MARCEL CAMUS - ORFEU NEGRO (1959)

Marcel et son Orchestre (de samba)
Pour être gentil, on dira que Marcel Camus est un cinéaste quelque peu oublié. Pourtant il doivent pas être très nombreux les Français a avoir cumulé Palme d’Or et Oscar du meilleur film étranger. Tout ça pour un même film, cet « Orfeu Negro », forcément son plus connu (au passage, son autre titre de « gloire », c’est d’avoir réalisé la série télé 60’s « Les faucheurs de marguerites »)
Marpessa Dawn & Marcel Camus
Autant de louanges et de récompenses a de quoi laisser songeur une fois qu’on l’a vu cet « Orfeu Negro ». Pas que ce soit un horrible nanar, mais bon, c’est pas l’imagination au pouvoir et l’enchantement à chaque plan. Camus est un cinéaste tout ce qu’il y a de conventionnel dans sa façon de filmer, classique à en devenir finalement assez ennuyeux, inutile de chercher un procédé narratif original, ou des mouvements savants de caméra. D’un autre côté, fallait aussi assurer un strict minimum, parce que quasiment tous les comédiens sont des amateurs, et logiquement, ils ne crèvent pas l’écran. Le scénario n’est pas d’une imagination folle, c’est tout bonnement l’histoire actualisée de la légende antique d’Orphée et d’Eurydice, strictement conforme à celle qui est racontée par les profs de Français ou d’Histoire dans les collèges. En fait, le seul trait de génie (et encore, on y reviendra), c’est de l’avoir transposée à Rio, pour l’ouverture du Carnaval.
On a donc droit à des décors naturels qui valent quand même le coup d’œil (même si sûrement questions d’autorisations, aucun des lieux mythiques de la ville genre Corcovado, Copacabana, Sambadrome, n’apparaît à l’écran, faut se rabattre sur une colline de favelas qui domine la ville et les plages), et toute une population bariolée qui fait office de figurants, avec au passage quelques gueules pittoresques ou comiques, censées représenter au mieux la gouaille et l’exubérance des quartiers pauvres. Revers de la médaille, on n’échappe pas au côté carte postale, les Brésiliens ne sont montrés que comme une bande de joyeux crétins perpétuellement en train de danser la samba. A tel point que les autorités du pays firent officiellement la grimace devant le film.
Orphée (Breno Mello) et Eurydice (Marpessa Dawn)
Ça donne quoi, au final ? Une impression assez mitigée, un film qui tient plus de la comédie musicale que du cinéma d’auteur, et n’a rien à voir avec le traitement mieux réussi du même mythe antique par Cocteau. Au crédit de Camus, une bonne perception de la lame de fond bossa nova qui allait redéfinir de fond en comble la musique brésilienne, et il fait se côtoyer sur la bande-son l’archi-convenue samba avec quelques titres d’un encore à peu-près inconnu, Antonio Carlos Jobim. Parenthèse, les salopiauds responsables de l’édition Dvd (Grayfilm SAS, collection Ciné Club, qualité d’image tout juste passable), ont trouvé malin de doubler lesdites chansons en français, seule langue disponible sur leur rondelle, alors que le film a été tourné en portugais. Fin de la parenthèse.
Les acteurs amateurs (sauf Marpessa Dawn, celle qui joue Eurydice, pas exactement une star, même Luc B. doit pas la connaître) ont l’air en totale roue libre, on dirait des footballeurs de Fluminense, Botafogo ou Flamengo. En fait, c’est ça qui les sauve, cette nonchalance décontractée, cette facilité qu’ils partagent avec les pousseurs de ballon locaux de se sortir élégamment de situations pourtant mal engagées. Cette naïveté démultiplie le côté poétique de l’histoire elle-même.

Pour moi, c’est la fin du film qui est la plus intéressante, parce que les deux premiers tiers, avec cette mort en collant sur lequel est peint un squelette ( Entwistle, le bassiste des Who s’accoutrait parfois de la sorte, y aurait-il un lien ?) perpétuellement en train de courser Eurydice au milieu des groupes de danseurs, on peut pas dire que ça génère des poussées d’adrénaline et un suspens insoutenable. C’est quand Orphée (pour l’occasion conducteur de tram, Eurydice étant une ingénue provinciale venue en ville pour le Carnaval) commence à rechercher sa bien-aimée morte que Camus change de registre. Là, tout à coup, le film devient plus caustique, plus militant. La descente aux Enfers d’Orphée s’effectue plutôt en montant par des ascenseurs vers les arcanes ultimes d’une administration pléthorique, croulant sous des montagnes de paperasses, et servie par une nuée d’employés certes pittoresques mais totalement inefficaces (pas étonnant que le gouvernement brésilien n’ait pas trop ri avec cet aspect-là également), à tel point qu’il ne retrouve trace de la morte que par le biais d’une cérémonie vaudou (ça aussi, ça fait un peu désordre dans un pays très catholique).
Amusant aussi, et ça aide quand même à faire passer la pilule de la fable antique recréée, quelques situations vaudevillesques (Orphée est sur le point de se marier à une putain de bombe latine, comme de bien entendu très jalouse, lorsqu’il rencontre Eurydice), et quelques gosses malicieux, espiègles et rêveurs qui renforcent le côté allégorique et poétique de la chose.

« Orfeu Negro », c’est quand même du divertissement familial de base. Même l’originalité de traitement du scénario n’est pas très novatrice ; il me semble, mais j’ai rien lu pour l’étayer, que beaucoup de choses ont été inspirées à Camus (aucun lien de parenté avec l’écrivain) par le « Carmen Jones » d’Otto Preminger sorti quelques années plus tôt…

Une bande-annonce bien soporifique ...

7 commentaires:

  1. C'est pas son meilleurs album… ah merde, Camus, ok. Bon, ben c'est pas son meilleur bouquin.

    RépondreSupprimer
  2. Un peu long pour un clip... Encore plus long que "Thriller" et "Pourvu qu'elles soient douces"...
    1959, ça ? C'est en couleurs et ça "sonne" 70-80's... Ah d'accord, on est au Brésil, je comprend mieux...

    RépondreSupprimer
  3. 70-80's ... ça sonne vieux et dans intérêt, quoi ...
    1er film couleur dans les années 1930 ... comment ça, quoi, ils faisaient déjà des films à cette époque-là ?

    RépondreSupprimer
  4. Me souviens vaguement avoir vu ça couplé avec le Roméo et Juliette de Zeffirelli en support de cours de Français en 1ere...
    Résultat: Les histoires d'amour finissent mal...en général...

    RépondreSupprimer
  5. Ah Marpessa... Marpessa... Ben non, connais pas !
    Comme à peu près tout le monde, j'ai fait honneur à ce film, un jour à la télé, y'a longtemps, parce qu'il était connu, oscarisé, quasi mythique ! Il m'en reste très peu de chose, une interprétation un peu fadasse sur fond de très beau technicolor.

    J'ai l'impression qu'on a plus salué l'idée du film, que sa réalisation elle même. Délocalisé Orphée, les favelas, la musique, tout cela était novateur. Palme d'or en 1959, la même année "Les 400 coups" reçoit le prix de la mise en scène. y'a un truc qui cloche, là...

    Camus a un second titre de gloire : le Mur de l'Atlantique, un des derniers film de Bourvil. Qui passe chaque 6 juin à la télé, et qui est toujours aussi raté.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. En 59, sont parus La mort aux trousses, Ben Hur, Rio Bravo et Orfeu Negro ... cherchez l'erreur ...

      Supprimer