TOM WAITS - BAD AS ME (2011)


Time Waits for no one ...

Et lui encore moins … Soixante ans et quelque au compteur, intronisé au Rock’n’roll Hall of Fame (le musée Grévin du binaire), et des disques qui depuis sa paire d’as du début des années 80 (« Swordfishtrombones » et « Rain dogs »), se perdaient régulièrement entre auto-parodies et expérimentations cacophoniques. Tom Waits faisait pour moi partie des affaires classées, rubrique des bons vieux souvenirs, le type dont on n’attend plus grand-chose, et encore moins un bon disque … Et pour tout dire, il valait mieux le voir ou le revoir dans des films de Jarmusch ou Altman qu’écouter ses dernières productions.

Et bien, ce « Bad as me », il est très bon. Presque avant même de l’écouter, quand on voit au générique des crédits le vieux pirate Keith R., les vieux potes Ribot et Taylor, le plus tout jeune Hidalgo de feu Los Lobos … pas exactement des perdreaux de l’année, mais ça rappelle plein de bons souvenirs de ses grands disques passés. Et « Chicago », très rock avec riffs de Richards et un sax qui déraille ouvre on ne peut mieux les hostilités. On sent que là ça ne récite pas de la formule, ça ne ronronne pas, les vieux croûtons envoient d’entrée la sauce.

Qu'est-ce que tu dis, Lester ? Que j'ai fait un bon disque ?
Alors on oublie la présence de Flea, certes grand bassiste, mais depuis combien de temps il a pas fait de bon disque avec ses RHCP ? On zappe aussi la présence de Madame Tom Waits, sa Yoko Ono à lui Kathleen Brennan, créditée de la co-écriture de tous les titres (on aimerait vraiment connaître son niveau d’implication, elle nous avait pas habitué à tant de bonnes choses, plutôt marâtre veillant jalousement sur son époux et ses intérêts que grande songwriter, mais bon, passons, …). On oublie deux-trois titres complaisants de remplissage (« Hell broke Luce » ou Waits semble s’intéresser à quelque chose qui ressemble à du doom metal, ce qui lui va aussi bien qu’un bon scénario à Danny Boon, « Kiss me », où le Tom nous refait le coup du pochetron déglinguo de piano-bar qui avait lancé sa carrière dans les années 70 et dont on se fout aujourd’hui).

Mais pour le reste, hats off … ça rocke, ça rolle, ça bluese, ça rythm’n’bluese, ça ballade triste, rien que du bon … Et puis, chose pas entendue depuis … oh, plus que çà, même, Tom Waits chante. Enfin, c’est pas encore Pavarotti, et c’est heureusement tant mieux, mais là, sur ce « Bad as me », il ne se contente pas de marmonner et de bredouiller dans sa barbichette de sa voix tout dans les graves devenue un gimmick, non, il suit la mélodie, fait des efforts pour détacher les syllabes, il chante, tout simplement, et il s’assume me semble t-il comme jamais dans cet exercice… Et du coup, tous ces rocks décharnés, toutes ces ballades concassées de fin de cuite prennent une autre dimension … Et autant qu’un classique sens de la concision retrouvé dans les compositions, cet accompagnement vocal rend ces titres encore plus intéressants.

Des exemples ? « Face the highway », énorme titre d’americana traînante qui à lui seul rend obsolète l’intégrale de Giant Sand, « Bad as me » le morceau-titre, rythm’n’blues baroque et habité qui évoque le grand cintré Screamin’ Jay Hawkins, le méchamment rock « Satisfied » (clin d’œil à un fameux titre cosigné par Keith Richards ?), « Last leaf », la meilleure ballade du disque, très dépouillée et feeling à la tonne, « New Year’s Eve », complainte de fin de réveillon triste …

C’est Noël juste un peu avant l’heure, Tom Waits is alive and well …

Du même sur ce blog :
Closing Time
Nighthawks At The Diner
Asylum Years

2 commentaires:

  1. Bizarrement, je n'ai toujours rien écouté d'autre que Bone Machine. Mais j'adore en général (y compris tout ce que tu dois détester.;)). Faut vraiment que je creuse...

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  2. Je connais assez Tom Waits ... celui-ci fait partie pour moi de ses quatre ou cinq meilleurs.
    Bone machine est pas mauvais selon moi, même si je trouve qu'il force un peu trop sur son obsession pour Captain Beefheart, et en fait un peu trop dans le "massacre" des chansons, avec les mégaphones et les instruments zarbis ... il y a un peu d'épate genre "vise comment je peux faire cacophonique"
    Rain dogs et sword... sont pour moi incontournables, rocks classiques mais bien désossés quand même ...

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