PRINCE - SIGN THE TIMES (1987)



Royal

« Produced, arranged, composed and performed by Prince ». Ils sont combien, ceux qui peuvent mettre ce genre de précision au dos d’un disque ? Une petite poignée, McCartney, Rundgren, Wonder, chez les célèbres (quoique Rundgren célèbre, hum …) … peut-être aussi quelques geeks technoïdes scotchés à leur Mac et à Cubase…
Prince lui l’a fait en 1987 avec ce « Sign the times », il l’avait déjà fait à ses débuts avec ses premiers disques de disco-funk pour homos. Et plus ou moins tout le reste de sa carrière, tant le mutique nabot n’apprécie guère de discuter son de caisse claire avec qui que ce soit, dans les studios où il a passé la majeure partie de sa vie … Pourtant, en ce mitan des années 80, Prince pouvait compter sur le meilleur backing band qu’il ait jamais eu, The Revolution (et qu’on ne vienne pas me parler des jazzeux genre Maceo Parker qui l’accompagnent sur ses ineptes disques depuis plus de vingt ans, disques qui swinguent à peu près autant qu’une compile de Danny Brillant). Une poussée de mégalomanie de trop, et exit donc The Revolution …
Ce qui artistiquement ne gêne pas Prince outre mesure, à cette époque-là d’une créativité compulsive et maladive, et qui a dans les étagères de Paisley Park de quoi remplir une multitude de Cds. Mais il va commencer à se heurter pour la première et pas la dernière fois aux gros cigares de la Warner. Qui apprécient très modérément ses tournées et leur décorum scénique pharaoniques, ses nanars filmés qui sont des bides retentissants, le tout engloutissant de gros paquets de billets verts, et regrettent la liberté qu’ils lui ont accordé en le signant à la fin des 70’s. D’un autre côté, et les sommes colossales personnelles englouties par Prince dans la construction de ses studios de Paisley Park, et son entourage de managers aux patronymes qui fleurent bon la Calabre et les embrouilles qui vont avec (Cavallo, Ruffalo et Fargnoli), le mettent dans une situation financière délicate. Prince doit sortir du vinyle pour se remettre à flot. La Warner refuse plusieurs projets (« Crystal ball », « Dream factory », « Camille ») qui feront la joie des bootleggers, et finit par donner son aval à ce « Sign the times ».
Qui tient plus de la collection de maquettes que du produit high-tech. Ces titres faits à la va-vite, avec juste la participation très épisodique de quelques fidèles (le sax Eric Leeds, sa petite amie du moment Susannah Melvoin, jumelle de son ancienne guitariste Wendy, …) dans une période de boulimie créatrice rarement (jamais ?) égalée dans les annales de la musique populaire, montrent ce qu’il faut bien appeler la quintessence du génie créatif de Prince. Qui à l’instar de quelques rares autres (Dylan, Elvis Costello, Peter Buck, …) a une connaissance encyclopédique d’une multitude de genres et sous-genres musicaux.
« Sign the times » se retrouve être une somme, un glossaire de tout ce que la musique noire qui swingue (donc pas de fucking jazz ni de old blues) a produit depuis plus de vingt ans. Vous voulez des ritournelles girl-group comme le Brill Building en écrivait pour Martha & the Vandellas ou les Supremes ? Essayez alors « Play in the sunshine », et son final en tournerie funk à la Parliament – Funkadelic. Le rap commence à marcher ? Prince jette une pierre dans la mare des Eric B. & Rakim, Run DMC et autres LL Cool J, ça s’appelle « Housequake » et c’est tellement en avance sur son temps que ça sonne comme du r’n’b des années 2000. De la soul lente, moite et sexy ? « Slow love », très Curtis Mayfield fera l’affaire. Du funk-rock à machines parce que Prince admire Herbie Hancock ? « Hot thing », « It », « You got the look », …, les réussites ne manquent pas.
Prince a eu sa période pop sophistiquée avec « Around the world in a day », seront certainement sorties des tiroirs de cette époque-là des merveilles comme « Strange relationship » ou l’ahurissante de perfection « I could never take the place of your man » et ses folles parties de guitare, montrant que Prince peut se permettre, entre autres, de jouer les guitar-heroes … Les Anglais faisaient de la pop avec des machines ? Prince aussi, c’est « Forever in my life », et c’est autrement plus sexy que OMD ou Human League.
Quelques titres s’en vont explorer un univers froid, robotique et dansant, le single inaugural « Sign the times », un autre (« The ballad of Dorothy Parker ») fait référence au monde littéraire (Prince aurait donc encore le temps de lire, il ne passerait pas sa vie à écouter de la musique ou à en faire ??), un exercice de style (« Starfish and coffee » sur le sujet : mélangez rag et gospel, vous avez trois minutes …)
Difficile aussi de parler de Prince sans évoquer ce que l’on appellera pudiquement ses « problèmes de braguette » (aujourd’hui plus connus sous le nom de « syndrome DSK »). Si des titres comme « It », « Slow love », … ne laissent guère d’ambiguïté sur ce dont il est question, Prince va encore plus loin dans le fantasme avec « If I was your girlfriend », ode amoureuse narcissique puisque créditée au chant à une certaine Camille, en fait un double féminin de Prince (la voix de Camille, c’est celle de Prince légèrement accélérée et forcée dans les aigus). Il est certain que quand Prince ira consulter un analyste, la fortune de celui-ci est faite, tant les séances s’annoncent nombreuses …
Tout ça pour les trois premières faces du double vinyle original. Prince a gardé le meilleur pour la fin, trois titres d’anthologie, un « Adore », encore une reconnaissance de dette à Curtis Mayfield, l’ahurissant « The cross », vaste gloubi-goulba mystique, mais un titre qui rend fou avec son crescendo mathématique et qui s’achève dans un maelström de guitares métalliques. Et puis, et surtout, « It’s gonna be a beautiful night », le premier titre officiel live jamais publié par Prince. Car Prince est aussi un performer, un des meilleurs sur scène, et cette captation d’un titre joué en 86 au Zénith de Paris au cours de la tournée « Under the cherry moon » (sa meilleure selon les spécialistes ès sciences Roger Nelsoniennes) le démontre, avec un big band réglé au millimètre qui distille une tuerie funky et intermède rap de la très hot Sheila E. De quoi rendre fous les « 6.000 wonderful Parisians » remerciés dans les notes de pochette …
« Sign the times » est pour moi le meilleur disque de Prince et est dans mon Top Ten depuis maintenant presque vingt cinq ans. That’s all …
























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