LEONARD COHEN - SONGS FROM A ROOM (1969)


C'était mieux avant ...

« Songs from a room » est le deuxième disque de Leonard Cohen et rien qu’à voir la pochette, sinistre, on se doute bien qu’il n’y a pas là des chansons de fin de banquet. Cohen ne réfléchissait pas encore en terme de carrière, il avait des textes, des bribes de mélodie, fallait que ça sorte, et c’était livré comme ça, sèchement, brutalement.
Alors évidemment, pour écouter ce genre de galettes, il faut un certain nombre de pré-requis. Ne pas être allergique à un folk tout ce qu’il y a de plus austère, à faire passer Woody Guthrie pour la Bande à Basile. Supporter les chanteurs sans voix, et de toutes façons, manière d’aggraver son cas, Cohen ne chante pas, il parle dans le meilleur des cas, mais généralement marmonne ou bredouille.

Il n’empêche que ce Canadien venu sur le tard (la trentaine largement sonnée lors de la parution de son premier « Songs of Leonard Cohen ») à la musique, après des débuts de poète et d’écrivain, sera étrangement, lui, le jésuite du folk, assimilé au Rock’n’Roll Circus de cette fin des années 60, et on le retrouvera  tête d’affiche au festival de l’Ile de Wight en 70.
Je vais vous faire une confidence, il me gonfle passablement aujourd’hui Cohen, pathétique vieillard s’accrochant à sa réputation de séducteur moche, et sortant depuis une éternité des disques dont je me contrefous. Pleins à la nausée de chœurs angéliques, boursouflés de claviers et de cette langueur monotone, violons compris, qui semble être sa trademark, depuis quasiment le « Songs of love and hate » de 1974, c’est dire si ça fait un bail.
Mais là, avec ces deux premiers disques, il avait fait fort, avec son folk en noir et blanc, alors que tous les autres essayaient de le colorier façon psychédélique, ou le mélanger à de la country, du rock, ou que sais-je encore. « Songs from a room », c’est back to the roots et take no prisoners. Aucune concession aux modes ou à l’air du temps. Et ce n’est pas un hasard si la moitié des titres de ce disque, comme du précédent, d’ailleurs, se retrouvent sur les compilations de Cohen. C’est de très loin ce qu’il a produit de mieux, quand bien même la tendance serait à considérer « Songs of Leonard Cohen » comme son meilleur. Pour moi, ces deux premiers disques sont indissociables, siamois et complémentaires. Des titres comme « Bird on a wire », qui a traumatisé le clown triste Murat, « The story of  Isaac », océan de tristesse, « The Partisan » avec son passage chanté en français sur les Résistants, « The butcher », voyage au bout de la nuit musicale, la superbe mélodie austère de « You know who I am », et l’éclaircie finale limite enjouée dans pareil contexte de « Tonight will be fine », il faut faire l’effort de les apprivoiser, de les dompter, pour que derrière ce Mur des Lamentations musical, apparaisse la beauté de ces textes et de ces orchestrations (oui, il y en a, des orchestrations, planquées au fin fond du mix).
« Songs from a room » est un beau disque de Leonard Cohen. Ceux qui suivront, dans le meilleur des cas, ne seront plus que jolis …


Du même sur ce blog :

1 commentaire:

  1. 69 année érotique. Mais pas avec lui.
    C'est bien de défendre des petits-jeunes qui n'en veulent en tout cas.

    RépondreSupprimer