ce que je veux dire (et je sais que vous voyez ou du moins que vous imaginez, bande de pervers). En tout cas, tétons en avant ou pas, le rôle de Bree Daniels vaudra à Jane Fonda une statuette de meilleure actrice.
« Klute » a ses fans. Ouais, bof … Faut reconnaître qu’il a ses qualités (les personnages sont fouillés y compris celui du tueur, l’atmosphère de décadence urbaine bien retranscrite, les gens de pouvoir et d’argent bien machiavéliques), mais aussi quelques défauts. « Klute » est un film qui se traîne, d’une lenteur parfois assoupissante, Pakula n’est pas un grand manieur de caméra, sa mise en scène est d’un classicisme assez plat, et la partie polar et suspense ne tient pas ses promesses …

Sans Sutherland et Fonda, ça ferait tout juste un bon téléfilm. Pour moi, « Klute » est assez nettement inférieur aux « Hommes du Président » qui restera la masterpiece de Pakula, aves là aussi un grand duo d’acteurs (Hoffman et Redford)…


4 commentaires:

  1. Pour l'avoir vu à la télé il y a peu... Pakula n'est sans doute pas un filmeur hors-pair, mais il crée une putain d'ambiance, sombre, poisseuse, limite cauchemardesque, des ombres partout, on ne sait pas ce qui s'y cache. Y'a ces plans sublimes de l'homme d'affaires, seul dans son bureau, dominant le port, la grisaille extérieure, décor fantomatique... Comme tu le dis, la visite du New York désœuvré vaut aussi le coup d'oeil.

    T'as raison, ça tient uniquement avec le duo d'acteur, car côté intrigue policière, on a compris à la moitié du film, et de toutes façons, comme il n'y a que trois protagonistes, le coupable est vite désigné. Alors évidement que Pakula est intéressé par autre chose qu'un simple film de détective privé, notamment le monde des junkies, de la prostitution, la ville de NY, mais c'est dommage tout de même.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Holà Lucio! Et oui, on s'en fout un peu (complètement) de l'intrigue.
      Ce qui fascine, c'est l'ambiance, la parano, le rythme, et évidemment le charisme de J Fonda et D Sutherland.
      Film à remettre dans son contexte (1971, en France on avait Les bidasses en Folie, et Sheila chantait Les rois Mages...).
      David Fincher a avoué avoir été "traumatisé" par Klute, devenu une source d'inspiration récurrente!
      Joyeuses Pâques à Paris!...

      Supprimer
  2. J'en ai écrit une chronique, hier, encore à travailler, qui passera d'ici quelques vendredi. Je maintiens que l'intrigue aurait tout de même pu être étoffée, comme on dit, ça ne mange pas de pain ! Film à remettre dans le contexte Vietnam et futur Watergate, je vais en parler, Klute a ouvert la voie à pas mal d'autres réalisations du même type.

    Bonne chasse aux oeufs Juan ! Mes gamins ont quasiment 18 ans, mais je vais aller tout de même en planquer dans le jardin !

    RépondreSupprimer
  3. Tu en as écrit une chronique ? Ce sera l'occasion de passer mettre un mot sur le Déblocnot, parce que les derniers films dont tu as causé, je les ai pas vus (je sais, c'est pas bien ...)

    Joyeuses fin de Pâques à vous ... avant le goulag sanitaire ?

    RépondreSupprimer