LL COOL J - MAMA SAID KNOCK YOU OUT (1990)


Le Retour

Plus que dans tous les autres genres musicaux pour les djeunes, le rap a toujours été celui où les carrières se font et se défont le plus vite. LL Cool J est un cas d’école. Un des premiers à rapper en solo et non pas dans un « collectif », et de fait un des premiers rappeurs tout court (premier disque, « Radio », en 1985). Cinq ans plus tard, LL Cool J n’a que vingt-deux ans et se traîne une réputation de terrible has-been, de ringard total.
Ce jeune con ( ? ) a totalement zappé l’aspect qui commence à devenir essentiel dans le rap, la surenchère verbale s’appuyant sur la fameuse et fumeuse street credibility. Un « bon » rappeur se doit d’être une grande gueule, et avoir un lourd passé indiscutable de caïd de cage d’escalier, voire de dealer ou de pimp. Ceux qui cumulent tout ça (ou le prétendent) deviennent les héros d’une jeunesse américaine quelque peu lobotomisée, ayant oublié d’où venait le rap (de la rue certes), et à quoi il servait (à faire passer des messages comme le disait Grandmaster Flash, à s’exprimer, à revendiquer).
En quelques années, les petits loulous machos et bling-bling ont zappé tout ça, seuls ne comptent plus que la réputation et le paraître. Et pendant ce temps, le LL Cool J sortait des slows rap romantiques, et prenait position contre la drogue, et notamment le crack qui commençait à remplir les cimetières des ghettos urbains. Tout le « milieu » du rap s’esclaffait et rimaillait sur le pauvre James Todd Smith (son vrai blaze). Aujourd’hui, LL Cool J est toujours là (certes pas au sommet de son art), et ses détracteurs oubliés par à peu près tous (MC Hammer quelqu’un l’écoute encore ?).
LL Cool J a fait la seule chose qui vaille vraiment quand on fait de la musique, il a sorti un bon disque qui s’est vendu par pleins camions. Raide dans ses baskets, réglant juste de ci de là quelques comptes avec la concurrence, Cool J a démontré tout un tas de choses. Qu’il a un flow énervant de facilité, assorti d’une diction parfaite (en gros, il rappe pas façon Uzi en bouffant la moitié des syllabes), qu’avec son producteur Marley Marl (un des cadors aux manettes de la fin des années 80, précurseur innovant qui a déblayé le terrain pour tous les Dr Dre à venir) il a l’air et l'art de faire passer du rap pour des chansons, ou vice-versa. Il y a sur ce « Mama … » des mélodies qu’on pourra qualifier de « faciles », derrière chaque couplet, chaque refrain, chaque break … un son qui cherche pas l’agression systématique (même si accessoirement on peut penser au terrorisme sonore de Terminator X chez Public Enemy comme sur « Murdergram »), cherchant plutôt à synthétiser sur un seul disque tout ce qui a été entendu dans le rap depuis qu’il existe.
Ici plus de breakbeats colossaux comme à ses débuts, mais des rythmiques soyeuses, tout en souplesse (le morceau-titre), drivées par des basses souples, rondes, élastiques, tirant parfois vers le jazzy (« To da break of dawn »). LL Cool J n’hésite pas à balancer des cuivres rhythm’n’blues ou disco (« Jingling baby »), des ambiances envapées et guillerettes qui montrent que le premier disque de De La Soul a été assimilé. LL Cool J était accusé de faire des trucs mollassons, voire des slows ? qu’à cela ne tienne, il récidive ave « 6 minutes of pleasure » et ce titre évoque autant le Curtis Myfield des 70’s que les Fun Lovin’ Criminals à venir … Et puis, manière d’aggraver encore plus son cas, il chique au dur sur la pochette tout en biscotos saillants, chaîne en or de quinze kilos, bagouzes en poing américain pour balancer dès le second titre une chanson (y’a pas d’autre mot) très pop, avec un sample du hit bubblegum oublié des Mary Jane Girls.
En fait, avec ce disque, LL Cool J peut tout se permettre, c’est le genre de choses que l’on doit sentir dès le studio promues au succès. Les moqueurs se sont moqués, LL Cool J a raflé la mise et est devenu une institution de rap.
« Mama … » est un disque de rap qui pourrait plaire à tout le monde, et surtout à ceux qui n’aiment pas le rap.
Et si LL Cool J avait inventé le rap centriste ?


1 commentaire:

  1. Je connais que de nom, mais en général, tout rap old-school de cette période est au moins intéressant.
    Le rap centriste je sais pas, mais le rap UMP on sait qu'il l'a inventé. Viens voir le Docteur...

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