THE BEWITCHED HANDS - VAMPIRIC WAY (2012)


Ensorcelant ...

Une fois terminée l’écoute de ce « Vampiric way », on se dit que, tiens, Arcade Fire a finalement simplifié son propos et sorti un très bon disque. Parce qu’ils vont pas y couper, les Bewitched Hands, avec cette comparaison. Mêmes genres musicaux abordés (en gros de la pop à tendance lyrique), et même enchevêtrement de voix masculine-féminine.
Sauf que là où les Canadiens et leurs plus ou moins semblables (Of Montreal, MGMT, Sufjan Stevens, …) se complaisent dans un m’as-tu-vu sonore, essayant de faire de chaque titre un autre « Good vibrations » (jusqu’à présent, il n’y en a qu’un, et il est signé Brian Wilson, un type d’un calibre quand même nettement supérieur à tous les chérubins suscités), les Bewitched Hands se contentent à chaque fois d’un morceau simple, mais qu’ils poussent dans ses derniers retranchements. Avec eux, pas de mélodies à tiroirs et en cascade, pas de changement de rythme tous les trois accords. Juste une intro, des couplets, un pont, un refrain, travaillés avec une précision d’orfèvre. Et des harmonies vocales (à peu près tous chantent ou font les chœurs) sans équivalent en Hexagonie (qui a dit Les Compagnons de la Chanson ou les Frères Jacques ? tu sors, et vite …)
Les Bewitched Hands dans un champ (de fraises pour toujours ?)
Pour leur malheur, les Bewitched Hands sont Français, et pire, même pas Parisiens. Circonstance aggravante, ils chantent en anglais (demandez aux Dogs ou à Little Bob s’ils ont fait fortune en s’exprimant dans la langue de Lily Allen). Et ils sont une demi-douzaine les Bewitched Hands … j’ai comme l’impression que pour distribuer les royalties, il va pas y avoir beaucoup pour chacun … et j’allais oublier la pochette, tellement moche qu’on dirait une version fluo d’une des Têtes Raides …
Plus suicidaire comme démarche, ça va être dur de faire mieux. Et pourtant, tous ceux qui n’achèteront pas, n’écouteront pas, ne téléchargeront pas (rayer la mention inutile, un indice, c’est la première), auront, une fois de plus, tort.
Le public potentiel est pourtant énorme. En dehors des pompiers évoqués plus haut, tous les amateurs des Beatles, Beach Boys, Zombies, Left Banke, Mamas & Papas, voire Madness, Sparks, Carpenters, ABBA, Flaming Lips, Undertones, …, en gros tous ceux qui ont produit de la pop de qualité depuis cinquante ans, se retrouveront quelque part sur ce disque. « Vampiric way » n’est pas un vulgaire plagiat (enfin, si les Madness envoient pas leurs avocats pour « Boss » qui ressemble étrangement à « Our house », ils auront de la chance), leur disque fonctionne davantage comme la proverbiale madeleine proustienne (le dernier titre, « The laws of wall », pour moi ça sonne exactement comme du ABBA, mais je connais pas un titre des Suédois qui ressemble à çà, et … oh putain, que je me suis mis dans de sales draps, là …) que comme un vulgaire copier-coller.
Il n’y a pas grand-chose à jeter dans ce « Vampiric way », douze morceaux hyper travaillés (bon allez, « Let me », « Hard love » et « Vampiric way » le morceau, je les trouve un peu inférieurs au restant, mais ils sont pas honteux pour autant).
Mention particulière à l’inaugural « Westminster », cathédrale pop baroque, « Ah ! Ah ! Ah ! Ah !» (que j’ai lu quelque part comme ressemblant à du Flaming Lips, et ça m’a l’air d’être vrai), « Words can let you down », ballade romantique très seventies à la Carpenters – Il Etait Une Fois (putain, j’ai comme l’impression de m’enfoncer, mais j’y peux rien, les seconds copiaient éhontément les premiers).
Bon voilà, le meilleur disque français de l’année est sorti il y a quelques semaines. Il s’appelle « Vampiric way » et c’est les Bewitched Hands de Reims qui l’ont fait …

NEW ORDER - SUBSTANCE (1987)


Je dirais en substance ceci ...

Que presque deux heures et demie pour un Best of des cinq premières années du groupe, c’est juste … un peu beaucoup. L’on me dira que les cinq premières années du groupe sont les meilleures et l’on aura raison. L’on me rétorquera aussi qu’il s’agit là de documents sonores essentiels, puisque la plupart des choses présentes sur ces deux rondelles ne figurent pas sur les albums officiels du groupe. Oui, mais voilà, New Order est-il un groupe essentiel ? A mon humble avis, …
J’en sais rien, et de toutes façons, je m’en tape de New Order. Ces types-là, personne aurait misé un kopeck sur eux. Charisme d’endives blettes, joyeux comme un discours de Jean-Marc Ayrault. Et ceux qui avaient suivi (ils avaient pas perdu trop de temps, l’aventure avait été brève) Joy Division, savaient que Summer, Hook et Morris, n’étaient que des comparse sans intérêt. Joy Div, c’était les nerfs à fleur de peau de Curtis,  le son d’Hannet et la débrouille de Wilson. Point barre …
D’ailleurs New Order n’en a pas rajouté sur la « filiation », se contentant juste de s’approprier à leurs débuts quelques titres non finalisés de Joy Div comme « Ceremony », leur premier single qui ouvre cette compile (et même si maintenant ils ne se privent pas, en bons rentiers de la chose pop, de reprendre du Joy Div au rappel, si j’en crois le live report d’un de leurs fans marseillais). Et bizarrement, New Order, qui s’est très vite tourné vers un genre passablement encombré et encombrant (l’electro-pop), a réussi à traverser les décennies sans que l’évocation de son nom provoque quolibets et franche hilarité (quoique …).
Et dans ce genre-là, des gens comme Depeche Mode ou les Pet Shop Boys sont infiniment plus talentueux, Bronski Beat ou les Communards beaucoup plus concernés, et Frankie Goes to Hollywood et Culture Club nettement plus rigolos. Mais aucun de ceux-là ne s’est trouvé dans l’œil du cyclone. Les New Order si. Plus ou moins accidentellement d’ailleurs, ayant investi leurs royalties dans la co-propriété d’un club, l’Hacienda à Manchester, duquel allait à peu près surgir tout le rock indie anglais des 90’s. New Order ont laissé traîner les oreilles, et fait leurs tous les sons des white labels que l’élite des DJ’s mondiaux poussait sur les platines de l’Hacienda …
Avec plus ou moins de bonheur, cette compilation est là pour le rappeler. Passons sur le second Cd, qui contient les faces B des singles ou maxis du premier. Chacun sait qu’une face B de 45T n’a aucun intérêt (tout le monde peut sortir un double blanc – la preuve – mais pas un single « Penny Lane » / « Strawberry fields forever », la preuve ici aussi). Passons aussi sur les claviers à un doigt de la transparente Gillian Gilbert. Passons sur le pénible Hook et ses tentatives de revival du bass-hero, comme si ça n’avait pas suffi avec les funestes Jack Bruce, Chris Squire et Jannick Top. A titre perso, je passe aussi sur « Blue Monday », un titre que j’ai toujours trouvé pénible (c’est le maxi anglais le plus vendu de tous les temps, en France c’est celui de Début de Soirée, cherchez pas l’erreur, y’en a pas …), et je zappe le final du premier Cd (à partir du grossier « Subculture ») …
Reste une demi-douzaine de titres qui, il faut le reconnaître sont meilleurs que ceux d’OMD ou Human League. Qui nous montrent l’évolution de New Order, de la new wave martiale de « Ceremony » à la pop discoïde de « Perfect kiss ». Et même si je sais bien que c’est pas dans l’«esprit » du groupe, qui raisonnait en termes de singles beaucoup plus que d’albums, plutôt que ce pavé de « Substance », je conseillerais bien volontiers la réédition 2008 de « Power, corruption & lies », qui avec ses nombreux bonus, est pour moi d’assez loin le disque de New Order le plus intéressant…

Des mêmes sur ce blog :
Power, Corruption & Lies

WANDA JACKSON - QUEEN OF ROCKABILLY (2000)


Little Wanda ...

Appeler une compilation « Queen of rockabilly », ça peut paraître gonflé … d’un autre côté, la concurrence est pas énorme … Mamie Van Doren ? Mis à part sa forte capacité pulmonaire, elle avait pas trop marqué les esprits. Janis Martin, « The Female Elvis » ? Ouais, bof … Brenda « Miss Dynamite » Lee, ses jupes plissées et ses gros mollets ? Euh, soyons sérieux, là … Donc, titre mérité pour Wanda Jackson. Et pas par défaut …
Wanda Jackson et le jumeau de Jesse Garon
Car ce petit bout de femme impressionna tout le monde à ses débuts dans le rock’n’roll en 1956, y compris le King lui-même qui la prit souvent en première partie. La rumeur (et pas seulement légendaire) prétend même que Wanda Jackson aurait partagé la couche royale, c’est dire si elle était au cœur de la tourmente rock’n’roll qui mettait l’Amérique à ses pieds.
Le rock (accessoirement ’n’roll), n’étant pas un milieu à l’ouverture d’esprit renommée, Wanda Jackson est beaucoup moins célèbre et célébrée que la plupart de ses contemporains masculins. Et pourtant, believe me, Wanda Jackson, ça déménage. Il se dégage de cette miniature (sur la – sublime, ce regard, cette attitude – photo de pochette de cette compilation, la guitare est « normale », c’est vraiment elle qui est petite) une voix d’une animalité, d’une sauvagerie peu commune, mais qui sait rester au plus près de la mélodie, de la chanson. L’égale, ni plus ni moins, d’un Little Richard (qui est, je le rappelle pour ceux qui ont des déficiences auditives, le plus grand chanteur de rock’n’roll de tous les temps). D’ailleurs il n’est qu’à écouter les reprises qu’elle fait de titres figurant au répertoire de Petit Richard (« Rip it up », « Whole lotta shakin’ goin’ on », « Slippin’ & slidin’ », et une phénoménale version de « Long tall Sally ») pour voir qu’on a là affaire à un gosier d’exception.
Wanda Jackson n’a qu’un point faible. Elle écrit peu, et se « contente » de reprises ou de morceaux écrits sur mesure pour elle. Dommage, serait-on tenté de lire, car un des rares titres dont elle est l’auteur (« Mean mean man ») est une tuerie totale, qui par bien des sonorités annonce les Cramps, et le plus sauvage d’un tracklisting dans lequel la ballade n’est pas de mise.
Les deux titres les plus connus de la dame sont bien là (« Fujiyama Mama » et « Let’s have a party ») dans cette compilation irréprochable, et le second qui reviendra comme un leitmotiv dans sa carrière décliné-décalqué-dupliqué (« There’s a party goin’ on », « Man, we had a party », …). Wanda Jackson avait, comme bien d’autres de son époque (Perkins, Lewis), débuté dans la country, et le premier morceau qui l’a fait connaître dans le monde du rock’n’roll est un curieux et unique mix de country et de rockabilly (« I gotta know »). Pour le reste, dans les trente titres de ce disque, on trouve des classiques 50’s (« Searchin’ », « Kansas City », « My baby left me », « Brown eyed handsome man », « Honey don’t »), certains dans des versions incroyablement furieuses et violentes (« Riot in cell block #9 », « Tongue tied »).
Wanda Jackson ne réussira pas à se hisser au niveau des plus grands (en terme de notoriété) dans le monde macho du rock’n’roll et retournera dès le début des années 60 à une carrière strictement country, avant, comme également beaucoup d’autres, de se vautrer dans la religion (elle est christian reborn il me semble) et de se consacrer au gospel à partir des années 70. A peu près disparue de la circulation depuis longtemps, elle a effectué un come-back assez étonnant (et également assez surestimé, mais la dame a bien plus de soixante dix ans, faut pas trop en attendre non plus), avec Jack White (qui d’autre ?) comme Pygmalion, et l’album s’appelle évidemment … « The party ain’t over », comme quoi c’est bien la période rockabilly de Wanda Jackson qui est à retenir …

THE SHAMEN - EN-TACT (1990)


A la croisée des chemins ...

Les Shamen c’est un groupe de rock emmené par Colin Angus et Will Sinnott, qui a viré techno. Ils ont bien fait, leurs premières années à guitare ont pas laissé des souvenirs impérissables. Par contre, lorsqu’ils se sont mis à jouer des disquettes, ils sont devenus une des figures de proue (avec leurs potes de Orbital) du mouvement techno-house naissant, et l’attraction la plus courue des premières raves « sauvages » de masse …
Colin Angus & Will Sin
Les Shamen, c’est dans le désordre, du rap, des chansons et de la techno, et ils sont les premiers, et encore aujourd’hui pratiquement les seuls, à avoir mixé ces trois genres que tout le monde croit antagonistes. Les Shamen c’est un hit (entendez un morceau populaire, écoulé par camions), nommé « Move any mountain » dans sa version ultime, un titre qui a subi une lente transmutation au gré des réenregistrements et des remixes, et qui était d’abord sorti sous le titre « Progen  91 ». Ce titre d’abord underground, deviendra un succès des free parties, obtiendra la reconnaissance de tous les pionniers de l’underground techno.
Et tous viendront apporter leur pierre à l’édification de ce « En-tact », premier disque des « nouveaux » Shamen. On trouve au casting, au gré des éditions différentes de ce disque (trois en tout, la première en 1990, deux suivront l’année suivante, l’essentiel des titres étant commun et identique) Orbital, Paul Oakenfold, William Orbit, 808 State, les Beatmasters, Renegade Soundwave, … tous gens ayant eu leur quart d’heure (ou plus) de gloire au début des années 90…
Comme Soul II Soul, mais avec le côté funky de supermarché en moins, les Shamen  s’efforcent de faire en sorte d’écrire des chansons. Entendez par là un truc avec des couplets, un refrain, des ponts, des breaks, une intro, … et avec leurs premières influences (le pop-rock psychédélique) affleurant un peu partout. Sans négliger pour autant de suivre tous les wagons techno qui se succèdent à grande vitesse. « Omega amigo » renvoie aux balearic beats de l’énième été de l’amour made in Ibiza, « Make it mine » le plus « rock » lorgne vers les grosses guitares qui feront la fortune des Prodigy et autres Chemical Bros, « Human energy » (les Shamen, en référence à leur patronyme, véhiculent mysticisme de bon aloi, écologie et good vibrations) a des faux-airs de « Funky town », la scie disco de Lipps Inc, « Hyperreal orbit » est la transposition des mantras  des 60’s dans les années Atari, « Lightspan » est juste un putain de grand morceau …
The Shamen 1992
Evidemment, pour faire comme tous leurs semblables, les Shamen n’ont pas pu s’empêcher, de garnir leur rondelle de quelques remixes, la plupart bêtes comme chou (« Make it minimal », « Hyperreal selecter »).
Les Shamen avaient tous les atouts pour devenir the big thing de la chose électronique, et de ratisser bien au-delà de cette seule chapelle. La noyade d’un des membres essentiels du groupe, Will Sin(nott) sera vécue par les autres comme un traumatisme, ses potes envisageant longtemps la dissolution du groupe, avant de revenir sans trop de conviction en studio pour des disques passant plus ou moins inaperçus. 


MIOSSEC - L'ETREINTE (2006)


Miossec se mouille ...

J’ai pas tous ses disques, j’en ai juste une petite poignée. Et celui-ci me semble son plus intimiste, celui où Christophe Miossec dévoile son âme, ce qui coûte plus que de montrer son cul (dixit Gainsbourg).
Derrière une pochette que je trouve très moche (due à un de ses potes peintres, également responsable de l’artwork du livret), se cache un de ces essais musicaux introspectifs que je redoute, sur lequel un quidam vient raconter sa vie et chialer sur l’épaule d’un auditeur qui n’a rien demandé.
Ce coup-ci, ça passe, peut-être parce que quelque part Miossec ne « joue » pas, et qu’il se livre. Il y a des textes qui en disent tellement qu’ils sont vrais, et ne sont pas là par hasard. Il y a des plaies béantes, de vraies blessures de l’âme qui apparaissent, mais derrière tout ça une humilité, une humanité. Miossec ne se plaint pas, ne cherche pas le réconfort, il se raconte …
Musicalement, ça donne dans « l’ambiance ». C’est pas vraiment du rock, du folk, ou un mélange des deux, ça tient plus du nappage instrumental que de la récitation d’un genre identifié, ça se contente de pulser, de swinguer gentiment. C’est tout entier au service des mélodies, et il y en a quelques-unes de bien foutues (« L’amour et l’air », la plus belle et marquante, « Mon crime : le châtiment », « La facture d’électricité », …).
C’est au niveau des textes qu’il a fait fort, Miossec. Fini le poivrot existentiel, le Tom Waits mâtiné de Gainsbourg des débuts, et place à un adulte qui a morflé, et qui nous montre ses bleus à l’âme. Dans des thèmes difficiles, dont beaucoup tournent autour de l’amour (de sa vie, de celle qui est partie, de celle qu’on voudrait reconquérir, …), et de toutes ces choses anodines et intimistes qui ne marquent l’existence que de celui qui les vit. Il faut oser, et surtout trouver les mots qui sonnent juste et vrai pour chanter des choses comme « Maman », « Quand je fais la chose », « La grande marée », « L’imbécile », « L’amour et l’air ». Tous ces titres introspectifs occupent le cœur du disque, et il n’y a finalement qu’au début et à la fin qu’on retrouve un Miossec connu. L’observateur acerbe de la société, de ses aléas et de ses travers avec la géniale « La facture d’électricité », une des choses qui parlent autrement mieux du chômage que des heures de discours politiques ou syndicaux. Et les deux derniers titres (au demeurant peut-être les plus faibles du disque), la conventionnelle ballade « Julia » et la berceuse « Bonhomme », dans lequel les coïncidences avec un double disque blanc de quatre types de Liverpool sont tellement troublantes qu’il ne peut s’agir que d’un hommage, décalé, certes, mais hommage quand même.
Les fans des débuts semblent assez partagés sur ce disque, qui évite, vus les thèmes abordés, de tomber dans les soupes braillées à la Ferré (l’excellent « La mélancolie »), les pleurnicheries à la Charlélie Couture (« Le loup dans la bergerie », bonne joke, mais à quel degré faut-il prendre ce titre ?). Qui évite aussi les chansons d’amour avec violons terminalement nulles. Non, Miossec avec ce disque ne fait pas non plus un revival Mike Brant.
Il est juste là, en face de nous, avec son cœur qui saigne. Et il nous montre qu’un cœur qui saigne, ça peut être beau …

Du même sur ce blog :
Boire

JULIAN CASABLANCAS - PHRAZES FOR THE YOUNG (2009)


La grosse tête ?

Ce doit être sympa d’être Julien Maisonblanches. Un papa fondateur de l’agence Elite, du fric plein les poches, un physique à lever toutes les top models de l’agence paternelle, le chanteur d’un groupe à la mode, c’est pas vraiment la biographie d’un bluesman du Delta.
Alors forcément, à lui moins qu’un autre, on va rien pardonner. Faut dire qu’il traîne pas mal de casseroles depuis qu’il s’est fait un prénom. Un caractère de cochon, et une fâcheuse tendance à vouloir que tout tourne autour de sa personne qu’il croit auguste. Alors là, en cette fin des années 2000, il sort un disque solo. Au mauvais moment, parce que tout le monde en attend un des Strokes, et sous le prétexte vaseux que ses acolytes en ont aussi sorti. Comme un enfant gâté qui n’en fait qu’a sa tête …
Ce disque est globalement assez vilain, pue l’argent facile gâché en studio et l’auto complaisance. Il donne l’illusion sur le premier titre, « Out of the blue », parce qu’on y retrouve des ingrédients connus, la voix nonchalante, la rythmique sautillante strokienne. Mais déjà, il y a tous ces synthés qui sonnent faux, qui font toc. Et toutes ces choses (les chœurs brumeux, les mélopées tristes) qui semblent des copier-coller venues de chez REM. « Out of the blue » donne la direction du disque, pratiquement tout est fait avec des machines, en empilant des couches de synthés datés, renvoyant plus que de raison à des choses anodines des funestes années 80 (le single « 11th dimension », c’est le retour des fantomatiques Visage, Human League et Spandau Ballet, et c’est juste ridicule, refaire ça vingt cinq ans après, où est l’intérêt ?), piquant sans vergogne les bonnes idées du Beck (le scientologue, pas Jeff) des débuts qui mélangeait country et electro (« Ludlow St »), plagiant quasiment des vieux tubes sixties certifiés (« Stand by me » et « Time is on my side » dans « 4 chords of the Apocalypse »), …
Si l’on ajoute à cette litanie oubliable, une ballade sans intérêt (« Glass »), et une autre tout juste à peu près avenante (« Tourist », rien que le titre très radioheadien, fait penser à du Thom Yorke enjoué, certes, mais du fuckin’ pénible Thom Yorke quand même), et quand on aura précisé que ce « Phrazes … » ne contient que huit titres, le compte des morceaux acceptables sera vite fait.
« Out of the blue » donc, plus « Left to right », jolie mélodie même si on n’y sent pas vraiment un Casablancas concerné. Meilleur du lot d’assez loin pour moi, « River of brakelights », le plus ouvertement electro du lot avec chanteur pour une fois « dedans », impliqué, morceau réminiscent de ce que faisait le King Crimson « reformé » des années 80.
L’on sait depuis que ce disque et l’attitude dilettante de Casablancas ont hypothéqué forcément longtemps la parution du quatrième Cd des Strokes, et la survie même du groupe qui l’a révélé.
Tout ces caprices de gosse (de) riche pour çà ? No way …

KISS - DESTROYER (1976)


Des clowns ?

Me manquait plus que de causer (encore) des Bozo le Clown du hard pour passer pour un sourd total … donc je vais prendre la tangente, et pas trop parler de ce « Destroyer » (un de leurs plus gros succès). En gros un skeud aussi dénué d’intérêt que la plupart de leurs autres rondelles.
De toutes façons, Kiss n’est pas un groupe de studio (pas des virtuoses, quoi que puissent en penser leurs fans, et çà, si t’es pas super-technique dans le monde des hardos, logiquement t’es foutu, mais avec Kiss rien n’est logique), c’est un groupe de scène, où, à grand renfort de morceaux simpl(ist)es, de lasers, de fumigènes et autres effets pyrotechniques, ils offrent un spectacle qui a plus à voir avec le cirque que la musique, mais un spectacle qui fut et demeure très couru (leur « Alive ! » de 1975 est un sacré disque).
Un phénomène assez incompréhensible, reposant sur un look de comics Marvel revisités glam (c’est avec ce « Destroyer » que leurs « personnages » prendront leur apparence définitive), un culte de la personnalité et une immodestie totale qui raviront des millions de bouffeurs de hamburgers. Parce que la foire à la ferraille de Kiss, hors des USA, ça reste marginal. Kiss est un concept, idiot au départ, qui avec le temps tourne de plus en plus en leur faveur. Leurs armures et leurs kilos de fond de teint, ça laisse moins apparaître l’outrage des ans, suffit pour ça de voir la bobine de leurs plus ou moins contemporains qui ont traversé les seventies dans un grand nuage de poudres blanches (n’est-ce pas Mr Keith Richards). Kiss ont été, plus encore que les Beatles, le groupe qui a développé un merchandising pléthorique, toutes les babioles portant leur estampille leur assurant depuis toujours plus de revenus que leurs ventes de disques. Et maintenant, Paul Stanley, un des deux « survivants » depuis le tout début, peut asséner que le groupe est devenu une trademark, et pourra continuer des décennies sans aucun de ses membres originaux … ça fout les jetons, mais dénote d’un sens particulièrement aiguisé de la survie (et surtout des affaires) dans le monde sauvage du rock.
« Destroyer », c’est le virage pop et prétentieux du groupe. Qui embauchent Bob Ezrin aux manettes. Lequel Ezrin ne s’en vante pas trop de ce skeud, qui dans l’estime populaire n’arrive pas à la cheville d’autres de ses productions (« Berlin » de Lou Reed, « The Wall » du Floyd, « Welcome to my nightmare » d’Alice Cooper, …). Tiens le Coop, justement, auquel les Kiss ont piqué pas mal de choses, surtout le rimmel, d’ailleurs. Et avec ce « Destroyer », les Kiss font ce qu’ils peuvent (rien de renversant) et Ezrin de l’Ezrin (des arrangements venant de la musique classique, des bruitages, des discussions, des cordes, des pianos ou des synthés). Le manque de modestie des protagonistes conduit à des sommets de suffisance (dans l’intro de « Detroit Rock City », on entend démarrer une voiture de sport avec son autoradio qui beugle « Rock’n’roll all nite » de …  Kiss, of course). Pire, Ezrin a sorti de sa manche deux kouglofs sonores, deux ballades pourries avec synthés, cordes et tout le tintouin, dont une (« Beth ») est devenue un des gros classiques de Simmons & Co … Comprenne qui pourra …
On a vite fait le tour des choses à sauver (un méchant morceau sans trop d’esbroufe, « Shout it out loud », et c’est tout pour moi) sur cette chose qui annonce les funestes Foreigner, Bon Jovi, et consorts…

Des mêmes sur ce blog : 

THE VACCINES - COME OF AGE (2012)


Enragés ou déjà grippés ?

La réponse, my friends, elle est blowin’ in the wind … ou plutôt dans les arcanes du marché du disque, en pleine panade depuis des années. Les Vaccines ont bien de la chance, ou plutôt une seconde chance.
Une tentative de lancement sous les feux de la rampe il y a quelques mois avec leur premier disque, pour lequel tout un cas de comparaisons susceptibles d’attirer le chaland avaient été lancées (Libertines, Arctic Monkeys, Strokes, et en gros tous les trucs bankables avec une aura de rébellion adolescente de la décennie précédente), quelques couves de mag Outre-Manche, et … que dalle. Soufflé retombé, mayonnaise pas prise, et quatre minots de vingt ans qui se retrouvent has-been. La faute à un disque (« What did you expect … ») plus clinquant que brillant, et une attitude de jeunes cons arrogants tellement attendue qu’elle n’a fait réagir personne.
Il faut croire que quelque part (enfin surtout chez Columbia, la major qui les a signés) il y a des gens têtus. Qui ont mis quelques biftons sur la table et aux manettes en studio Ethan Johns. Le fils du Glyn du même nom (oui, oui, celui dont le blaze figure au dos des pochettes des Beatles, Stones, Who, Led Zep et autres Dylan, excusez du peu …). Et bon sang ne saurait mentir, le fiston (pas loin de la cinquantaine quand même) Johns a enregistré un disque de rock qui sonne comme un disque de rock, comme au bon vieux temps, délaissant par exemple les sempiternelles batteries ultra-compressées que l’on nous met en avant depuis vingt ans, et remettant au goût du jour ce son bancal et chaleureux que des vieillards comme moi aiment bien …
Les Vaccines, les vrais ...
Faire un disque qui sonne bien est une chose, mais encore faut-il qu’il y ait de la matière, au moins quelques titres qui puissent retenir l’attention. Coup de bol (ou pas, c’est l’avenir qui le dira) les quatre morveux de Vaccines ont mis dans ce « Come of age » quelques morceaux plutôt bien foutus.
Dont les meilleurs placés évidemment au début du Cd, comme toujours maintenant quand on n’est pas vraiment sûr de son coup et qu’on veut racoler le client (avant du temps du vinyle, c’était le premier titre de chaque face). Ici la triplette « No hope » - « I always knew » - « Teenage icon » ressort du lot, le premier avec ses riffs clashiens et sa voix qui rappelle les intonations hautaines et persifleuses du Dylan des 60’s, le second est une grande chanson pop, le troisième a un rythme sautillant à la Strokes dans une déclaration d’intention louable même si on n’y croit pas trop (« I’m not a teenage icon, I’m not Frankie Avalon »).
Le reste est un peu en retrait mais pas insignifiant pour autant, plein de clin d’œils à des choses, des ambiances entendues mille fois, mais traitées avec suffisamment de second degré et de distanciation pour que l’on n’ait pas envie de hurler à la supercherie (en gros, on  n’est pas chez les surfaits Horrors d’il y a deux-trois ans). Le chanteur Justin Young, qui semble le moteur et l’âme du groupe, est excellent, un vrai caméléon vocal à la Bowie – Ferry, abordant chaque titre dans un registre différent. Il y a des trucs bien foutus, « Ghost town » (rien à voir avec le titre des Specials) très Arctic Monkeys – Miles Kane, « Weirdo » twang guitar, mélodie brumeuse, le morceau le plus « américain » du disque, le frais sympa et énergique « Change of heart », la sunshine pop cafardeuse ( ? ) « I wish I was a girl » qui cite au débotté quelques mesures du « California dreamin’ » des Mamas & Papas.
Quelques choses sont plus anecdotiques, « All in vain » multiplie les gimmicks un peu trop faciles, « Afternoon ocean », c’est de la bubblegum music un peu neuneue à la Herman’s Hermits, il y a aussi un indie-rock anodin (« Bad mood »), une ballade triste entendue des milliards de fois (« Lonely word »).
Bon, moi je suis plutôt preneur des Vaccines, sans être dupe de tout le cirque commercial qu’il véhiculent, et sans trop me faire d’illusions sur leur avenir. Au mieux, si les choses s’emmanchent comme ils le souhaitent, et vu la flotte qu’ils ont mis dans leur vin ou plutôt leur boucan bordélique, ils seront dans une paire d’albums prêts à prendre la succession de Coldplay (no comment).
Pour le moment, ils viennent de sortir leur « Parachutes » … avec quatre jolies filles sur la pochette.


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