BIG BROTHER & THE HOLDING COMPANY feat. JANIS JOPLIN - LIVE AT THE CAROUSEL BALLROOM 1968 (2012)


D'autres Cheap Thrills
A priori, il n’y a strictement aucun intérêt à écouter un disque de Big Brother & The Holding Company. Bande d’hallucinés moulinant heavy et fuzzy tout ce qui leur passait entre les pattes, Big Brother était un groupe de quatrième zone des 60’s psychédéliques de San Francisco. Mais voilà, après avoir été nuls avant et aussi nuls après, ces lourdauds ont compté dans leur rang une certaine Janis Joplin, d’abord choriste puis, forcément de plus en plus chanteuse lead.
Et Big Brother a vu son nom en grosses lettres sur un des trois seuls disques parus du vivant de la hurleuse d’Austin, son premier, le live « Cheap Thrills ». Un de ces disques culte intouchables qui vaut surtout par une prestation grandiose de la Janis, le band étant, fidèle à son habitude, soit quelconque, soit mauvais …
Alors quand plus de quarante ans après les faits paraît un autre disque de Big Brother & The Holding Company featuring Janis Joplin, on se dit que voilà encore un coup foireux d’une industrie du disque agonisante qui tente de sauver ce qui peut encore l’être en refourguant à quelques grabataires aisés de la « valeur sûre ». Car bon, « Cheap Thrills », il est dans tous les palmarès, et souvent en haut, des disques qui ont compté, et encore plus haut dans ces mêmes palmarès dès lors qu’on parle de disques live. Et quand on connaît un peu l’histoire de « Cheap Thrills », disque payé par une major et compilant plusieurs extraits de concerts, à quoi bon écouter un live issu d’un seul concert de ces baltringues, les gars souvent chargés au LSD et la Janis au LSD et en plus au Southern Comfort ?
D’autant plus quand on voit que les bandes de ce disque ont été enregistrées en Octobre 1968 (après la parution de « Cheap Thrills ») et mixées des décennies plus tard par Owsley « Bear » Stanley (récemment clamsé, ce sont ses héritiers qui sortent les bandes, distribuées par Sony). Rappelons pour les fans de Justin Bieber et quelques autres que Owsley était le chimiste (entendre également son principal dealer) du LSD californien, et accessoirement le sonorisateur du Carousel Ballroom (futur Fillmore West quand le malin promoteur Bill Graham en prendra la direction), salle de concert hippie où se produisaient régulièrement les stars du San Francisco d’alors, le Grateful Dead (dont Owsley faisait à temps perdu office de gourou) et l’Airplane, et dont Big Brother assurait quelques fois les premières parties. D’autant que d’entrée, y’a un truc qui cloche au niveau sonore … Ce « Live at the Carousel » est inécoutable au casque sous peine de mal de tête carabiné. Mixé comme au temps préhistoriques de la stéréo, voix et batterie à droite, guitares à gauche. On se retrouve donc avec d’un côté les aigus de la Janis qui pulvérisent le tympan et de l’autre la basse et le fuzz des guitares qui bourdonnent salement dans la trompe d’Eustache. Faut bien régler les potards du matos, déplacer les enceintes (les rapprocher en fait) et alors là … putain, les enfants, the big claque, un son de mammouths en rut …
Il se passe un truc. Big Brother est l’espace de cette soirée une machine de guerre. Même si c’est pas l’imagination au pouvoir. Tous les potards sur onze, un parpaing sur la pédale fuzz, et en voiture Simone pour un peu plus d’une heure de heavy soul-rock. Le groupe est nettement plus convaincant que sur « Cheap Thrills » (il n’est vraiment à la ramasse qu’au début de « Piece of my heart »), et le reste du temps fait simple mais fuckin’ efficace. Et puis il y a la Joplin. En transe comme d’hab, passant du murmure au feulement puis au rugissement, à la hauteur de sa légende. Grosse différence avec « Cheap Thrills », on entend beaucoup plus la voix de Sam Andrew, guitariste-chanteur attitré de Big Brother avant  et après la période Joplin. Et il y va à fond, étant obligé de littéralement gueuler pour se faire entendre, la plupart des titres sont de vrais duos entre ces deux gosiers en feu.
Alors ce « Live at the Carousel Ballroom » est vraiment le petit frère de « Cheap Thrills ». Le grand frère, même, parce que pour moi il est mieux. Le répertoire de base est peu ou prou le même (ne manquent que « Turtle blues » et « Oh sweet Mary »), mais avec une poignée de titres supplémentaires sur cette dernière livraison. Si « Piece of my heart » et l’indépassable version de « Summertime » sur « Cheap Thrills » ne sont pas égalées, « Combination of the two », « I need a man to love », et surtout une version dantesque de « Ball and chain » (comme « Dazed & confused » ou « Since I’ve been loving you » du Zeppelin à la puissance mille), sont meilleures sur ce « Carousel Ballroom ». En ce qui concerne les titres « nouveaux », y’a à boire et à manger. Le concert est repris dans son intégralité, et on a donc droit à une paire de jams bluesy (« I’m mad (mad man blues) » et « Coo Coo »), le genre de machins entendus des milliards de fois sur les galettes de blues-rock de l’époque, et comme James Gurley n'est pas aussi technique que Clapton, Hendrix ou Bloomfield, bof … Mais aussi à un bon rhythm’n’blues sauvage de la seule Janis (« Flower in the sun »), la tartine de psyché-soul un peu longuette de « Light is faster than sound », un étonnant « It’s a deal » qui sort en un peu plus de deux minutes tous les plans live de la bande à Jerry Garcia, (joke or not joke, Big Brother et le Grateful Dead partageaient l’affiche au Carousel) … « Call on me » est plutôt raté, mais pour se faire pardonner une version excellente du titre provenant du concert du lendemain a été rajoutée en bonus. Grosse très bonne surprise, un rockabilly plein de breaks (« Catch me daddy »), qui rappellera bien quelque chose à ceux qui connaissent la version de « Jailhouse rock » par les barbus de ZZ Top sur leur live « Fandango ! ».
Même si ce « Live at the Carousel » ne détrônera pas « Cheap Thrills » dans les livres d’Histoire (combien il va s’en vendre, combien de vieux croûtons s’intéressent encore en 2012 à Janis Joplin), il n’en reste pas moins qu’il n’a pas à rougir de la comparaison avec son prédécesseur. Le meilleur live de Janis Joplin à ce jour vient de sortir dans les bacs … Elle est pas belle la vie ?

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