MINK DEVILLE - LE CHAT BLEU (1980)


Willy au bout de ses rêves ...

Ce disque est le troisième de Mink DeVille, le dernier chez Capitol, et s’il fallait n’en garder qu’une petite poignée du dandy new-yorkais, il serait forcément dans le lot. Parce que c’est celui qui représente le plus et le mieux Willy DeVille, le leader de son Mink de groupe.
Il y a tout des débuts de Willy, et même beaucoup de son âme, de ses fantasmes, de ses obsessions. Willy est un étrange personnage, qui, comme le chat (bleu ou pas) qui sert de titre au disque, a eu plusieurs vies, renaissant sans cesse de naufrages, et pas seulement artistiques, avant de voir son existence s’arrêter pour cause d’hépatite C carabinée dans l’été 2009.
Souvent en équilibre entre sublime et ridicule, et réussissant on ne sait trop comment (la classe, peut-être) à très souvent, mais pas toujours, retomber du bon côté. D’abord Willy est un fan. De plein de choses essentielles et très bonnes (la soul, le doo-wop, le rythm’n’blues, et en gros de tout ce que la musique américaine a produit de meilleur et de rythmé), de choses auxquelles on a du mal à échapper quand tout gosse on a toujours rêvé de New York et qu’on est allé y habiter (les comédies musicales comme « West Side Story », où Willy est allé trouver son look durant les années 70 et sa fascination pour le côté borderline des gangs). Et fan de la France à travers quelques chanteurs ou musiciens qu’il vénère. Passe encore pour Piaf, mais l’adoration de Willy DeVille pour Michel Legrand ou Charles Dumont, beaucoup ont eu et ont encore du mal à saisir …
Willy & Toots : félins pour l'autre ?
Pour ce « Chat Bleu », Willy réussit à travailler avec une de ses idoles, Doc Pomus, qui a été chanté par Elvis (Viva Las Vegas »), ou Ray Charles (« Lonely Avenue »), et un des auteurs attitrés des Drifters (« Save the last dance for me », « Sweets for my sweet », …) de Ben E. King, dont l’énorme succès de sa carrière solo (« Stand by me ») sera souvent , dans des versions tout en crucifixions et génuflexions, le point d’orgue des concerts de Willy-Mink DeVille …
Pomus et DeVille cosignent ici « Just to walk that little girl home », fabuleux doo-wop dans les règles de l’art, l’excellente ballade soul « That world outside », et l’espagnolade, avec ses arrangements de castagnettes, « You just keep holding on » … Pour le reste, hormis une reprise du « Bad boy » de Lil Armstrong (la femme du trompettiste Louis Armstrong), c’est Willy DeVille qui signe tous les titres. Dont quelques-uns de renversants, les fantastiques rythm’n’blues « This must be the night », « Savoir faire » et « Lipstick traces » notamment.
Willy DeVille est aussi attiré par des choses plus « exotiques ». La Nouvelle-Orléans (qui plus tard le verra « renaître ») et la Louisiane, ce qui donne la mazurka traitée cajun-zydeco « Turn you every way … », titre entraînant et réussi. Mais aussi les sonorités hispano-caraïbes (cf les gangs portoricains de « West Side Story »), ce qui donne un morceau raté (« Slow drain »), crispé et coincé du popotin, à des lieues des choses torrides et swinguantes de Kid Creole & The Coconuts, qui débutent dans le même genre à la même époque. Niveau titre quelconque, il faut aussi rajouter l’anecdotique conclusion « Heaven stood stills », gâchée par un piano grandiloquent …
Mais la balance est malgré tout très largement favorable, car en plus de grandes chansons, Willy DeVille peut s’appuyer sur un grand backing band. Mink DeVille est un super groupe, soudé et cohérent, emmené par le guitariste killer Louie Erlanger, s’appuyant sur quelques vieux de la vieille, Jerry Scheff (basssite chez Presley et sur le « L.A. Woman » des Doors), Steve Douglas, remarquable sax (chez Spector, les Beach Boys, Aretha Franklin, …) et ici également producteur, ou encore le multi-instrumentiste Kenny Margolis. Certains, la presse musicale française notamment ne tariront pas d’éloges sur Mink DeVille, et les comparaisons en cette fin des 70’s – début des 80’s avec le E-Street Band iront bon train. Bon, soyons clair, autant Mink DeVille peut rivaliser très favorablement sur disque (avec Willy, pas de morceaux à l’arrache, tout est dans le feeling et l’émotion, Erlanger c’est quand même mieux que Miami « Bandana » Van Zandt, et ne parlons pas de Douglas comparé à Clarence Clemons et sa corne de brume), autant sur scène, Willy DeVille, ça coince… Capable de prestations phénoménales, mais aussi et plus souvent que de raison de concerts pathétiques qui le voient s’écrouler au sens propre sur scène, Willy DeVille payera très tôt un lourd tribut à des addictions diverses et variées, qui relègueront sa carrière à quelques succès d’estime …
L’occasion de souligner l’importance ( ? ) à ses côtés de sa gorgone de femme, sa Yoko Ono à lui, la très insupportable Toots. Comme la femme à Lennon, avec qui elle partage bien des ressemblances et pas seulement physiques, elle ne quitte jamais son Willy d’époux, l’« assistant » dans ses interviews, et à l’époque de la parution du « Chat Bleu » (c’est son épaule tatouée à elle sur la pochette), en plein trip mystico-vaudou, se trimbalant toujours avec force amulettes, et petits réticules emplis de préparations, potions et philtres divers. Et malheureusement pour Willy, au milieu d’inoffensives poudres de perlimpinpin soi-disant magiques, d’autres bien blanches, dont son mari abusera, ruinant sa santé, sa carrière et les espoirs que certains, dont Ahmet Ertegun (qui allait le signer pour le disque suivant, le fabuleux « Coup de Grâce »), mettaient en lui …


Des mêmes sur ce blog :












5 commentaires:

  1. J'étais passé à côté de Willy à l'époque. Me le suis pris en pleine poire en 92 lors d'une rupture douloureuse avec sa reprise de Hey Joe.
    Accessoirement, il est l'auteur du meilleur titre choisi par Tarantino ( puisque t'en parles par ailleurs) avec "It's So Easy" dans Boulevard de la mort.
    http://www.youtube.com/watch?v=Vq-nzn_37XE&feature=related
    C'était la classe ce mec, flingué par une saloperie de maladie et crois moi j'en connais un rayon...C'est de l'histoire ancienne maintenant...
    Passe un bon réveillon Lester, ainsi que DEL et François et tous les autres qui liront!

    RépondreSupprimer
  2. Moi aussi, Willy, c'est avec Hey Joe que je l'ai découvert.
    Bon réveillon à tous aussi !

    RépondreSupprimer
  3. Bon réveillon également Peter, Lester et DEL !

    RépondreSupprimer
  4. Moi j'ai commencé avec celui d'après (coup de grâce, excellent)et les suivants (mauvaises pioches), avant de "remonter" sa carrière ...
    "hey joe" c'est sur "backstreets of desire", un morceau à part par rapport au reste du disque ...

    Bon réveillon aussi, my friends ... mais vous vous y prenez tôt, dites donc ... je vais encore en poster un demain matin, mais relâche le 1er ...

    RépondreSupprimer
  5. Ben moi, j'ai commencé dans l'ordre, because mon frangin avait les Mick DeVille, et ensuite un grand trou noir, avant le fameux "Hey Joe" qui m'a fait dire : ah oui, c'est le même type ?

    Il aimait Piaf. Et comme Dumont écrivait et arrangeait pour Piaf, Willy aimait Dumont. CQFD.

    RépondreSupprimer