BOB DYLAN - SUBTERRANEAN HOMESICK BLUES (1965)

Deux Dylan pour le prix d'un ...
« Subterranean … », il s’appelait à sa sortie « Bringing it all back home ». Pour une raison qui m’échappe et dont je me fous, les deux titres sont indifféremment employés. Le contenu est dans les deux cas rigoureusement identique, les onze même morceaux.
« Subterranean … », c’est un des disques les plus importants, les plus cruciaux des années 60. Aussi un des plus importants et cruciaux de Dylan. « Subterranean … » marque un changement radical dans la façon d’utiliser le support du 33 T. Jusque-là, ces grosses rondelles de vinyle ne servaient qu’à refourguer des titres vite bâclés, organisés autour d’autres déjà parus sous forme de 45T ou de Ep 4 titres. Le succès du 33 T dépendant très fortement de celui acquis précédemment par les morceaux déjà parus. Le 33 T n’était pas envisagé comme une œuvre en soi, mais comme une juxtaposition de titres.

Musicalement, « Subterranean … » est conceptuel. Une face électrique et une face acoustique. Les titres électriques sont déterminants dans la carrière de Dylan. Mais également pour beaucoup d’autres. On entend dans « Subterranean … » un type qui est considéré comme un maître d’un genre (le folk « à textes » avec juste guitare en bois et harmonica), utiliser de la musique venue d’ailleurs (du rock au sens large). Personne, parmi les stars déjà établies (Beatles et Stones au hasard) ne s’était hasardé à çà. Quand on tient le succès avec une formule, on la perpétue, on n’expérimente pas. Dylan s’en foutait un peu de tout ça, malgré sa réputation en béton, il ne vendait guère, ses titres obtenant beaucoup plus de succès quand ils étaient chantés par d’autres. Dernier exemple en date, des fans californiens du Zim, réunis sous le patronyme de Byrds, venaient de claquer un numéro un national avec la reprise d’un titre de lui pas encore paru sous son nom, « Mr Tambourine Man ». Juste en insistant sur le côté mélodique et en incluant des instruments électriques. L’histoire (ou la légende) prétend que c’est l’écoute de la version des Byrds qui aurait poussé Dylan à virer électrique.
1ère de photo de Dylan avec une guitare électrique : 17 Juillet 1965 Newport ?
Des requins plus ou moins anonymes sont embauchés, on se met tous dans le studio, on joue ensemble, « 1,2,3,4 » et c’est parti. On sent que « Subterranean … » est enregistré dans l’urgence, que tout n’est pas maîtrisé. Sur « Bob Dylan’s 115th dream », un énorme fou rire saisit Dylan après un false start comme on dit dans les notes de pochette, ça a été conservé. Dylan ne maîtrise guère le fait de jouer avec un « groupe de rock », il doit lui sembler que tant de vacarme va le faire passer au second plan, alors il hurle littéralement ses textes. Sur le plan strictement musical, il n’y a rien de révolutionnaire en soi, ça mouline gentiment, d’une façon quasi austère (les deux boogies du disque, « Outlaw blues » et « On the road again » - rien à voir avec le titre homonyme de Canned Heat quoi que … - feraient justement passer l’intégrale de Canned Heat pour un manifeste de rock progressif). Cependant, le disque sera assez mal perçu, Dylan sera accusé d’avoir « trahi » la cause du folk pur et dur dont il était le héraut. Dans le meilleur des cas, cette première face de disque électrique sera considérée comme une parenthèse mal venue (les quatre titres acoustiques auraient pu se retrouver tel quels sur n’importe lequel de ses 33T précédents). La suite de l’aventure sera sans équivoque. Dylan va embaucher un jeune guitariste de rock virtuose, Mike Bloomfield, enregistrer un disque quelques semaines plus tard, uniquement électrique, « Highway 61 revisited », et se lancer dans une tournée tous potards sur onze avec une bande de graisseux venus du rock’n’roll tendance garage, les Hawks, anciens accompagnateurs de Dale Hawkins (l’auteur de « Suzie Q »), qui deviendront The Band. Dylan monte dans le train de l’histoire en marche et accélère la locomotive …
Si « Subterranean … » ne peut être considéré comme le meilleur disque de Dylan, surtout à cause d’un backing band sous-mixé et qui sonne baloche, c’est malgré tout pour moi son plus important, celui qui fait exploser toutes les lignes et les chapelles musicales de l’époque. Si l’on enlève les deux boogies déjà cités, restent neuf morceaux qui sont absolument tous des classiques de Dylan (le morceau-titre, « She belongs to me, « Maggie’s farm », « Love minus zero », « Bob Dylan’s 115th dream » pour la face électrique, plus les quatre acoustiques « Mr Tambourine Man », « Gates of Eden », « It’s alright, Ma », « It’s all over now, Baby Blue »). Autant dire qu’avec les musiciens de « Highway … » ou « Blonde … », il n’aurait rien à envier à ces deux-là …
« Subterranean homesick blues » est le premier classique tout-terrain de Bob Dylan, et malgré la bonne trentaine d’albums qui a suivi, reste pour moi dans le quintet majeur de sa carrière …

A noter pour les amateurs de symboles et fétichistes divers que la pochette est un vaste puzzle regorgeant de détails (la femme en rouge, les mags, les pochettes de disques, …) sur lesquels les fans du Zim se sont abîmé les yeux et creusé les méninges …

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8 commentaires:

  1. Je préfère "Subterranean Homesick Alien" des têtes de radio...

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  2. Ouais, j'adore ce disque... le Dylan, pas les Têtes de radios. "Maggies's farm" notamment et la chanson-titre. Donc ça me fait d'autant plus plaisir que ce sont les vidéos que tu as choisies. Et quel clip tout de même !!! Quelle bande de fêlés, ces types étaient sensass !!!

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    1. Surtout que "Subterranean Homesick Alien" n'est pas un disque mais un titre... même pas sorti en single en plus... :)

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    2. Subterranean homesick alien, c'est évidemment en référence au morceau de Dylan ... donc toujours préférer l'original au travail des faussaires ...

      Ah Luc, le clip de SHB, c'est ce qui m'a fait me pencher sérieusement sur le cas Dylan la première fois que je l'ai vu, sur une émission de clips au début des années 80... un programmateur qui a dû se faire virer le lendemain l'avait intercalé entre deux machins genre Desireless ou OMD ... Jusque là, c'était Dylan ouais, bof, mais je comprenais pas trop tout ce tapage autour de son influence. Et ce disque, c'est le premier de Dylan que j'ai acheté ... j'aurais pu plus mal tomber ...

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    3. A part le titre en forme d'hommage, je vois pas bien le rapport. Il a bien étét influencé par des tonnes d'autres type Dylan aussi, non ? Le folk, c'est pas tout à fait le lieu de l'avant-garde non plus... En terme de copiage pour le coup (mais bien sympathique), c'était Chamfort qui avait refait le clip à base de cartons au moment où il n'avait plus de maison de disque. C'était assez drôle.
      Toujours pas écouté un seul album de Dylan. Ah si, un truc des années 80, Infidels, parce que m'a copine l'avait. J'ai du mal à m'intéresser. J'ai sans doute tort. J'y viendrais peut-être, mais c'est vrai que le folk, électrique ou non, ça m'attire peu. Pourtant j'aime bien des reprises par des gens qui me parlent (Nick Cave, PJ Harvey, Giant Sand etc...).

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    4. "Toujours pas écouté un seul album de Dylan. Ah si, un truc des années 80, Infidels, parce que m'a copine l'avait. J'ai du mal à m'intéresser. J'ai sans doute tort."

      Tout pareil sauf que même pas "Infidels" et je pense qu'on a sans doute raison :D

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    5. Subterranean homesick alien ça s'arrête au titre les similitudes, je pense pas que ça aille plus loin ... mais c'est pas neutre de baptiser un morceau comme ça ...

      Infidels, je le mets dans la demi-douzaine de ceux que je préfère, de mes meilleurs à moi ...

      Hum ... j'ai jamais écouté mais c'est pas intéressant ... ouais, comprends pas, j'ai jamais raisonné comme ça ...

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    6. Disons que quand on sait le style musical et l'époque, ça renseigne pas mal. Y'en a même, il suffit d'un coup d’œil sur le look pour savoir. Quatre baraqués hirsutes, chevelus en jean et blouson de cuir, on s'attend pas à ce qu'ils fassent du mambo...

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